
 
        
         
		hôpitaux &  autres lieux publics, qu’onvoitune foule  
 de  ces  vi&imes  infenfiblement confumées par  la rigueur  
 d’une abftinence déplacée  :  elles n’y  ont point  
 la reffource  d’être entourées de  gardes  ou de parens  
 complaîfans  qui  veuillent les contenter  à  l’infçu du  
 médecin. 
 Les hommes  qui fe portent le  mieux, ne fuppor-  
 ïent  qu’avec  peine les changemens trop  fubits  dans  
 la  maniéré  de vivre.  Ofera-t-on prétendre  que cet  
 effet  n’ait  point  lieu dans les  maladies ?  . . .   Il  en  
 eft  qui  ne  font qu’un feul  repas par jour,  d autres  
 en  font deux j trois fuffifent à peine à  la voracité de  
 quelques  autres,  &   la  fupprefïion  d’un  feul  repas  
 les  réduit  aux  angoiffes. On  fait  encore  combien  
 l’habitude  rend  le manger indifpenfable à  certaines  
 •heures  marquées.  Un  fentiment  de  faim  identifie  ,  
 pour  ainfi dire, avec nous-mêmes, nous avertit  de  
 ce befoin, &  ce n’eft qu’en foufffant  qu’on parvient  
 à l’éluder.  Ecoutons  notre  oracle. Oportet  autem  &  
 ex fanôrum  adhuc hominum victu ,  quee  conférant ad-  
 difcxre, f i   eni/pfanis taies  vel taies  vicias magnoperl  
 inferfe differre \identur, cum  in aliis quibufdam ,  tum  
 in mutationibus ;   quomodo <5*  in morbis, maximeque in  
 acutiffimis non multurn different ? Atqui  quod fimplex  
 vicias cibi & potus fu i femperfimilis adfanitatem tutior  
 omninb f i t ,  quant  f i   quis fubitb  ad  alium meliorem  
 magnam mutationem faciat, facile addifcitur. Quando-  
 quidlm tum.  bis die, tum femel cibum adfumentibus re-  
 pentince mutationes damna & morbos invehunt, & fané  
 qui prandere  non  confueverunt, f i  prandeant  ,  ob  id  
 fiatim  infirmos effici,  & toto corpore graves & imbecilles  
 &   ignavos,  &c.  &c.  (  Hip. de vict.  rat.  in  août. ) 
 Il  faudroit même, pour  fe  conformer  aux vues  
 faines de ce pere  des obfervateurs,  choifir  par préférence  
 l’heure o rd in a ir e  des repas, pour donner aux  
 malades  les bouillons ,  les crèmes, ou  autres nourritures  
 légères ,  que les circonftances  de  la maladie  
 ou  de  l’abbatement  des  forces  digeftives,  ont  fait  
 fubftituer  à  une nourriture  trop fucculente. 
 Il femble, par ce que je viens de dire, qu’une diete  
 outrée n’ ait  d’autre  inconvénient  que de  prolonger  
 une convalefcence,  ou d’abattre les  forces d’un malade  
 qui  auroit  befoin  d’en acquérir,  &   que  tout  
 au  moins elle  eft  conforme à  la  doûrine  d’H ip p o c 
 r a t e   dans les maladies  aiguës ;  mais ce qu’il y   a de  
 plus malheureux,  c’eft que le choix des bouillons de  
 viande qu’on fubftitue à la nourriture qu’Hippocrate  
 donnoit  à fes  malades,  eft  dans  la  plupart  de  ces  
 maladies  un  inconvénient  plus  redoutable  que  la  
 nourriture  folide. On  fait mitonner  avec  foin de  la  
 chair  de  boe u f,  de v e au , de  mouton, de  volaille ;  
 on  en-rapproche  la  gelée  ,  on  réduit  dans le  petit  
 volume d’une  prife  de  bouillon,  tout  ce  que  ces  
 maffes de  chair peuvent contenir de  fubftance nourricière  
 ,  6c  l’on  croit  avoir beaucoup  fait  en  épargnant  
 à l’eftomac la peine  de la féparer. N ’eft-ce pas  
 un mal que de  laiffer l’eftomac 6c fes fucs fans aftion ?  
