
 
        
         
		Elles reffemblent  à  ces termes  riches q ui,  par leur  
 étymologie,  ou  par leur compofition ,  donnent en  
 quelque  maniéré  la  définition  de  la  chofe même,  
 &   en font  le  ligne naturel.  T e l  e ft,  par exemple ,  
 l’emblème  de  l’ame  ,  ou de  l’immortalité ,  que  les  
 anciens  défignoient  par  un papillon.  Cet  emblème  
 n’annonce  pas  Amplement  l’immortalité  ;  il  fait  de  
 plus fentir que'ce n’eft  qu’après s’être dépouillée de  
 l’enveloppe  grofliere ,  que  l’ame  jouit  de  fa  véritable  
 vie. Telle eft  encore l’image allégorique  de la  
 juftice :  le  bandeau  8c  la  balance  n’expriment  pas  
 uniquement le mot juftice; ils en indiquent le caractère  
 effentiel ;  l’impartialité  ,  l’incorruptibilité ,  8c  
 la fcrupuleufe  exaCritude. 
 Il  feroit inutile  de  dire  que  des  images  de  cette  
 efpece  font de beaucoup  à  préférer  à  celles  dont  
 la  lignification fe  borne  au  mot :  mais  il eft important  
 de  faire  obferver  qu’un  artifte,  qui  aura  du  
 génie  ,  peut  donner  à  une  image,  d’ailleurs  peu  
 fignificative, un  fens naturel ,   à  l’aide de  quelques  
 traits  cara&ériftiques.  C’eft  ainli  que  le.Pouffin  a  
 fçu  ingénieufement  défigner le  Nil.  La  tête  de  ce  
 fleuve  eft  cachée  dans  les  rofeaux,  pour marquer  
 qü’on en  ignore encore  la  fource.  C ’eft  au  moyen  
 de  ces  traits  particuliers,  qu’on  peut  donner  une  
 lignification  plus  précife  aux  images  des chofes  qui  
 «ont  des  propriétés  fenfibles,  comme  font les provinces  
 ,  les  ville s,.le s  fleuves.  Cela  peut  même  
 s’étendre  aux  images  d’idées  purement  abftraites.  
 Buphalus  ,  artifte  grec  ,  avoit ainli défigné  la  fortune  
 d’une  maniéré très-expreffive :  elle  portoit  un  
 cadran folaire fur la tête ,.  8c une corne d’abondance  
 à. la main ( Paufanias  ,  Liv.  IV . ). Parmi les  pierres  
 gravéesde Mariette, il y  en  a une («.  i f ) , qui pour-  
 roit  palier pour une  excellente allégorie de  la poéfie.  
 C ’eft  un  génie  monté, fur  un  griffon ;  il  appuie  fa  
 main  droite  fur une  lyre : celle-ci  eft placée fur un  
 trépied  qui eft  foutenu à  fon  tour  par  une bafe de  
 forme  cubique.  Le  cube  peut  déligner  la  jufteffe  
 des  penfées ;  le  trépied,  l’infpiration ;  &  la lyre  ,  
 l’harmonie : les trois qualités  éffentielles  du poëme. 
 Les images allégoriques, quipréfentent des figures  
 humaines, font les plus propres  à  rendre  X allégorie  
 parfaite, par l’attitude, le caraftere &  l’a dion de ces  
 figures.  C ’eft  par-là que les  emblèmes  ,  d’ailleurs li  
 peu  fignificatifs,  des  nations &  des  villes,  acquièrent  
 l’expreflion la plus forte, lorfqu’on les applique  
 à des cas  particuliers ,  que l’artifte a la touche fûre,  
 &  qu’il  a un peu de  ce. génie qui  guidoit  Ariftides ,  
 quand, par une feule figure, il fut exprimer le  c a r a c tère  
 diftindif des Athéniens. Que  de force,  8c que  
 de  chofes  Appelles n’avoit-il  pas  mis  dans l’image  
 de  la calomnie, dont Lucien nous a confervé la def-  
 cription  ?  Et quelle  horreur n’infpire pas  l’image  de  
 la  guerre  dans  Ariftophane ,  quand  Mars,  dont  la  
 figure  ne  dit  ordinairement  rien de  bien  expreflif,  
 eft  repréfenté  écrafant  dans  un  énorme  mortier,  
 des  villes  ,  &   réduifant  en  poudre  des  provinces  
 entières } 
 Mais, pour trouver des  allégories de l’efpece dont  
 nous parlons, il faut  fans doute être doué d’un génie  
 qui  n’eft  donné qu’aux  artiftes  du  premier  ordre.  
