Fautent remarque que l’hiftoire eft àcja exprimée
à deux pas de-là, par une autre figure , & même
par le mot ir ro p iA , rejette avec ra'ifon ce fenti-
ment, ôc croit qu’il faut entendre par-là la tradition
; ce qu’il appuie de divers raifofinemens affez
probables. L’autre remarque eft touchant l’inftru-
merit que tient la figuré qui repréfente l’Iliâde. Il a
une forme finguliere , dont les interprétés ont peine
à rendre raifon : ils ne s’accordent nullement entre
eux fur.ce fujet. MM. Fabretti, Wetftèin 8c Ad-
difon, le prennent pour une épée : le Pefè Kirchér,
pour une épée dont la pointe eft tournée en erbif-
farit : MM. Cuper 8c Gronovius , pour une épée
dans un fourreau fait en demi-lune ; fur quoi l’auteur
remarque que , fuppofé que cela fo i t , une epée
nue conviendroit beaucoup mieux à un fujet de
guerre comme èft celui dé l’Iliade, qu’une épée
dans le fourreau , q u i eft un figne de paix & de
clémence : ÔC M. Schott enfin, prétend q u e Ce foit
Une haché à d eu x tranchafts, appèllée pa:r les anciens
bipennis , neA«m, ’a&v» , &ï. ce qiril appuie de
l’autorité de divers paffagès des anciens, de la conformité
qu’il trouve entre cet inftrument 8c là bi-
■ pennis, dépeinte fur plufieurs médailles antiques ;
ôc enfin du témoignage de M. Spanheim, quia mis
dé fa main à la marge de fori exemplaire, deVapo-
tkéofe d'Homère de M. Cuper, que ce que celui-ci
appelle gladius lui paroît bipennis.
Telle eft l’explication particulière que M. Schott
-a faite de ce marbre , Sc l’on ne fauroit nier que
ce ne foit une des plus ingériieùfes ÔC des mieux
appuyées de toutes celles qu’on en a faites. Une
chofe nous y fait quelque peine , néanmoins s’il
nous eft permis de le dire , c’ëft une efpece de
renverfémênt d’ordre naturel que nous croyons
trouver, en ce qu’il pofè fon premier-afte dans
l'étage du milieu ; qu’il monte enfuite à l’étage d’en
haut pour y placer ion fécond a&e ; qu’il redefçend
après cela à l’étage d’en bas pour y faire paffer fon
troifieme aâte ; & qu’ainfi ces aéles qui ont une liaifoh
naturelle & néceffaire entre eux, le trouvent fépa-
rés ôc éloignés les uns dés autres. Ne feroit-il pas
plus naturel de placer le premier acte dans l’étagè
d’en haut, oit Jupiter ayant conçu lui feul le defféin
de mettre Homere au rang des dieux, en donneroit
l’ordre à Polymnie & aux autres Mufes ; le fécond
a£le dans l’étage du milieu, ou une partie des Mufes
en conféreroit avec Apollon ; & le troifième a£te
enfin dans l’étage d’en-bas, oit l’on exécuteroit cet
ordre de Jupiter ? Il nous fëmble que cela ne feroit
que plus propre à relever la gloire d’Homere, plus
digne de l’exaâitüde d’Archelaüs, ôc enfin plus conforme
à l’ordre naturel, qu’un aufli habile homme
que lui n’a point dû négliger.
III. M. Schott paffe enfuite à fes êclaircijfemcns
fur quelques endroits de ce marbre.
i . Le premier regarde l’Apollon qui eft fous l’antre
; l’auteur convient de bonne fo i, que fon habillement
, fon a ir , le tour de fon vifage , qùe tout
enfin convient moins à ce dieu qu’à une femme ;
mais il ajoute que cela ne devoit point empêcher
les interprètes de ce marbre d’y reconnoîtrè Apollon
; puifqu’ils ne pouvoient pas ignorer que ce
dieu ne foit repréfenté de même en bien des endroits.
