de meurtres & de difcorde; épotife & mere parricide
, elle s’abandonna à toutes les fureurs quivouvoient
fervir fa paflion de régner. Séleucus, fori
fils aîné, vouloit venger fur elle le meurtre de fon
pere, elle le prévint'en le perçant d’un coup de
fléché. Cette marâtre plaça fur le trône le jeune An-
tiochus, dont les mains étoient encore trop foibles
pour diriger-les rênes de l’empire; fa mere donnant
un libre cours à fon ambition, engloutit tout le pouvoir
; & infultant, pour ainfi dire, à la foibleffe de
de fon fils, elle fit graver fur les médailles fon nom
avant celui du jeune monarque ; fon gouvernement
dégénéra en.tyrannie. Un jeune Syrien nomméAlexandre
^ profita du mécontentement des peuples pour
fe frayer une route au trône ; 8c quoiqu’il fut d’une
naiffànce obfcure , il fe dit fils d’Alexandre Bala ou
Balès dont il réclama l’héritage. Les Romains 8c le
roi d’Egypte favorifererit fon impofture. Les Syriens
impatiens du joug dont les accabloit la régenté, le
reconnurent pour ro i, fans examiner la légitimité
de fes titrés; 8c après plufieurs combats où il eut
toujours la fupériorité , il crut n’avoir plus befoin
de fecours étrangers pour fe maintenir fur le
trône. Ptolomée qui avoit le plus contribué à fon
élévation, exigea pour prix de fes fervices qu’il lui
rendît hommage ; 8c fur le refus qu’il efîiiya, il fit
des préparatifs pour détruire fon propre ouvrage ;
il avoit befoin de Cléopâtre pour affurer fa vengeance
, il fe réconcilia avec elle, 8c leurs forces
réunies marchèrent contre leur ennemi commun :
les tréfors d’Alexandre étoit épuifés , fon indu (trie
facrilege lui fournit les moyens d’en remplir le vuide.
Il eut l’imprudence de piller les richeffes du temple
de Jupiter : le peuple furieux rompit le frein de
l’ob.éiffance. Antioche prit les armes pour venger
l ’outrage fait à fon dieu. Alexandre prêt à être la
viftime de cette multitude effrénée, l'auva fa vie
par la fuite ; mais également ennemi des hommes 8c
des dieux , il fut découvert 8c maffacré. Antiockus
refferré jufqu’alors dans une contrée obfcure de la
Syrie , rentra dans la poffeffion abfolue du royaume
de fes ancêtres : il commença alors à rougir de la
dépendance humiliante où le tenoit fa mere ; cette
marâtre trop familiarifée avec le commandement,
pour rentrer dans la condition de fujette, réfolut
de fe débarraffer d’un roi qui ne vouloit plus être
efelaye. Cette femme fans frein 8c fans remords
dans le crime, lui préfente une coupe empoifonnée:
le prince inftruit de fes deffeins, refufe le funefte
breuvage, 8c lui en allégué les motifs : il lui déclare
enfuite que pour fe juftifîer elle n’a que la reffource
de faire fur elle-même l’expérience de la liqueusfuf-
peâ e : elle fut forcée de fe foumettre à cette épreuve
dont elle expira la viftime. Sa mort délivra la Syrie
d’un monftre altéré du fang des Séleucides, dont elle
eût éteint la race fi elle n’eût été arrêtée dans fa marche
criminelle. Ce fut dans ce tems qu’Antiockus prit
le fur nom d’Epipkane fur fes médailles : on ne lit fur
aucune celui de Griphon qui, félon Juftin , lui fut
donné à caufe de fon nez long' 8c pointu, ce fur-
nom n’etoit point affez noble pour être gravé fur
les monnoies. Jofephe le nomme encore Philometor ;
mais cet hiflorien crédule 8c fiiperftitieux n’appuie
fon opinion fur aucune autorité. Ce prince inftruit
au crime à l ’école de fa mere , voulut faire périr
fon frere qui 9 comme lu i , s’appelloit Antiockus. -
Cet attentat, qui fut découvert avant d’être exécuté ,
fut la femence d’une guerre civile où les deux partis
éprouvèrent fucceflivement des fuccès 8c des revers.
Les deux freres également rebutés de ne pouvoir
fixer la fortune , confentirent à partager la 1
Syrie, 8c ce partage:fut la fource des difeordes qui I
préparèrent la ruine des Séleucides. Epiphane âgé”
de quarante-cinq ans, fut affaffiné par Héracléon
qu’il avoit comblë'de biens 8c d’honneurs : fon régné
de trente-huit ans, fut agité de diffenfions domef-
tiques ; il mourut l’an 315 de l’ere des Séleucides.
