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leur abfence pour forcer les portes & le calife fût
affaflïné. .
Après la mort d’Othman, tous les fuffrages fe réunirent
en faveur d'A l i , dont l’ambition éteinte re-
jetta une dignité qu’il avoit autrefois follicitée. Il
protefta qu’il aimoit mieux la qualité de vifir que
le titre de calife, dont il redoutoit les obligations.
Mais il fallut céder aux empreffemens de l’armée &:
du peuple qui le proclamèrent fucceffeur du prophète.
Quoique tous les fuffrages euffent été unanimes
, il n’ignoroit pas qu’une faétion dirigée par
Ayesha ôi les Ommiades, femoit dans toutes les
provinces les femences de la révolte. Il envoya
chercher les chefs des mécontens qui lui prêtèrent
ferment de fidélité dans la mofquée. Mais
ce ferment ne fit que des parjures. Les partifans
d’Othman, dépouillés imprudemment de leurs emplois
, fe joignirent aux mécontens. Toute la Syrie
le déclara pour Moavia, chef de la famille des Om-
miades. Ayesha fit foulever la Mecque, fous prétexte
de venger le meurtre d’Othman, dont A li étoit
reconnu innocent. Le feu de la guerre civile s’allume
dans toutes les provinces. On négocie fans fruit,
& chaque parti prend la réfolution de décider la
querelle par les' armes. Ayesha , à la tête d’une
armée nombreufe, s’avance vers Bafra ; les peuples
fe rangent en foule fous les drapeaux d’une femme
ambitieufe qu’on appelloit la mere des fidèles, & qui
prétendoit venger la religion outragée par le meurtre
d’Othman. Elle étoit portée dans une litiere, d’où
elle exhortoit les foldats à imiter l’exemple de courage
qu’elle alloit leur donner. Bafra fut emportée
dès le premier affaut, & les tréfors d'A li furent la
proie du vainqueur.
Le calife, fécondé des habitans de Cufor & de
Medine , fe préfenta devant Bafra où il trou va. fes
ennemis préparés à le recevoir. Après bien des négociations
inutiles, on donna le lignai du combat,
l’armée d'A l i , quoiqu’inférieure en nombre, remporta
une victoire complette. Ayesha oppofa une
réfiftance opiniâtre : fa litiere etoit défendue par
une troupe intrépide, qui aima mieux périr que de
l’abandonner , foixante & dix des plus braves qui
tenoient la bride de fon chameau, eurent la main
coupée. Mais leur courageufe défenfe ne put l’empêcher
de tomber au pouvoir du vainqueur q u i,
fe bornant à lui ôter les moyens de nuire , la relégua
dans fa maifon de Medine où elle languit fans
autorité au milieu de l’abondance que le calife fut
affez généreux de lui procurer.
Cette guerre étoit à peine éteinte qu’il s’en éleva
une plus cruelle du côté de la Syrie , où Moavia
fe fit proclamer calife & prince des Mufulmans. A li
iifa de la plus grande célérité pour étouffer les étincelles
de cette nouvelle rébellion. Sa modération
fut regardée comme un effet de fa crainte & de fa
foibleue. Moavia qui lui étoit inférieur en talens
& en courage, étoit fécondé par des généraux d’une
capacité & d’une valeur reconnue qui lui infpiroient
une confiance préfomptueufe. Toutes les forces des
Mufulmans fe réunirent pour vuider cette importante
querelle. L’armée 8A li étoit de quatre-vingt
dix mille hommes, & fon concurrent eh comptoit
cent vingt mille fous fes drapeaux. Il y eut un combat
fanglant qui ne fut point décifif ; quoique l’avantage
fut pour A li) il crut avoir acheté trop cher
.la vi&oire, parce qu’il avoit perdu vingt-fix hommes
qui autrefois avoient combattu fous les enfei-
gnés de Mahomet ; ce' fut pour vefiger leur mort
qu’il fe jetta fur les Syriens à la tête de douze mille
hommes, & après en avoir fait un affreux carnage,
il fe reprocha de verfer tant de fang Mufulman,
& il propofa à Moavia de terminer leur différend
par un combat fingulier qui ne fut point accepté j
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on fit des difpofitions pour un nouveau combats
Moavia plus fécond en artifices que fon rival, ordonna
à fes foldats d’attacher un alcoran au bout de
leurs lances, & de marcher à l’ennemi en criant :
voici le livre qui doit décider de tous nos différends : ce
livre défend à vous & à moi de répandre le fang Mufulman.
