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ne nous attache que par des affeaions perfbn-.
Belles • & dans une action publique , quelqu importante
qu’elle fo i t , il eft plus avantageux qu on
ne penfe d’introduire quelquefois des épifodesi pris
dans la claffe des hommes obfcurs : leur fimplicite
noblement exprimée a quelque chofe de plus touchant
que la dignité des moeurs héroïques. Qu un
héros faffe de grandes chofes , on s’y attendoit,
on n’en eft point furpris. Mais que d’une ame vul-
v gaire naiffent des fentimens fublimes, la nature qui
les produit feule , s’en applaudit davantage, 1 humanité
fe complaît dans ces exemples qui l’honorent.
Le moment le plus pathétique de la conjuration
de Portugal, n’ eft pas celui où tout un peuple ,
armé dans un inftant, fe fouleve&brifefes chaînes;
mais celui où une femme obfcure paroît tout-à-
coup , avec fes deux fils, au milieu de l’affemblée
des conjurés, tire deux poignards de fous fa robe,
les remet à fes deux enfans, & leur dit : « N e me
» les rapportez que teints du fang des Efpagnols ».
Combien de traits plus courageux, plus honorables
, plus touchans que ceux que confacre l’Hif-
toire , demeurent plongés dans l’oubli ! & quel tre-
ior pour la poéfie, fi elle avoit foin de les recueillir !
Indépendamment de ces exemples répandus dans
l’épopée , Vaction principale doit fe terminer à une
moralité , dont elle foit le développement ; & plus
cette vérité morale aura de poids , plus la fable
aura d’importance. Voye^ MORALITÉ , Supplément.
(Af. M a r m o n t e l . )
Dans la variété d’objets que les Beaux - arts
favent peindre , il n’y en a point de plus^ remarquable
que l’homme, lorfque fon activité eft
excitée par quelque fujet intéreffant. Lartiftequi
fait pénétrer jufqu’au fond du coeur humain,
& q u i, à cet efprit d’obfervation , jo in tcom m e
Homere, l’art de tout peindre des couleurs les.
pus v iv e s , faura mettre fous nos yeux les hommes
déployant leur activité, de maniéré que dans
leur aüion nous liftons diftinft'ement leur génie,
leur façon de penfer, leur-force, leur foibleffe ,
en un mot tout ce qui tient a leur caraéfere. C eft
ainfi que , grâces auxtalens d’Homere , nous con-
noiffons aufli bien les plus célébrés héros d e là
Grece & de la Phrygie, que fi nous avions vécu
de leur tems , & que nous euflîons été les témoins
de leurs exploits. Entre tous les ouvrages de l’a r t ,
le premier rang eft dû àceuxquirepréfentent l’homme
en aüion. De-là vient que les deux grands critiques
, Ariftote & Horace, s’attachent principalement
aux ouvrages de ce genre ,• lorfqu’ils traitent
de l’art poétique.
L’importance de ces ouvrages dépend en partie
du caraftere & du génie des perfonnes qu’on fait
agir, & en partie aufli de Yaction dans laquelle elles
font impliquées. Nous rapporterons ici quelques
remarques fur la nature & les qualités de Y aüion,
qui pourront donner lieu à des recherches ultérieures
de la part de l’artifte.
La fable fournit le fujet de l’action. "L’action, elle-
même eft ce qui donne à la fable une exiftence
réelle. La fable, qui fait le fujet de l’Iliade, peut
être énoncée en deux mots : « Pendant le fiege
» d e -T ro ie , la diffention-s’élève entre Agamem-
» non & Achille, avec tant d’aigreur , que ce
» dernier eft prêt à retourner dans fâ patrie, &
» qu’il quitte-l’armée. Les aflïégeans, affpiblis par
» cette retraite, craignent d’être réduits à lever
>> le fiege. On tente inutilement de fléchir Achille,
» lorfqu’un événement particulier le ramene tout-
» à-coup à l’armée , & anime fon courage invin-
» cible d’une nouvelle ardeur. -Ce retour coûte la
» vie à Heftor ; & la mort de ce héros, le plus
» ferme appui de T ro ie , facilite la prife de cette
» ville ». Voilà la fable de l’Iliade. L’action e’ eft
tout ce qui fe paffe, tout ce qui donne de la réalité
à cette fable ; la difpute entre Achille & Aga-
memnon ; la retraite d’Achille , &c. Nous avons
trois tragédies Grecques fur une même fable ; c’eft
» Orefte q ui, après une longue a b fe n c e , revient
» dansTa maifon paternelle , & venge la mort de
» fon pere , par le meurtre d’Egifte & de Clytem-
» neftre » ; mais Yaction eft différente dans toutes
ces trois pièces.
