
Ç o 2 D E S C R I P T I O N D E S I N S T R U M E N S D E M U S I Q U E
Cette espèce d’instrument que les monumens anciens nous représentent entre
s mams des Bacchantes dans l’action de danser, semble appropriée plus que toute
autre aux danses voluptueuses, de la nature de celles des danseuses Égyptiennes
en ce quelle laisse au corps la liberté de faire tous les mouVemens passionnés
possibles, et qu elle n empê.che point non plus les bras de s’étendre, de s’arrondir
cl " e 1 exPressi° n l’exige. Il est évident que c’est de ces mêmes crotales et dé
cette meme danse qu’il s’agit dans ce vers d’un poëme qui a pour titre Copa et
que I on attribue à Virgile :
Ces sortes de crotales étoient d’un usage très-fréquent dans l’ancienne Grèce
Dicearque, dans son l i v r e t Rites de la Grèce, dit qu’il y avoit de ces instrument
employes parmi le peuple, et appropriés, au-delà de ce qu’on pourroit croire
aux danses et aux chansons des femmes, lesquels, étant frappés entre les doigts’
rendoient un son agréable (.) : il nous apprend même qu’il y en avoit en airain
oie Nonnus, dans ses Dtorystaqucs (liv. x x v n , y. 229, 230 et 23 ,) , nous explique
tres-bien aussi que ces crotales étoient des instrumens propres aux femmes amoureuses,
qui en avoient dans chaque main qu’elles frappoient en même temps
e avec lesquels elles produisoient deux sons à-ia-fois (z) : ce qu’il ne faut pas
entendre, néanmoins , de deux sons différens ; car les -crotales d’une main sont
toujours a 1 unisson des crotales de l’autre main. Le même auteur donne encore
a ces instrumens 1 épithète de lacK,ue (3), à l’exemple d’Euripide dans sa tragédie
• S i Parce <ïue ces instrumens étoient ceux dont les Bacchantes se ser-
voient dans les danses qu’elles exécutoient en l’honneur de Bacchus; et c’est aussi
pour cette raison que Pindare, dans un de ses dithyrambes dont Strabon nous c2¿co,”"Temc”L“i‘''u,re * “ «HP P18 * 9 8 mme étant du nombre des instrumens en usage dans les Bacchanales Cet
instrument fut-d apporté en Egypte par les Grecs, ou ceux-ci l’empruntèrent-ils
des Egyptiens! c est ce que nous n’entreprendrons pas de décider en ce moment
et ce qu il seroit peut-être difficile de prouver bien positivement; il paroît même’
que origine n en est pas bien connue. Strabon croit que les crotales furent inventes
par les Curetes (6). Clément d’Alexandrie prétend que ce sont les Siciliens
qui les firent connoitre les premiers. Il y avoit, à ce qu’il paroît, à ce sujet
plusieurs tiadmons qui se contredisoient, et il est peut-être un peu trop tard
aujoui d huí de, vouloir chercher à distinguer la vraie tradition d’avec celles qui
n etoient que supposées. Toutefois, il est incontestable que les petits crotales dont
(0 A then. Deipnos. fib. X I V , pag. 636. De illi,
Dtcoearclms , w libro de Gracias ritibus, ait, popularía
supra quà,n credai aliquis instrumenta fuisse quoedam
saltatwmbus et cantileni, feminarum accommodate, qui-
bus percussis digitis suaves ederentur strepitus.
I 1 ) tympan, resonante contort infremelat echo
T cm lilem mugi:,m .- crepitacolo aerò amantium m,durum
M m d n s a lum :, p o ka la to r Uno, sono, h a lm , echo.
[)) Bacchica mihi date crepitacula.
Dionysiac. lib. i , v. (4) Crepitacula vero bacchica darum
Soniium miitentia• resonabant.
Euripid. Helen, v. t j i \ et i l i ' .
(5) Strab. Geogr. lib. x , pag. 469; Lutetiae, l (,20,
m-fol.