Ce ftratageme eut le plus heureux fuccès.
Les foldats dé A li fàifis d’un refpeft fuperflitieux re-
fufent de combattre , & menacent même de livrer
leur calife , s’il ne fait fonnér la retraite. A li conf-
terné de fe voir arracher une victoire certaine, eft
obligé de céder aux murmurateurs.
Moavia convaincu de la capacité de fon concurrent
, parut adopter un fyftême pacifique , i f fe
fournit aux dédiions de deux arbitres. A li rendoit
fon éleérion fufpeôe en la foumettant à un nouvel
examen. Mais comme il ne fe croyoit plus libre au
milieu de fon armée , il répondit que ce n’étoit
point à lui à décider, d’autant plus que fon éleftion
n’ayant point été fon ouvrage , ce n’étoit point à
lui à en foutenir la légitimité II ne fut point confulté
dans le choix des arbitres, & féduit par fa candeur
il fouferivit au choix que fon rival artificieux avoit
diélé par le miniftere de fes agens fecrets. A mm aufli
diflimulé que lu i , fut nommé par les Syriens. Les
Arabes choilirent Mufa Al Ashari qui avoit plus de
probité que d’expérience dans les affaires. Les deux
califes confentirent à s’éloigner pour laiffer les fuffrages
plus libres. Ce fut fur les frontières delà Syrie que
ce fameux procès fut difeuté. Ârnru qui avoit cette
duplicité de caraélere qui fait fe plier aux inclinations
des autres pour les amener à fon but, affeda des
vues pacifiques, & perfuada à fon collègue que pour
rétablir le calme , il étoit néceffaire de dépofer les
deux califes & de procéder à une nouvelle élection.
Mufa ne foupçonnant aucun piege confentit à ce
projet, & aufii-tôt il monta fur un' tribunal qu’on
avoit élevé entre les deux armées. Ce fut-là qu’il
prononça la dépofition des califes, & après avoir
déclaré leur dégradation, le perfide Amru montant
fur le tribunal à fon tour dit : «Mufulmans vous venez
d’entendre Mufa dépofer A l i , je fouferis. à l’arrêt
qu’il vient de prononcer contre ce calife , & je déféré
cette dignité à Moavia, qu’Othman a déclaré
fon fucceffeur, & qui en effet en eft le plus digne ».
Cet artifice groflier fouleva tous les partifans d'A li
qui avoient droit de fe plaindre de cette décifion. Les
deux partis également aigris, fe frappèrent réciproquement
d’anathêmes, & ce furent ces excommunications
qui répandirent la femence des haines qui
fe font perpétuées jufqu’à ce jour entre les Turcs
& les Perfans. Les Mufulmans divifés fe préparèrent
à foutenir leurs droits par les armes. Soixante mille
renouvellerent leur ferment de fidélité k A l i , mais
les Kharegites qui jufqu’alors lui avoient été les
plus affeâionnés, l’abandonnèrent fous prétexte qu’il
avoit fouferit à un traité honteux, & qu’il avoit
laiffé au jugement des hommes , une caufe qui ne
devoit être citée qu’au tribunal de Dieu même. Ils
fe retirèrent fur les bords du T ig re , où une foule
de piécontens fe joignit à eux. A li informé qu’ils
avoient raffemblé une armée de vingt-cinq mille
hommes , & que, devenus perfécuteurs de tous les
Mufulmans , ils égorgeoient impitoyablement ceux
qui ne penfoient pas comme e u x , fit avancer fon
armée pour les combattre. Ce prince avare du fang
de fes freres , fit planter un étendart hors de fon
camp , dont il fit un afyle facré pour ceux qui
rentreroient dans le devoir. Plufieurs rebelles profitèrent
de cette- indulgence ; mais les plus opiniâtres
, réduits à quatre mille, fondirent en défefpérés
fur l’armée du calife qui les punit de. leur témérité;
il n’y en eut que neuf qui fe dérobèrent au carnage,
& d’autres ajoutent que tous furent paffés au fil de
l ’épée.
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l’épée. Après, leur défaite toute l’Arabie fe rangea
fous l’obéiffance dé Ali.
