
 
        
         
		fophifmate  ado r tus fum.  Unum ,  inquam ,  habttis ocu-  
 lum ! quod curn dedijjet ; duos, inquam,  oculos habttis j   
 quod  cum  abfolute  annuïjfu :  unus ,  inquam ,  & duo  
 très funt ;  ergo très  oculos  habetis.  Capkes  verbi cavil-  
 'latione jurabat, fe  tantum  duos  habere ; multis tamtn  
 6*  his Jimilibus  dettrminare  doclus,  jucundam  vitam  
 dicebat habere  litteratus'î Quelqu’un  pourroit-il  bien  
 évaluer à  quelle,  diftance  l’efprit  humain  étoit alors  
 du  point  auquel nous  le  voyons  parvenu  ? 
 Tranfportons-nous  donc  tout  d’un  coup  à  une  
 époque plus  lumineufe ; mais n’infiftons pas .fur celle  
 du  renouvellement  des  lettres  ,  lorfque  les  Grecs  
 chafles  de Çonftantinople fe  répandirent dans l’occident, 
   oii ils  ne  firent  que  des  éleves  femblables  à  
 eux  ,  des  critiques  &   des  littérateurs.  Ce  qu’on  
 appelloit  alors  philofophie  ,  en étoit  les  vrais antipodes. 
   Un  exemple pourra  tenir ici lieu de  tous  les  
 autres.  C’eft  celui  de  ce  Pic de  la Mirandole, qui fit  
 tant de bruit dans.fon fiecle, &  quicerrainementne le  
 méritqit guère, C ’étoit un jeune  homme  à qui la lecture  
 desScholaftiques, &  peut-être aufli les louanges  
 des  flatteurs,  qui  ne .manquent  jamais  aux  grands,  
 a voient  gâté  l’efprit.  Il  crpyoit  être  inftruit &  pouvoir  
 répondre  de, onmi fcibïli.  Faut-il  d’autre  titre  
 pour  avoir  droit  d’être  logé  aux  petites  maifons ?  
 Il,voulpit  réfuter  r.Âlcpran.fans  favoir  l ’Arabe.  Il  
 voulpit  .accorder  Platon StÀriftôte ;  Saint  Thomas  
 &   Scot  f'apprécier  toutes.les  fc£tes  ,  toutes  les  
 religions  ;  concilier tous  les- théologiens  &   tous  les  
 philofophes.! Il: finit.par vouloir  de  prince  devenir  
 moine..' 
 Paflons donc à l'époque du véritable rëtabliflement  
 des fci ences-, de la renaiflance-,pu.pour dire l’exacfe  
 vérité  ,  de  la  naiflànce  de , la  philofophie ,  qui  me  
 paroît  être fortie du cerveau de  Defcartes,  comme  
 Pallas de celui de Jupiter. Ou i,  c’eft ce grand homme  
 qui  a  appris  aux  mortels  à  penfer ,  à raifônner,  à  
 fe dégager de  l’orjiiere fangeufe où des maîtres  aufli  
 durs  qu’imbécilles  les  traînoient,  pour  entrer dans  
 la  route:  du  v ra i,  &   y   marcher  à  l’aide  de  leurs  
 propres  forces ,  de  leur feul  génie.  O u i,  je ne  fais  
 point de difficulté de  dire  que  Defcartes  eft le véritable  
 pere  des  académies,  puifqu il  eft  incontefta-  
 hlement le pere de la  fainte philofophie &  de l’efprit  
 philofophique.  Il  eft  à  la  vérité  dans  le  cas  de ,ces  
 docteurs  dont  il  vaut  mieux  fuivre  les  préceptes  
 que  d’imiter  la .conduite  ;  mais je  ne  parle .aufli que  
 des préceptes,  &  je maintiens que  leur prix &  leur  
 efficace  font  d’une  évidence  inconteftable.  Ecoutez  
 M.  Thomas  :  c’eft  à  lui  qu’il  appartient  de  décrire  
 dignement  la  grande  influence  de  ce  puiflant  génie  
 fur les efprits &   fur  les  fiecles. « C’eft ici,  dit-il,  le  
 » le vrai triomphe de Defcartes. C’eft là fa grandeur.  
 » Il  n’eft plus ,  mais fon efprit vit  encore. Cet efprit  
 » eft immortel,  il  fe répand  de nation  en  nation &   
 » de fiecle  en fiecle.  Il  refpire  à  Paris  ,  à Londres ,  
 » à   Berlin,  à  Leipfick,  à  Florence.  Il  pénétre  à  
 » Petersbourg;  il pénétrera un jour jufques dans ces  
 » climats  où le genre  humain  eft  encore  ignorant &   
 » avili ; peut-être  qu’il  fera  le  tour de l’univers». 
