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les prêtres de l’antique Egypte, pour exprimer leur enthousiasme religieux en exécutant
le chant et les danses dont ils accompagnent presque toutes les cérémonies
du culte. Ce st encore un fait qui confirme ce que Laborde nous a appris au
sujet du sistre. « On se sert du sistre, dit-il, dans les mesures vives en chantant les
» psaumes. Chaque prêtre en tient un qu’il secoue d’une manière menaçante pour
» son voisin, dansant, sautant, tournant en rond avec une telle indécence, qu’il
» ressemble plutôt à un prêtre du paganisme qu’à un chrétien. » Ce jugement est un
peu trop sévère: mais peut-on être toujours juste envers les autres peuples, quand
on les juge d’après des moeurs différentes des leurs! Tant s’en faut que les Abyssins
pensent qu’il puisse y avoir de l’indécence dans leurs danses, qu’ils croiroient, au
contraire, en commettre une en les exécutant négligemment; car, suivant ce qu’ils
nous ont dit eux-mêmes, cette pantomime est regardée chez eux comme l’expression
la plus énergique de leur dévotion et de leur zèle à célébrer dignement la gloire
du Très-haut (i), ainsi qu’à lui exprimer leur reconnoissance, comme étant la
source de la vie et le principe du mouvement qui anime tous les êtres. Quant
au geste qui a paru menaçant, on s’imagine bien qu’il n’est rien moins que cela.
Nous avons souvent remarqué quelque chose de semblable dans les. sculptures
des antiques monumens de l'Egypte, qui sont gravés dans cet ouvrage. A chaque
instant, on y voit des personnages qui paroissent agiter le sistre et Je porter à .la
figure d un autre personnage, comme pour le lui présenter à baiser ; et si nous ne
nous sommes pas trompés, ce geste avoit principalement lieu dans les actes les plus
solennels de la religion, comme ceux de l’initiation, du pacte conjugal, et de
tous les engagemens qu’on prenoit en présence des dieux. Nous ne manquerions
point de témoignages bien capables de motiver ou même de confirmer cette
opinion, si nous voulions rapporter ici tout ce que nous avons recueilli sur ce
point dans les auteurs anciens, et sur-tout dans les poètes Grecs et Latins. Tous
ces usages, quelque ridicules qu’ils semblent d’abord aux étrangers, ne leur paraîtraient
pas moins respectables que beaucoup d’autres, sans doute, si le principe
sur lequel ils ont été fondés, leur étoit parfaitement connu.
Les Chrétiens d’Abyssinie étant du même schisme que les Qobtes, il semble que
leurs usages religieux devraient être aussi les mêmes; et cependant, sous ce rapport,
ils offrent entre eux des contrastes très-frappans. Les Abyssins sont continuellement
dans une agitation tumultueuse pendant les cérémonies du culte. Les Qobtes, au
contraire, appuyés sur leurs longues béquilles, qu’ils nomment e’kâz, restent
immobiles debout pendant plusieurs heures : leurs chants monotones sont rarement
interrompus par le bruit d’une espèce de crotale, et jamais par celui du sistre, des
timbales et des tambours.
Les deux seuls instrumens qui soient communs aux Qobtes d’Abyssinie et à ceux
de 1 Egypte, sont le taqa iîl'PO et le ^ERA qâkel (2). Le taqa est une grande règle
( i ) Ces danses, qui se sont perpétuées en ce pays, à la corruption, et que c’étoit par le m ouvement qu'on
dans les cérémonies du culte, depuis un temps im m ém o- se préservoit des maléfices de T yphon. Voye^ Plutarque,
rial jusqu’à ce jour, sont fondées sur cet ancien principe, Traité d’Isis et d’Osiris, traduction d’A m iot, p.jji. que nousa conserve Plutarque, qu il falloit que les choses (2) Voye^ la note (1), ci-dessus,
fussent sans cesse en mouvement pour ne pas être exposées
de bois', de fer ou de cuivres qu’on emploie, dans les églises, où il n’est pas permis
de faire usage des cloches. Cet instrument est semblable, pour, la forme, à celui que
les Qobtes de I Egypte, nomment nâqous ( i •). Le taqa se frappe de même avec un
petit maillet de bois. Celui qui est chargé de battre cet instrument, se nomme
‘WVÏÙ matqa: Castell, dans son Lexique heptaglotte, a traduit le mot matqa, par
tuba, buccina: mais, quelque respectable que soit l’opinion de oe savant, elle nous
parait douteuse, auprès du sentiment.dès prêtres Abyssins ; car il n’est pas probable
que ceux-ci aient pu se méprendre sur le nom d’un instrument de leur propre
pays, ainsi que.'sur l’emploi qu’eux-mêmes en avaient fait sans doute plusieurs
fois (2).
Le qâkel n’est autre chose qu’une sonnette à grelots, à laquelle il paraît que les
Abyssins reconnoissent les mêmes vertus que les anciens Egyptiens attribuoient à
leur sistre. Iis en font particulièrement usage à- la messe, pendant la consécration,
pendant le lever-dieu, et dans d’autres circonstances semblables.
La dernière espèce d’instrument sonore dont il nous reste à parler, est celle des
cloches. Une cloche, en éthiopien, se nomme daule &(DA. Il n’est, permis aux
Chrétiens d’Abyssinie de se servir de cet instrument dans leurs églises, qu’autant
que leur religion est aussi celle du Gouvernement : quand elle en est différente, ils
ne peuvent faire usage que du taqa, comme nous l’avons déjà observé.
En Abyssinie, ainsi quen Europe, il y a des cloches de différentes grandeurs
et en différons tons ; on les y emploie aussi pour appeler les fidèles au service
divin et pour sonner l’heure : mais elles ne sont pas suspendues comme les nôtres,
et l’on ne peut les faire sonner par un balancement semblable. Chez nous, en tirant
et lâchant successivement une corde qui est attachée au sommet de Gette charpente
qu’on nomme le mouton, et dans laquelle sont enclavées les anses de la
cloche, le sonneur donne à cet instrument un balancement qui la fait heurter,
alternativement d’un bord et de l’autre, le battant; c’est la cloche qu’on agite, et
le battant reste en- équilibre. En Abyssinie, au contraire, c’est le battant qu’on
met en mouvement, et la cloche reste en équilibre. Le sonneur, en agitant une
corde qui est attachée au battant, fait heurter ce battant à l’un et à l’autre bord
de la cloche alternativement, et de cette manière il la fait sonner, soit pour appeler
les fidèles à l’église, soit pour annoncer les diverses heures du jour. Afin de
juger de I heure qu’il est, il mesure avec son pied la longueur de l’ombre projetée
par un corps fixe; et selon qu’elle est plus ou moins étendue, il reconnoît qu’il
est telle heure.
Si 1 excessive délicatesse de notre langue n’eût point condamné à une espèce
d avilissement le nom des choses qui sont d’un usage habituel ou populaire, nous
aurions, à 1 exemple de quelques auteurs, placé le fouet au nombre des instrumens
bruyans, et nous aurions décrit celui des Ethiopiens ; l’utilité d’un semblable instrument,
l’antiquité de son origine (3), la mention qu’en ont faite les meilleurs poètes
( 1 ) Vojrz , plu* b as, l’article des instrumens des tainem ent la .signification que lui donnent L udolf et
Qobtes. Castell. Note de NI. Silvestre de Saçy. (2) Dans l’éthiopien littéral, le m ot a cer- (3) O n se servoit de fouets, comme des autres instru