 Croit-on  même que  le volume d’un aliment,   d’ailleurs  
 peu abondant  en  fu c ,   foit  une  chofe  inutile  
 dans l’économie an im a le  ? Et n’ a - t -o n   pas à fe reprocher  
 la tranfition fubite  d’une aftion continue de  ces  
 organes à un repos prefque parfait ?  Qu’on confidere  
 ce  volume de chyle paflant dans les fécondés  voies,  
 moins accoutumées que les premières au travail pénible  
 d’unfurcroît d’aliment; qu’on confulte la nature  
 même  de  cet aliment,   fon  gluant,  fa tendance à  la  
 putréfaftion : 6c l’on verra s’il eft de tous ceux qu’on  
 pourroit choifir, le plus  convenable dans  cet  état de  
 chaleur inflammatoire  qui  fait tout dégénérer ? 11 eft  
 trifte pour l’efpece  humaine que  l’empire  de  l’habitude  
 nous  aveugle au  point  de nous  rendre indiffé-  
 rens  fur les  objets  les  plus  importans  6c les  plus  
 familiers. Les hommes fe fuivent à la pifte  fans examen; 
  heureux encore fi,après des milliers de fautes, 
 ils  ouvrent les yeux  au v ra i,  6c s’il  leur  refte allez  
 de  courage  pour  l’adopter !  ( Cet  article  efi de  M.  
 LA  F o s s e  , Docteur en  Médecine. ) 
 § .  ABSTRACTION  ,  (   Phyfchologie.  Logique.  )   
 l’aftion d’abftraire , du  verbe latin abfirahere, Jéparer.  
 une chofe d'une autre, tirer mettre à  part. 
 Dans fon acception la plus générale, Y abftraction eft  
 l’opération par laquelle l’éfprit fépare de  l’idée totale  
 d’un fujet, une partie de cette idée, pour la confidérer  
 feule, quoique la nature n’offre  jamais ces idées ainfi  
 féparées, 6c que  leurs objets  ne  puiffent pas  même  
 exifterféparément. Ainfi, c’eft par abfractionne l’on  
 confidere  dans  un fujet la fubftance  fans la  maniéré  
 d’être, ou les modes fans la fubftance, ou les relations  
 fans penfer aux modes ou à la fubftance ;  mais ce ne  
 feroit pas  une abftraction,  fi ,   dans un fujet compofé  
 de parties diftinties les unes  des autres,  &  qui peuvent  
 exifter féparément,  on ne faifoit attention qu’à  
 une  des  parties  :  les  branches  d’un  arbre  ,  par  
 exemple,  fon  tronc,  fes  racines,  fes  feuilles,  font  
 bien les parties  d’un tout ;  mais chacune a  fon  existence  
 propre ,  6c  peut être  féparée  des  autres fans  
 être pour cela anéantie. L e foldat peut exifter féparé  
 de l’armée, 6c la  tête  féparée  du corps. C ’eft  à tort  
 que  M. Bayle  ,  dans  fa Logique ,   chap.  i j ,  donne  le  
 nom  d'abftraction  à  cette  divifion ; cette  remarque  
 n’a  pas  échappé  à  M.  le  Clerc. Logicte pars  prima ,   
 cap. vj.  § . S. 
 Pour bien  entendre  ce que  les  Philofophes difent  
 de Y abftraction, il faut en diftinguer de deux efpeces ; 
 Y  abfraction phyfique ,  6c  l’ab[traction métaphyfique. 
 L’abstraction  Physique  ,  eft  celle  dont  la  
 logique m’apprend  à  faire  ufage  dans  l’examen  de  
 tout fujet particulier,  dont  je  veux  avoir  une idée  
 diftin&e. Elle confifte à féparer l’une de l’autre , 6c à  
 confidérer à pa rt,  chacune des idées  différentes que  
 préfente  l’idée totale  d’un individu. Un globe  blanc  
 tombant du  haut d’une  tou r ,  frappe ma vue ; l’exi.  
 ftence de  ce fait, 6c fon imprefîion fur mes fens,. me  
 donnent une idée  çompofée  qui  me  repréfente  cet  
 objet  entier,  avèctoutes  les  circonftances  qui  le  
 caraûérifent, 6c le diftinguent de tout autre individu.  
