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franchir péniblement la partie qui est avant le santon d’Abou-Nechâbeh, où nous
an ivâmes le 17 [_J février] y après dix heures de marche, à partir de la montagne (1).
Ce santon est placé au pied d’une dune blanche et fort élevée, qu’on aperçoit, à de
grandes distances, de tous les lieux environnans; nous montâmes à son sommet pour
observer ce nouveau site, et nous découvrîmes l’Ouâdy, dans lequel il existe
quantité de puits d’eau potable et propre à l’arrosement des terres mises en culture.
L eau nous manquoit absolument, et nos chameaux n’avoient pas bu depuis six
jours que nous étions partis de Soueys : nous fîmes donc de l’eau ; et après un repos
nécessaire, pendant lequel nous prîmes divers rensergnemens près des jcllâh, nous
reconnûmes la nécessité de faire une recherche préalable des vestiges du canal
dans l’Ouâdy, pour n’avoir à vaincre dans les opérations subséquentes que les difficultés
qui en étoient inséparables. Nous traversâmes la vallée, et nous trouvâmes,
sur la rive nord, de nouvelles traces, encore profondes, de l’ancien canal ; nou^
les suivîmes pendant- cinq heures jusqu’auprès d’A ’bbâçeh (2), situé à l’entrée de la
vallée : ce village occupe le centre d’une première digue transversale, qui avoit
sans doute pour objet de limiter l’expansion des crues dans la partie supérieure
de cette vallee et la plus susceptible de culture.
Au-dessus d A ’bbâçeh, on retrouve divers canaux d’irrigation. Celui qu’on
nomme Bahar-el-Bagâr et Bahar-el-Boueyb, devoit faire partie de l’ancien canal
dérivé de la branche Pélusiaque, près de Bubaste. Celui qu’on nomme Bahar-
Abou-Hâmed, semble appartenir au canal supérieur, dit Amms Trajanus, et depuis,
Canal du Prince des Fidèles, dont la prise d’eau est près du vieux Kaire, Fostât I
l’ancienne Babylone des Perses en Égypte. Ne pouvant pas en suivre toutes Je<i
inflexions, à cause des nombreux fossés et des criques dont la plaine est sillonnée,
nous reprîmes à Belbeys la route du désert, et nous nous rendîmes au Kaire pour
y prendre de nouveaux moyens de continuer les nivellemens. Nous y arrivâmes
le 21 pluviôse [9 février 1799] : nous y trouvâmes le quartier général, qui partit
le lendemain pour suivre l’armée, qui marchoit sur la Syrie. Huit jours s’étoient
écoulés, et nous réclamions une nouvelle escorte; mais les circonstances, devenant
toujours plus difficiles, ne permirent pas de nous la fournir, et de nouveaux
ineidens différèrent encore la reprise de nos opérations jusqu’au mois de vendémiaire
an 8 [septembre 1799].
§. III.
I I . Opération de topographie et de nivellement.
C ’ é t o i t alors du général en chef Kléber que je devois réclamer les moyens
de reprendre cette opération; ses intentions répondirent à mon empressement, et
je me disposai à repartir. Le général Damas, chef de l’état-major général, qui
A r lb e K '* E l ! d’° " “ “ * * ° bse™ i o „ s agronomiques. On aper-
A rab e , grande vénération dans la contrée, avoit paru çoit cette dune de très-loin, quand elle est éclairée par
un objet stable et susceptible d’être déterminé dans la le soleil. P
géographie; M. Nouet en avoit précédemment déterminé (a) A ’bbâcrh, ou A ’biâcyeh.
partageoit les dispositions du général en chef, voulut bien ajouter encore a I etendue
de ces moyens. Les ingénieurs qui m’avoient secondé dans le premier voyage, étoient
ou malades, ou en mission pour le service; et j’y suppléai par MM. Févre, Dubois,
Favier et Duchanoy.
Le 7 vendémiaire an 8 [29 septembre 1799], nous partîmes pour Belbeys, où
commandoit le générai Reynier, auprès duquel nous devions trouver le complément
de notre escorte : ce général voulut bien combiner ses mouvemens militaires pour
couvrir et protéger les nôtres; il nous donna rendez-vous dans lOuâdy, et nous
partîmes du camp avec un bataillon de la 8^.e demi-brigade, commande par
M. Lhuillier, qui facilita nos recherches avec beaucoup d’intérêt. Nous continuâmes
à relever le cours du canal depuis A ’bbâçeh, et nous arrivâmes le i/j [6 octobre]
au Râs-el- Ouâdy, où nous avoit devancés le général Reynier. Je laissai à mes
coopérateurs le soin d’achever le plan jusqua Saba’h-bÿâr (1), où nous convînmes
de nous rejoindre le 15 [7 octobre] au soir ; je me détachai avec le général pour
reconnoître la partie orientale de la vallée.
Nous poussâmes nos reconnoissances à dix lieues au-delà du santon Cheykh-
Henâdy : nous retrouvâmes jusqu’au Mouqfâr (2) des traces, souvent interrompues,
du canal; nous remarquâmes des ruines, dites el-Koum-Abou-Keycheyd, que nous
croyons appartenir au site d’Heroopolis, ainsi que nous le motiverons plus bas.
Les digues sont totalement effacées quelques cents toises après le Mouqfâr;
la vallée devient plus étroite à Saba’h-byâr; et l’on douté si le canal a existé dans
cette partie, que les sables n’ont pas encore totalement envahie. C ’est un peu au-
delà de ce point que la crue de l’an 9 [1800] présenta un courant extrêmement
rapide.
Nos courses s’étendirent sur plusieurs points du désert ; nous parcourûmes les
lagunes que les Arabes appellent Kerhat, et qui prirent l’aspect d un grand lac après
la crue dont nous venons de parler ; nous relevâmes les puits de Mourrâh et d el-
Menâïf, dont la connoissance devenoit précieuse à la cavalerie, qui faisoit, dans
ces déserts, une guerre active aux Arabes. Enfin, après avoir fait dix-huit à vingt
lieues de courses, nous arrivâmes à Saba’h-byâr, où les ingénieurs terminoient leur
topographie; mais, ne trouvant pas dans ce site un point propre à établir un
repère fixe du nivellement, nous résolûmes de remonter jusqu’au Mouqfâr, où le
canal offre encore un profil de grandes dimensions. Le général Reynier donna suite
à ses opérations militaires, et nous laissa une escorte avec quelques dromadaires,
pour nous servir d’éclaireurs (3).
Le Mouqfâr offre des ruines qui ont le caractère d’un établissement public (4) ,
qu’on pourrait considérer comme ayant servi de douane, ou de poste pour la
(1) Saba’h-byâr, les sept Puits. nous garantir des surprises des Arab es , attendu q u e ,
(2) Mouqfâr f désert. Les Arabes et nos guides nous dans le cours des opérations,- nous nous trouvipns souayant
toujours répondu Mouqfâr, toutes les fois que vent assez éloignés les uns des autr.es, et que les dunes,
nous leur demandions comment on appeloit ces lieux hautes et boisées dans cette partie, bornoient par-tout
situés au bord du canal où se trouvent des ruines, nous l'horizon. L ’opération doit beaucoup, à cet égard, a la
avons d’abord considéré cette expression comme un nom bienveillance constante du commandant de l’intrépide
p rop re,« nous l’avons conservée dans notre topographie, corps des dromadaires, M. Cavalier.
(3) Ces éclaireurs nous devenoient nécessaires, pour (4) Voir ces ruines dans l’Atlas.
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