sa depense par Je BospJiore. Cependant d’autres physiciens ont pensé qu’il n etoit
pas nécessaire de supposer ces canaux souterrains, quoiqu’il puisse en exister,
attendu que des calculs et des observations ont établi que l’évaporation seule est
capable d’absorber des afflues très-considérables, et que des expériences faites sur
des lacs éloignés du bassin des grandes mers ont confirmé cette assertion.
La même difficulté s’est présentée par rapport à la Méditerranée, qui reçoit des
eaux sur tous les points de sa circonférence (i); car, loin d’en rendre à l’Océan,
elle paroît en recevoir, au contraire, par le détroit de Gibraltar, dont lescourans,’
qui portent presque toujours à l’est, semblent établir une pente générale de cette
mer, du détroit vers la Syrie, quoiqu’il existe un courant contraire qui longe les
côtes d’Espagne, et que des navigateurs croient plus considérable que le premier
qui règne vers le centre du détroit : mais cet effet pourroit résulter d’une plus grande
élévation des eaux sur les côtes d’Europe, due aux fleuves et aux autres versans
qui y sont plus considérables et plus nombreux que ceux de la côte d’Afrique ;
ce qui donne lieu à quantité de courans et de contre-courans dus aux vents, aux
crues périodiques des fleuves, et à d’autres causes variables, que les navigateurs
n’ont pas expliquées. Nous pensons que, sans cette affluence constante des eaux
de la mer Noire et de 1 Océan dans la Méditerranée, dont l’étendue peut être
évaluée à 160 degres carrés, les évaporations, qui absorbent une partie de
celle-ci, en feroient baisser le niveau, et qu’il en résulteroit à la longue une
diminution sensible de fond, si, d’un autre côté, les apports continuels d’alluvions
par les fleuves et les torrens, et ceux qui, par l’effet des vagues et des pluies,
tombent des côtes et des falaises dans son bassin, ne balançoient en quelque sorte
cet abaissement, en élevant le niveau du fluide en raison du volume immense de
ces ailuvions. Les évaporations doivent être d’autant plus considérables sur cette
mer, que, sous cette latitude, le climat les opère avec plus d’activité, et que les
nuages qui en résultent, sont portés vers la zone torride et sur les déserts brûlans
de 1 Afrique, où ils vont alimenter les sources des grands fleuves qui débouchent
dans l’Océan : il paroît qu’au contraire ceux qui débouchent dans la mer Noire
sont plus que suffisans pour y rétablir l’effet des évaporations, puisque, saJ
changer de niveau, cette mer verse encore dans la Méditerranée.
Des physiciens (MM. Halley et Bergman) qui n’ont pas cru devoir attribuer
aux évaporations la perte des eaux qui tombent dans la Méditerranée, dont le
niveau ne varie pas sensiblement par l’effet des marées, se sont crus fondés à
admettre des sous-courans marins, qui portent dans l’Océan les eaux supérieures
de cette mer secondaire : des sous-courans de cette nature ont été, en effet, observes
par des navigateurs; et leur existence a même été constatée dans la Baltique,
par une fregate qui en éprouva l’action contre le,vent même.
Si, comme il nest que trop possible encore, on jetoit la mer Rouge dans la
Méditerranée, en donnant aux eaux du golfe toute la vitesse due à leur élévation
i l ) Parmi les rivière, les plus considérables qui du Pont-Euxin par les Dardanelles, sont le Danube le
débouchent dans la Méditerranée, on rappelle le N i l, le Niester, le Boryslhène, le D o n , &c
lib r e , le P o , le Rhône, l’Ebre; et celles qui y affluent
au-dessus de cette mer, élévation que nous avons trouvée être de 30 pieds
6 pouces, il en résulteroit infailliblement la submersion de toutes les terres basses
ou plages de l’Égypte et de la Syrie.
Mais de ces considérations générales qui tiennent à la haute physique, passons
à l’examen des lieux dont la topographie se rattache à l’histoire du canal et à la
communication des deux mers.
Les géographes ont tellement varié sur la grandeur de l’Isthme de Soueys, qu’il
est extrêmement difficile de les concilier ; sa moindre longueur doit se mesurer
sur la direction , presque méridienne, de Soueys à Faramâ, près de l’ancienne
Péluse.
Les observations qu’a faites, pendantnotre séjour commun àSoueys, M. Nouet,
astronome, que nous avons déjà cité, et la précision des instrumens dont il s’est
servi, paroissent devoir être pour nous un motif de préférer ses résultats à ceux
qu’ont obtenus les voyageurs modernes qui l’ont précédé, et qui n’ont souvent pu
opérer qu’avec'mystère et précipitation.
Soueys, d’après les observations et les calculs de cet astronome, répond à la
latitude boréale de 290 y 8' 37".
La bouche de Tyneh a été fixée par rapport à celle d’Omm-fareg, dont la
position a été également déterminée ; et elle s’est trouvée vérifiée par notre topographie,
qui a présenté, entre ces deux points extrêmes de l’Isthme, une précision
que nous ne pouvions pas même espérer.
D’après ces résultats, nous trouvons que la distance entre Soueys et le rivage au
nord de Faramâ, est de 120,000 mètres, égaux à 61,569 toises, ou 27 lieues
de 25 au degré, évalué, à cette latitude, à 56,757 toises : cette distance embrasse
1° 5 0" et comporte o° l ' ^ sur le 29." degré, le 30.° complet, et 0° 3' 37" sur le
3 1 .'; elle assigne pour latitude à la bouche de Tyneh,- 31° 3' 37".
Cependant, comme les eaux du golfe remontent encore, par l’effet des marées,
à environ 2500 toises dans leurs laisses moyennes, au nord de Soueys, il enrésulte
que le minimum de distance qui constitue véritablement l’Isthme, se réduit à
59.000 toises, ou 26 lieues.
Abou-l-fedâ donne à cet espace qui sépare l’es deux mers, 70 milles (1) : or, le
mille Arabique étant évalué (par d’Anville) à 1000 toises de compte rond, et de
57.000 au degré, il en résulte un excédant de onze milles, qu’on ne peut admettre,
quand on supposeroit même que ces 70 milles répondent au développement du
canal projeté par A ’mrou, qip vouloit le faire passer par l’endroit qu’on nomme
maintenant la Qiceue du Crocodile. Mais Abou-l-fedâ ne donne au mille Arabique
que 713 toises, puisque, dit-il, 500 stades sont égaux à 66 f milles Arabiques :
or les 70 milles Arabiques vaudraient 49>9 10 t0*ses» et il en résulte encore une
différence de 9090 toises en moins sur la distance réelle que nous ont donnée
nos diverses opérations.
Hérodote, q u i donnoit 1000 stades à l’Isthme, inclinoit, à la vérité, sa directrice
a I est et vers le mont Casius, qui est encore plus au nord que le rivage, à la bouche
(■) Abou-I-fedâ et A ’bd-el-Rachyd. Roycj Appendice, $■ I V , n f X I I ,