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 vin  avec le fruit de la vigne  étoit  en  ufage  dans  les  
 Gaules long-tems avant l’arrivée des Phocéens, puisque  
 , félon Athenée, liv, X I I I , lors du mariage d’Eu-  
 xenus, chef des  Phocéens, avec Petta, fille  ae Nan-  
 iius, roi  des  Saliens, peuple  Celte qui  habitoit  les  
 côtes de  Provence,  cette  princeffe  préfenta,yè/o/2  
 1'ufage du pays,  une  coupe ou  il y  àvoit de Veau & du  
 Vin,  à  celui qu’elle  vouloit  fe  choifir pour  époux.  
 On v o it , par-là l’erreur de ceux qui ne mettent que  
 fous l’empereur Probus les eommencemens de la cul-  
 trede la vigne dans les Gaules. Cicéron, dans fa belle  
 oraifon pour Fonteiusf parle du grand commerce de  
 vin qui le faifoit dans l’intérieur des Gaules. Les Gaulois  
 étoientmême plus infiruits que les autres nations  
 dans cette partie de  l'Agriculture.  On  leur doit l ’invention  
 des  tonneaux.  Ils mettoient fermenter dans  
 l é  vin des bois de lenteur,  comme l’aloës, &c. pour  
 le rendre  plus odoriférant, &  en avoir un plus grand  
 débit. Dès le  tems  de  Caton l’Ancien, on tranfpor-  
 toit  en  Italie  des  plants  de  vigne des Gaules.  L’ef-  
 pece appellée biturica, parce qu’elle avoit été portée  
 du Berry en  Italie, eft fort  louée parles Autores rei  
 rujîicee,  parce  que  ce plant étoit robufte,  6c multi-  
 plioit  beaucoup.  Dans  les  tombeaux  des  anciens  
 Gaulois  ,   trouvés  en  Bourgogne  ,  on  voit  qu’ils  
 avoient des gobelets à la main.  Le Pere Montfaucon  
 dit que c’eft pour nous  apprendre que  le  pays étoit  
 dès-lors abondant en excellent vin. Voye£ L'OEnologie, 
 Si la culture de la vigne  étoit en fi  grand honneur  
 dans les  Gaules  avant  l’arrivée  des  Romains, celle  
 des grains  ne  devoit pas  y   être  négligée,  puifque  
 e’eft  à  cette  derniere  que  les  Gaules dévoient  une  
 population  prefqu’incroyable.  Selon  D .  Martin,  
 dans fon hiftoire des Gaules,  c’eft  la Celtique qui a  
 peuplé l’Allemagne, l’Italie 6c l’Efpagne.  On trouve  
 des  Celtes  jufqu’en Afie.  C ’eft l’éloignement de ces  
 colonies, qui avoient ceffé toute relation avec leurs  
 métropoles, qui a engagé M. Pelloutier 6c  les hifto-  
 riens qui  l’ont  fu iy i,  à  faire  venir  les Celtes  d’ail-  
 leürs, au lieu qu’ils font tous fortis de la Gaule proprement  
 dite,  comme des  effaims vigoureux,  trop  
 refferrés dansTenceinte de  la  ruche  où ils  font nés.  
 La plus  fameufe de  ces émigrations  eft celle  qui fut  
 faite  fous  Ambigat,   roi  de  Bourges.  Ses neveux  
 Sigovefe  &   Bellovefe  conduifirent  des  troupes, de  
 Gaulois,   le premier  dans  la  forêt  Hercinie,  où  il  
 s’établit  avec  les  Boïens,  &   le  fécond dans l’Italie  
 fupérieure,  qui prit  le nom de Gaule Cifalpine,   de  
 ■  tous ces peuples qui y  fondèrent des villes. 
 Les Gaulois étoient originairement fans bourgs &   
 fans villes; leurs habitations  étoient  éparfes  dans la  
 campagne,  fur • le  fonds de  terre  qu’ils  cultivoient.  
 Ceux  d’une  même  famille  demeuroient  au  voifi-  
 nage les uns des autres, 6c s’étendoient à mefure que  
 les lignées  devenoient  nombreufes ;  ce  qui  forma  
 par la  fuite  trois  ou  quatre  cents  peuples  différens  
 les  uns des autres, quoique réunis par  les  moeurs,  
 les ufages,  la même  forme  de  gouvernement,  &c.  