 Je vais plus loin encore,  &  je dis que les erreurs,  
 les écarts de Defcartes ont mieux conduit à l’éreâion  
 des  académies  que  fa  méthode  &   fes  maximes  de  
 raifonnement.  D ’abord l’admiration  qu’il excita,  la  
 reconnoiflance pour fes bienfaits fignales, firent qu’on  
 l’écouta  comme  un  oracle,  qu’on  lui  accorda  cette  
 confiance  aveugle qu’il  étoit  venu  à  bout de bannir  
 de  i’efprit  humain.  On  devint  Cartéfien  comme on  
 avoit été Péripatéticien ;  peut-être aufli parce  qu’on  
 avoit encore le pli de la fujettion,  le caraâere fenile.  
 Mais  p e u -à -p e u   les  yeux  s’ouvrirent;  on  comprit  
 que  Defcartes  pouvoit  fe  tromper  ;  on  vit  
 qu’il  s’étoit  trompé  effeâivement  ;  &   je  date  delà  
 une  fécondé révolution,   entée,  pour ainfi dire, fur 
 la première,  qui  n’auroit  pas  eu  lieu ,  fans  doute; ,fi la première n’avoit précédé ,  mais qui ne laifle pas  
 d’être  beaucoup  plus  importante,  &   la  feule  déei-  
 fivét  celle  par  laquelle  tout  bon  efprit,  tout  vrai  
 philofophe, ne  porte  plus le  nom d’aucun  maître  ,  
 d’aucune  fefte ; mais  après avoir fuffifamment pefé ,  
 mûrement examiné toutes  les  doûrines,  en  adopte  
 une,  parce  qu’il  la trouve vraie, ou  s’en forme  une  
 en  réunifiant  tout ce qu’il a  trouvé de folide dans  le  
 cours de toutes fes études Sc par  la  voie de fes propres  
 recherches. 
 Quand je dis que les chofes font ainfi, un fcrupule  
 m’arrête  ;  &  je devrois  plutôt  dire  qu’on  les  croit  
 fur  ce pied,  qu’on s’en  flatte  &   qu’on  s’en  vante  
 comme de tant d’autres prérogatives, dans lefquelles  
 il entre  plus  d’illufion que  de  réalité.  Non , l’affran-  
 chiflèment  de  l’efprit  humain  n’eft  rien  moins  que  
 décidé  ;  le  nombre  de  ceux  qui  aiment .à  voir  de  
 leurs;propres y e u x ,  à  faire  ufàge  de  leur  efprit &   
 de  leur raifon  ,  demeure  toujours  le plus  petit.  S’il  
 n ÿ  a plus de Cartéfiens ,  on-a vu depuis des Newtoniens  
 ,  des Leibnitziens, des Wolfiens même  ; &  qui  
 fût Ce qué'l’on verra encore !  Mais il fuflit qu’il y,ait  
 eu depuis Defcartes  ce  qui n’aVoit pas exillé  avant  
 lui ;  un  certain  nombre  de  génies  fupérieurs  ,  qui  
 ont  défriché  &  mis  en  valeur  des  portions  incultes  
 du domaine philofophique ;  domaine  qui  s’étend &   
 fe fertilife de jour en jour ,  fans  qu’il y   ait perfonne  
 qui puifle  ni qui  ofe s’y arroger un droit defpotique.  
 Je dirois  prefque  qu’on  y   voit à prëfent  l’image  du  
 gouvernement  féodal  ,  fans  y   en  rencontrer  les  
 înconvéniens.  Chacun  eft  feigneur  fuzerain  de  fes  
 propres découvertes,1; &  lé titre authentique de cette  
 propriété feiranfmet aux races futures. Rien de plus  
 encourageant  que  cette  forme  de  gouvernement :  
 là vérité  feule  régné ;  c’eft  aux pied  de  fôn  trône  
 qu’on porte toutes- lesconquêtes, qu’on dépofe tous  
 les tréfors,  elle en réglé la  diftribution ; elle  décide  
 de  la mouvance de toits les  fiefs.  ' 
 Il n’y   a donc point d’homme à prëfent q u i,  après  
 avoir acquis  les connoiflànces préalables' nécefiaires  
 ne  puifle  travailler pour foi  en  fait de  philofophie ,  
 &  recueillir immédiatement  le  fruit de  fon  travail.  