 Dans cette  foule  immenfe  d’images  allégoriques,  
 qu’on  voit  fur  les  médailles  antiques,  il  n’y   en  a  
 que  très-peu  qui  foient  bien énergiques.  Les  plus  
 parfaites  en ce genre,  font  les images des divinités,  
 qu’on peut, en quelque maniéré, mettre  au rang des  
 images allégoriques. Le  Jupiter de Phidias étoit proprement  
 une  image  allégorique  de  la  divinité;  
 8c  le  fameux  Apollon  du  Belvedere  n’eft  autre  
 chofe  qu’une  allégorie  parfaite du foleil, dont cette  
 admirable  image  exprime  à  nos  yeux  l’éternelle  
 jeuneffe,   la  douceur  attrayante,  8c  l’infatigable  
 activité.  .  . 
 Le  vrai  génie fait donc donner  le plus haut dégré  
 d’expreffion à  des  images q u i,  d’elles-mêmes ,  fe-  
 roient  peu  expreflives  ;  mais  ce  n’eft  pas  en  y   
 joignant  ces  foibles  indices  ,  qu’on  nomme  des  
 attributs,  que  l’on peut  atteindre  à  ce  dégré d’énergie. 
   On  ne  fauroit trop  répéter à  l’artifte  qu’il  ne  
 fuffit  pas de  mettre  une balance dans  la  main  de la  
 juftice  ;  il doit favoir donner  à Thémis le  caraâere  
 de  divinité qui  lui eft p ropre,  comme le Jupiter  &   
 l’Apollon,  dont  nous venons de  parler, ont le leur.  
 Le bel  efprit, qui  faifit des reflèmblances fubtiles  8c  
 minutieufes, n’eft pas ce qu’il faut  ici :  il n’y  a qu’un  
 grand  génie  capable  d’exprimer  chaque  caraftere  
 de  l’efprit,  chaque  fentiment  de  l’ame,  qui  puiffe  
 réuflir dans  des  inventions  de ce  genre. 
 Les attributs  fervent  néanmoins  aufîi  dans \allégorie  
 ,  pour  en  faciliter  l’intelligence ,  &  pour  conduire  
 à  l’effentiel. Nous  ne  défapprouvons  pas  le  
 croiffant  fur le  front  de Diane ; il  nous  explique  le  
 fujet : mais Bartifte ne doit pas croire que cet attribut  
 fuffife  pour  remplir l’allégorie ,  ou  qu’il  puiffe  être  
 placé indifféremment fur toute figure de  femme. Ces  
 lignes, qui ne font que parlans, fans aucune  énergie ,  
 font  d’autant plus  néceffaires  i c i ,  que  Vallégorie la  
 plus  énergique  laiffe  fouvent  en  doute fur  le véritable  
 fens  ,  lorfque  ce font  les  arts  du  deffin qui la  
 préfentent. Quand même  l’artifte réuffiroit  parfaitement  
 à  exprimer  l’idée  du  tems  dans  l’image  de  
 Saturne, il ne fera que  bon qu’il y  joigne un fablier,  
 ou quelqu’autre  ligne de cette nature : c’eft  en quelque  
 maniéré écrire le nom de  l’image, dont  enfuite  
 on  doit  pouvoir  reconnoître  les  carafteres en elle-  
 même. Le deffinateur  eft ici incomparablement plus  
 borné que le poëte.  Ce dernier préfente fon allégorie  
 dans une  connexion  qui  indique  aifément  le  fens.  
