
compte ordinairement sur un cinquième d’oeufs stériles. Assez souvent le nombre
n’en est que d’un sixième; et il est rare qu’il excède un tiers, à moins qu’il n’y
ait de la faute de l’ouvrier : aussi l’oblige-t-on ordinairement à rendre un nombre
de poulets égal au moins aux deux tiers des oeufs qu’il a reçus.
11 nest pas rare qu’il vienne à éclore quelques poulets dès le vingtième jour,
cest-à-dire, un jour plutôt que par l’incubation naturelle. Dans l’espace de vingt-
quatre heures, on voit paraître jusqu’à soixante .mille poulets dans un seul établissement.
On leur jette pour nourriture un peu de farine mêlée de pain émietté.
La plupart des relations rapportent qu’à cause de l’immense quantité de poulets
qu’on obtient alors dans les établissemens, on prend le parti de les vendre au
boisseau ou roba , qui est le quart d une certaine mesure de capacité. Cette
pratique singulière m’a été confirmée par plusieurs personnes qui m’ont assuré
Javoir vue de leurs propres yeux. Il se trouve toujours, dans chaque mesure,
quelques poulets étouffés; mais cette méthode convient à l’indolence des Égyptiens
en cela quelle dispense d’établir des prix différens pour les poulets qu’ils
ont nourris pendant quelques jours, la même mesure en contenant alors un
moindre nombre. La seule chose que je puisse à cet égard donner comme
certaine, cest que cette méthode n’est point d’un usage général : dans les établissemens
que j’ai visités, on compte les poulets, on ne les mesure point. Le
cent de poulets nouvellement éclos se vend, prix moyen, quatre-vingts médins
[un peu moins de trois francs de notre monnoiel.
On estime le nombre des ma’mal de toute l’Égypte à deux cents. Le P. Sicard
le porte à trois cent quatre-vingt-six, d’après les renseignemens de l’agha ou du
cheykh de Behermes ; mais ce nombre est beaucoup exagéré. Réaumur a évalué
la quantité annuelle de poulets qui naissent dans les fours de l’Égypte, à plus de
quatre-vingt-douze millions. Il y a plusieurs erreurs dans cette estimation. On ne
doit compter, pour terme moyen, que dix fours par chaque ma'mal; le nombre
des couvées d un four ne sauroit être de plus de quatre par an : ce qui donne
annuellement quarante fois trois mille oeufs pour chaque ma'mal, ou cent vingt
mille; et, en supposant les deux cents ma’mal en activité, le nombre total ne
peut être que de vingt-quatre millions.
R o z i e r e .
Nota. Le s observations générales qui précèdent sont sur-tout destinées .à faire concevoir l’esprit
de la méthode des É gyp tiens : dans celles qui vont su iv re , on trouvera des détails circonstanciés, tirés
d ’observations ñires dans les fours du K a ire , et propres à éclaircir certaines difficultés de pratiqué. O n
a laissé subsister plusieurs répétitions, soit parce que les mêmes objets y sont envisagés sous un rapport
d ifféren t, soit parce qu’elles sont nécessaires à l’intelligence des autres détails.
” un medm Pour ™ S ‘ ou ,reme oe“fs> suivant les années, observation que je dois à M. Jom ard, j’observerai que ce
» C eprofit,quoiqu’inférieur à celui qui provient de l’aban- mode de paiement ne peut convenir qu’aux plus grands
.» don d’un tiers des oeufs, est encore fort considérable. Ces établissemens ; car, dans un ma’mal de huit à dix fours
» sortes de manufactures sont certainement les plus lucra- il donnerait un produit bien inférieur aux dépenses cou-’
» tives de toutes celles de l’Egypte. » E n rapportant cette rantes.
D E S C R I P T I O N P A R T I C U L I È R E de plusieurs Fours à poulets observés au Kaire,
et des procédés que l ’on y met en usage.
Les Égyptiens nomment ma mal el~katakt ou el-farroug [fabrique à pouletsl
le local qui contient les fours et les pièces particulières où l’on fait éclore les
oeufs. Le bâtiment principal (i) est un carré plus ou moins long, dont l’intérieur
est coupé dans toute sa longueur par un corridor qui sépare deux rangées de
petites pièces, dont le nombre varie depuis deux jusqua douze de chaque côté.
Chaque piece est a double etage. La pièce inférieure, qu’on peut nommer couvoir,
parce qu’elle contient les oeufs pendant le temps de l’incubation, a environ huit
pieds de long sur six de large ; elle n’a qu’une petite porte, qui donne sur le corridor.
La piece supérieure, que je nommerai four, parce que sa voûte ressemble
à celle d’un four, et que c’est dans cette pièce que l’on place le feu, est à-peu-
près de la meme grandeur que celle qui est au-dessous ; elle a aussi une porte
sur le corridor : on y remarque de plus une ouverture à sa voûte, qu’on ferme
et qu’on ouvre à volonté; deux fenêtres latérales, toujours ouvertes, qui communiquent
avec les fours voisins ; enfin, au centre de son plancher, une assez grande
ouverture circulaire, autour de laquelle on a pratiqué une large rigole pour y
placer de la braise allumée, dont la chaleur se répand par l’ouverture ci-dessus
dans la pièce inférieure.
Avant d arriver dans .l’intérieur de ce bâtiment, on trouve trois ou quatre pièces
particulières, dont la première sert de logement à ceux qui sont chargés du service
des fours; dans la seconde, on convertit en braise ardente des mottes et autres
combustibles qui doivent servir a echaufîër les fours ; la troisième est destinée à
recevoir les poussins, quelques heures après qu’ils sont éclos.
Les fours à poulets de 1 Égÿpte ne sont en activité que pendant deux ou trois
mois de 1 année. Dans le Say’d, c’est ordinairement vers la fin du mois de janvier
qu on les ouvre ; au Kaire et dans le Delta, on ne commence que dans les premiers
jours du mois de mars.
A cette époque, le propriétaire de chaque établissement engage à son service
deux ou trois de ces hommes qui savent conduire les couvées. Tandis que les uns
s occupent de la réparation du bâtiment où ils doivent opérer, les autres reçoivent
les oeufs quon apporte des villages voisins; ils inscrivent la quantité des oeufs
reçus, ainsi que le nom de ceux qui les confient, contractant par-là l’obligation
de rendre un certain nombre de poussins (2).
Lorsquon a amassé une quantité convenable d’oeufs pour commencer une première
couvée, on procède de la manière suivante. On n’emploie jamais la totalité
des couvoirs pour la même couvée, mais seulement la moitié de ceux que contient
le bâtiment : s’il y en a six de chaque côté, on ne met d’abord des oeufs que
( 0 Ces bâtimens sont presque toujours placés dans (a) C’est ordinairement les deux tiers du nombre des
1 -C j Ct !C m),lvtnt généralement adossés contre oeufs qui ont été confiés; le reste appartient aux propriétés
mont,cules de sables ou de décombres; ce qui a fait dire a plusieurs voyageurs qu’ils sont enterrés. taites des fours.