 Les  auteurs  font  mention  d’environ  quatre  cents  
 peuples  refferrés  &  comme  entaffés  les uns  fur  les  
 autres dans les Gaules. 
 Une population aufli nombreufe ne peut être due  
 qu’à l’Agriculture, puifque les Gaulois n’avoient pas  
 les reffources du commerce extérieur ni les manufactures  
 ; c’étoit principalement les terres arrofées par  
 la Saône qui étoient d’un plus grand rapport : agerSe-  
 quanicus  totius Gallice  optimus,  dit  Céfar.  Aufli les  
 Æduens  qui  habitoient  le  bord  occidental  de  la  
 Saône  ,  6c  les  Sequanois  qui  occupoient  le  bord  
 oriental,  étoient  les  peuples  les  plus  puiffans  des  
 Gaulois, &  fe difputoient la fouveraineté des Gaules  
 long-tems  avant  que  les  Romains  euffent  penfé  à  
 g’en  rendre maîtres.  Ces  derniers  venoient  même 
 dans les Gaules pour y  faire le commerce des grains ,  
 6c ils avoient des comptoirs à Châlons-fur-Saone. 
 Ce  fut  par  l'Agriculture,  unique  mobile  de  i’ai-  
 fance , dit un auteur moderne,  que Cé fa r , ce génie  
 vafte 6c profond,  trouva le moyen de faire fubfifter  
 de  nombreufes  armées  dans  les  Gaules,  6c  qu’il  
 vint à bout  de  les foumettre.  Ses  premiers  fuceef-  
 feurs fe plurent à embellir cette  précieufe  conquête  
 par  des  travaux  immenfes  ,  6c  elle  devint  la plus  
 fertile  6c la plus belle province de l’empire. 
 Les  Romains  étoient  particuliérement  fiitéreflés  
 aux  progrès de  la culture  dans  les  Gaules.  L’ Italie  
 couverte des fuperbes 6c vaftes maifons de piaifaace  
 des grands de Rome , remplie d’un peuple immenfe,  
 ne  jouiffoit que  d’une  fubfiftance  précaire ;  elle  fe  
 vit forcée de tirer des provinces  les denrées  de première  
 nécefliîé, fes champs ne fuffifant plus à nourrir  
 fes habitans.  Amollis par  le  luxe ,   il  fallut recourir  
 aux approvifionnemens &  à la reffource des greniers  
 publics  ,  que  les  récoltes  des  Gaules  fervoient  à  
 remplir. Toutes les provinces payoient leurs contributions  
 en  grains;  6c  il  paroît  confiant  que  cette  
 impofition  en  nature  étoit  la  dixième  partie  des  
 récoltes.  Le  gouvernement  feu! fe mêloit du tranfi  
 port  de ces grains,  de leur verfement dans les lieux  
 où la diftribution en étoit nécëffaire,  6c de la vente  
 du  fuperflu  au  profit  du  fife,  à qui  ce  commerce  
 exclufif étoit  réfervé,  6c  produifoit un énorme revenu. 