 Si je  m’en  tiens  à  cette  première  v u e ,  j’ai,  il  eft  
 v r a i,  de  cet objet une  idée  qui me le repréfente tel  
 qu’il  e ft ,  comme  un  tout à  part;  mais ,  comme  je   
 n’ai point décompofé cette  idée, elle eft corifufe, je  
 n’y   diftingue  rien ;  la b rute,  aux y eux  de  laquelle  
 cet  objet fe  préfente comme  aux miens  ,  en  a  une  
 idée aufli claire que l’eft la mienne ; mais j’ai de plus  
 . que  la  brute,  la faculté  de  décompofer  cette  idée  
 totale, 6c fur-tout d’en confidérer à part chaque idée  
 partielle,  que je diftingue, que je fépare des  autres,  
 6c  que  je  rends  feule  préfente  à  mon  efprit  par 
 Y  ab fraction,  comme fi elle  étoit  ifolée,  &   avoit à  
 ' elle  une  exiftence réelle 6c  indépendante  ;  en  conféquenee  
 je  donne  ou  au moins  je  puis  donner  à  
 chacune  d’entr’elles  un  nom  qui  la  défigne  feule.;  
 Ainfi, dans le globe blanc qui tombe à ma v u e , quoiq 
 u e 'je   ne  v o ie ,  6c  qu’i l  n’y   ait  réellement  qu’un  
 feul individu,  je  diftingue cependant  la couleur,  la  
 figure,  le mouvement,  &c. qui font  autant d’objets  
 diftinâs d’idées que  je puis examiner chacune à part, 
 I  6c  indépendamment des autres : je  penfe au mouve-  
 |  ment de ce  globe, fans penfer à fa figure ou à fa couleur  
 ;  j’étudie fa  figure  fans  penfer à  fa  couleur :  je  
 puis  parcourir  ainfi de  fuite  toutes les idées que cet  
 !  objet unique  offre à  ma  penfée ,  6c je  leur  donne ,   
 |  dans mon efprit, par  Y ab (traction,  une  réalité, une  
 exiftence  à  part  qu’elles  n’ont pas en  effet. 
 Obfervez ici que quand  je  ne  connoîtrois,  6c que  
 même il  n’exifteroit dans la nature que ce feul être ,  
 enforte  que je  ne pourrois  le comparer avec aucun  
 autre,  à aucun  égard que ce  fo i t ,  mon efprit pourroit  
 également  en déçompofer l’idée totale,   6c  par 
 Y ab fraction,  phyfique ,  féparer,  étudier  à part,  6t  
 nommer  chacune  des  idées  partielles  renfermées  
 dans l’idée totale ; parce que l’exiftence des objets de  
 ces  idées partielles, & la  perception que j’en  a i,  ne  
 dépendent  pas  des autres  êtres, ni  de  leur rapport  
 avec  celui  que  j’examine ,  ni  des  idées que je  puis  \  
 avoir d’ailleurs  : il ne  s’agit dans mon  efprit que  de  
 ce  feul  individu. 
 Deux  traits  effentieîs  diftinguent  cette  première  
 abfiraction de la fécondé, dont nous parlerons enfuite. 
 ■  i° .  Vah fraction  phyfique  n’a  pour but  que l’a,c-  
 quifition des idées diftinftes que peuvent nous offrir,  
 non pas la généralité des êtres, mais chaque individu  
 pris  à  part ;  ainfi  elle ne  nous donne  que  des  idées  
 individuelles» 
 2°.  Quoique nul des objets de  ces idées abftraites  
 individuelles,  que  Yabfiraction phyfique  fépare  de  
 l’idée totale d.e l’être particulier, n’exifte, 6c ne puiffe  
 exifter  à  part, chacun  d’eux .cependant  exifte  réciter  
 ruent dans  le  fujet dont on l’abftrait,  &   y   exifte  tel  
 qu’il  le  falloit pour  faire  naître  l’idée  qui  le repréfente  
 ,  foit par  fon  imprefîion  fur  les  organes  des  
 fens, foit par le  moyen de  la  réflexion  fur ce  que  
 nous  fentons  en nous-mêmes ;  la nature  fournit in-  j  
 dividuellement  la  caufe  vraie  de  chacune  de  ces.  
 idées.  \t ab fraction  phyfique  rie  s’exerce  donc que  
 fur les  idées  des individus,  ,6c dans  chaque  individu  
 elle n’y  diftingue &  n’en fépare que les idées dont les.  