A n t i o c h u s IX , furnommé Philopator^ étoit fils
d’Antiochus Evergette, 8c frere uterain d’Antiochus
Epiphane ; il prit aufîi le nom de Ci^ic, parce qu?il
avoit ete eleve dans une ville de ce nom; mais il eft
plus connu fous celui de Philopator9 qu’il ambitionna
par prédile&ion comme un témoignage de fa piété
filiale ,. 8c pour fe concilier l’affe&ion des Syriens
pénétrés de refpeèl pour la mémoire de fon pere,
qui les avoit gouvernés plutôt en pere qu’en foûve-
rain. Ce prince échappe à la mort que lui préparoit
fon frere, le força de partager avec lui l’empire de
Syrie : tant que Philopator refta dans la vie privée ,
il parut digne d’une plus-grande élévation ; mais dès
qu’il fut revêtu du pouvoir fuprême, il s’abandonna
fans pudeur à la baffeffe de fes penchans ; il nedif-
penfales honneurs 8c les dignités qu’aux miniftresde
fes plaifirs : fa cour fut remplie de bouffons, de ba?
teleurs qu’il récompenfoit avec magnificence, parce
qu’ils avoient feuls le fecret de le tirer de l’affou-
piffement où le plongeoient fes excès. Son goût
pour faire danfer les marionettes, lui fit faire plufieurs
découvertes dans les Méchaniques; il trouva
le fecret de faire des oifeaux artificiels q ui, par des
refforts ingénieux , planoient au milieu* des airs.
Tandis qu’oubliant les foins du trône, il fe livroità
des occupations indécentes 8c futiles , fon neveu
Séleucus qui régnoit dans la partie de la Syrie, dont
il avoit hérité de fon. pere, ne vit dans Philopator
qu’un concurrent efféminé , 8c qu’un ufurpateur
chargé de fes dépouilles. Il raffemble toutes fes
forces, 8c lui livre une bataille qui décida du deftin
de la Syrie : Philopator entraîné par fon cheval indocile
8c fougueux, fut précipité au milieu des efi-
cadrons ennemis, où fe trouvant fans défenfe, il
aima mièux fe donner la mort, que d’être redevable
de la vie à fon vainqueur. Ce prince paflionné pour
la chaffe 8c pour d’autres amufemens qui aviliffoient
fa dignité, ne fut pas abfolument fans talens. Mécha-
nicien ingénieux, il inventa plufieurs machines de
guerre qui furent perfectionnées dans les fiecles fui-
vans. La religion, dont lés princes doivent donner
l’exemple , ne lui parut qu’un frein inventé pour
contenir le vulgaire; 8c fans refpeCt pour les dieux,
il fit enlever du temple la ftatue d’or maflive de
Jupiter, haute de quinze coudées, 8c il eut l’adreffe
de lui en fubftituer une autre d’une matière vile 8c
8c grolfiere , qu’il eut foin de revêtir d’une feuille
d’or ; elle étoit fi femblable à la première, que per-
fonne ne s’apperçut de fon facrilege. Cet attentat,
s’il eut été découvert, auroit foulevé contre lui
tout le peuple d’Antioche ; cette v ille , plongée dans
les délices 8c la débauche, s’abandonnoit aux fureurs
du fanatifme, 8c au fcandale des plus aviliffantes fu-
perftitions. Antiochus mourut l’an 217 de l’ere des
Séleucides ; 8c depuis fon régné, la Syrie où fe paf-
ferent tant de feenes éclatantes, a été dédaignée par
les hiftoriens , qui ne font entrés dans aucun détail
fur les adions de fes derniers rois. Les monumens
qui nous relient font épars dans différens écrivains,
où il eft pénible de les aller confulter : c’eft une
contrée où l’on marche; au milieu des ténèbres, 8c
que les feuls antiquaires ont droit de parcourir ,
puifqu’il n’y a que les médailles qui fourniffent un
fil pour s’y conduire, d’autant plus que les derniers
rois qui étoient autant de concurrens à l’empire, por-
toient prefque tous le même nom, 8c avoient pref-
que les mêmes attributs.
