
 
        
         
		fuivi  de  trois  cens  chars,  traînés  par  deux  chevaux  
 blancs : ce  qu’il rapporte  encore  des noces de  
 .la  fille  d’Antifthene,  ne  nous  en  donne  pas  une  
 moindre idéejcar Antifthene régala tous les citoyens,  
 chacun dans les quartiers de la ville qu’ils habitoient.  
 Plus  de  huit  cens  chars  à  deux  chevaux  ,  fans  
 compter  les  cavaliers de  la  ville  &  des environs,  
 qui  étoient invités aux noces  , ornoient  la  pompe, 
 &   compofoient le cortege de  la mariée. 
 Mais  rien  ne  fait mieux  connoître  le  luxe  &   la  
 molleife  des  Agrigentins,  que  la défenfe  qu’on fut  
 obligé de  faire à ceux qui étoient commandés  la nuit  
 pour  défendre la  ville  contre  les attaques  des  Carthaginois  
 :  cette défenfe  portoit que chaque homme  
 n’auroit pour'Aè  coucher qu’une  peau de  chameau,  
 -un pavillon, une couverture de laine &  deux oreillers. 
  Les Agrigentins  trouvèrent ce decret très-dur : 
 &   on  peut  juger  par - l à ,   dit  Diodore,   quelles  
 étoient  leurs  moeurs. 
 .  Cet  auteur  remarque  cependant  que  parmi  ces  
 citoyens  livrés  au  luxe ,  il y  avoit  d’honnêtes  gens  
 qui  fàifoient  un bon ufage  de  leurs  richeffes.  T el  
 étoit  ce  Gélias.  qui avoit  fait  bâtir  plufieurs appar-  
 temens  dans  fa  maifon  pour  y   recevoir  les  etrangers. 
   Il  y  avoit aux portes de  la ville  ,  des hômmés  
 qui  invitoient de fa part  ceux  qui arrivoient,  à v enir  
 loger  chez  lui  :  il reçut  en  un  feul  jour  cinq  
 cens  cavaliers  de  Géla  ,  auxquels  il  fit  préfènt  
 d’habits.  Plufieurs  citoyens  fiiivirent fon exemple :  
 ce qui fit dire à Empedocles,  ravi  de  voir  renouv 
 e le r  les moeurs & le s  coutumes des premiers hommes  
 ,  « que la ville  d'Agrigente  étoit  un port afliiré  
 »  où  les  étrangers  étoient  reçus  avec honneur  & 
 »  avec  bonté ». 
 Tels  étoient  les Agrigentins ,  parmi  lefquels de-  
 meuroit  Empedocles  ,  philofophe  pythagoricien  ,  
 poète, hiftorien, médecin &  théologien,  qui  a fait  
 tant  d’honneur  à  fa  patrie.  L’autorité qu’il  s’étoit  
 acquife  fur  fes concitoyens  ne  lui  fit  pas  naître  le  
 defir  de  dominer  fur  eux ;  &   la  vénération  où  il  
 étoit à  Agrigente-,  ne  lui fervit  qu’à y   faire régner,  
 autant qu’il  étoit en lui, la paix &  le bon ordre. On  
 lui  offrit  l’autorité  fuprême  qu’il  refufa.  Ennemi  
 déclaré  de  la  tyrannie ,  il  failoit punir  fans miféri-  
 corde quiconque ofoit faire paroîtredansfa conduite  
 qu’il y   tendoit.  Un Agrigentin l’avoit invité à manger  
 chez lui ;  l’heure  du  repas  étant  venue,  il demanda  
 pourquoi  on  ne  fervoit  pas ?  C’eft,  dit  le  
 maître  de  la maifon,  qu’on  attend  le  miniftre  du  
 confeiL  Cet  officier  arriva  en  effet  quelque  tems  
 après,  &  on le fit roi du feftin.  Il fe comporta d’une  
 maniéré  fi  infolente  pendant  le  repas,  qu’Empe-  
 docles foupçonna qu’il y   avoit entre ce roi  du feftin  
 &   celui  qui l’avoit  invité,  quelque  complot  pour  
 rétablir  la  tyrannie.  Il  failoit  que  le  foupçon  fût  
 bien fondé,  puifque le  philofophe , qui n’a voit rien  
 dit  pendant  tout  le repas ,  ayant fait  appeller  ces  
 deux hommes  devant le confeil,   ils furent condamnés  
 à  mort. 
 Son mérite fixa  fur  lui  les  yeux  de la  Grèce entière. 
