Les Arabes, qui ont, au coeur des déserts, des points de repère dont ils se servent
pour en déterminer en quelque, sorte la topographie, disposent des réservés d’eau
a 1 epoque des pluies, afin d en user suivant l’occurrence.
Cette reconnoissance du Darb-el-Hâggy persuada que le canal nepouvoit se
trouver sur cette direction, quoique des voyageurs aient assuré en avoir vu les
vestiges près d Ageroud : mais iis auront considéré comme tels ceux du lit d’une
ravine qui offre, en effet, de grandes dimensions, et qu’on avoit probablement
redressée et dirigée vers les aiguades de Soueys.
Le 8 [28 décembre], après avoir vu et ordonné tout ce que pouvoient exiger
les besoins de la place, sous les divers rapports de la défense, du commerce et de la
marine, le général en chef visita les sources de Moïse, situées sur la côte à trois
lieues S. E. de Soueys, dans l’Arabie Pétrée : il nous y donna ses instructions pour
en faire la topographie et le nivellement, et pour étudier les moyens de les rendre
utiles; il retourna directement à Soueys, où il arriva dans la nuit, après avoir couru
des dangers en traversant le Ma’dyeh ( 1 ) , le guide ayant dû changer de direction,
parce que la marée n’étoit pas encore basse (2).
Nous passâmes la nuit, avec le contre-amiral Gantheaume et quelques membres
de 1 Institut, a bord de la corvette qui nous porta vers l’entrée de la vallée de 1 Egarement; mais le défaut de guide rendit cette première reconnoissance peu
fructueuse.
Le 1 o [30 décembre J, on partit de Soueys : le gros de la caravane se dirigea sur
Ageroud ; et le général en chef se porta au nord, dans l’espoir de retrouver sur la
plage, au fond du golfe, les vestiges de l’ancien canal. Il retrouva en effet la tête de
ses digues, peu sensibles à leur naissance, à cause des sables qui l’ont comblé dans
quelques parties : il en suivit les traces sur environ cinq lieues; c’est-là le terme de ses
.vestiges, parce qu a cette distance il débouche dans le bassin des lacs amers. Satisfait
de cette découverte, il se porta à l’ouest'dans la direction présumée d’Ageroud,
accompagné du général Berthier.et suivi de deux guides à cheval seulement ;
il fit un nouveau trajet de trois lieues, et rejoignit heureusement la caravane
chargée de 1 eau et des vivres : il fit allumer des feux et tirer le canon pour signaler
sa présence et le lieu du bivouac aux officiers qui étoient restés en arrière dans
l’obscurité de lanuit. Le général B o n a p a r t e eût couru de plus grands dangers, si
la nouvelle de son voyage à Soueys n’eût écarté les Arabes de ces parages
Le ,4 [3 janvier 179 9], étant à Belbeys, il voulut aussi reconnoître l’autre
extrémité du canal; il se porta jusqu’à dix lieues dans l’Ouâdy-Toumylât, où il
en retrouva de nouvelles traces sur plusieurs lieues d’étendue.
Le vif intérêt que le général B o n a p a r t e montrait dans ces diverses reconnois-
sances, étoit un témoignage de son désir d’avoir des résultats plus précis - il
éto.t pour moi, dans cette circonstance, plus impératif encore que l’ordre qu’il
me donna de les lui soumettre le plutôt possible.
r a Hl: A? a ' t h T m r aMe de bT mer- ,urée’ g ' ™ , l’a enlevé, en S y rie, à son corps et
(2) H o ra c e S a y , officier du genie très-distingué, avoit aux sciences.
fait une reconnoissance de cette route; une mort prénia-
Arrivé au Kaire, je fis mes dispositions pour retourner à Soueys, ayant résolu
d’en faire le point de départ, afin de rentrer dans le pays cultivé après la fin des
opérations, dont je pouvois alors prévoir les difficultés et la durée.
§. II.
/ ." Opération de topographie et de nivellement.
L ’é t e n d u e des opérations relatives au projet de la jonction des deux mers,
projet qui embrasse dans son ensemble toute la basse Egypte, les reconnoissances
du terrain dont on avoit à faire le nivellement sur plus de quatre-vingts lieues de
longueur, ont nécessairement exigé le concours de plusieurs ingénieurs.
M. Gratien Le Père, mon frère, m’ayant constamment et plus particulièrement
secondé dans les opérations et dans la rédaction des plans et des mémoires,
M. Saint-Genis m’ayant aussi aidé long-temps de ses lumières et de son zèle,
je parlerai au nom de ces coopérateurs ; je citerai successivement tous ceux des
autres ingénieurs qui ont été appelés à prendre une part plus ou moins active et
réelle à ce travail.
Nous partîmes du Kaire, ces ingénieurs et moi, le 27 nivôse an 7 [16 janvier
• 799]» aPrès avoir obtenu du général Berthier, chef de l’état-major général, et du
général Caffarelli, commandant le génie, les moyens que paroissoit exiger un
assez long séjour dans le désert. Ces moyens répondoient au vif intérêt que ces
officiers généraux avoient montré dans le premier voyage, et à leur empressement
à connoître les résultats qui font l’objet de ce Mémoire.
Nous nous rendîmes à Soueys sous l’escorte d’une colonne aux ordres du
général Junot, qui alloit y commander, et qui nous servit très-obligeamment de
tous ses moyens.
Apres nous etre occupés, du i .cr au 12 pluviôse [du 20 au 31 janvier], des
opérations relatives aux aiguades, aux sources de Moïse, et au régime des marées
de la mer à Soueys, nous nous trouvâmes en mesure de commencer le nivellement
du canal; mais, prévoyant déjà, par ce premier travail, l’insuffisance de
nos moyens pour la plus grande célérité des opérations, nous retînmes pour
coopérateur l’ingénieur Dubois, qui étoit arrivé à Soueys par la vallée de l’Égarement,
et qui avoit ete désigné pour 1 expédition de Qoçeyr. L ’ingénieur Arnollet,
qui venoit de terminer le leve du plan de Soueys, en étoit reparti peu auparavant.
Le 12 [31 janvier], nous partîmes de Soueys avec une escorte de quarante
hommes de la légion Maltaise, commandée parM. Lapanouse, indépendamment
de douze sapeurs, que MM. lés officiers du génie avoient mis à notre disposition
comme plus habitués à ces sortes d’opérations.
Le 15 [3 février], après avoir opéré constamment dans le lit du canal, nous en
perdîmes les traces, et nous débouchâmes dans une vallée que nous soupçonnâmes
etre le bassin des lacs amers. Le sol adjacent au lit du canal est naturellement
consolidé par le gypse cristallisé et recouvert de cailloux siliceux ou calcaires : du