 L’autre  au  contraire, eft fouvent réduit à ne donner  
 qu’une  image  ifolée  ;  rien,  autour  d’e lle ,  ne  peut  
 aider  à  deviner  fa  lignification.  L’artifte  eft  alors  
 dans la néceffité de  recourir à des  acceffoires  qui  y   
 fuppléent ;  mais  ,  nous  le  répétons  encore,  il  ne  
 doit pas fe contenter de  ces petits lignes  acceffoires,  
 il  doit  s’exprimer  dans  le  grand.  Si  ce  qu’on rapporte  
 de l’habileté des anciens  peintres &   fculpteurs  
 eft vrai, plufieurs d’entr’eux ont eu le  talent de faire  
 des  images telles  que nous les  exigeons ;  &   rien ne  
 leur  a  dù  être impoflible,  même  dans  la  partie  la  
 plus difficile de leur art, dans Xallégorie. Quel tableau  
 allégorique  eût  été  impoflible  à Euphranor,  s’il  a  
 fçu peindre Paris,  de maniéré qu’on démêloit en  lui  
 le  juge  de  la  beauté,  le  raviffeur  d’Helene  8c  le  
 meurtrier  d’Achille ? Euphranoris,  (  dit Pline ,  Liv,  
 X X X IV .  8.  ) Alexander P aris ejlt  in  quo  laudatur,   
 quod  omriiaJimul intelligantur 9judex dearum, amator,  
 Helence,  & tamen  Achillis  interfeclor.  Nous  verrons  
 (  art.  Antiques ) ,  ce qu’il  faut penfer de ces  récits  
 fur l’art  des anciens. Mais,  quoi qu’il  en fo i t , il  
 eft certain que le  génie peut  aller  au-delà de  ce que  
 la raifon  conçoit :  &   il eft bon  d’exciter les artiftes  
 modernes par l’exemple des productions des anciens ,   
 fuffent-elles  exagérées. 
 A la fuite des  fimples images  allégoriques,  viennent  
 les  tableaux qui  repréfentent allégoriquement  
 une  maxime ,  ou  une  propofition  générale.  C ’eft  
 ici  qu’il  faut appliquer  la  décifion  d’Horace, qu’on  
 cite  fouvent  mal-à-propos. 
 Segnius  irritant animos demifja per  aurem , 
 Quant  quee funt oculis fubjecla fidelibus. 
 Quand  un tableau  allégorique  n’exprimeroit  pas  
 une  vérité  avec  plus  d’énergie  que  ne le  feroit  le  
 fimple  difeours  ,  on  auroit  néanmoins  l’avantage  
 d’être plus  vivement affeCté,  parce qu’on voit intuitivement  
 ce que le  difeours ne montre  qu’à l’entendement  
 ,   ou  tout au  plus  à  l’imagination,  qui  n’eft 
 auac 
 aux fens 5 que: comme l’ombre  eft au corps.' Mais f i ,  
 à  cet  avantage,  le  tableau  réunit  encore  une  perfection  
 intrinfeque  ,  fon  effet Temportera  de  beaucoup  
 fur  toute  l’énergië  de  la  poéfie,  8c l’on aura  
 atteint . le  plus  grand  but  que  l’art  puiffe  fe. pro-  
 pofèr.  ■ y 
 Qu’il  nous foit permis de faire ici une remarque ,  
 fur  laquelle  on  rie  fauroit  trop  infifter.  C’eft  un  
 grand abus en matière de peinture,  que jufqu’à prévient  
 on exalte généralement beaucoup plus  la beauté  
 du  pinceau ,  que celle de  l’invention;  c’eft préférer  
 les moyens  à la  fin. La  plupart des  connoiffeurs ref-  
 femblent à   l’avare  qui met  fa félicité  à pofféderun  
 moyen  dont.il .n’a  aucun, deffein  de  faire  ufage.  
 L’heureufe invention d’une allégorie intéreffante, doit  
 donner  plps  de  prix’  à  un  tableau  ,  que  ne  lui  en  
 donneront  le  pinceau  du Titien  même,  s’il  n’étoit  
 accompagné d’aucun  autre  mérite. Mais  cette  carrière  
 n’eft-.ouverte qu’aux génies du premier ordre ;  
 peu  d’artiftes y   ontréuffi: c’eft  la  partie foible  dès  
 aeflmateursmodernes, c’eft au-flî celle des amateurs.  
 On continue-d’admirer'lès chétives  inventions d’Otto  
 -  Venius :  il -deflînoit  bien ;  triais ■ fes  emblèmes  
 d’Horace  font  pitoyables  ,  8c  quelques-uns  même  
 puériles. 
 On  peut  diftinguer  trois  fortes  de  tableaux allégoriques, 
   félon  la nature  du.fujet, qui  eft ou phy-  
 iique  ,  ou  moral,  ou hiftorique.  Les  faifons,  les  
 parties  du  jo u r ,. les  trois  régnés  de  la  nature , la  
 nature  elle-même  ,  appartiennent,  à  la  prerniere  
 claffe. De tels tableaux repréfentent allégoriquement  
 quelques-unes-des principales propriétés  de  l’objet.  
