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 dernier feu eft fini, on travaille à carener  le vaîffeaù  
 ou  à  le  radouber.  Si  fc’eft une  frégate que  l’on vire  
 en  quille *  on  l’abat  pour  l’ôrdinaire  en  deux  fois.  
 Lorfqùé' le  vaiffeàu  oppofe  trop de réfiftance pouf  
 être  abattu,  on  peut  y   remédier  en  guindant  les  
 mâts  d'hune  plus  ou moins,  en  hiffant  les vergues  
 d’hune,  en  mettant  des  poids  dans  les  hunès,  en  
 fufpendant  des  barriques  aux  bouts  des  vergues  
 d’huné , &c. : au contraire, s’il fe  couchoit trop facilement  
 ,  on peut  dépaffer  les  mâts  d’hune  ,  & c . ;  
 mais fur-tout  on  doit  avoir  attention  de  ne filet les  
 retenues qu’avec beaucoup de  précaution. 
 Lorfqu’ôn  veut  redrefl'er  le  vaiffeaü,  on file les  
 franc-funins  en  douceur,  &   on  vire  fur  les  retenues  
 que  l’on  a  garnies  avec  cabeftans,  après  en  
 avoir  ôté  les  franc-funins  qui  font  retenus  par  de  
 bonnes boffes.  Si le vaiffeaü eft trop difficile à redref-  
 fer ,  on paffe  un pOnton  dit  côté  du  vent ; &  frappant  
 un fort cordage  à  la tête du grand mât du vaif-  
 feau ,  on  le  fait paffer dans  une  poulie  qui  eft  à  la  
 tête  du  mâf  du  ponton,  d’où defcendant  dans  une  
 poulie  de retour fur  le même ponton,  il  vient à un  
 cabeftan  fur  lequel  on  vire.  Je voudrois  que cette  
 derniere précaution fut prife par  tous ceux des vaif-  
 feaux que l’on  abat,  defquels  on n’eft pas  parfaitement  
 sûr ;  &  que  l’on  n’attendît  point  pour  paffer  
 le  ponton ,  ou pour  préparer  une manoeuvre équivalente, 
   à courir rifque de  ne pouvoir plus  le faire,  
 fi,après  avoir  été  couché  jufqu’à certain  point,le  
 vaifleau  fe  couchoit  alors  de  lul-mêmè  tout-à-fait,  
 comme cela eft arrivé quelquefois, fôit par la forme  
 du  bâtiment,  foit  par  le  dérangement  du  left  ou  
 autre accident.  J’ai  été témoin moî-même  d’un  événement  
 pareil,  &   j’ai  vu  couler  bas  un  batiment  
 du  roi  que  l’on auroit  préfervé  par-là  de  cet accident. 
   On  eut  beau  vifer  fur  les  retenues-,  ce  fut  
 inutilement;  &   elles  ont  en  effet  une  force  affez  
 limitée. 
 Lorfqu’on  abat  un vaiffeaü,  comme  lorfqu’il  fe  
 re le v e ,  il  faut  avoir attention de  faire travailler  en  
 même-tems  tous  les  franc-funins  du  grand mât  '&   
 du mât de mizaine.  Si un  feul  faifoit force,  il fer oit  
 à craindre qu’il ne rompît, d’où il pourroit s’enfuivre  
 que l’autre  romproit  aufli* 
 C’eft-là  la  façon dont  on  dbat  un  vaiffeaü  lorf-  
 qu’on peut fe fournir  toutes  lès commodités &  toutes  
 les chofes  que  l’on  vient  de détailler :  fi l’ort  en  
 ëtoit privé,  c’eft à  l’efprit  &   à l’invention  à  y fup-  
 pléer.  On- peut employer  &   l’on  emploie  fouvent  
 des mâts d’hune pour tenir lieu d’aiguilles de caréné,  
 &  oncroife  leurs  petits  bouts  fur  les mâts,  pour y   
 remédier  à  l’inconvénient  de  n’être  point  taillées  
 comme elles  en  fifflet.  On  fe  fert,  au  lieu  de pontons, 
  d’autres bâtimens,  s’il y   en a dans le port, ou  
 d’un  appareil que  l’on  établit  à  terre  ,  fi' l’on  peut  
 en  approcher  affez  pour  ce la ,  &   fi  le  flux  &   le  