  Ses vers furent chantés aux jeux Olympiques,  
 avec ceux d’Homere  &  d’Héfiode.  On croit  que  ce  
 philofophe ,  extrêmement  â g é ,  tomba  dans la mer  
 &  fe n oya,  440  ans  avant  Jefus-Chrift. 
 On comptoit à Agrigente, félon Diogene Laërce ,  
 huit  cens mille  habitans,  ce  qu’il  ne  faut  pas  entendre  
 de  la  ville  feule,  mais  encore de  fon territoire  
 ;  car  Diodore  de  Sicile,  qui  la  décrit  telle  
 qu’elle  étoit dans le  tems  qu’elle  fut  ruinée  par les  
 Carthaginois , c’eft-à-dire  , quelques années  après  la  
 mort  d’Empedocles  ,  n’y  comptoit  que  deux  cens  
 vingt  mille  hommes. 
 Après tout ce que nous avons dit de  cette ancienne  
 ville ,   il n’y  a  point d’exagération poétique  dans  ce 
 que  Pincfare en  rapporte dans un endroit de fes odes j  
 où  il apoftrophe  Agrigente  en  ces  termes;  «  ville  
 »  célébré,  amie  de  la  magnificence  ,  la  plus belle  
 »  de'toutes  les  villes  de'.la  terre,  facré  féjour de  
 »  Proferpine  ;  vous;  à  qui un fleuve  fertile nourrit  
 »  en  tout  tems de  nombreux troupeaux ; ’vous dont  
 »’ les  pompeux  édifices  s’élèvent  eh  amphithéâtre  
 »  fur  une charmante  Colline !  reine des  cités,  &c. »  
 Agrigente  a  bien  changé  depuis  le  temS .dîr cette  
 defcription  fut  faite  ;  mais quoique déchue  de  fon  
 ancienne  fplendeur,  elléne  laiffe  pas  d’être.encore  
 confidérable  :  fon nom moderne eft Gerge/iii.  Cette  
 ville  illuftre,  par la naiflance des deux Empedocles,  
 deCaftimts ,  poète ;  d’Acron  ,  médecin  d.e Métel-  
 itts j 'müfieien,  fouffri't  beaucoup  des  cpurfes  des  
 Sarràfîns-en  Sicile.  Voye^  Mêm.  acad.  Info.  y.  8.  
 &   /4.  in-12.  (  C.  ) 
 *  §   AGRIGNON,  ( Gèog. )   l’une  des  îles  des  
 Larrons;  lifez  Agrigan.  . 
 AGRIMONTE,  ( Gèog. ) petite ville du royaume  
 de Naples ;  dans  la  Bafilicate. Elle eft  fituée  fur  la  
 riviere  de  Sino,  qui  coule, dans  le  laco  riegro'.  Son  
 territoire- eft très-fertile  ôc fes  environs  fort  agréables. 
   Long.  40.  20.  lat.  40.  25.  ( C ..A , ) 
 *  AGRIONNIES,  f.  pl. f . (  Mytk. ) fêtes que l’on  
 célébroit  en  Béotie  en  l’honneur  du dieu  Bacchus.  
 Ce  font  peut-être  les  mêmes  que  d’autres  nomment  
 Agranies.  Voyeç ce  mot  dans  le Dicl.  raif.  
 des Sciences,  Arts &  Métiers.' 
 AGRIPPA,  MÉNÉNIUS,  ( Hijloire romaine.')  fut  
 moins  recommandable  par  les guerres  qu’il foutinf  
 avec  gloire  pendant  fon  éorifulat,   que par fa dextérité  
 à  manier  les  efprits.  Après  l’expulfion  des  
 Tarquins ,  le  fénat,  qui avoit  éprouvé ce que  peut  
 le  peuple  réuni  ,  engloutit  tout  le  pouvoir.  Les  
 Plébéiens  s’appercùrent qu’en brifant le joug des rois  
 ils s’étoient donné trois cens  tyrans qui les  traitoient  
 en  efclaves.  Les  foldats  abandonnèrent  les  confuls  
 &   reconnurent  pour  chef  Sicinius  ,  officier,  capable  
 de leur commander  puifqu’il  étoit  élu  par eux :  
 les  rebelles  fe  campèrent  fur  une  éminence  qui,  
 depuis,  a  toujours  été appellée  le mont facré,  ou  
 la  montagne fainte. Rome,  confternée ,  reffembloit  
 à une ville prife  d’affaut  &  ménacée. du pillage.  Les  
 députés  du  fénat,  dèvenus moins  fuperbë  ,  furent  
 reçus &   renvoyés  avec  mépris.  Au milieu de cette  
 confternation générale  ,  on jetta les yeux  fur Méné-  
 nius  Agrippa,  refpeôable  par  fon  intégrité  &   par  
 la  connoiffance  des  vrais  principes  du  gouvernement  
 ,  également  ennemi  de  la  tyrannie  dû  fénat  
 &  de la licence du peuple.  Il partit chargé d ’un plein  
 pouvoir,  il parla  aux  rebellés  fans  orgueil &   fans  
 baffeffe.  Ils demandèrent &  obtinrent cinq magiftrats  
 chargés de défendre les droits & la  perfonne de chaque  
 citoyen, qui  furent appellés tribuns du peuple.  