Il en donne pour preuve quatre médailles
du cabinet royal de Prude ; ôc il trouve cette preuvè
d’autant plus décifive, que les noms qui fe trouvent
joints aux figures ne faiffent abfolument aucun lieu
de douter là-deffus. A cette occafion, il rapporte
quelques méprifes de divers antiquaires , touchant
Apollon en femme ; & entr’autres une de M, Cuper,
touchant une médaille de Domitien ; ôc une de
M. Sperling, touchant une médaille de Tranquilline,
femme dë Gordien, Il ne néglige point les autorités
des anciens qui peuvent fervir à apptfyer fon fentl-
ment touchant l’hàbillemerit de fe m me , qu’il attribue
à Apollon ; .8c pour réfuter l’objeâùon fiïivante /
que qüoîqii Apolioti ffîl jélitie , beau, & habillé etifille ,
il ne làijfôit pas être homme au fond ,' aü-ùèii [que celte'
.figure avoit un feiri rèriipli, '6* unegtiïififttvpé'4oninic
une fille, il répond* trois'' CÜOfès ; i°. qu’il'faiidrôit'
bien examiner fur le marbré , fi la', figure y a la
gbtge auffi' élevée qu’elle Ta dans lé' dèflin ; z°. que1
cela peut s’excüfer fur ce que les anciens ’o'nt donné
lè's deux féxes à leurs divinités; Ôc 30. que les figures
d’Apôllo'n en' femmé qui font fur les médailles,
n’ont'pas moins de gorge que la figure du monument.:
!
z;L e fécond roule fur la certifie qui eft atr milieu
de l’àntrè; St que MM. Cuper, Groriovius.ôc Wet-
ftein prennent pour un .chapeau & mêmé tiour lé
chapeau d’Ulyffe. M. Schott ne fauroit le croire , Sc il
fè fonde particuliérement fur ce qu’il n’y.à nulle proportion
entre ce prétendu chapeau & les têtes de ce1
monument, 8c fur ce qtt’Archelaus /de l’habileté duquel
ce marbre eft une fi bb fifre preuve“, n’aurbit pas'
pu commettre une bévue figrofllere. Il ne veut pas
non plus que cè foit uhë figure mife là pàfhâfard,
ou pour fè'rvir fimplefnertt de fou tien à l’arc &. aii
carquois. Il veut que ce fbit quelque chofe qui ait
rapport à Apollon, ôc il ne trouve rien qui y convienne
mieux que -ce' que les Latins appelloient
cortitia, Sc ie s Grées Cr'ijXci. C'étoit, dit l’àutèur, une
èfpece de vaijfeau creux ou concave en dedans ^ convexe
au dehors yfémblablè a une coquille eTcèuf coupée
par le milieu, en-travers, où comnie un ckdüdèron reh-
verfé, qui fera oit ordinairenieht de couvercle aû trépied
d'Apollon,.'d’oii ce dieu a quelquefois été appelle
cortinipotetis. Peu de'là vans ont lit ce' cjuec’étôit, 8c
on l’a affez fou vent confondu avec cè'trépied, dont
elle n’étoit qu’une partie : on donne ici divers exemples
de ces méprifes.
Pour faire concevoir nettement cè que c’étoiè
que cette cortine , Ôc pour éclaircir cè qu’On dira
dans la fuite du trépied Sc.de fon ufagë, fioûs avons
cru que notis ferions bien d’en donner ici une petite
defcription prife de ce qùe i’aiitéur en a répandu en
différens endroits de fon ouvragé. Le trépied étoit
une machine à trois pieds bu colonnes, accompagnées
chacune de fon annèati ou anfe, Sc liées en-
femble par des bandes bu traverfes qui les fôute-
noiént. Cet inftrument, qui a donné le nom à toute
la machine, .n’en étoit proprement que le foutien.
On mettoit defliis deux bàffins d’une matière fort
déliée 8c très-fonore, 8c dë figure demi-fphérique.
Ces baffins fe mettoient l’un fur l’autre par leur
ouverture Sc formoiènt par conféquent une concavité
fphérique. Celui de deffus s’appèlloit cortina.,
celui de deflous craier, 8c la concavité qu’ils for-
moient f«Vp» ou faç-p* , le ventre ; celui de deflous
étoit percé juftement dans le milieu, Scrie. trou qui
y étoit s’appelloit umbilicus, le nombril. On verra
ci-deffous quel étoit l’ufage,de cette machiné.
3. Le troifieme éclairciflement concerne ce quï
eft repréfenté derrière le philofophe Biàs . L’auteur
ne fauroit aflez s’étonner comment tarit d’habiles ôc
célébrés antiquaires ont pu s’y méprendre ; Sc particuliérement
le pere Kirchér Sc M. Fabretti, qui
ont pu examiner ce marbre tout à loifir à Rome. Il
ne doute point que l’autorité du premier , qui avoit
l’efprit fi rempli de figures hiéroglyphiques, qu’il
en trouvoit dans tout ce qui y avoit le moindre
rapport, n’ait entraîné les autres, Sc ne leur ait fait
prendre cette machine pour la lettre tautique ',
ou une croix à anfe , accompagnée de flambeaux.
Pour lui, il n’y voit rién autre chofe qu’un trépied ;
Sc pour peu qu’on examine les figures du trépied ,
qui font fur les médaillés qu’il rapporte ,-il croît
qu’on
qu’on trouvera la chofe tout-à-fait hors de doute.