   Le fife avoit des  greniers  publics  dans toutes  
 les provinces pour  la  confervation des grains,  &  lé  
 préfet de  l’annone  avoit  l’oeil fur  tous  les officiers  
 chargés  de  la  colle â e   des  redevances en bled ; il  
 veilloit à  la  conduite  de  cette immenfe quantité de  
 grains,  tant  par  terre  que  par  eau,   &   à  leur décharge  
 dans  les greniers,  dans  les ports  ou  dans les  
 villes ; il avoit droit d’en reconnoître la bonne ou la  
 mauvaife  qualité ,  de  commettre  des gardiens  fars  
 &  fideles à leur  confervation ;  enfin il préûdoit  à la  
 diftributiom 
 Lorfque  l’empire  devint la  proie  des  effaims de  
 Barbares fortis  du N o rd , la  dépopulation des  provinces  
 ,  caufée  par  ces  invafions  deftrudives , fut  
 aufli fatale à ¥ Agriculture  qu’au  refte des arts 6c des  
 fciences. Ces conquérans barbares, plus féroces que  
 guerriers,  inondèrent  nos  contrées  floriffantes ;  ils  
 égorgèrent  ou mirent  aux  fers  dés  hommes  moins  
 forts qu’eux, mais plus utiles à la fociété. Plus avides  
 que prudens, ils ravagèrent, ils dévaluèrent ces fertiles  
 6c  riantes  campagnes  où  ils venoient chercher  
 leur  fubfiftance.  Ils  étoient  pafteurs  ou chaffeurs,   
 comme  le font aujourd’hui  les Tartares  &  les Sauvages  
 de  l’Amérique, &   ils  fe contentoient de jouir  
 fans  peine,  fans travail,  des vaftes  déferts  de  leurs  
 conquêtes :  ils  abandonnèrent  à  des  efclaves  la culture  
 fuperficielle  d’une  partie  du  terrein  à  portéè  
 de leur habitation ; le refte inculte étoit réfervé pour  
 leurs troupeaux.  Un commerce  néceffaire  avec les  
 vaincus leur donna cependant peu-à-peu des moeurs  
 plus  douces.  Les  Bourguignons,  les  moins  féroces  
 de  tous ces  barbares,  avoient embraffé  le  chriftia-  
 nifme, fi propre à adoucir les moeurs,  &   à ramener  
 l’homme à fa deftination primitive,  qui eft le travail  
 de la terre.  Le chriftianifme  paffa des Bourguignons  
 aux Francs  parole mariage  de Clotilde avec Clovis  
 le  fondateur de  la  monarchie  françoife  ;  mais  il  
 refta  toujours  à  ces  derniers  peuples  un  fonds  de  
 barbarie que  plufieurs  fiecles  ont eu peine à bannir.  
 Les fucceffeurs de  Clovis  avoient trop de guerres à   
 foutenir  dans  les  foibles  eommencemens d’une monarchie  
 encore  chancelante,  pour s’occuper  de YA-  
 griculture,  6c  des  moyens  de  procurer l’abondance  
 dans  leurs états  ( F o y t {   ci-deffus Abondance).  Cependant  
 les moines  firent de  grands  çléfrichemens :  
 on  leur  donna  des  terres  incultes  qu’ils  mirent  en 
 valeur  &  ils acquirent par cet art Ample &  naturel,  
 des  richeffes qui  auroient  fait  ombrage à  leurs  propres  
 bienfaiteurs,  fi on n’a voit eu foin, de tems en  
 tems , de  les leur enlever par parcelles. 
 La France  prit une  nouvelle  forme  fous  Charlemagne. 
   Les  arts  renaiffans,  le  commerce  étendu  
 avoient  augmenté  peu-à-peu  le  nombre  des  habitans. 
   Il  fe  forma  de nouvelles  villes.  Le  bétail  6c  
 la  chaffe  ne  fuffifant  plus  à  nourrir  les  peuples  fi  
 nombreux  ,  on fe  vit  forcé  dé  revenir  à  là  culture  
 des terres, d’éclaircir les forêts, de défricher  les landes: 
   ces  vaftes  folitudes,.  ces déferts  affreux-commencèrent  
 à être cultivés ;  mais cette culture  fe ref-  
 fentoit de  l’ignorance des fiecles  greffiers ;  elle  n’é-  
 toit fondée  que fur  des connoiffances  bornées de  la  
 nature ,  fur  une  routine  aveugle  &  incertaine.  La  
 phyfique & l ’hiftoire naturelle, qui étoient inconnues  
 alors,  étoient feules  capables  de faire  appercevoir  
 l’infuffifance  de  ces méthodes.  Lorfque  les  champs  
 ne  produifoient  que  des  bleds  ftériles  ou  char-  
 bonnés, par  le défaut du choix ou de  la préparation  
 des femences, on acciifoit les démons d’avoir mangé  
 les  grains dans  l’ép i,  ou de les aŸoir  brûlés ôc convertis  
 en  charbons.  D’ailleurs  le  maître  ne  veilloit  
 pas  à. fes héritages ; des mains mercénairesylès ferfs  
 feuls étoient  chargés de  ce  foin;  & ,   parce  que  les  
 vues  de  ces  efpeces  d’hommes  font  toujours  bornées, 
  il y   eut peu de  progrès.  On étoit  encore  bien  
 loin  du v ra i,  lorfque  les Normands en firent perdre  
 jufqu’à l’idée.  Ce  fut un  torrent  affreux qui  inonda  
 la France ;  6c ces nouveaux  barbares  n’épargnerent  
 que  ce  qui  fut  inacceffible  à leur  goût deftructeur.  