Les critiques ne diftinguent pas toujours affez
e x a c tem e n t les deux idées de la fable & de Yaction.
On exige fouvent de celle - ci ce qui n’appartient
qu’à l’autre. La fable eft proprement l’évenement
même dont l’artifte fe repréfente dans l’ordre fuc-
ceflif, le commencement, le progrès & la fin. Vac-
tion eft ce qui rend la fable poflible , ce qui lui
donne fon commencement, fon progrès & fa fin.
Nous bornerons ici nos remarques à ce qui concerne
Yaction.
C’eft proprement Yaction , & non la fable, qui
donne à un ouvrage de la grandeur & du prix. Ce qui
rend FIliade un poëme grand & intéreffant; ce
n’eft pas le fujet en lui-même, ce n’eft pas la brouil-
lerie d’Agamemnon & d’Achille , & c . mais c’eft
que les chofes foient arrivées comme le poète les
décrit ; c’eft que Yaction foit telle qu’elle eft. Aucune
des trois tragédies dont nous avons parlé ,
n’eft remarquable du côté du fujet ; le même fait
auroit pû être repréfenté de maniéré à n’intéreffer
perfonne. Mais Yaction, ce qui réalife le f a i t , la
façon de le réalifer, c’eft ce qui donne de l’intérêt
à ces tragédies.
La première qualité de Yaction -& la plus indif-
penfable, ç’eft d’être vraifemblable& naturelle ; que
chaque é v é n em e n t ait fa caufe dans ce qui a p r é c
é d é ; que les faits foient liés entr’eux d’un maniéré
intelligible , & qui n’exige aucune fuppofition forcée.
Si la piece eft en défaut à cet égard, l’attention
fe perd, & l’intérêt ceffe. On juge , ou que
l’artifte veut nous en impofer, ou que c’eft un
vifionnaire dont l’imagination eft déréglée. Il faut
donc que dans toute la durée de Yaction, il ne fe
paffe rien qui ne f o i t fondé fur le cara&ere des
perfonnages , & fur la fituation du moment. Cela
fuppofe fans doute dans l’artifte , une profonde con-
noiffance de l’homme. L’imagination la plus vive ,
& l’enthoufiafme le plus fo r t , n’y fauroient fup-
pléer. La vérité de Yaction eft une affaire de l’entendement
& des lumières de l’efprit. L’Hiftoire
fournit pour l’ordinaire le fujet, ou la fable, à l’artifte,
ou bien'celui-ci l’a imaginée & difpofée dans
fa tête avant de fonger à Yaction. Mais s’il n’a ni
le génie ni le jugement requis pour traiter fon
fujet de maniéré que fa fable, telle qu’il l’a conçue ?
fe développe naturellement, & fe deduife intelligiblement
des caufes a t t u e l l e s ; il aura fait une horloge
qui. paroîtra avoir toutes fes pièces, & qui
néanmoins manquera de mouvement.
Dans tonte, aüion , & dans chaque partie de
. Yaction , il y a des forces ; c ’ e f t - à -d i r e , des caufes
qui agiffent, & des effets qui doivent leur être
e x a c tem e n t proportionnés; On ne doit pas raffem-
bler d’énormes forces pour opérer de petits effets,
mais il ne faut pas non plus faire refulter de
grands effets d’une petite force. Il eft vrai que dans
l’Iliade l’abfence d’un feûl homme expofe l’armée
des Grecs au danger d’une perte totale; mais cet
homme c’eft Achille. Si le poète n’avoit pas eu
affez de génie pour peindre ce héros aufli grand
qu’il nous le montre, tout étoit manqué; Yaction
de l’Iliade ceffoit d’être naturelle.