 reflux  n’y   eft  point  trop  confidérable.  Les  canons  
 d’un  vaiffeaü  partagés  en  deux piles, ou des ancres  
 enterrées &  bien affujetties ,  peuvent remplacer les  
 deux  pontons;  des  cabres  faites avec des  vergues,  
 &  au  haut  desquelles  on  place  des  caliornes, peuvent  
 fervir à établir des  retenues,  &c. &c.  L’expérience  
 &   un  peu  de  capacité  fourniffent  plüfieurs  
 moyens  dont  on  peut  tirer  parti  au befoin,  mais  
 qui  ne  peuvent  être  détaillés  au  plus  que  dans un  
 diftionnaire  particulier de Marine.  Je  ne puis m’empêcher  
 cependant de parler d’une autre façon d'abattre  
 qui peut être ufitée en tout lieu, &  qui a cela de commode, 
   qu’on  fe  paffe  de  tout  l’appareil  néceffaire  
 pour  le  foutien  de la mâture.  Elle  confifte  à  coucher  
 le  vaiffeaü par le moyen  de  fon  feul  left que  
 Fon jette peu-à-peu dans la cale, fur  le  côté de fous  
 le  vent du  vaiffeaü.  S’il  fe  couchoit  trop  difficilement, 
   on peut  faire  des  retranchemens-avec  des 
 planches dans la  cale  &  même  dans  Pentte-pônt, &   
 y   placer des boulets.  Cette  façon d’opérer  eft  fans  
 doute  très-fimple, &   il me  paroît  confiant  qu’elle  
 feroit  préférable  à  celle  dont  on  fe  fèrt  ordinairement, 
  fi l’on a la puiffance d'établir des retenues sûres  
 &   qui ne  puiffent  manquer;  (  Il  eft  bon  de  remarquer  
 que la forme des vaiffeaux eft telle, qu’un vaif-  
 ieau  abattu tend encore ordinairement à  fe  relever;  
 comme  Cependant  cela  n’ëft  point  une  réglé  conf-  
 tante,  les  retenues  font  effentielles ’,  fur tout  dans  
 cette  façon  d’abattre ,  où  il  eft  plus à craindre  quô  
 le  left  ne  fe  défange.)  Dans  la  manière  ufitée  de  
 virer  un  vaiffeaü  en  quille,  une  mâture y  quelque  
 bien  fôutenue  qu’elle  fôit, Court toujours rifque de  
 fouffrit ;  &   les  pataras  que  l’on  vuide  avec  une  
 force  extraordinaire,  tirent  fortement  fur  le  côté  
 du vaiffeaü,  &  font  ouvrir les  coutures ;  cetté  derniere  
 méthode  n’eft  point  fujette  à  ces  inconvé-  
 niens : on pourroit  s’en  fervir pouf  abattre un  vâif-  
 feaU  qui  n’auroît  point  dé  mâts.  (  M.  le  Chevalier  
 DE  LA  COUD RAYE.) 
 ABA TTUTA.  Voyez Mesuré (Mujique)  dans ce  
 Supplément.  (S.) 
 §   ABAWIWAR ,  (Géogr.)  contrée  de  la Haute-  
 Hongrie ,  fur les  frontières  de  Pologne  ,  au  fud-eft  
 des monts  Carpates  ou Krapak ,  dont Caffovie  où  
 Cafehaw, ville capitale de cette contrée, n’eft éloignée  
 que  de quelques  lieuès.- Ce pays  eft  borné  au nord  
 parla  Pologne  &   à  l’efi  par  la Tranfilvanie.  11 rem-  
 ferme  outre  Caffovie  ,  la  petite  ville -d’Ungwar ,  
 celle  de Wiwar,  quelques  autres,  &   le grôs bourg  
 d eT o ka i, fi fameux par lés vins.  La province d'Abu*  
 wïwar  tire  fon  nom  d’un château  fo r t ,  fitüe à quatre  
 milles  d’Abawiwar,  qu’on  nomme  indifféremment  
 Abawiwar 6c  Abanwiwar.  (C .A .)^ 
 •  ABAZHAJ A  ,  {Géogr.) ville  de  Sibérie, en Afie ,   
 fur la  riviere d’Ifchim.  Elle  a ûntemple  environné  
 d’un  mur,  dans  l’enceinte  duquel  loge  ordinairement  
 une  gardé  compoféë  de  quarante  draganSi  
 Long.  8GwmÈjklat~.60 , -mî (D .G .) 