 objets y  fontréellement. Ainfi, dans le cas  fuppofé,  
 l ’objet que je  confidere ,  6c dont par Y ab fraction je  
 fépare  les idées partielles,  eft uniquement ce globe  
 blanc 6c tombant, 6c non un autre ; c’eft fa cotueur,  
 fa  figure,  fon  mouvement,  6c  non  la  couleur,  la  
 figure ou le mouvement d’un autre : or cette  couleur  
 blanche ,  cette  figure  fphérique, ce mouvement  de  
 chute,  font  des chofes réelles ;  les  caufes  des idées  
 que j’en a i, exiftent effectivement dans cet individu,  
 indépendamment de tout autre  être ;  c’eft dans  l’état  
 naturel des chofes, & non dans mon imagination, que  
 j ’en puife  les idées  :  6c c’eft par cette  raifon que je  
 donne  à cette opération de l’efprit le  nom à.'Ab fraction  
 phyfique 
 Nous  observerons  ic i ,  par rapport  au  langage,  
 que  l’on dit, faire  abfiraction  non pas  de  l’idée  que  
 l ’on  fépare  pour la  confidérer  feule, mais de cèlles  
 dont on la fépare &  que l’on ne confidere point. Ainfi  
 on  dira  :  Louis  X V I .  Abftra&ion  faite ,  ou faifant  
 abftradion de fon rang, de fon pouvoir, defes richeffes,  
 mérite, par la feule bontéde fon  coeur, l'amour de tous  
 ceux  qui  le  connoijfent. 
 C ’eft  à  Yabfraclion  phyfique  que  nous  devons  
 toutes nos idees diftinâes ; fans elle nous n’en aurions  
 que  de  confufes , nous ne  nous  élèverions  pas au-  
 deffus  des  notions  de la brute qui,  félon les  apparences, 
  bornée  à  diftinguer un individu d’un  autre,  
 eft,  comme  le  penfe M.  L ocke,  incapable  de  décompofer  
 &  d’abftraire  les  idées.  C ’eft peut-être à  
 ce  défaut  que  tant  de  gens  doivent leur  ftupidité,  
 leur  manque  de  mémoire  ,  leur, incapacité ;  ils  ne  
 d ift in gu e n t  rien dans l’idée çompofée  d’un individu ,  
 pu  s’ils  y   apperçoivent  divers  objets  d’idées  différentes, 
  comme la figure, la couleur, le mouvement,  
 c’eft  d’une maniéré  très-imparfaite,  fans les  diftinguer  
 réellement  l’une de  l’autre,  fans les  abftraire,  
 de fans  avoir jamais de  chacune  des  idées  claires &   
 feparées. 
 Du  défaut  à'abftraction phyfique  doit  naître  aufli  
 le  manque de mots pour exprimer les idées abftraites  
 *1 zfubfian.ee, dé modé, de relation, que l’on peut diftinguer  
 dans l’idée  totale de chaque individu :  je ne puis  
 pas donner des noms  propres à  des idées que  je  ne  
 diftingue pas  les unes des  autres. Delà fans doute la  
 pauvreté de  la langue des  nations fauvages &  igno-  I  
 rantes;  la  richeffe  au contraire des langues que  par-  I  
 f r n e u   » 
 lent les gériS fa vans, naîtra de la caufe Oppofée. Lorf-  
 qu’en  décompofant  une  idée  totale  ,  je  découvre  
 clairement diftërens objets d’idées diftinéles que j’ab-  
 ftrais les unes des autres, &  dont je me fais un concept  
 à part, chacune  de ces  idées  claires  eft une  richeffe  
 nouvelle ajoutée âmes çonnoiflances, &  fon nom un  
 nouveau  mot dont  ma  langue  s’enrichit. C ’eft  pour  
 avoir  abflrait l’idée  de la figure  du  globe  tombant,  
 que  j ai acquis 1 idee &  le  nom de  la figure fphérique. 
 C ’eft  enfin  à cette  opération  de  l’elprit que nous  
 devons le pouvoir de définir, de décrire 6c d’analy fer;  
 puifquç ces aéles confiftent dans l’énumération exafte,  
 des idées claires que  l’on  diftingue  dans l’idée totale  
 du fujet que  l’on veut faire connoître diftin&ement,  
 6ç que l’on  en  a abftrajte. 