 Le  régime  féodal  qui  s’introduifit  dans  ce  tems,  
 acheva de  détruire  ce  que la  fureur  des Normands  
 avoit  épargné :  tout  fut  replongé  dans  le  cahos 6c  
 l’ignorance ;  &  c’étoit  fait de  la France,  fi  la Bourgogne  
 n’eût nourri  dans  fon fein  une nouvelle race  
 de rois,  qui  réparèrent lès pertes de la  monarchie ,  
 Sc lui  donnèrent  un  nouveau  luftre  qu’elle  n’avoit  
 pas eu  jufqu’alors. 
 Plufieurs  caufes  retardoient les progrès de VAgriculture  
 6c  des Arts :  dans  les eommencemens  de  la  
 îroifieme  race  ,  le  royaume  n’étoit  gouverne  que  
 comme un grand fief tout compofé de hauts barons ,  
 de  petits  leigneurs  6c d’efclaves.  Parmi  les  reftes  
 gothiques d’un gouvernement militaire, on ne  faifoit  
 cas  que  des  taiens  propres à  la  guerre.  La  France  
 hériffée de fortereffes n’offroit par-tout  qu’un afpedl  
 menaçant ;  les  arts  néceffaires  pour  s’oppofer  à  la  
 .violence  ,  étoient  prefque  les  feuls  en'  vigueur.  
 Al Agriculture  découragée  par  l’incertitude  des  pof-  
 feflions  ,  par  la  difficulté  des  exploitations  ,  par  
 la  foibleffe  des  récoltes,  languiffoit,  ou  n’avoit  
 qu’une  exiftence  éphémère  ;  là  terre  ombragée  
 par  des  forêts  immenfes  ,  préfentoit  prefque  partout  
 des  plaines  incultes,  des  landes  ftériles,  des  
 coteaux arides &  des prairies  couvertes de  buiffons.  
 Elle  fe  refufoit  fouvent à  nourrir  les habitans; l’indigence  
 extrême de la plupart des François  les  obli-  
 geoit  à  fe  contenter  des  alimens  de  la  plus  mauvaife  
 qualité ,  pris plus  fouvent  dans  le  régné animal, 
   que  dans  le régné  végétal;  des  viandes  froides  
 falées  ou  boucanées  ;  des  poiffons,  du  fromage  
 , durait, 6c quelques légumes groflier#s étoient les  
 principaux.alimens.  Toute  police  étoit  méconnue;  
 on  n’avoit  pour  objet  que  de  fe  précautionnner  
 contre les ennemis du dehors. Forcé, pour défendre  
 fa  vie  contre  les attaques  imprévues  des  ambitieux  
 ou  des injuftes ,  de  fe renfermer dans  des  châteaux  
 fortsy  ou  dans  des  villes ,  le  François étoit  obligé  
 d’abandonner  la  culture  des  campagnes,  6c  voyoit  
 fe  multiplier autour  de  lui  les caufes de  mort. Des  
 murs  très-élevés  rendoient  fon  habitation  prefque  
 impénétrable à l’air ;  des  foffés  bourbeux,  des marais  
 6c  des  terres inondées  rempliffoient  continuellement  
 l’atmofphere  de.  vapeurs  infeftes. Dans  les  
 villes ,  des  rues  étroites &  non  pavées,  augmen-  
 toient encore  l’infeftion d’un  air  qui ne pouvoit pas  
 être  renouvellé.  Aufli  lés  peftes  &   les  épidémies  
 étoient-elles  très-fréquentes.  La  lèpre, les maladies  
 cutanées  ,  le  feu faCré,  le mal des  ardents,  le feor-  
 b u t ,  <S*c.  ravage oient le royaume ,  de  concert avec  
 les famines  que  l’on éprouvoit fouvent. On  compte  
 dix  famines'dans le dixième fiecle,  6c  vingt-fix dans  
 le onzième ; 6c ces famines étoient affez cruelles pour  
 obliger  à manger de  la chair  humaine ,  pour forcer,  
 dans  l’intention  d’affo.uvir  fa  faim,  à  déterrer  les  
 morts,  à donner la chaffe aux vivans , 6*c.  ( Voye^le  
 difcôurs  de M. Morret couronné à Amiens en  17 7 1 .) .  
