
tanbour comme nous avons remarqué qu’elles étoient sur Je tanbour kebyr Tourky.
Elles sont aussi utiles que 1 abaisse-corcîe est indispensable pour rapprocher du sillet
les cordes qui, étant attachées en dehors du cheviller, en resteroient trop éloignées
et ne porteraient point sur le sillet.
Les c h e v i l l e s sont au nombre de cinq, dont quatre en châtaignier, et une,
la plus basse, en citronnier. Toutes les cinq ont, sur le sommet de leur tête, un
petit bouton en ivoire.
Le tanbour charqy est monté de cinq cordes : trois sont en laiton, ce sont
celles du côté gauche ; les deux autres, sur la droite, sont en acier. On touche
les cordes de cet instrument avec un plectrmn d’écaille ou de plume d’aigle.
Ces cinq cordes ne rendent cependant que trois sons différera : le son grave est
produit par la seule corde du milieu, laquelle est en laiton ; les deux cordes de
la gauche sonnent la quinte avec celle du mîlieu, et les deux cordes de droite
sonnent la quarte avec la même. Il y a donc deux cordes montées à l’unisson à
droite, et autant à gauche. On appelle en arabe les cordes montées ainsi à l’unisson
motasâouy, et deux cordes montées de cette manière ¡jl'Ei
mighmetân motasâouyatân.
EXEMP LE DE C E T AC CORD.
Cordes de laiton. Corde de laiton. Cordes d’acier.
Quelque bizarres que doivent paraître en France la construction et l’accord du
tanbour charqy, l’un et l’autre cependant existent encore de nos jours en Europe.
On voit un instrument de ce genre à Venise; il y est même d’un usage vulgaire.
Il ne serait donc point étonnant que cet instrument et son accord eussent encore
été apportés en ce pays par les Sarrasins, dans le temps qu’ils étoient maîtres de
la plupart des îles de la Méditerranée, et de la partie méridionale de l’Italie; au
moins, cela indique qu’il a été un temps où leur système de musique étoit connu
et en usage dans ce pays, et confirme par conséquent ce que nous avons dit de 1 origine de notre nouveau système de musique, établi par Gui d’Anezzo.
Voici un fait qui atteste d’une manière incontestable ce que nous disons en ce
moment. Quelques jours après.que nous fûmes débarqués en Égypte, ayant été
rendre visite au général Menou, qui demeurait chez le consul de Venise à
Alexandrie, nous entendîmes dans la maison le son d’un instrument qui nous
étoit inconnu : aussitôt nous témoignâmes le désir de connoître cet instrument et
de voir celui qui en jouoit. Le consul nous apprit que c’étoit son domestique, et,
à notre invitation, le fit venir avec son instrument. Après que celui-ci eut joué
devant nous quelques airs de son pays, nous examinâmes la matière, la forme et
la construction de cet instrument. Tout le'corps et le manche en étoient faits
d un bout de branche de palmier, coupé de la longueur de 487 millimètres, à
partir
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partir de sa jonction au tronc de l’arbre; la partie la plus large, cest-a-dire la
base, creusée dans son épaisseur, formoit le corps ou le qapa'l de l’instrument ; le
reste servoit de manche. Stn le qaça’h étoit collée une petite planche de sapin pour
faire la table. Au haut et à la partie la plus étroite du manche étoient les chevilles;
les cordes qui y étoient attachées, après avoir passé sur un chevalet grossièrement
fait, alloient se réunir en un seul noeud au bas du qaçah, sur le devant.
Ainsi cet instrument ressembloit beaucoup au tanbour charqy, tant par sa construction
que par sa forme. Le corps en étoit de même d’un seul morceau, creusé
dans son épaisseur, pour faire le qaça’h. Sa forme .présentoit un ovale un peu
aplati par le bas, et s’alongeoit en se rétrécissant par le haut. Il ne ressembloit
pas moins encore au tanbour charqy par la disposition de ses cordes et par son
accord, puisque la corde du milieu étoit aussi celle qui rendoit le son le plus
grave, que celle qui étoit à gauche sonnoit la quinte avec la précédente, et que
celle qui étoit à droite sonnoit la quarte du même son grave.
La seule différence que nous ayons remarquée entre ces deux instrumens, c est
que celui-ci se jouoit avec 1’archet, tandis que le tanbour charqy se frappe aveç
le plect.rum (1).
Comme nous n’avions point encore vu d instrumens accordes de cette manière
lorsque nous arrivâmes à Alexandrie, et comme cet accord nous paroissoit
étrange et bizarre ; pour nous assurer si c étoit par ignorance, par hasard ou à
dessein, que ce Vénitien avoit ainsi monté son instrument, nous en lâchâmes
les cordes, et puis nous l’engageâmes à les remonter et à les mettre d’accord;
ce qU’il fit sur-le-champ et sans tâtonner : nous fûmes donc convaincus que cet
accord, tout singulier qu’il nous paroissoit, étoit cependant le fruit de la réflexion.
Alors nous reconnûmes qu’il tenoit nécessairement a un système de musique
régulier et semblable à celui dont Rameau a découvert le principe fondamental,
que ces sons eux-mêmes étoient fondamentaux, qu’ils appartenoient au mode
Dorien, ou de RÉ mineur, et qu’ils se trouvoient disposés dans 1 ordre le plus
conforme aux principes harmoniques. Ayant demandé à ce Vénitien ce qui lui
avoit fait concevoir l’idée d’un pareil instrument, il nous dit que dans son pays
il y en avoit de semblables, mais mieux faits ; que, pour se récréer, il s étoit occupé
à former celui-ci, qui devoit lui tenir lieu de celui qu’il avoit laissé à Venise.
II faut donc maintenant convenir avec nous que notre système musical est évidemment
émané du vaste système de musique des Arabes, ou bien il faut expliquer
comment et en quel temps notre principe harmonique leur a été communiqué.
En attendant que" l’occasion se présente de traiter plus amplement cette question,
pour prévenir les objections qu’on pourrait nous faire, ou pour répondre
à toutes celles qu’on ne manquera pas de nous opposer dici à ce temps, nous
aurons soin de faire remarquer tout ce qui peut ici confirmer notre opinion.