Ces contradictions ont donné lieu à M. Gosseliin de faire des recherches dont ii
a conclu quil a du exister deux villes de Qolzoum, et que la plus ancienne étoit
au pied de la montagne de ce nom (i). Quoique les traditions ne soient pas une
autorité suffisante, elles ont cependant de l’intérêt; et cet intérêt s’accroît quand
on y retrouve des probabilités et des faits. Un négociant de Soueys donna les
renseignemens que nous rapportons ici en substance (2) :
«Dans les premiers temps de J’ère Chrétienne, l’emplacement de Soueys netoit
» occupé que par quelques Arabes qui vivoient de la pêche et de la contrebande.
» La ville de Qolzoum se trouvoit placée sur le monticule situé au nord de la
» ville, près du bord de la mer. L à , existoit un château-fort, dont on voit encore,
» enfouie sous les décombres, une porte voûtée, appelée porte Consul: le port
» se trouvoit au nord et au pied de la ville bâtie en amphithéâtre sur cette
» eminence, dans une etendue circulaire, que l’on reconnoît encore quoique les
» sables l’aient comblée.
» L e canal qui communiquoit au Nil, venoit s’y décharger; l’eau douce se
» trouvoit contenue par deux fortes digues qui la séparoient du port et de la mer.
» L’eau du N il, dans ce bassin formé au milieu de la mer, se trouvoit au-
» dessus de son niveau dans les plus grandes marées ; les bâtimens qui venoient
» du large, s’approchoient de la digue du port, et faisoient leur eau de l’autre
» côté. On voit encore les restes de ces digues courant du N. N. E. au S. S. O.,
» sur _j ou 600 toises; une très-petite partie s’élève au-dessus des sables qui
» les recouvrent. Ces digues laissoient une entrée dans le port, qui s’appeloit
» Porte de la mer, et qu’on trouvoit en face de celle appelée Cherker (petit pays
» dans les montagnes, à cinq lieues de Soueys) : cette porte doit se retrouver dans
» un monticule de décombres, qui forme une île à marée haute. La porte occiden-
» taie delà ville, qui s’appeloit Bâb-el-Masr, existoit où l’on voit encore une petite
» mosquée sur le chemin de Byr-Soueys : alors les eaux du Nil fécoridoient cette
» contrée; quelques arbres arrêtoient l’oeil, qui se perd aujourd’hui à l’horizon
» des deserts; des jardins entouroient la ville, et le commerce la fkisoit fleurir.
» En race de la ville de Qolzoum, sur la côte d’Asie, on voit une éminence
» ou existoit la ville des Hebreux; elle rivalisoit avec celle des Égyptiens pour
» le riche commerce des Indes. La concurrence étoit grande entre les deux
» villes : la première avoit I abondance des eaux et des productions de la terre ;
» mais 1 autre offrait un arsenal, des cales de radoub, et plus d’établissemens
» utiles et commodes pour la navigation. A l’extrémité sud de la ville de
» Qolzoum , partoit de la mer un canal qui venoit tourner la montagne jusqua
» la porte de Masr. Les navires y entraient à marée haute, et venoient décharger
» les marchandises devant leurs magasins. Mais le temps et les guerres ont tout
» détruit; il nen reste que des vestiges à peine reconnoissables.
(1) Voyei Recherches sur la géographie des anciens,
tome I I , pages ¡8 1 - 18 6 , et les Notices de M. Langlès,
rapportées dans les Traductions des textes, Appendice,
f . I V , n.° X I .
(2) Ces renseignemens avoient été recueillis et adresses
au général en che f par le commissaire des guerres
M. Roland , qui nous les remit à Soueys même.
D E S D E U X M E R S . 8 9
» Dans le temps que le Mahométisme menaçoit d’envahir le monde, leskhalyfes,
» ayant conquis l’Égypte, protégèrent les Arabes pères et enfans de Mahomet.
» Ceux qui habitoient la plage de la côte actuelle, furent encouragés : mais les
» Chrétiens de la ville de la montagne, maltraités et humiliés, éprouvèrent mille
» vexations ; leur ville fut abandonnée. Soueys s’agrandit et présenta quelque
» éclat; mais le commerce, sous le despotisme des soudans Mamelouks, perdit
» toute son activité. La découverte du Cap de Bonne-Espérance (en 14-97 ) Porta
» le dernier coup à l’industrie: ce pays redevint ce qu’il avoit été, un désert; et
» les richesses de l’Inde doublèrent le Cap de Bonne-Espérance.
» CependantSelim I.cr, empereur des Turks, qui venoit (en 15 17) de conquérir
» l’Égypte, voulut rendre à Soueys quelques-uns des avantages dont il avoit joui :
» il fit construire ou réparer le château d’Ageroud, et, peu dannées après, celui
» de Byr-Soueys ; ce qui est constaté par une inscription Arabe quon peut lire
» sur les murs au-dehors et à l’ouest de l’enceinte. Les eaux du Byr-Soueys
» furent amenées à Soueys par un aqueduc dont on retrouve encore les traces.
» Enfin il fit d’autres établissemens, et ranima l’espérance de l’industrie.»
Quelle que soit la source de ces renseignemens, qu’on les doive à l’histoire ou
à la tradition seulement, il est au moins certain qu’ils offrent une correspondance
intéressante et vraie avec la topographie des vestiges de l’ancienne ville de Qolzoum,
que nous avons rapportés sur la carte de Soueys.
Nous avons encore tracé, par des lignes ponctuées, les dispositions générales
des nouveaux établissemens, dans ce qui est relatif au port, au bassin pour la
station des bateaux du N il, à la retenue pour les chasses, formée de toute la
partie du fond du golfe au nord de Soueys, et enfin à ce qui concerne la marine et
le commerce. Quant à la défense, elle deviendrait aussi facile que peu dispendieuse,
car la place n’est pas commandée ; la seule hauteur, celle qui constitue les
ruines de Qolzoum, pouvant y être rattachée et servir à l’emplacement d’une
citadelle.
Les abords d’une digue transversale et de barrage du golfe, à Soueys, exigeraient
sur la côte d’Arabie une vaste place d’armes retranchée, destinée aux rassemble-
mens des caravanes, qui, par l’existence du canal, n’auroient plus que ce point
de passage au fond du golfe, et deux autres dans l’Isthme , pour l’entrée ou la
sortie de l’Égypte à l’orient.
Soueys, qu’on peut donc considérer comme répondant au site de Qolzoum, vu
leur extreme rapprochement, n’offre plus que l’aspect de la misère et de l’abandon
(i). Son étendue et sa population ont encore été réduites par le séjour
des troupes qui l’ont successivement occupé ; et la reprise de cette place sur
les.Anglais par les nôtres en floréal an 8 [mai 1800] a été l’occasion de nouvelles
destructions. Cependant les établissemens à l’usage de la marine, divers oqêls
et un grenier public, quoique très - dégradés, attestent encore l’opulence des
, l 1) Suivant E b n -e l-T o u e y r , dit le Maqryzy, Soueys d’Occident abordoient àel-Faramâ, et faisoient transporetoit
une ville riche et bien peuplée. Ebn-Khordadyeh, ter leurs marchandises sur des bêtes de somme jusqu’à
cité par le Maqryzy, dit que les marchands de la mer Qolzoum. Voyei Appendice, j\ I V , n.* x i .