Ses troupes encouragées par cette viéloire , le .
folliciterent de marcher contre Moavia. Le calife
céda à leur empreffemenf, & fut camper près de
Cufa. Les .deux concurrens, au lieu d’engager une
action décifive , fe bornèrent à dévafter les terres ,
de leur ennemi. La Syrie & l’Arabie furent innon-
dées du fang de leurs habitans. Le fpeélacle de tant
de calamités affligeoit les véritables Mufulmans : trois
Kharegites , touchés du malheur de leur patrie,
crurent devoir couper la racine du mal en exterminant
A li , Moavia & Amru qu’ils refufoient de re-
connoître pour imans. Ils fe-confirmerent dans leur
deffein par des fermens, & s’y préparèrent par des
jeûnes. L’un.fe tranfporta à Damas, & frappa Moavia
d’un coup de poignard , mais le coup ne fut pas
mortel. Un autre le rendit en Egypte, & s’introduifit
dans la mofquée, où Amru avoit coutume de fe
trouver. Une maladie dont il venoit d’être attaqué,
lui fauva la vie , & comme il ne put exercer ce
jour-là les fondions d’iman , il. en chargea un de
fes officiers qui expira fous les coups de ce fanatique.
Le troifieme .des conjurés fe rendit à Cufa
pour affafiîner A li ; le fanatique faifit le moment où
le calife avoit coutume de fe trouver à la mofquée
pour y faire l’office d’iman. Il affocia à fon crime
deux fcélérats, vieillis dans le crime, qui crurent
effacer leurs iniquités par le facrifice d’un-homme
qu’ils regardoient comme l’auteur des calamités de
la nation. Le premier coup porté au calife ne fut
point mortel, mais le fVcond le priva de la vie , il
n’eut que le, .teins de dire : « fi je guéris, épargnez
l’affaffin fi je meurs, prononcez l’arrêt de fa mort,
afin que je puiffe le citer au tribunal de Dieu ».
On ignora long-tems le lieu où il avoit été d’abord
iqhumé ; ce ne fut que fous-les califes A baflides que
ce fecret fut découvert. Les écrivains Arabes ont
eu foin de nous tranfmettre tous fes traits. 11 étoit
chargé d’embonpoint , fa barbe étoit épaife , il
avoit. la tête chauve & la poitrine velue. Quoiqu’il
eût Tefprit fort orné, il étoit d’une crédulité
imbécille, & la,force des préjugés lui rendit toutes
fés connoiffances inutiles. La fuperftition courba
fon efprit fous les volontés d’un impofteur qui fit
fervir fes talens à fes fuccès. Son défintéreffement ■
dégénéra en prodigalité ; il n’eftimoit les richeffes
que pour les diftribùer aux malheureux. Tant que
Fatime, fille chérie du prophète , vécut , il n’eut
point d’autres femmes. Epoux tendre &: confiant ,
il réunît fur elle toutes fes affeôions, & il en eut trois
fils. Après fa mort il donna libre cours à fes penchans,
& il ufa du privilège delà poligamie. Il eut.de ces
différens mariages quinze fils, & dix-huit filles.
Le refpeél qu’inlpire fa mémoire eft pouffé juf-
qu’à l’idolâtrie.,Quoique fon tombeau, près de Cufa
, attefte qu’il a été fujet à la mort, fes partifans
fuperflitieux font perfuadés qu’il n’a point fubi la
commune loi. Ils publient qu’il reparoîtra bientôt
fur la terre accompagné d’Elie, pour faire régner
la juftiçe & pour extirper les vices. Les plus outrés
de fes adorateurs font les Gholaïtes, q ui, l’élevant
au-deffus de la condition humaine, affurent qu’il
participe à l’effence divine. Le juif Abdala , défer-
îeur de la foi de fes peres, fut le fondateur de cette
feéle extravagante. Il n’abordôit jamais A li fans
lui dire : tu es celui qui efi, c’eft-à-dire , tu es Dieu.
ej* difciples de cette infenfé font partagés,'en deux
feaes. Les uns foutiennent qu’il eft Dieu , ou un
être extraordinaire qui reffemble à Dieu. D’autres
.prétendent que Dieu s’eft incarné dans Mahomet^A
oc les enfans, qui ont furpaflè tous les autres hom-
mes en famteté. C ’eft pour juftifier leurs blafphêmes,
qu ils iuppofent une infinité de miracles opérés par
A L I *Sr
A li, auquel ils appliquent tout ce qui eft dit du
verbe éternel dans nos livres lacres. II n’y a qu’une'
fe&e parmi fes partifans qui admette que la fuccef-
fxon de cet iman ait été interrompue , toutes les autres
prétendent que fa race ne s’éteindra jamais ,
& que de fiecle en fiecle il fortira de cette tige fortunée
de nouveaux rejettons pour exercer les fonctions
du grand prophète.
