N O T I C E
SUR LA SIPHILIS,
SUR L’ETABLISSEMENT D’UN H OP ITAL CIVIL AU KAIRE.
N o u s avions vu entièrement disparoître parmi nos troupes, sous le climat
d’Egypte, la gale’, la goutte, et plusieurs autres maladies communes en France;
mais la libre communication qui s’étoit établie entre les femmes du pays et nos soldats
, propagea la siphilis, et fournit en peu de temps un grand nombre de malades
à l’hôpital. Il étoit assez difficile d’arrêter les effets de cette contagion :
priver de la société des femmes Je militaire acclimaté qui avoit repris toutes ses
forces et sa vigueur, c’étoit le conduire à l’ennui et à la nostalgie.
Pour parer à cet inconvénient et arrêter la propagation de la siphilis, je proposai
au général en chef l’établissement d’un hôpital civil, pour y recevoir les
femmes prostituées affectées de maladies vénériennes, et les femmes enceintes de
la même classe, dans la vue de prévenir l’avortement qu’elles provoquent à volonté,
et d’assurer l’existence de leurs enfàns.
Le général Belliard, commandant du Kaire, en vertu des ordres du général en
chef, fit préparer de suite une grande maison favorablement située, où l’on réunit
indistinctement toutes les femmes qu’on soupçonnoit d’avoir eu quelque commerce
avec les soldats Français : celles qui netoient point infectées furent renvoyées, et
les autres retenues et traitées avec le plus grand soin dans cet hôpital, dont j’avois
confié la direction , pour le service de santé , à M. Casablanca, chirurgien en
chef adjoint. On fit en même temps une visite rigoureuse dans les casernes, et
l’on envoya tpus les vénériens à l’hôpital militaire, où iis furent consignés jusqua
leur guérison. Ces mesures produisirent tout l’effet qu’on pouvoit en attendre,
et bientôt les individus des deux sexes furent rendus à la santé.
La siphilis, en Egypte, présente rarement des symptômes graves, et s’y guérit
facilement ; mais, si elle est transplantée en Europe, sur-tout dans les contrées
occidentales, elle devient extrêmement opiniâtre et très-difficile à détruire : j’en
ai vu plusieurs exemples chez des soldats qui, ayant apporté en France la siphilis
d’Egypte, n’ont pu s’en délivrer qu’avec la plus grande peine et après un laps de
temps considérable. Le traitement qui nous a le mieux réussi contre cette maladie,
en Egypte, étoit les préparations mercurielles prises intérieurement, unies
aux toniques et aux diaphorétiques : les bains de vapeurs secondoient avantageusement
l’effet de ces remèdes. Les frictions mercurielles étoient pernicieuses; elles
ne guérissoient point la maladie, et produisoient chez les uns des frénésies violentes
, chez d’autres des spasmes convulsifs, et des ptyalismes qu’il étoit difficile
d’arrêter.
Nous étions parvenus à attirer encore dans cet hôpital civil, dont l’établissement
fait honneur à la philantropie du général Belliard, les habitans affligés d’infirmités
graves, en leur inspirant la confiance qu’ils dévoient avoir dans les secours
de l’art de guérir; mais nous eûmes, en général, beaucoup de peine à leur faire
surmonter le fatal préjugé qui les portoit à s’abandonner aux seules ressources de
la nature, et à les faire renoncer, pour des moyens probables de guérison, à
l’habitude où-ils étoient de traîner dans les rues et sur les chemins une existence
pénible et malheureuse.
É. M. X x x a