 Ce font des poèmes peints ,  dont , le fujet  eft  pris de  
 la  nature  vifible ,  &   entremêlé d’objets pathétiques  
 8c  moraux.  Un  bel  exemple'  à  produire  en  ce  
 genre,  feroit  le  plafond du château  de  Reinsberg  -,  '  
 o ù  Pefine  a  repréfenté  le jo'ur naiffant,  f i  ,   comme  
 ce  célébré artifte fe le propofoit, il avoit fait graver  
 ce  tableau. 
 La  fécondé claffe  contient  les repréfentations  de  
 vérités  générales  ,  8c  de  maximes  relatives  aux  
 moeurs.  De  c'é  genre  eft cette  pierre  gravée fi connue  
 , qui repréfente l’amour à cheval fur un tigre  ou  
 fur-un lion, pour exprimer que cette p'affion'adoucit  
 les  caractères  les  plus  farouches.  Le  tableau  de  la  
 calomnie,  dont nous avons  déjà  parlé ,  eft plus.dér  
 taillé ;  il  fait  fentir  par  divers  traits  marqués, toute  
 la  laideur de  ce ;vice.- Ges  tableaux  ne different  de  l’allégorie  du  difeours ,  qu’en  ce  qu’ils  difent immédiatement  
 aux  yeux  ce,qu’à  l’aide  des  mots,  le  
 difeours  dit à l’imagination.  L’obfervation  attribuée  
 à Pythagore * queibrfqû’un état a joui quelque tems  
 d’une  heureufe  abondance  ,  le  luxe  s’y. introduit  
 jnfenïiblernerit,  puis  le  dégoût,'  enfuite'  des  excès  
 mbhftrueux,  8c  enfin la  ruine  totale :  cette observation  
 eft un tableau  tout  fait.  Le  peintre  n’a  qu’à  
 le porter  de  l’imagination fur la  toile. 
 :  -La  trojfieme  claffe  enfin  renferme les repréfentations  
 hiftoriques,  foit  qu’elles  indiquent  fimplement  
 les faits,  ce  quiconttitueX allégorie hiftorique  
 la  plus  commune,  telle  qu’on  la  voit  fur  tant  de  
 médailles  antiques  8c  modernes ;  foit  qu’elles cir-  
 cdriftancient les événemens :  ce  qui  conftitue  Xallégorie  
 fublime  du genre hiftorique,  telle qu’ôn l ’admire  
 dans  les tableaux  de  Le  Brun, dù les  grandes  
 aérions de  Louis XIV.  font  repréfentées. 
 C’èft le  point le  plus haut  &   lé  plus  difficile  de  
 1 art ; il n’y  a que  des peintres du premier rang, qui  
 puiffent  y  atteindre. Déjà dans les-arts de la parole-,  
 rien  n’eft  .plus  difficile  que  défaillir un  événement  
 mërhorable,  ou  une  grande  aCtion  par  fon  côté le  
 plus  faillant y  pour l’énoncer  en  une  feule  période!  
 de,maniéré  que  de  ce  point' de  vue  principal  ou  
 •puiffe  découvrir tous les.dé.tails à   la  fois,  ‘ 
 Tome  1%  ■  •  - 
 Pour réuflir dans  ce  genre,  il  faut non-fëulement  
 ■  favoir, à  l’exemple de l’orateur, concentrer une multitude  
 de  chofes  en  un  petit efpace,  il  faut  encore  
 avoir l’art  de le rendre bien vifible,  8c c’eft-là  ce qui  
 -lend  fi rares les allégories excellentes dans  Cè" genre.  