Ce qu’on a pris jufqu’à préfent pour des flambeaux
, n’eft autre chofe , félon lui, que les deux
pieds du devant du trépied qu’il y trouve : ce qu’on
prenoit pour.le pied de la lettre tautique, n’eft que le
troifieme pied du trépied : ce qu’on prenoit pour le
trait fupérieur de cette lettre:n’eft que la bordure
du baflin inférieur ou crater : .le demi- rond ..qu’on
voit au-deflus, n’eft que le baflin fupérieur ou la
.cortine : cè. qu’on a pris pour l’anfe delà croix,
n’eft'qu’une.des anfes du trépied; ôc la grande figure
ronele qui eft au-deflus de la tête du • philosophe
V eft le crater ou baflin inferieur du trépied,
couvert de,la,.cortine. A l’occafion de la hauteur
de ce trépied, qui s’élève jufqu’au deflùs de la tête
de Bias , l’auteur remarque que cet .inftrument étoit
bien plus, haut qu’on ne le dépeint ordinairement,
qu’il falloit monter pourfe mettre deffus ; ÔC qu’on
'en a la véritable hauteur dans celui d.u marbre
d’Archélaiis. Il n’oferoit affurer.la même chofe.de .fa
largeur qui lui paroît aflez mal repréfentée , ôc c’eft
une. faute qu’il ne' manqué pas. de rejetter fu r le
_peu d’exâ&îtude du copifte. Mais c’eft un défaut
.qu’il lui reproché peut- être, un peu trop fouverit.,
puifqué. M. Fabretti, qui a pris foin de conférer le
.cleffin de ce, copifte avec l’original , Sc de reétifier
dans fa lettre à M. Maggliabecchi, n’a rien trôûyé à
reroûçher à- la plupart des endroits que l’auteur ne
croit pas aflez exactement deflinés..
IV. Les pbfervations particulières de M. Schott
^roulent fur les fujets fuivans.
Le premier eft l’ ùfâge du trépied , dont on n’a eu
jufqu’à prëfèpt qu’une connoiflance fort imparfaite
.Pour le bien concevoir, il faut fe fouvenir de la defcription
que nous, avons donnée ci-defliis dç. .cette
machine. On la plaçoit fur l’ouverture de l’antre
d’Apollon , dans le temple de Delphes, & elle fer-
voit non-feulement dé fiege à la Pythie, qui s’afféyoit
fur la cortinè ou baflin fupérieur, mais encore de
bouche à Apollon pour prononcer fes oracles : car
c’étoit Apollon lui-même, Sc non la Pythie qui les
prononçoit. Un vent qui fortoit de la caverne mira-
.cule'ufe, Sc qu’on pouvoit appeller l’haleine p u la
voix d’Apollon, s’introduifoit dans le creux de. cette
.machine par l’ouverture qui étoit ménagée au-def-
fous, ÔC ne manquoit jamais d’y exciter un, murmure
, qui reffembloit ou à la voix humaine , ou au
mugiflëment d’un boeuf, ou au bruit du tonnerre,
félon la force du vent, qui étoit quelquefois fi violent,
qu’il ébranloit le temple 8c la montagne: ÔC
cè bruit étoit apparemment augmenté ou diminué par
quelque reffort caché dans la concavité' du trépied,
ôc que la Pyrhie favoit gouverner comme
elle vouloit. Quoi qu’il en fb it, il eft probable que
la Pythie étoit aflife fur la cortine , non - feulement
.pour empêcher que la violence du vent ne l ’enlevât
, ôc ne la jettât par terre , mais auffi afin de modifier
Ôc ménager comme elle voudroit le bruit qu’on
formoit dans le vuide du trépied , ôc le faire reffem-
blçr, autant que cela fe pouvoit, aux mots qu’on
vouloit qu’ A potion prononçât. A ce fujet l’auteur
penfe qu'il n’eft pas poffible de réfifter dé bonne
foi aux raifons par lefquelles M. Vandale a prouvé
.que tout le manege des oracles n’étoit qu’une
fourberie des prêtres ,. pour profiter de la crédulité
des peuples; ôc il allure, qu’il fe trouve fortifié
dans ce fentiment, depuis qu’il a compris le véritable
ufage du trépied de Delphes. Nous recon-
noiffons aVec l’auteur que le manege des oracles
n’é to it, au moins le plus fouvent , qu’une pure fourberie
dont les prêtres païens favoient fort bien fe fervir
pour entretenir la fotte crédu Li te de leurs peuples ;
mais nous ne concevons pas comment un vent introduit
dans le ventre d’une machine de cuivre pouvoit,
Tome I .
non-feulement imiter le mu g iffem en t d’un boeuf, ôc
le b ru it du tonnerre, mais auffi articuler des paroles
qu ’on prît pour des oracles d’Apollon : nous n’ignorons
pas que la Pythie, ou des prêtres prépofés pour
c e la r ép é to ie n t enfuite ces oracles ; ôc c’eft ce qui
fait notre difficulté. D ’ailleurs, s’il eft vrai, comme
le. prétend l’auteur, que ce foit-là le véritable ufàge
qu’on faifoit du trépied , il faut l’avouer de bonne
fo i, c’étoit un- artifice affez grofliérement inventé.