 ABBAS,  ( Hijli des  Arabes.')  premier  calife Ab-  
 balfidé  , tranfmii  fon  nom à tous Ceux  de  fa famille  
 qui furent revêtus de  cette dignité. Ce  n’eft pas qu’il  
 fut fupérieur en talens à fon pere &  à fes freres, dont  
 il fut l’héritier au califat,  mais c4eft qu’il  fut le  premier  
 qui jouit de fa  fortune fans  la partager  avec un  
 compétiteur.  La  tête  de  Mervan,  dernier  calife  
 Ommiade;  expofée  dans  la  capitale*  fëmbloit  devoir  
 contenir  les méconténs, &   faire régner la  tranquillité  
 dans les provinces ; mais les  Arabes  inquiets  
 &  turbulens aimoient à détruire leur propre ouvrage.  
 Les premiers-jours  du  régne d’Abbas furent fouillés  
 d’unfang révéré dé tous les Müfulmans.  Les Alides,  
 tirés de  leur obfcurité par des factieux,  fervirent de  
 prétexte à une guerre civile-; mais au lieu de recueillir  
 l’héritage du prophète,  trois  payèrent  de  leur  tête  
 la témérité  de  leurs  partifans.  Quoique  le calife fût  
 naturellement  humain, il verfa  alitant  de  fang-que  
 les Ommiades abhorrés, parce qu’il  eut toujours des  
 rébelles  à  punir.  Il fut forcé de  plier  fes penchans  à  
 fa politique, &c  fes  généraux  firent  paffer  au  fil  de  
 l’épée plus d’Arabes que  d’ennemis. A peine  une rébellion  
 étoit-elle  étouffée,  que  le feu  de la  guerre  
 embrâfoit  une  province. Les  cruautés  étoient d’autant  
 plus  atroces, que  le  calife  tranquille  dans  fa  
 capitale,fe  repofoit  fur  des  généraux  qui  avoient  
 des injures particulières  à  venger :  aux ravages  des  
 guerres  fe joignit  le  fléau de  la  fterilite, qui  frappa  
 l’ibérie, l'Arménie &  la Méfopôtamie, où des effaims  
 de fautèrelles dévorèrent les femenceS, &   répandirent  
 la  contagion.  Tandis  que  l’empire  Mufulman  
 étoit  agité  de  tant  dé  tempêtes,  Conftantin  Co -  
 pronime  dévaftoit  l’Arménie,  d’où  il  tranfportoit  
 les  habitans  pour  en  repeupler  la  Thrace  déferte» 
 L’empereur  grec  n’exerça  pas  impunément  fes  ravages  
 ; Moflem, qui étoit  lè plus  grand  général  de  
 fon  tems,  remporta  fur  lui  plufieurs  viâoires qui  
 l’obligerent  à  fe  retirer  chargé  de  honte  dans  les  
 états qui devinrentà  leur tour le théâtre delà guerre  
 &   des brigandages. Le régné d’Abbas n’offre  que des  
 atrocités dont fon coeur  ne fut point le  complice ; il  
 ne fe  maintint dans  le  califat  que  par la fupériorité  
 des talens  de  Moflem fon  lieutenant : il mourut l’an  
 136 de l’hégire,  qui étoit la  cinquième année de fon  
 régné. Les Mufulmans  exaltent fa  douceur  &  fa  gé-  
 nérofité ; ils imputent à la nécelfité  tout le fang qu’il  
 fit couler. Ce fut pour fe maintenir fur le trône, qu’il  
 fit  mourir  par  le  glaive tous les  partifans des Ommiades. 
  Il  fut pénétré  d’une grande  vénération pour  
 toute la famille de Mahomet ; fa  piété le rendit cher  
 à  la multitude  qui  aime  à voir  fes  maîtres,  courbés  
 fous un joug qui les rapproche d’elle : il étoitfi magnifique  
 dans  fes  dons,  qu’il  fit  un  préfent  de  deux  
 millions de drachmes à un defcendant d’A li, libéralité  
 dont  fes  prédéceffeurs  ne  lui  avoient  point  donné  
 l’exemple. ( T—N;) 
 ABBASSIDES,  ( Hifl. des Califes.  )  les Abbaffidés  
 avoient  une  origine  commune  avec  Mahomet  &   
 A li,  puifqu’ils  avoient  tous  le  même  aïeul  paternel. 