 La  fagefle  n’habite  plus  le  Lycée , ni -le  Portique,  
 encore moins  ces  écoles pondreufes ,  où ,  pendant  
 fi long-tems ,  le fantôme  qui  avoit  ufurpé fon nom  
 &   fa  dignité,  transforma Ion  fceptre  en  une  vraie  
 marotte.  Elle  eft  dans  le  cabinet  de  chaque  philofophe  
 ;  elle  s’y  plaît  à  proportion  de  l’application  
 qu’on  lui  confacre  Sc des  progrès  qu’on ƒ  fait.  
 N’exiftât-il  qu’un  feul  de'ces  cabinets,  il  feroit  le  
 palais de  la  philofophie ,  le  fanâuaire  de  la  vérité.  
 Quelle douceur ! quelles délices au prix  de  l’avidité  
 Sc  de  la  tyrannie  de  tout  ce  qu’on nommoit autrer  
 fois  étude &  fcience ! 
 Cependant  les  hommes  aiment  les  aflbciations ,   
 foit par le  goût  naturel &  général qu’ils  ont pour  la  .  
 fociété, foit par la connoiflance du profit qu’on peut  
 retirer des  forces  réunies  Sc  des  travaux combinés.  
 De-là tous les états, toutes les villes, les bourgades,"  
 les hameaux : de-là les corps &  les compagnies qui,  
 de tout temps, ont formé des entreprifes de concert.  
 Celle  de  cultiver  ainfi  les  fciences n’eft pas de première  
 néceflité  ;  &  l’on  peut  jouir  des  principaux  
 agrémens  de la vie fans la former,  ni même  fans en  
 avoir  l’idée,  comme  le  prouve  l’expérience  de  la  
 plupart des  temps &  des  lieux.  Cependant  dès  que  
 l’efprit  humain  eft  développé  jufqu’à  un  certain  
 point,  &  a fait  certains  progrès,  il  a fes plaifirs &   
 fes befoins à part : il  lui faut des alimens dont l’ufage  
 devient  prefque  indifpenfable  ;  &  il  cherche  avec  
 empreflement  les  moyens  de  fe  les  procurer.  On  
 a  cru  en trouver un fort convenable ,  en faifant un  
 dépôt  commun  des  connoiflance  acquifes  par  un 
 certain  nombre  de  perfonnes  ,  qui  fe  rendent  des  
 fervices  réciproques  dans  cette  acquifition.  Depuis  
 un fiecle  ,  à  dater de  l’origine  de la  fociété  royale  
 de Londres ,  l’une  de  celles ,  félon moi,  qui ont le  
 plutôt  fuivi &   le mieux  faifi  le  véritable  objet  de  
 ces établiflëmens  ,  on  a fait, à la lettre ,  plus qu’on  
 n’avoit fait en quarante fiecles à-peu-près, que  comprend  
 l’hiftoire  philofophique.  De  grands  princes  
 ont beaucoup  contribue  à  ces  rapides  progrès &  à  
 ces glorieux mccès, par leur proteûion &  par toutes  
 fortes d’encouragemens. 
 Je  ferois fcrupule de  répandre  des ombres  fur  ce  
 riant tableau, &  de montrer,  comme il ne me feroit  
 que trop aifé de le faire,  qu’il s’en  faut bien que les  
 les  académies  aient,  ni  au-dedans  l’agrément,  ni  
 au-dehors  l’utilité  qu’on  pourroit  s’en  promettre.  
 Au  fond,-les caufes que  j’en alléguerois,  font moins  
 dans  les académies mêmes,  que  dans  les  hommes,  
 dans  le  coeur  humain.  La  concorde  &   l’union  font  
 rares : elles fuppofent une franchife , une cordialité,  
 des fentimens  qui n’exifterent jamais  dans la plupart  
 des individus, &  que  l’envie &  la  jalôufie,  l’orgueil  
 &  l’in térêt,  étouffent plus ou moins dans les autres.  