 Quelque  avantage  que  l’ efprit humain  retire  de  
 l’ufage de  Yabfraclion phyfique, pour  perfectionner  
 les idées 6c les rendre plus diftinéles, on peut cependant  
 en  abufer,  6c  de  l’abus  qu’on  en fait naiffent  
 nombre d’erreurs  dans les feiences. C et abus confifte  
 à donner à  ces  idées abftraites une réalité, une exiftence  
 à part qu’elles n’ont point , f6c à  les  confidérer  
 en conféquence féparément de l’individu  dans  &  par  
 lequel,  chacun des  objets de  ces idées exiftent.  On  
 fe fait l’idée abftraite de la matière ou de  la fubftance  
 d’un individu , fans penfer  à  fes modes 6c à  fes relations  
 ;  &: on  fe  forme  bientôt je  ne  fais quelle idée  
 qbfcure  d’une fubftance dépouillée de toute maniéré  
 d’être &  de toute relation; en même temsonfe forme  
 l’idée tout aufli obfcure de  ces  modes  6c de  ces  relations  
 ,  comme de quelque  chofe  qui exiftoit à part  
 fans la fubftance, 6c qui va s’y  joindre pour que cette  
 . fubftance devienne  un  tel  individu ;  ne  confidérant  
 pas  que nulle  fubftance  n’exifte  ni  ne  peut  exifter  
 fans quelque maniéré d’être &  fans quelque relation;  
 &   que  les modes 6c  les relations font, non des fub-  
 ftances, mais la maniéré dont exiftent les fubftances,  
 foit  en  elles - mêmes,  foit  par rapport  aux  autres  
 fubftances. 
 D ’un  autre  côté',  faifant  attention  aux  diverfes  
 idées cjui  font  excitées dans notre  efprit,  foit par  la  
 réflexion  qui  s’exerce  fur  ce  que  nous  fentons  au  
 dedans de  nous ,  foit par la  fenfation que  nous  fait  
 éprouver un  être  dont  nous fentons  les  effets, nous  
 ayons  fuppofé autant d’êtres différens  dans un  individu  
 que nous avons  eu  par  lui d’idées  différentes ;  
 chacun de  fes modes s’eft offert à nous, fur-tout depuis  
 que  nous  avons donné un nom  à  chacune  des  
 idées  qu’ils  ont fait naître  ,  comme un  être féparé ,  
 réel &  indépendant; 6c parune fuite de cette erreur ,  
 nous  avons fait fouvent  de  l’être  le  plus fimple  un  
 être compofé  de  plusieurs êtres.  La Théologie nous  
 en fournit  bien  des exemples ,  ainfi que  la Pfycho-  
 logie : Dieu n’eft plus Amplement l’ëtre parfait ; il y   
 a en lui, fi l’on prend à la lettre les difeours de divers  
 docteurs,  des  connoiffances de ddverfe  nature ,  des  
 volontés  oppofées. Une  miféricorde 6c une juftice ,  
 une faintete 6c une bonté., une fageffe 6c une volonté  
 q u i, comme autant  d’êtres diftincts , agiffent féparément  
 &  indépendamment l’un  de  l’autre,  qui quelquefois  
 même  font en  oppofition,  pour ne pas  dire  
 en  contradiction.  Dieu  n’eft  plus  uri feul être, mais  
 un  compofé  de divers êtres qui ont  un département  
 féparé  6c  diftinét.  Il  en eft  de même  par  rapport  à  
 notre  ame ;  « je  crains,  dit M. Locke, que  la ma-  
 » niere dont on parle des facultés de l ’ame, n’ait fait  
 » venir à plufieurs  perfonnès l’idée  confufe  d’autant  
 »  d’agens  qui exiftent diftinétement en nous, qui ont  
 >» differentes  fonctions  &   différens  pouvoirs,  qui  
 »  commandent, obéiflent  6c exécutent diverfes cho-  
 »  fe s, comme  autant d’êtres  diftinéts ;  ce qui a pro-  
 » duit  quantité  de  'vaines  difputes  ,  de  difeours  
 »  obfcurs,   &   pleins, d’incertitude  fur  les  queftions  
 »  qui  fe  rapportent  auÿ  “différens  pouvoirs  de