   Le  coufin  du prophète, nommé  Abbas, donna  
 fon nom  à  cette race  généreufe  &  magnifique ,  qui  
 fuccéda  aux  fanguinaires Ommiades  dans le  califat.  
 Tandis'que lés Alides &  les Ommiades fe difputoient  
 le fer à la main l’héritage du prophète,  les Abbaffides  
 tranquilles &  fans ambition,  prenoient  des  accroif-  
 femens  obfcurs  fans  être craints &   enviés ;  ils trai-  
 toient d’ufurpateurs tous, les  califes qui n’étoient pas  
 de leur maifon :  mais  au  lieu  de  fe  précipiter  dans  
 le feu  des  guerres civiles, ils  fe rendoient  riches  &   
 puiffans par leur  induftrie  commerçante  ,  en faifant  
 germer dans l’Arabie les richeffes  des autres nations.  
 Les  Ommiades affoiblis  par les guerres  &   déteftés  
 par  leurs cruautés, ne s’étoient fervi de  leur fceptre  
 que pour accabler leurs  fujets ; ils  avoient  cimenté  
 leur puiffance par  le  fang d’un  million d’Arabes;  &   
 leur politique  barbare  avoit  fait beaucoup  de  mé-  
 contens. Mahomet, coufin du légiflateur, avoit trois  
 fils auffi généreux que  lui ;  ce  vieillard, chargé d’an-  i  
 nées  &  de  richeffes,  les  montroit  aux Mufulmans  
 comme l’efpoir & le  foutien de l’Iflamifme. Le peuple  
 fe laiffe aifément  éblouir par les promeffes  de  celui  
 qui  fait  récompenfer :  les méconténs refpeftant en  
 lui le  fang  de  leur  prophète,  fe  rendent en  foule  à  
 Moloïma  où il faifoit fa réfidence,  tous  lui prêtent  
 ferment de fidélité ; mais comme il étoit dans un âge  
 avaifcé,  il  ne  jouit  pas  long-tems  de  fa  fortune :  
 Ibrahim fon fils, acheva la révolution. Ce fut dans le  
 Korafan  qu’il  jetta  les  fondemens  de  la  grandeur  
 future de fa maifon ; fes armées, fous la conduite de  
 fes généraux, lui fournirent toute l’Arabie, l’Egypte,,  
 la  Syrie &   la  Méfopotamie ,  mais  la mort  l’arrêta  
 dans le cours de fes profpérités. Il  voulutfaire le pèlerinage  
 de  la Méque  avec  plus  de pompe  que de  
 fûreté. Les Ommiades  inftruits  qu’il1 n’avoit  qu’une  
 foible  efcorte,  lui  tendirent des embûches  qu’il ne  
 put  éviter;  on le  chargea  de  chaînes, &  il mourut  
 empoifonné.  Abbas,  tige  des  Abbaffides,  ardent à  
 venger  la mort  de  fon  frere, mit  à  la  tête  de  fes  
 armées  Moflem,  guerrier  illuftre  qu’on  regarde  
 comme  le  héros  de  l’Arabie.  Ce  grand  capitaine*  
 par-tout vainqueur, força le  calife Ommiade  de  fe  
 retirer en Syrie, où il fut affaffiné dans une mofquée  
 l’an de  l’hégire  132. 
 Abbas, poffeffeur paifible  du  califat,  le  tranfmit  
 à la  pofténté.  L ’Arabie  fut purgée de  rebelles, par  
 la valeur de  Moflem  fon général,  qui  fit paffer au  
 fil de l’épée-fix cens mille hommes en plufieurs  combats  
 livrés pour la caufe des Abbaffides. Çes nouveaux  I 
 califes, fans être guerriers, furent de grands conqué-  
 rans ; éclairés  dans  le  choix  de  leurs généraux, ils  
 portèrent dans toutes les régions  la  gloire des armes  
 mufulmanes ; quoique  généreux  &  bienfaifans ,  ils  
 ne verferent  pas  moins  de  fang que  leurs prédécef-  
 ieurs : ce n’eft pas que la cruauté fût un vice de leur  
 coeur,  mais les Arabes étant naturellement indociles  
 oc  brigands,  ils  eurent toujours des  rébelles &  des  
 médians à punir. Lesfcienc.es &  les lettres protégées  
 &   même  cultivées  par  ces  califes,  cauferent  une  
 révolution dans les moeurs ; les Mufulmans guerriers,  
 barbares &  indifciplinés, n’avoient  fu jufqu’alors fe  
 fervir que de leur cimeterre ; ils fe ‘dépouillèrent de  
 leurs  moeurs agreftes  &  fauvages :  on  vit  paroîrre  
 des poètes &  des orateurs, qui étàlerent des richeffes  
 inconnues jufqu’alors  dans  l’Arabie.  Leu«-productions  
 faciles annoncent une imagination gracieufe &   
 féconde, qui les précipite quelquefois dans des écarts.  