 Il  faudroit  d’ailleurs  pour  que  des  académiciens  fe  
 prêtaffent mutuellement tous  les fecours qu’ils peu-  
 vent &  doivent fe fournir-, qu’au lieu de ces leftures,  
 rarement intéreflanteS; ,  ou  qui  ne  le  font  jamais  
 que pour le  plus petit nombre  des àflîftans ,  &  cela  
 en  fuppofant qu’ils y  prêtent  une  attention  dont, à  
 peine fauve-t-on quelquefois les apparences ; il fau-  
 .  droit  que  chaque  difcours -n’offrît  rien  qui  ne  pût  
 être  faifi,  au moins dans fes  réfultats  par çeux  qui  
 l ’entendent,  &  qu’enfuite  on  f ît  fur ce qui  a  été  lu  
 des remarques, judicieufes &  décentes;  Mais , à  parler  
 franchement,  il  n’y   a  prefque  po,int de  favans  
 qui  fâchent  exercer  la  critique,  &  il y   en  a moins  
 encore  qui  fâchent  la  foutenir.  Je me rappelle à ce  
 fujet une  anecdote  que  je   tiens  de M. de.Mauper-  
 tuis.  L’abbé Gedouyn,  connu par  fes  belles  tradu-  -  
 étions j demanda à l'académie Françoife la  permiflion  
 de lui lire,  dans  fes  aflèmblées  ordinaires,  celle  de  
 Quintilien  à laquelle il  travailloit,  &  pria  qu’on lui  
 f ît  part des remarques qui fe préfenteroient.  Il commença  
 en  effet  ;  mais  il  ne  put  aller  au-delà  de  la  
 fécondé  leéture ,  en partie  excédé  par  les  obferva-  
 tions, vétilleufes de  fes  confrères,  en  partie trop v if  
 &  trop fenfible pour favoir fe  rendre de bonne grâce  
 toutes les fois que le cas l’exigeoit.  Je ne  vois point  
 de  remede  à  cet  inconvénient  ,  parce  qu’il  n’y   a  
 point de fecret pour refondre l’homme.. 
 Mais  j’abrege  ;  &  laiflant  l’homme  tel  qu’il  eft ,  
 je me  livre à une  idée  de  fpéculation,  qui  eft  per-  
 mife  dans  toutes  les  efpeces  du  genre auquel mon  
 fujet appartient.  Je  fuppofe  les académies  aufli parfaites  
 qu’elles pourroient ê tre,  compofées de membres  
 éclairés, judicieux,  impartiaux, unis enfemble  
 par les liens de l’eftime &  de l’amitié, &  je demande  
 quel eft  le  plus  grand  avantage  qui  puifle  réfulter  
 û®  leurs  efforts  reunis.  C ’eft  toujours  ma  queftion  
 originaire. Je diftingue ; &  , comme dans l’énoncé de  
 cette  queftion,  j’ai  ajouté  le  mot  d’actuel à  celui  
 dt avantage,  je  remonte  d’abord  au  premier  bien  
 que les  académies étoient appellées à  faire dans leur  
 inftitution même, au fiecle où elles ont été fondées;  
 &   ce  fiecle,   comme  nous  l’avons  infinué ',  ne  remonte  
 pas au-delà  du précédent. 
 L’ennemi qu’elles avoient en  tête ,  &  dont  la  dé -  :  
 faite  faifoit  la matière  de  leurs  triomphes,  c’étoit  ,  
 1 ignorance..Mais quelle ignorance ?  Je  faifis de nouveau  
 ici deux points de vue. D’abord celui de l’ignorance  
 privative,  de cet état  dans  lequel on  ne  fait  
 ne.^ > Par^.e.qu’on  ne veut rien favoir, &   qu’on mé-  
 prife  les  fciences.  Qu’on  fe  rappelle quels  ont  été  
 les piejuges.à cet égard ; nous les, avons vus, j e parle 
 de  ceux  d’entre nous dont  la  carrière eft  à  fon  déclin., 
   nous  les  avons  vus  encore  allez  fortement  
 enracines; &  je  ne fais fi on peut les regarder comme  
 pleinement détruits. Le  favoir étant regardé  comme  
 lynonyme  de la pédanterie, tous ceux qui  afpiroient  
 a quelque genre de diftinftion, auroient cru s’avilir,  
 contracter  une  efpece  de  rouille ,  de crafle,  en devenant  
 érudits,  en  fe mettant  au fait des notions de  
 la Grammaire, de la Logique , de  tout  ce qu’on en-  
 feigne  dans  les  colleges,  dans  les  univerlités.  Les  
 nobles  ne connoifloient  point  de dérogeance  plus  
