du champ de bataiiie,et s'établissent sur les terres dtsfiHâh, ou par force ouverte,
quand les vaincus sont encore plus forts qu’il ne faut pour l’emporter sur ceux-ci*
ou par insinuation et en promettant de vaincre leurs adversaires et de dédommager
les fellâh par les terres dont ils s’empareront. D'année en année on voit l'Egypte
se remplir de ces petits villages, qui ne sont que des amas de cabanes, sans aucun
palmier, et qui se distinguent par le nom du cheykh Arabe qui les a fondés. 11
est remarquable quon les appelle Nafec, Neiel, mot qui signifie descente; ce sont
des espèces de colonies qui doivent leur origine, comme tant d’autres, à l’invasion
et à la violence. Nezel-Abougânoub dans la province d’Achmouneyn ou de
Minyeh, Nezel el-Matâhrah dans celle d’Atfÿhych, Nezel el-Beny - Hasan (ï) , et
trente autres endroits, sont dans ce cas-là. C’est ainsi que les querelles des villages
Arabes se prolongent à travers les générations, parce qu’il y a toujours à gagner
et pour le parti vainqueur et pour le parti vaincu.
II. y a peu d’îles de quelque importance qui ne leur appartiennent aujourd'hui.
Si I on remontoir à l’origine de cette possession, il est sûr qu’on la trouveroit
fondée sur 1 usurpation et 1 injustice; c’est-à-dire que, sous prétexte que le fleuve
avoit rongé leurs terres, ils auront obtenu d’abord les rives des îles opposées,
s appuyant sur ce proverbe Égyptien, que le Nil rend d’un cité ce qu’il prend de
lautre; quensuite ils auront pénétré successivement dans l’intérieur, et auront fini
par en chasser les anciens habitans. J’en connois plusieurs exemples; mais un des
plus remarquables est sans doute la grande îleZa’farâneh, qui appartenoit au village
de Menchyet-Da’bs (2), et que les habitans de Cheykh-Tmay et de Beny-Hasan,
villages Arabes situés en face, ont enlevée récemment tmx fellâh, sans nulle forme
de procès. Comme il auroit été trop long de discerner les anciennes limites effacées
par le débordement, et de régler les droits respectifs, les Arabes ont pris le parti
le plus court, celui de la violence; ils ont coupé les dattiers plantés dans l’île,
brisé les maisons du village, tué le cheykh de Menchyet, et blessé son fils ainsi
que beaucoup dt fellâh. Aujourd’hui, ils sont paisibles possesseurs de cette île,
l’une des plus belles du fleuve.
Les villages Arabes jouissent aussi de presque tout le sol immédiatement adjacent
a la rive gauche, acquis sans doute au même titre que les îles; ces possessions
s étendent jusqu’à un quart de lieue dans les terres : c’est là, sur ces terrains
bas et sablonneux, submergés et abandonnés successivement par les eaux, qu’ils
cultivent du tabac, des pastèques et de l’indigo, et qu’ils plantent même du sucre,
afin de mieux établir leurs droits. On voit ainsi progressivement leurs propriétés
s accroître en Egypte; et je ne doute pas qu’ils, ne s’emparent insensiblement de
la plus grande partie du territoire, si le Gouvernement (3) ne met un terme aux
!!,): A '" !Ui',e T ,erc" “ survenues à Beny-Hasan, et (3) J ’entends ici par Gomernnnmi,qui les maîtres de .1 ont fan abandonner d y a quarante ans, les habitans l’Egypte, gouvernant suivant les institutions du pays
conduite d Abou-ÜO m CaKr ; c"eVs d[e °rn“t ejrfecsp sceusdoanntc eelsle, s-smouêsm elas ecot mcommem eén eonn at gaisgsio ileens t Flreas nMçaaism lpoeunkdsa netu xl-'emxêpmédeisti oLne
dissout«, et les habitans se sont portes sur la rive gauche, lecteur qui voudroit avoir une connoissance particulière
7 t-J “tue “a Iqua 1tre 1lieu eHs envir on au sud de M inyeh. *c■on sgaocurvése rnà ecmeettnet mdea tli’èÉreg.ypte, consultera les mémoires
invasions et n’établit pas de lois fixes pour les limités des terres. On voit en
effet que ce système d’usurpation des Arabes cultivateurs les mène à devenir
maîtres du cours du Nil, c’est-à-dire, de la portion de l’Égypte la plus importante
pour le commerce et pour la défense du pays; et ils le sont déjà à quelques égards,
car c’est dans leurs villages qu’il y a le plus de bateliers, de.djermes et de barques
de toute espèce. Cependant on ne voit que dans peu de ces villages, des barques en
construction; il faudrait en conclure que toutes les autres proviennent de rapine.