L e tuyau-de plomb avec lequel Saint-Luc épouvanta
fi fort Henri III, ou même fi l’on veut la tête parfont.
lantè que Don-Quixotte confulta à Barcelone
incomparablemenf mieux imaginés : les paroles qui
en fo f to ie n t s’entendoient au moins fort diftinête-
ment , Ôc .l’on n’avoit befoin de perfonne pour les
répéter une fécondé fois, ôc pour les interpréter.
z . , Le fécond regarde les engaftrimythès, touchant
lefquels l’auteur a une nouvelle conjecture, par le
moyen de la q u e lle i l e fp e r e^ pouvoir, débrouiller les
difputes ôc les embarras des fa vans fur ce fujet. On
convient en général que c’étoient des parleurs du
ventre qui femêloient d e prédire l’avenir; maisionne
fait ni quelles p er fo n n es faifoient ce métier , ni comment
elles le faifoient. La plupart croient que ces gens-
là avoient la faculté de parler .du yentre , ou de former
des paroles qui fem b lo ien t fortir de Jeur ventre
, ou même de quelque endroit éloigné ; ce que
l’on confirme par quelques exemples modernes rapportés
par Brodeau , Dickinfon, AÜatius ôc quelques
autres. L’auteur rejette cette opinion, fur ce
qu’on ne lit point que les anciens euffent de méthode
pouf enfeigner cet artifice à d’autres. Mais cette rai-
fon ne n ou s paroît. .pas convaincante. A-t-on tenu
re g iftr e de toutes les fubtilités ôcde tous les artifices
dont fe font fervi les anciens ? Y,avoit-il chez eux
des écoles publiques pour les y aller, apprendre ? Et
combien pratique-t-on de çhofes aujourd’hui, dont
on n’écrit rien, ôc dont par conféquent on ne trouve
aucun veftige dans les écrits publics ?, D ’a illeu r s il
ne nous paroît pas que le paffage de Plutarque, qu’on
rapporte ic i , faffe rien du. tout à la chofe. Il dit
qu’il ejl puérile & ridicule Ae croire que-Dieu entre
dans le corps des engajlrimythes & parle par leur bouche.
Il n’eft point queftion ici de gens qui cruffent cela ,
mais de gens qui croyoient qu’on pouvoit parler
du ventre ; ôc que quelques perfonnes qui avoient
ce fecrét, faifoient accroire fubtilement aux autres
que c’étoit quelque dieu qui parloit intérieurement
en eux. Hermolaiis , Barbarus ôc Gérard-Jean V o f -
fius ont cru que les engaftrimythes étoient des
gens qui prédifoient l’avenir par le moyen de certains
vers nommés laç-pa/ ; Sc en cela, ils ont approché
de la vérité, dont ils n’ont ceperidant donné
.aucune preuve. L’auteur efpere être plus/heureux.
Comme le creux du trépied s’appelloit fizTp, ôc
que /MiSoc fignifie quelquefois difcours , il croit que
par engaftrimythes on doit entendre des interprètes
d’Apollon , ou des h om m es qui récitoient ou ex-
pliquoient plus clairement ce qui avoit été dit parle
yentre du trépied d’une maniéré confufe. C’étoient,
au commencement , des femmes qui étoient emp
lo y é e s à ce la, ÔC la Pythie étoit engaftrimythe-
n é e , fi l’on peut parler ainfi. M. Vandale , qui nie
qu’elle eût pu faire cette fonftion, à caufie des cris
furieux qu’elle faifoit étant aflife fur le trépied , eft
ici réfuté. On lui répond que cette fureur étoit feinte,
Ôc que fuppofé qu’elle ne le fut pas, la Pythie n’in-
terprétoit l’oracle qu’après que fon agitation étoit
paffée, Sc le bruit du vent ceffé. Dans la fuite,
lorfque le temple fut plus riche, ÔC que l’oracle fut
devenu plus célébré, on prit des hommes .pour rem*
p lir ce miniftere ; ôc cela, tant po,ur foulager les.
Pythies, qui étoient trop employées , que parce
qu’elles ne retenoient pas affez bien les,réponfes des