 marquée que  celle  de  favoir quelque chofe. Les militaires  
 encheriffoient  fur  eux r  à  leur  avis  on  ne  
 pouvoit bien manier l’épée qu’en  foulant aux  pieds  
 la plume.  Le connétable Anne  de Montmorenci, qui  
 a  fait  une  fi  grande  figure  fous  plufieurs  régnés,  
 l’un  des  plus illuftres  perfonnages  de  cette  maifon  
 qui  fe  glorifie  du .titre de  premier  baron  chrétien ,  
 étpit un  cacique,  ou  pis  encore  un  vrai  chef  de  
 fauvages,  dur,  barbare,  ignorant jufqu’à  avoir  de  
 la peine à  ligner  fon  nom.  Le  fexe  n’auroit  fourni  
 alors  à Moliere, ni précieufes ridicules ,  ni femmes  
 lavantes : il avoit des grâces ,  il  avoit  du génie, cela  
 ne  lui  a rm a is   manqué  :  mais  il  n’avoit  point  de  
 connoiflances proprement dites. J’en attelle les cours  
 de  Catherine  de  Médicis,  de  Henri  IV ,  de  Louis  
 XIII, & .même de  Louis  XIV. Dans celle-ci  ,  mef-  
 dames  de  Sévigné &  de Maintenon ne peuvent être  
 regardées que  comme  des  femmes  prodigiëufement  
 » fpirituelles  ;  &  Madame Deshoulieres,  la comtefle  
 de  la  Suze  &   quelques  autres  qui  ont  excellé  en  
 divers  genres  de  poéfies  délicates  &   galantes,  ne  
 changent  rien  à  ma thefe.  Quelqu’une  s’émancipoit-  
 d le   au  de-là  de  ces  bornes?  Boileau,  quoiqu’in-  
 jufte  dans  les  traits de  fatyre qu’il  a  décochés  à ce  
 fujet,  ne  laifloit  pas  de  fe monter au ton du fiecle,  
 en  voulant imprimer du  ridicule à  la  dame  que Ro-  
 berval  fréquentoit.  Il relie peut-être  à décider,  s’il  
 n’àùrôit pas mieux  valu ,  &  ne vaudroit  pas mieux  
 encore,  par rapport  au  fexe, qu’il  fût  demeuré  en  
 deçà  par  rapport au  favoir,  que  d’aller au-delà de  
 certaines  bornes  qii’on  peut  regarder  comme  cir-  
 confcrites  par l’efprit,  le  goût,  la  finefle  du  fenti-  
 ment,  l’élégance du  ftyle ,  le langage  des  pallions ,   
 l’expreflïon du coeur.  Pour l’ordinaire  la délicateffe  
 de fes organes  n’en permet pas davantage ; les agrémens  
 de  la  fociété,  les  befoins  de  la  v ie ,  le  bien  
 dès  familles en exigent encore  moins. 
 Ne  diflîmulons  rien.  Louis  XIV.  fob jetd e  tant  
 d’admirations,  la matière de tant d’éloges, l’Apollon  
 &  rAugufte  de fon fiecle, avoit un grand fens, mais  
 il  ne favoit  rien  de  rien. Philippe , Duc  d’Orléans,  
 fon  freré,  parloir perpétuellement fans  rien dire. Il  
 n’a  jamais  eu  d’autres  livres  que  fes  heures,  que  
 le T a y , fon maître de chapelle, &  en même tems fon  
 bibliothécaire, qu’il  portoit dans fa poche. Colbert,  
 ee  grand  miniftre  ,  n’étoit  pas  plus  Mecene,  que  
 fon maître  étoit  Augufte ;  il  étoit  guidé  dans  fes  
 diftributions  par des  fots ,  ou  par  fa  vanité  qui  fe  
 fentoit  flattée  de  fe  faire  louer à  trois  cens  lieues"  
 de lui. Les  Tallemànt, les Chapelain , les Caflagne,  
 les Boyer  &   les Le C lerc  étoient  fes  illuftres.  Son  
 abbé  Gallois  n’eftimoit  que le grec.  Son bibliothécaire  
 Baluze  n’excelloit  qu’à  lire de  vieux  parchemins. 
   Tous  ces  gens-là  ne  cherchoient  qu’à'  faire  
 valoir  leurs amis.  Pendant  ce  tems-là,  Patru ,  le  
 di&ateur de  l’éloquence françoife, le  Fevre de Sau-  
 mur ,  le  plus  habile  critique  &   littérateur  de  fon  
 tems,  Bouillaud  &   Auzout,  aufli  verfés  dans  les  
 Mathématiques  &  la Phyfiqüe  qu’on, pouvoit  l’être  
 alors, &  bien d’autres favans du premier ordre, mou-  
 foient  de_  faim.  N’avqis-je  pas  raifon  de  dire  que  
 les  mêmes  objets  offrent  des  points  de  vue  bien  
 différens &fouvent oppofés? J’avoue cependant que 
 c**