 On fit une  loi  qui rendit leur perfonne  facrée.  L ’é-  
 leâion  de  ces  magiftrats , arrivée dix-fept ans après  
 l’expulfîon des rois, eft l’époque  d’oii l’on doit dater  
 la  liberté du peuple romain, &  cette  révolution  fut  
 l’ouvrage  de  Ménénius  Agrippa.  Tous  les  états  de  
 l’Italie  étoient alors  fournis à'Un gouvernement aristocratique  
 ,  qui ne laifloit au peuple que l’ombre de  
 la liberté ,  &   ce  fut  de  l’excès de  l’oppfeffion  que  
 naquit  le  zele républicain.  ( T—n .') 
 Agrippa  (V ipsanius) ,  Hijl.  Rom.  qui  fut  le  
 plus  grand  capitaine-  &   le  plus  habile  homme  de  
 mer  de  fon  temps,  fit fon  apprentiffage  de  guerre  
 fous  le  premier des Céfars. Il  fut heureux  pour lui 
 d’avoir  a combattre fous un  général  qui  favoit  démêler  
 les  talens,  &  qui  fe  faifoit  un  devoir de  les  
 récompenfer.  Il  eût vieilli fubalterne fous un  Clau-  
 dius, il. apprit  fous Céfar à  jetter les fondemens de  
 fa  grandeur  future.  La famille  de  Vipfanius,  dont  
 il  étoit  forti,  n’avoit  jetté  aucun  éclat  avant  lui. 
 -Agrippa, 
 Agrippa,  véritablement  né  pour la  guerre,  appla-  
 nit  tous  les  obftacles  que  le  vice  d’une  naiflance  
 obfcure  oppofoit à  fon  élévation :  artifan de fa fortune  
 &. de  la g loire, la reconnoiffance lui fit embraf-  
 fer  le parti  d’Augufte  qui  lui  fut redevable  de  l’empire  
 &   de  fes  viftoires.  Les  Romains  lui  attribuèrent  
 tout l’honneur de la bataille d’A&ium. O.âavien  
 lui  pardonna  fa  gloire qui  éclipfoit la fienne.  Il  eft  
 vrai  qu’Agrippa , fimple &  modefte , tempéroit*, par  
 fa  modération  ,  l’envie  attachée  aux  talens  fupe-  
 rieurs; 6c  loin de  fe  livrer  à  l’ivreffe  infolente qui  
 Souvent égare,les favoris de  la  fortune,  il  fe  dero-  
 boit aux applaudiffemens  publics avec le meme  em-  
 preffement  que les  ambitieux en montrent pour  les,  
 Solliciter. O&avien,  reconnoiffant  de  fes  iervices ,  
 ne  crut  mieux  le  récompenfer  qu’en  le  choififfant  
 pour fon  gendre;  il  lui  fit  épouler  fa  fille  unique,  
 Julie,  veuve du jeune Marcellus.  Cette  union,  qui  
 affuroit à  fa famille l’empire du monde, fut la Source  
 féconde  des maux qui empoifonnerent fa  vie.  Il  eut  
 de  fon  mariage  cinq  enfans,  fav.oir,  Lucius  Céfar,  
 Sc Caïus Céfar", qui moururent jeunes,  Julie  Agrippine, 
   femme de  Germanicus Céfar, Julia Vipfania,  
 femme  de l’Empereur Flavius, &  Marcus Julius Ce^  
 far Agrippa poftumus,  que  le  farouche  Tibere  immola  
 à ,fes Soupçons.  Agrippa,  après avoir été  trois  
 fois  conful, mourut dans la Campanie à  fon  retour  
 d’une expédition contre  les  Pannoniens.  Son mérite  
 lui  procura  tout  ce  que  l’ambition  offre  de  plus  
 éblouiffant.  Mais  tandis  qu’il-jouilfoit  du  fantôme  
 du  bonheür,  il  étoit  dévoré  de  chagrins  domefti-  
 ques  ,  &  comme l’on  eft  plus  Souvent  vis-à-vis  de  
 foi-même,  que  dans  la  représentation,  il  acheta ,  
 au  prix  de.  ta  tranquillité ,  le malheureux honneur  
 d’être le mari'de  Julie  ( T— N ). 