La fécondé qualité qu’on exige de Yaction , c’eft
qu’elle
A C T
qu’elle foit intéreffante ; il faut que l’efprit & lè
coeur de celui qui y.aflifte foient dans une a&ivité
foutenue, que rien n’interrompe. Il y a plus d’un
moyen d’obtenir cet effet. L’affaire qui eft agitée
peut être fi importante par elle-même ; que les
perfonnages qu’on y fait agir en acquièrent nécef-
iairement le plus haut degré d’a&ivité ; comme lors,
par exemple, qu’il feroit queftion des grands intérêts
d’une nation entière ; ou bien le fujet peut
devenir important, par rapport aux perfonnages
qui s’y trouvent intéreffés, & qui attirent notre
attention, foit par leur, rang ou par leur caractère
; enfin des caufes accidentelles peuvent exciter
la curiofité pour un fujet peu intéreffant par lui-
même ; il fuffit pour cet effet d’un pbftacle imprévu
, d’une intrigue finguliere, ou de quelques inei-
dens remarquables.
Des actions, qui par elles-mêmes fembleroient
peu dignes d’attention j deviennent très-intéreffan-
tes , grâces à l ’heureux génie de l’artifte. Quelques
fugitifs de Troie s’embarquent pouf aller chercher '
un nouvel établiffement ailleurs : ce n’eft-là qu’une
action très-peu confidérable en foi ; mais dans le
point de vue d’où Virgile l’envifage, il la rend infiniment
grande & importante. Ce petit nombre
d ’aventuriers compofe les ancêtres d’une nation
future, qui va dominer fur tout l’univers ; qui arrachera
un jour l’empire du monde à un autre peuple
alors floriffant , & jouiffant de la protection
finguliere de quelques divinités. Confidérée de ce
côté-là, Yaction de l’Enéide acquiert une grandeur
qui étonne , mais à laquelle le poète , dont le génie
étoit plutôt beau que grand, n’a pas fu atteindre.
Que n’eût pas été l’Enéide fous la plume d’un Milton
ou d’un Klopftock !
Il feroit à fouhaiter pouf l’utilité dès Beaux-arts,
qu’un habile homme prît la peine de rechercher
par combien de divers artifices les grands artiftes
ont fu rendre intéreffantes des actions en elles-mê- :
mes très-peu confidérables ; car c’ eft-là où le géniè
fe montre dans fon plus beau jour. "Combien d’<zc-
tions très-ordinaires le génie créateur de Shakef-
p é a r , n’a-t-il pas fu préfenter fous le point de
vue le plus intéreffant ? Des artiftes bornés tâchent
ordinairement d’intéreffer à force de complications
& d’intrigues. Ce font de très-foibles reffourees ;
elles peuvent, à la vérité j fervir à occuper l’imagination
; mais elles laiflent dans une inaction totale
les forces les plus effentielles de l’ame, l’éntendement
& le coeur. Ce n’eft pas dans les hors - d’oeuvre
de Yaction , c’eft dans l’efprit &. dans le carafterè
interne du fuje t, qu’il faut placer l’intérêt. Si l’on
examine avec foin les ouvrages les plus célébrés de
l’art chez les anciens & chez les modernes , & fur-
tout les ouvrages dramatiques , on trouvera que les
meilleurs font précifément ceux où Yaction eft la plus
fimple.
Une troifieme qualité effentielle de Yaction , c’eft
qu’elle foit entière & complette. On doit pouvoir y
obferver diftin&ement le commencement précis;
connoître les motifs qui font agir les perfonnages ; I
fentir le vrai point de vue . où il faut fe placer
pour fuivre Yaction ; en remarquer clairement le
progrès ; & enfin en voir fi évidemment la cataf-
trophe qu’on n’ait plus à s’attendre à rien au-delà;.
Il faut qu’on fente qu’aucun des a&eurs n’a plus
rien à faire à cet égard. Cela n’eft pas aifé ; & les t
grands maîtres eux-mêmes n’ont pas toujours réufli
à terminer complètement Yaction-, Voye i C a t a s t
r o p h e , S u p p l .
Enfin Yaction doit être une. Cette unité à’action
dans un ouvrage de quelque étendue qu’il puiffe
e t re , eft une qualité fi évidemment néceffaire, qu’il
feroit fuperflu d’y infifter, fi les auteurs dramati-
Tomc I.