Tantôt les habitans de la rive droite s’emparent d’un terrain de l’autre rive, et
le cultivent sans y avoir de villages ; tantôt ils y bâtissent sans y avoir de terres à
eux, et, dans ce cas, ils cultivent les terres des villages voisins : mais c’est toujours
à l’aide de la violence qu’ils se procurent ces habitations. Cela arrive lorsqu’une
ou plusieurs fiimilles sont dépossédées ; alors elles passent le fleuve inopinément,
construisent à la hâte des cabanes qui se changent peu à peu en villages, et obtiennent
par force de leurs voisins quelques terres à loyer, sauf à dicter les conditions:
ailleurs on paye le droit d’asile ; mais les Arabes rançonnent ceux qui
les accueillent.
PÉ rencontré parmi les cheykhs des villages Arabes, quelques hommes qui
ne partagent pas ce penchant général au vol et à la violence : par exemple, à
Ouâdy-el-Teyr, à Zâouyet-el-Mayetyn p r è s Minyeh, à Nazlet-Noueyr et ailleurs.
Quelques-uns de ces villages ont rendu des services à larmee Française, ayant
beaucoup plus de moyens que les fellâh, soit en chevaux, soit en chameaux ou
en fourrages ; mais aussi quelle obstination n’ont pas montrée les autres pour
refuser l’impôt, et combien de nos soldats ils ont assassinés !SW
Comme on ne sait pas bien de quelle façon les terres d’Égypte ont changé de
maîtres à l’époque de la conquête des Arabes, il est permis de conjecturer qua-
près l’occupation entière du pays, le gros de l’armée étant retourné en Asie et
une partie étant licenciée, beaucoup d’entre eux se sont répandus dans 1 Egypte
et ont vécu de pillage; que, trop foibles pour dominer dans la grande vallée, ils
se sont établis facilement sur la rive droite, on le rocher borde si souvent le fleuve;
que de là ils se sont avancés par degrés, du sable jusque dans les terres cultivées;
qu’ensuite ils sont devenus cùltivateurs et insensiblement propriétaires des villages
de cette rive, après en avoir chassé les, habitans par la crainte du nombre et
des armes.
J’ai dit que ce sont ces cultivateurs qui sont le mieux armés : en effet, leurs
villages fourniroient une grande abondance de fusils, de mousquets, de tromblons,
de pistolets, de sabres, &c. ; mais ils ont l’adresse de ne pas les montrer. Il y a
une arme qu’ils quittent rarement et qui manqué aux fellâh, c’est la pique. Les
simples ouvriers et les plus pauvres qui travaillent a 1 arrosement des terres, lont
toujours à côté d’eux. Quand ils sont reunis en grand nombre pour ce travail,
comme cela arrive souvent l’hiver, on voit, a la tete des canaux, des forets de
piques fichées en terre. On ne dira pas que c’est pour défendre leurs biens*
puisqu’ils n’en ont pas; ni leurs vêtemens, puisqu’ils vont à-peu-près nus : mais
l’habitude d’être armés caractérise les Arabes.