 AGROPOLI,  ( Géogr. )  petite ville du  royaume  
 de Naples,  dans,  la  principauté  citérieure.  Elle  eft  
 fituée fur la partie  orientale du golfe de Salerrie,  au  
 nord-eft  du cap del Abate.  Long, j ÿ . 10. lat. 40. 40.  
 (C .  A . )   - 
 ,  AGUA DE PAO,ö« Alago a, ou Aq u a d e Palo,  
 (  Géogr. )  petite ville  de l’île  Saint-Michel, aux aço-  
 res,  dans  la  mer  Atlantique.  Elle  a  près  de  600  
 jnaifons,  &  deux  églifes  paroiffiales.  Son territoire  
 produit  toutes  fortes  d’excellens  fruits , &  fur-tout  
 les  plus  beaux Cédras  des  ifles Tercerès.  Long. G.  
 10.  lat. $8.  20.-  (C.  A . ) 
 A G Ù  A P E C  A ,  f.  m.  ( Hiß. nat.  Ornithologie.')  
 genre  d’oifeau  de  la  famille, des  vanneaux ,  ainfi  
 nommé  au Bréfil  félon Marcgrave.  Jacance  alia fpe-  
 cies, Brafilienfibus  Aguapecaca  dicta.  Hifior.  Brafil.  
 page  191. Les habitans de  la  Guiane  l’appellent  Ra-  
 poua, félon  Barrere,  &  les François  Poule d'eau. M.  
 Briflon le  défigne  fous  le nom de  Jacana armé,  ou  
 Chirurgien. Jacana nigro-viridans, alis ad fufcum ver-  
 gentibus armatis,  rectricibus  nigro-viridantibus..... Jacana  
 armata.  Ornithologie,  volume V , page  123. 
 Uaguapeca a la  grofleur  du pigeon,  le bec droit,  
 cylindrique,  médiocrement  long  ,  renflé  vers  le  
 bout,  le  cou  allez long, la queue  courte ,  ainfi que  
 les  ailes,  les  doigts  &   leurs  ongles  très-l,ongs,  &   
 même  plus  que  les  jambes  qui  font  en  partie  fans  
 plumes, &  fur chaque épaùle un  éperon conique de  
 corne jaune, avec lequel il fe bat 6c fe défend.  Il eft  
 par-tout d’un  verd noir,  excepté fes  ailes  qui  tirent  
 fur le brun. Son féjour  ordinaire  eft  autour  des  marais  
 au Bréfil.  (M. A d a k s o n . ) 
 §   AGUEDA, ( Géogr. )  petite ville  de  Portugal,  
 dans  la province  de  Beyra.  Elle  eft  fituée  dans  un  
 fort joli pays, fur un bras  de  la  riviere  de  Vouga ,  
 au nord  6c  à  fix  liéues  environ de  Coimbre. Long.  
 •  c 4. lat.  4o.? 3 (f. 
 Il  y   a  une  riviere  de  ce  nom  dans  le  royaume 
 '  Tome  I. 
 de  Léon,  qui  pafîe  à  la  Ciudad  Rodrigo.  ( C. A . )  
 §  AGUER,  (Géogr.)  ville d’Afrique ,  fituée au  
 pied du mont Atlas,fur  un promontoire qui fe nom-  
 moit anciennement  Vifugre.  Les Portugais la prirent  
 dans  le  feizieme  fiecle. Mais  le  cherif Mahamet la  
 reprit, ôç pafla au fil de l’épée  tous ceux qui fe  trou-  
 verent  dans  la  place.  Elle  dépend  maintenant  de  
 l’empire  de Maroc. ( C.  A. ) 
 AGUERRE,  ( C hrétienne  d’ )   comtefle  de  
 Sault.  ( Hijl. moderne. ) Chrétienne  d7 A  guerre, fille de  
 .Claude  d'Aguerre ,  avoit  époufé  en  fécondés  noces  
 François-Louis d’Agouft, comte de Sault. C’ étoit  
 une  de  ces  femmes  dont l’hiftoire  peut  confoler fes  
 pareilles de  l’aviliffante  obfcurité où nous les tenons  
 captives.  Faite pour  commander aux hommes beaur-  
 eoup  plus par  l’afcendant. de  fon  génie  que  par  le  
 pouvoir de fes charmes,  elle  avoit  dans les  affaires  
 les talens d’un politique ,  &   dans-le  péril  le courage  
 d’un héros.  Senfible , mais jamais  efclave  du  fen.riment  
 ,  dévorée  d’une  ambition  qui  ne  jugeoit  rien  
 impofïible,  elle  réfolut  de  faire époque  &  réuffit.  