A n t i o c h u s X , furnommé le pieux, fe vit fans
appui après la mort de fon pere Philopator. Séleucus
cruel d a n s ,la vi&oire, craignant de l’avoir pour
concurrent à l’empire, avoir ordonné fa mort ; mais
ce prince'infortuné trouva -un afyle dans Arade,
ville de Phénicie , où il fut reçu avec tous les honneurs
dûs à 1 fön rang; Les dangers renaiffans qu’il
eut à effuyer , 8c-qu’il fçut éviter dans fa fuite,
firent croire aux Phéniciens qu’une divinité protectrice
veilloit à-Ta confervation pour le récompenfer
de fa piété filiale. Eufebe;no,us affure que les Phéniciens.
charmés du- refperi qu’il confervoit pour la
mémoire de fon pere, lui-déférerent le titre.de pieux
Ses malheurs 8c fes vertus intérefferent tous' les
peuplés en fa faveur ; 8c dès qu’il parut armé pour
venger la mort de Philopator, lès foldats de Séleucus
fe rangèrent fous fes enfeignes, 8c le proclamèrent
roi de toute la Syrie1;- qùx dêvint le théâtre d’uné
guerre nouvelle. Séleucus vaincu fe retira à Mop-
luete où il exigea des fommes immenfes pour lever
une nouvelle armée : les habitans épuifés par fes
éxaftions, le brûlèrent dans fon palais avec tous fes
partifans ; Antiochus, délivré de cet ennemi, eut
bientôt à combattre un concurrent plus dangereux'.
Un autre Antiochus, fils d’Epiphane, prit le diadème
8c les armes pour venger la mort de fon frere, 8c
pour fe fubftituer à fes droits au trône ;■ 'il s’empara
de Mopfuete qui fut détruite dé fond en comble, 8c
dont lés habitans,furent paffés aii fil de l’épée , pour
lès punir du meurtre de Séleucus ; mais cette prof-
périmé ne fut que paffagere ; Antiochus le pieux marcha
contre lui 8c le vainquit : ce prince craignant
de tomber entre les mainsfde föh Vainqueur, ne prit
aucune précaution pour traverfer l’Oronte- où il fe
noya ; Philippe fon frere jumeau réclama fon héritage
, 8c fe voyant à la tête d’une puiffante armée,
il ne fe borna point à la partie de la Syrie où fes
freres avoient régné,- ilivoulut en envahir la domination
entière. Il y eut plufieurs combats livré/entre
ces deux princes rivaux. La fortune long-tems incertaine
fe déclara contre Antiochus, qui fut obligé de
fe réfugier chez les Parthes, dont il emprunta le fecours
pour rentrer dans fes états; mais fes tentatives
.furent ftériles ; après fa dégradation, il fe tint
caché dans le détroit de Cilicie, 8c félon d’autres,
dans la province de Comagenne où Ton foupçonne
qu’il régna : l’hiftoire ne fixe point la date de fa
mort.
A n t i o c h u s XI. Quoique ce prince n’ait jamais ,
régné véritablement fur la Syrie , fon nom eft inf-
crit fur la lifte des rois Séleucides'; il étoit le fécond
fils d’Antiochus Epiphane j 8c frere du roi Séleucus
IV. On lui donna le nom de Philàdelphe à caufe de
fa tendreffe pour fes freres, 8c celui de Didime
parce qu’il étoit frere jumeau de Philippe qui, comme
lui, afpira au trône de Syrie après fa mort : il
prit le diadème, 8c fe mit à la tête d’une armée qui
fut défaite par Antiochus le pieux ; il fe précipita
dans l’Oronte l’an 219 de l’ere des Séleucides.
A n t i o c h u s XII étoit fils $ Antiochus le pieux,
qui ne luilaiffaque fe's malheurs pour héritage. La
Syrie étoit alors en proie au brigandage des faélions;
les peuples épuifés par les querelles des Séleuçides, '
appelèrent au trône Tigrane , roi d’Arménie ; Antiockus
délaiffé de fes fujets , fut élevé fecrétement
dans une province obfcure de l’Afie / 8c c’eft ce qui
lui fit donner le nom d'Afiatique. Dans la fuite, il
régna conjointement avec fon frere fur une partie
de la Syrie , qui n’avoit jamais reconnu Tigrane '
pour roi. Ces deux freres unis par la nature 8c par
la conformité de leurs penchans, fe rendirent à Rome
pour y folliciter le royaume d’Egypte, dont leur
mere etoit légitime héritière ; ils y répandirent des
fommes immenfes, mais leur libéralité ne put af-
fouvir 1 avare cupidité de ce peuple vénal. Tigrane
en leur abtence, fit mourir leur mere Selenne au nom
de laquelle ils réclamoient l’Egypte; 8c cette mort
fournit un prétexte aux Romains" pour leur refwfer
du fecours ; ils quittèrent Rome fans avoir rien obtenu.