 Malgré  tous  ces  fléaux,  les  préjugés de  la  nation  
 contre  l’Agriculture,  qui  pouvoit  feule  mettre  fin  
 à  tant de maux ,  étoient à leur comble.  La  culture  
 des  terres étoit abandonnée  à une  elpece d’efclaves  
 avilis ;  6c tout l’aviliffement retomboit fur  les  occupations  
 qu’ils exerçoient. Le roturier y ruptuarius glèbes  
 ,  6c  le  vilain,  villanus,  font encore parmi  nous  
 des mo.ts de reproches  qui annoncent  l’infamie  dont  
 étoient  alors  couverts ces hommes fi  utiles, qui  fai-  
 foient fubfifter les tyrans  pour  qui  ils cultivoient la  
 terre  :  mais cette  partie  fi intéreffante  de  la  nation  
 recouvra peu-à-peu  fes,  droits 6c  fa liberté  ,  par les  
 affranchiflemens,  &  les  privilèges  accordés par nos  
 rois, .qui donnèrent le droit decommune aux villes ,  
 6c  qui  déclarèrent  qu’il  né  devoit  point y   avoir de  
 ferfs  en  France.'  Les  crôi'fades,  qui excitèrent l’avidité  
 des  feigneurs  6c  des  guerriers, fous  l’appât du  
 zèle,  affoiblirent la France par  des  émigrations  fréquentes  
 ; mais  les  rois . en  devinrent  plus  puiffans  
 poiir  le bonheur des  fujets.  , 
 La condition dès cultivateurs,  fous  le defpotifme  
 féodal,  avoit  mis des  entraves  à  l’avancement  de  
 Y Agriculture, dont les influences funeftes  fubfifterent  
 long-tems après la fuppreflion de  la  caufe. La  claffe  
 des cultivateurs , nouvellement affranchie,  fupporta  
 prefque feule  toutes  les  charges de  l’état : la liberté  
 leur  fut prefque  toujours  vendue par les feigneurs,  
 à.titre onéreux ;  6c  ceux qui  n’ont pu la payer, font  
 demeurés  efclaves. Tels  font  encore  les mainmor^  
 tables  en  Bourgogne,  en  Franche-Comté,  6c  dans  
 plufieurs  autres  provinces.  L’accablé ment  6c  l’avi-  
 liffement furent long-tems le partage des cultivateurs,  
 malgré  les  établiffemens  de  Saint Louis,  &   fes  e f forts  
 pour  changer  leur  condition  malheureufe.  
 Charles  V ,   par  des  loix  fages  ,  prit  les  moyens  
 de  mettre fes peuples  dans l’abondance ;  mais il vécut  
 trop  peu pour le  bonheur desfujëts. Les fureurs  
 de Charles V I , les querelles des maifons de Bourgogne  
 &  d’Orléans, &  l’invafîonçles Anglois, firent voir  
 par-tout les horreurs de la  guerre , tels  que  le  commerce  
 interrompu,  les terres abandonnées; 6c  tout  
 refta  dans  un  état  de  langueur 6c  de  mifere jufqu’à  
 Louis  XII.  Il  fut le pere  de  fon peuple  ,  il  fit tous  
 fes  efforts  pour le  rendre  heureux ; mais  des entre-  
 prifes  téméraires, des  guerres éloignées firent qu’aucun  
 génie  bienfaifant n’enfeigna  la vraie  fource  des  
 richeffes. François I. fon fucceffeur,  aima les favans,  
 les  protégea,  les  encouragea par des récompenfes ;  
 mais ces favans n’enfeignerent paS  l ’art de rendre les  
 princes,plus riches ,  les peuples plus  ailés;  ilsigno-  
 roient  les  vraies  reffources d’un  royaume.  C ’étoit  
 beaucoup  néanmoins  que  d’ouvrir  la  porte  aux  
 fciences  ;  l’efprit humain  n’avance  que  lentement  
 dans fes découvertes ; il  ne parvient que par degré,  
 6c  le  premier  pas  eft  toujours  le  plus  difficile  à  
 franchir. 
 L’héréfie 6c les guerres civiles, qui commencèrent  
 après  la mort  de  Henri  I I ,  arrêtèrent  encore  nos  
 progrès, 6c faillirent à nous replonger dans le cahos*