A C T i6i
ques rte péchoient fi fouvent contre cette réglé. Ce
n eft pas même affez pour qu’un drame foit parfait
que Yaction foit exafterrient une ; ii faudroit encore
qu’il n’y entrât point d’épiiodes ; les petites actions
épifodiques, quelque bien liées qu’elles puiffent
etre avec 1 action principale , ne iaiffent pas de nuire
fenfiblement au tout; Les ouvrages les plus parfaits
font fans contredit ceux où l’attention demeuré
fixée depuis le commencement jufqu’à la fin fur un
feul objet ; fans en être diftrâite par aucun incident
étranger; Ç’eft en quoi les tragédies anciennes ont
une fupériorité bien décidée fur la plupart des
pièces modernes ; l’oeil y eft attaché dès l’entrée
fur un objet , qu’il ne perd plus de v u e , & dont
rien ne le détourne, pas même un inftant. De même
qu’un peintre intelligent diftribue ies jours de maniéré
que l’oeil ne s’attache .qu’aux perfonnages principaux
; il faut que dans chaque action tout ce
qui né tient pas à l’objet principal foit placé dans
l’ombre , eh forte qu’il ne puifîe être apperçu qu’au-
tant qu’il contribue à faire reffortir l’enfemble.
On dit d’un ouvrage, qu’il y entre peu & aüion ;
quand il remué plus l’imagination quelle coeur; Car
rien n’eft proprément aüion que ce qui agit fur le
coeur; On pourrôit transformer l’Iliade en une narration,
où tout Çe qui eft aüion difparoîtroit.Quand oii
n’obferve que ce qui fe paffe , ori ne voit point l’<zc-
riô/2 j le jeu des forces; on ne voit que l’événement
qui en réfulte. Mais quand nous entrohs dans la
fituation d’efprit des perfonnages qui agiffent, que
nous fentons leurs defirs , leurs ; e.fpérances , leurs
agitations 3 leurs efforts , c’eft alors feulement que
nous ies voyons agir;
Les Beaux-arts nous offrent, plufieurs maniérés
différentes d’exprimer une action ; & chaque maniéré
,a fes réglés particulières à l’égard de ia grandeur
, de la forme & de I’arrangeirient total dé
Y aüion. Le poème épique, le .drame, l’apologue,
la peinture , le ballet ; ont chacun une. maniéré
propre de traiter. Y aüion. Voye{ Epique 3 Dram
e , &c. Suppl. ( Cet article eji tiré de la Théorie
générale des Beaux-Arts ,de M. Sl/LZER.)
. § ACTIONNAIRE, f. ni. ou Actionisté , f. ni;
( Commerce;) L’auteur de cet article du Diüionn.
des Sciences, &c. a confondu mal-à-propos ces deux
fubftantifs qui ne font rien moins que fynonymes ; &
il a eu tort d’avancer que les Hollandois appelloient
aüionijle ce que les François & les Àngiois appellent
aÜionnaire. En Hollande , comme en France & en Angleterre
, on entend par un aüionnaire le propriétaire
d’une a&iori 3 Celui qui poffede une a&ion
ou une part, foit dans les fonds publics, foit dans
le capital d’une compagnie particulière , pour jouir
de la rente de cette action; Mais un aüionijle eft
une efpece d’agioteur qui commerce en aétions par
des achats & des ventes à termes , & par des
primes^
Quelquès auteurs politiques ont regardé ies aüion-
naires & les, aüionijles comme de mauvais citoyens,
vivant dans l’oifiveté aux dépens des gens laborieux;
Un Angiois appelle les poffeffeurs des fonds publics
, des gens à porte-feuille , des frêlons qui dévorent
le miel,des abeilles, une race ennemie dé
la charrue & des propriétaires en fonds de terre 3'
race q u i, dans un état, eft toujours une pefte publique
, qui ne cherche nuit Séjour qu’à accumuler
fon or pour en groflïr fon porte * feuille & augmenter
le fardeau de l’état; Ceux qui font dans
ces principes , prétendent que le jeu d’attions ou
agiotage, fomente l’efprit de pareffe, & nuit à toute
autre efpece. de commerce. D ’autres écrivains politiques
font bien éloignés d’admettre ces plaintes
comme légitimes ;; ils foutienn.ent, au contraire 3
qu’un intérêt dans les fonds publics eft plus capablé