A leur retour en Syrie , ils apprirent que Mithri-
date ,, vaincu par les Romains , s’étoit réfugié en
Arménie auprès de Tigrane, fon gendre: Lucullus
inftruit de fa retraite, exigea qu’on lui livrât ce roi
tugiiit pour fervir d’ornement à fon triomphe ; mais
1 igrape ^ rePperiant les, droits, de l’hofpitalité, fut
allez généreux pour lui répondre qu’il aimoit mieux
etre Ion ennemi, que defe rendre l’objet .de l’exécration
publique , en livrant à. l’ignominie ou à la
mort, le pere de fa femme. Ce, refus fit tranfporter
\ je théâtre de la.guerre dans fes états.; Antiochus profita
des circonftances pour rentrer en poffeffion de
1 héritage de fes pères. Tigrane , en partant pour
1 Armeme, laiffa la Syrie fans défenfe.- Antiochus
neut pa?fes fuje-tS: à combattre; toutes les villes à
l’envi- lui ouvrirent leurs portes. L’affeâion que.lui
témoignèrent les habitans du Damas, lui fit prendre
le furnom de’Dionijîus, qui étoit celui de Bacchus ,
protecteur de leur ville : quelques-uns le regardent
comme le dernier roi de la race des Séleucides.
Les principaux éyénemens de fon régné font tombés
dans ,1 oubli, 8cl’hiftoire fe borne à nous apprendre
qu’il porta la guerre en Arabie , 8c qu’il y remporta
une victoire : il livra un nouveau combat où il
perdit la v ie , l’an 227 de l’ere des Séleucides.
- A n t io c h u s XIII. Antiochus, dernier roi de
Syrie, de la race des Seleucides, étoit fils d’Antiochus
le pieux • il eut le furriom d'AJiatique , parce qu’il
avoit été élevé avec fon frere en Afie , pour n’être
pas la victime de Tigrane, roi d’Arménie , que les
Syriens avoient appellé pour les gouverner.. Après
la mort de-fa mere, il prit le nom de Comagene,
ce q,ui femble indiquer qu’il en fut le roi ; mais il
eft certain qu’au lieu d’y exercer fa domination , il
s’y tint toujours, caché.. Tigrane ayant été défait,
Lucullus, difpenfateur des trônes de PAfie, vit arriver
dans fon camp tous les rois de l’orient, qui
lui rendirent les plus humilians hommages pour
mériter fa protection: Antiochus groflit la foule de
ces rois avilis ; Lucullus le reçut avec bonté, il le
qualifia du titre de roi de Syrie , 8c le rétablit dans
la pofièfîion entière de ce royaume. Ce fut à cette
occafion qif'Antiochus prit le furnom de Callinicus,
- qui lignifie victorieux ; comme fi c’eût été par la victoire
qu’il eût été replacé fur le trône de fes ancêtres.
Pompée ne lui permit pas de jouir long-tems de la
genérofité de Lucullus ; la pofleflîon de la Syrie excita
fon ambition; il franchitleTaurus à la tête d’une
armée triomphante , 8c déclare la guerre à Antio-
chus dont le peuple Romain^ n’avoit aucun fujet de
fe plaindre. Le monarque malheureux,fans être coupable
, s’abandonna à la diferétion d’un ennemi qu’il
ne croyoit pas capable d’abufer de fa foibleffe : il
invite lui-même Pompée à fe rendre à Antioche; le
Romain infenfible à un fi noble procédé, fe rend
dans cette v ille, où il déclare publiquement Antio-
chus déchu, du trône , fans voiler d’aucun motif fa
dégradation. Ce prince ne put fléchir par fes prières-
fon juge inexorable, qui lui répondit avec une hauteur
infultante : » Je ne. donnerai jamais aux Syriens
un roi qui s’eft tenu tranquille 8c caché pendant
tout le tems que Tigrane jouiffoit de fes dépouilles :
ce feroit vous déférer le prix de la viûoire achetée
au prix de notre fang ; apprenez que les royaumes
n’appartiennent qu’à ceux qui les favent défendre 8c
conferver. Je ne puis vous laiffer la Syrie , ce feroit
un préfent inutile que Tigrane viendrpit bientôt
vousenlever ; elle a befoin de défenfeurs pour
la fouftraire aux brigandages des Juifs 8c des Arabes
qui en infeftent les frontières ». Ce fut par cet arrêt irrévocable
que ce royaume autrefois fifloriffant, fut
réduit en province Romaine. Pompée, pour adoucir
la rigueur de cet arrêt, donna, en dédommagement