 La représentation allégorique.d’un événement ne ren-  
 ferriie proprement rien d’hiftorique ; car c’eft moins le  
 fait q u ’ e lle   doit préfenter,  qu’une remarque  importante  
 8c féconde en application fur le fait ; de  ces  remarques  
 telles qu’un grandhiftorienpourroit les faire  
 pour montrer un événement  fous  un  point  de  vue  
 qui  frappe,  comme  quand Tacite dit  :  brèves  &  in-  
 faufios populi romani amores. Annal.  II.  42. Le  but  
 d’un tableau allégorique n’eft nullement de tràrifmet-  
 tre  1 hiftoire à  la  poftérité, il  y  a  des  moyens  plus  
 fimples,  8c  plus fûrs  de  remplir  cet  objet ; fon  but  
 eft  de mettre  les  faits dans  le  point de  vue  le  plus  
 éclatant :  ce  qui  n’eft rien  moins que- facile.  Il  faut  
 pour cet effet que  l’hiftoire qu’on a  en vue foit très-  
 connue ,  &   que  de  plus  elle  renferme  ou  par  les  
 deffeins  qui  l’ont  fait  naître ,  ou  par  .les  circonstances  
 qui  l’ont  accompagnée,  ou  par  les  fuites  
 qui  en  ont  réfulté  ,  quelque  chofe  de  généralement  
 mémorable ; c’eft cette  généralité qui fait proprement  
 Peffence de Xallégorie. 
 ll y  a, dans la galerie de Duffeldorf, un tableau de  
 Raphaël quirepréfente un jeune homme dans unboc-  
 cage  épais ,  affis auprès d’une  fource d’où il a  piiifé  
 de  l’eau dans  une  coupe qu’il  tient  devant fo i ,  à la  
 main. Jufques-là ce tableau eft purement hiftorique,  
 &  c’eft aufli tout ce qu’un peintre ordinaire pourroit  
 exprimer même avec  le coloris  du Titien. Mais Raphaël  
 a  fu  donner à cette figure  unique des penfées  
 fi  hautes,  un recueillement fi  fublime  à  la  vue  de  
 cetee  coupe  d’eau,  qu’on  reconnoît dans  ce  jeune  
 homme  Jean Baptifte occupé  dans  le défert à réfléchir  
 fur fa  vocation  divine,  &   qu’on  croit  enfuite  
 entendre  fes profondes méditations fur  le baptême.  
 Voilà ce qui-tient déjà  à  la haute  allégorie.  Quicon-  
 que ne fait  peindre  que  des  corps  ne  doit pas  l’en-  
 treprendre. Eût-il pour, chaque idée  particulière l’i-  
 mage la  plus exafte , il ne donneroit qu’un hiéroglyphe  
 bien intelligible, mais point une  allégorie. Celle-  
 ci  ri’exprime  pas la lettre, mais l’efprit de la  chofe. 
 Le premier  foin  de l’artifte  fera  donc de  décou-  
 vrir l’ame dans le matériel d’un événement qu’il veut  
 allégorifer ; 8c fon fécond  foin  doit être ,de  la  rendre  
 vifible. Ainli le tableau allégorique  des conquêtes  
 d’Alexandre nerepréfenteroit pas des expéditions  
 militaires , ni  des batailles ; il exprimeroit ou le noble  
 defir  de  venger fur  un  monarque  enivré  de  fa  
 puiffance , les injures d’un peuple libre ; ou l ’ambition  
 effrénée  8c  fes  funeftes fuites,  dans un prince qui  
 unit les plus  grands  talens à   un  pouvoir  affëz  con-  
 fidérable  ;  ou enfin quelqu’autre penfée  de  cette nature; 
  qui  nous  plaçât  d?abord  dans  le  point de  vue  
 convenable.  Quand l’artifte  aura  trouvé  l’efprit  de  
 fon  hiftoire ,  il ne  lui fera pas  difficile d’invèriter les  
 .carafteres propres à marquer  le  fait.  Il  eilaifé  de  
 faire;eonnoître  les temps-,  les  lieu x, 8c  les  perfon-  
 -nàges; 
 S’il eft v ra i,  comme  les  anciens  l’ont  rapporté  ,  
 qu’Ariftides  ait pu  dans une  feule  figure  exprimer  
 parfaitement  le  caraûere  des  Athéniens,  caraftere  
 ii  finguliérement contrafté ; pourquoi  ne pourrions-  
 nous pas attendre de l’art perfectionné, des tableaux  
 vraiment  allégoriques  ? Telsferoientpar  exemple,  
 l’influerice  du  rétabliffement  des  Sciences  fur  les  
 moeurs;  la  découverte  de  l’Amérique  figurée  par  
 quelques-uns de plus importans effets qu’elle a produits  
 , &c.  ■ 
 Après avoir  vu la nature de Xallégorie ,  fes diver-  
 fes  efpeces  &  fon  prix  ,  il  nousrefte à  faire  quelques  
 remarques  fur Ton  invention  8c  fes  ufage s , . IS