(6) Strab. Geogr. lib. x , pag. 468.
nous parlons, étoient connus en Égypte du temps des Romains, et que les femmes
s’y étoient rendues célèbres dans l’art d’en jouer (i).
A r t i c l e I I I .
D u N om , de la Forme, des Dimensions et de l ’ Usage des grands Crotales
ou des Cymbales Egyptiennes.
D e s trois noms de z y l , de senoug et de kâs , qui pouvoient
être appliqués aux grandes comme aux petites cymbales, le dernier a été préféré
dans l’usage ordinaire par les Arabes, pour désigner les grandes cymbales.
Le mat kâs signifie proprement un vase; son acception est la même que
celle du mot tw/zCo s, kymbos, racine du mot , kymbalon, qui est le nom
que les Grecs ont donné à Cette espèce d’instrument que nous nommons en
français cymbale [z).
Les cymbales Égyptiennes ressemblent beaucoup aux cymbales antiques qui
ont été décrites par les poètes Grecs et Latins, ainsi qu’à celles dont se ser-
voient les Israélites, dans le temple de Jérusalem. La forme et la matière en sont
absolument les mêmes (3). Elles sont composées également de deux parties en
airain (4), dont chacune a une grande cavité dans le milieu (y) et présente la forme
d’un vase ou d’un bassin rond (6) à larges bords saillant horizontalement. Le diamètre,
d un bord à l’autre, peut avoir 244 millimètres (7) ; mais celui de la cavité
du milieu n’a pas plus de 13 y millimètres. La profondeur de cette cavité est à
peu près de 68 millimètres, et les rebords saillans n’ont guère moins de y4 millimètres
en largeur. L ’épaisseur du métal, dans chacune de ces deux parties A et B
de l'instrument, a environ 7 ou même 8 millimètres ; car ces cymbales ont beaucoup
plus d’épaisseur que les nôtres.
A u sommet de la partie convexe que forme en dehors la cavité intérieure, est un
bouton qui sert de prise; ou bien il y a un gros anneau 0, au travers duquel passe
une lisière, une courroie ou une corde c, qu’on noue par les deux bouts pour n’en
faire qu’une large boucle dans laquelle on fait entrer le poignet pour soutenir
chacune des deux parties de l’instrument.
( 1) N i le , ttitts tibicen erat crotalistria Phyllis. Curetum son ¡tu s crepitantiaque cura secutoe.
Propert. lib. iv, eleg. IX. Virgil. Georg. lib. iv, y. iy 1. , . r, • j c • i> ■ ■ 1 » . « Concavaque (2j Uvide tait rem onter 1 origine des cymbales au bruit * cura sonant.0y.d Mttam lib IV v
que les Curètes faisoient en frappant sur leurs boucliers, (y) Tympana tenta mantpalmis, etcymbala circùm ’
pour empêcher que les cris 3e Jupiter naissant ne par- Concava.... Lucret.deRerum nature»,\¡b. u,v.6iS.
vinssent aux oreilles de Saturne, qui I’auroit dévoré, (6) Quà numerosa fides. quàque ara rotunda Cylelles,
ainsi que ses autres enfans. Suivant Ovide (Fast, lib. IV , Aihratisque sonant Lydia plectra choris.
v. 2 ii et seqq.), c’est-Ià ce qui fit naître l’idée des cym- Propert. lib. iv, eleg. vu, v. 6i et 6z.
baies aux ministres de Cybèle. (7) Nous n’avons pu nous procurer cet instrument, ni
C’est vraisemblablement sur cette tradition qu’est fon- plusieurs autres : conséquemment, nous ne pouvons non
dée Iopinion de Strabon, à l’égard de l’invention des plus donner qu’une description approximative de ses
petites cymbales, c’est-à-dire, des crotales des danseuses, justes dimensions; mais nous l’avons tellement présent
dont nous avons parlé dans l’article précédent. à la mémoire, et les notes que nous avons faites sur les
(3) Voyez pl. C C , fig. 27. lieux, sont tellement détaillées, que nous ne pouvons
(4 ) rnitfna EDJttbifpâ bi-melçiletym nehhochet, pas nous écarter beaucoup de la vérité.