 Tandis que le refte de la terre étoit replongé dans la  
 barbarie,  la  cour  des  Abbaffides  raffembloit  des  
 littérateurs &  des philofqphes qui rendoient l’Arabie  
 emule  de  l’ancienne  Rome  &   d’Athènes  favante  
 polie ; il s’éleva des mathématiciens &  des médecins  
 qui devinrent les précepteurs des nations. 
 ; L’empire Mufulman,  gouverné par çes princes généreux  
 ^.magnifiques, auroit englouti la domination  
 de  toute la terre, s’ils euffent trouvé plus de docilité  
 dans leurs  fujets, qui  furent  toujours leurs  plus redoutables  
 ennemis.  Mptomafem,  huitième  calife  
 Abbaflîde,  crut devoir  fe  précautionner  contre  les  
 rebellions; mais le moyen qu’il employa ne fit qu’aggraver  
 le mal, en  donnant naiffance  à de  nouveaux  
 défordres.  Il  confia  la garde  de  fa  p/rfonne  à  des  
 étrangers féroces &  belliqueux qui étoient fortis des1  
 marais de  la Scythie, &  qui fe  rendirent malheureux  
 fe ment célébrés fous le nom de Turcs ou de Turco-  
 mans.  Cette  horde  barbare  magnifiquement  payée  
 pour défendre fes maîtres, les tint  bientôt dans une  
 honteufte dépendance. Les califes  abrutis par l’excès  
 des voluptés, leur abandonnèrent les rênes  du  goii-r  
 vernement, pour ne  s’occuper que de leurs  plaifirs.  
 Ces  barbares  devenus  difpenfateurs  de  toutes  les  
 grâces,  n’éleverent  aux  dignités  que  leurs,parens  
 &  leurs,  amis;  les  gouverneurs  qu’ils  appuyoient  
 fe  rendirent  indépendans  dans  leurs  provinces.  
 Le  Khorafàn,  la  Méfopotamie,  le  Kervan  &   la  
 Syrie eurent  des Turcs pour maîtres.  Rhadi Bellat,  
 vingtième calife Abboffide ,  acheva  de  perdre  l’au-  
 torixé  affoiblie  par  la  molleffe  de  fes  fucceffeurs :  
 les  gouverneurs  devenus  héréditaires  confpirerent  
 pour  lui  refufer  les  tributs  auxquels  ils  s’étoient  
 fournis pour  acheter  leur  indépendance.  Quatorze  
 califes prirent  en même  tems  le  titre  de  fucceffeurs  
 de Mahomet. Le califat Arabe fut borné au territoire  
 de la  capitale ,•& même le  calife  n’exerça  fa  puif-  
 fance que dans  ce  qui concernoitla religion, &  depuis  
 cette époque l’épée &  l’encenfoir ne furent plus  
 réunis dans  la même main.  Rhadi en  voulant guérir  
 le mal,  en favorifa  les progrès ; il eut l’imprudence  
 de  créer  un  officier  fupérieur fous  le  titre  d’émir  
 .al-omra,  qui  veut  dire prince des  princes :  il  conféra  
 à cet émir le privilège de faire la prière publique  
 dans la grande mofquée  &  dans la chaire de  Mahomet  
 , fonôion qui, en ennobliffant fa dignité, donnoit  
 atteinte aux  droits  du  califat.  Les  ufurpateurs  des  
 provinces,  par  un  refte d’attachement pour  les anciennes  
 inftitutiôns, prenoienr  encore  leur invefti-  
 ture du fucceffeur de Mahomet, qui n’avoit plus que  
 l’ombre  du pouvoir.  Cette foumiflion apparente des  
 émirs leur étoit infpirée par la politique; ç’étoit pour  
 rendre  leur autorité plus refpeûable, &  les peuples  
 .étoient beaucoup plusdifpofés à l’obéiffance, quand  
 leur maître avoit  lefeeau du chef de la religion. 
 L ’an 450 de l’hégire, les Abbafjides eurent pendant