 La  fortune,  d’un-fils que le  comte de  Sault lui avoit  
 laifle, fut-le prétexte des grandes révolutions qu’elle  
 méditoit.  Elle  eut  bientôt  formé  un  parti  dans  la  
 Provence, -mais le  comte  de Carces.V à  qui  fa  haute  
 naiflance  donnoit beaucoup  d’autorité  fur  les  Provençaux, 
   lui  oppofa  fa  fariion.  Celle  de  la  comtefle  
 alloit  fuccomber ^lorfqu’elle  appella  un  pro-  
 te&eur puiflant.  C ’étoit le  duc  de Savoie.  Il  failoit  
 réunir  tous  les  fuffrages  pour  introduire  dans  la  
 Provence-un allié  plus, dangereux qu’un ennemi même. 
  Deli^ny,  vendu à ce  prince,  lui cherchoit  des  
 créatures  ,  flattoit  les  mécontens,  &   leur  prodi-  
 guoit  des  promeffes  dont un amb.afladeur  n’eft jamais  
 avare,  fur-tout  lorfqu’il lés  fait  au nom de fon  
 maître.  Il  s’adreflà  au brave ô£  vieux  Saint-Marc.  
 »  Penfe-tu ,  dit le  guerrier en montrant fes cheveux  
 » blancs, qu’après avoir blanchi au fervice du roi de  
 » France , je  veuille donner.à un autre  ce fouffle de  
 » vie qui me  refte  ».  Enfin  la  comtefle  appuie  de  
 toute  fon autorité les  négociations de Deligny, elle  
 cabale en faveur-du duc de Savoie , le comte  tabale  
 contre  elle ,  le  Parlement  d’Aix  balance  entÆ  les  
 deux partis ;  tandis qu’il délibéré, la comtefle paroît  
 -à la  tête  d’une  troupe  de  féditieux,  l’affemblée  fe  
 d-iflipe ,  &  le palais  eft livré au pillage. La comtefle  
 députe vers le duc de  Savoie  pour le prier devenir  
 fecourir  à main armée  la  foi catholique  contre  les  
 proteftans.  Ce  prince  fit de  grands préparatifs, tem-  
 porifa,  afin de donner,  à  la  révolution le  temps  de  
 s’affermir,  obferva  de  loin  le  péril,  partit  enfin,  
 marcha  lentement,  &   fe  montra  lorfqu’il  crut  ne  
 plus trouver de réfiftance.  Il entend par-tout retentir  
 fur  fon  paffage  les  cris  de  vive fon  altejfe,  vive  la  
 meffe,  &   y  répond  en verfant l’or  à pleines  mains.  
 Pendant ces  delais,  Caftellar,  créature  de  la  comtefle, 
   ignorant magiftrat,  citoyen  turbulent,  brave  
 foldat,  à  la tête  de quelques  fanatiques,  avoit conquis  
 Barjols &  plufieurs autres places. Le duc afliége  
 Salon,  un  pan  de  muraille  s’écroule,  les  prêtres  
 catholiques comparent le duc à  Jofué,  la  ville  à Jéricho  
 , le canon avoit fait le miracle. 
 Cependant les finances du duc  étoient épuifées. Il  
 alla chercher des fecours  en  Efpagne.  Jeannin  l’ac-  
 compagnoit, Jeannin, magiftrat intégré, négociateur  
 profond,  ligueur,  fans  fanatiline,  qui  fut  l’ennemi  
 de Henri IV ,  mérita  fon eftime  &   devint  fon ami.  
 Philippe II donna au duc cinquante mille écus, mille  
 foldats,  quinze  galeres,  &   lui  fit  pour  l’avenir  les  
 plus  belles  promeffes.  Le  duc  entra  en  triomphe  
 dans  le  port  de Marfeille, mais  en mettant  pied  à  
 terre,  il  apprend  que  fes  troupes  ont  été  battues  
 par le  célébré  Lefdiguieres. Impatient de  venger  fa  
 gloire,  il  court à Berre, &  s’empare  de cette place