Le nom de, shiites , qui proprement lignifie fec-
tqires, eft employé pour défigner particuliérement
les feéiateurs dé A l i , qui prétendent que la qualité
d iman & de calife appartient aux defeendans de
ce grand prophète. Quoique divifés en cinq branches
qui fe fubdivifent à l’infini, ils fe réunifient dans
l’opinion que l’inftitution d’un iman eft un article de
foi qui ne dépend point du caprice du peuple ; que
ceux qui font revêtus de cette dignité doivent s’élever
au-deffus des foibleffes humaines, & être aufli
purs que ia loi dont ils font les interprétés & les
miniftres. Le fchifme, qui partage l’empire mufulman
en Shiites & en Sonnites , prit naiflance fous
le califat dé AU. Les premiers reftreignent leur .foi à
tout ce qui eft contenu dans l’alcoran, les autres
admettent les traditions qui furent inférées dans
ce livre par les compagnons de Mahomet. Les Shiites
regardent Abu - Becre, Omar & Othman comme
des usurpateurs du califat, au lieu que les Sonnites
ont une grande vénération pour leur mémoire. Les
uns elevent AU au-deffus de Mahomet, ou du moins
lui donnent l’égalité. Les autres n’admettent aucune
concurrence avec leur prophète : ces que fiions, agitées
dans les écoles mûfulmanes, ont excité dans
tous les tems des haines religieufes , qui ont infeété
les champs de l’iflamifme ; le peuple a combattu
pour des, opinions accréditées par la politique qui
avoit intérêt de divifer les nations pour former différens
empires. Telle eft la fource de cette antipathie
qui fubfifte encore entre les Turcs & les Perfans
, qui s’accablent réciproquement d’anathê.-
mes. Un juif & un chrétien leur font moins odieux
qu’un mufulman qui ne penfe pas comme eux.
Les Perfans, les Usbecs , qui font les habitans de
l’Oxus des anciens , , la plupart des Indiens Maho-
métans , font de la fetle dé AU. Les Turcs , lesTar-
tares & les Africains admettent les traditions. -
Le courage dé A li le fit appeller. le lion de Dieu
victorieux.. Son droit à l’héritage de prophète lui fit
donner le furnôm déhéritier. Sa foi brûlante lui mérita
le nom de mortada , qui fignifie bien-aimé de
Dieu. Son goût pour lés arts & fon efprit cultivé
le firent appeller le difiributeur de la lumière. Ces
qualifications pompeufes ne lui ont point été données
par tous les Mufulmans. Les califes Ommiades
lancèrent des excommunications contre lui & contre
fa famille dans toutes les mofquëes de l’empire. Les
Abaflides, qui avoient une tige commune avec lui,
fupprimerent ces malédiirions , quoique quelques-
uns aient flétri fa mémoire. Mais les califes Fati-
mites, qui régnèrent en Egypte , ordonnèrent aux
crieurs d’ajouter fon nom à celui de Mahomet, toutes
les fois que du haut des minarets, ils appel-
loient le peuple à lapriere publique: les Alides,tantôt
fortunés & tantôt malheureux, ont éprouvé les plus
grandes révolutions de la fortune. Un petit-fils
d’Hofein , (AidéAli, eut le courage de revendiquer
l’héritage de fes peres ; maisle calife Rashid réprima
fon ambition & le fitrepenrir de fa témérité. Les Alides
plus heureux dans la fuite, fondèrent des empires
dans le Maranderan, dans le Kerman. On voit plufieurs
fultans de cette famille dans l’Yemen,à Cufa &
dans les provinces d’Afrique. Leurs partifans ont une
vénération fuperftitieufe pour un defeendant dé A li
nommé Mahomet, & c’eft un article de foi qu’il reparoîtra
triomphant fur la terre avant la fin du monde*
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