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 à  une  étrangère  dés  faveurs dont  elle  feule devôit  
 jouir, lui parut très-propre à confommer  l ’ouvrage :  
 il  engagea  cette  époufe mécontente  à  aller  revendiquer  
 les droits,  bien  déterminé  à venger  l’affront  
 auquel  il l’expofoit.  La  vertueufe  Oriavie  ne  s’ap-  
 perçut  point  du  piege  que  fon  itère  tendoit  à  Ion  
 époux,  elle  fe  rendit  à  Athènes, d’où  elle  écrivit  
 à  Antoine  qui  étoit  pour  lors  à Leucopolis ;  elle  
 lui  témôignoit là  joie  à laquelle elle alloit fe  livrer  
 en  le  voyant, 8c lui  annonçoit  des  habits pour  les  
 foldats ,  un  grand  nombre  de chevaux, des préfens  
 rares  ,  tant  pour  les  amis que  pour  fes lieutenans,  
 &   deux  mille  hommes  parfaitement  équippes  ,  
 pour  recruter  fa cohorte  prétorienne ; Antoine  retenu  
 par  Cléopâtre  qui  mit  en  jeu  tout  ce  qu’un  
 feint amour a  de  plus artificieux,  fut  infenfible  aux  
 démarchés  de  cette tendre époufe :  il  refufa de  la  
 v o ir ,  8c  lui  fit  dire  de retourner  à  Rome, tandis  
 qu’efclave de  fa  rivale, il  alloit  à Alexandrie paffer  
 l’hiver  dans  les  plailîrs 8c la  débauché. 
 Oftavie  obéit  auffi-tôt;  fon  frere  feignant  de  
 partager  l’humiliation  qu’elle  venoit  de  recevoir ,  
 tâcha  d’exciter  fa  jâloufie,  8c  lui  dit  de  fortir  de  
 la  maifori d’un  épOUx qui la traitoit avec tant de  dédain  
 : il lui promettoit de venger fon injure.  Oriavie  
 étoit  biemeloignée  d’approuver  ces  defleins ;  elle  
 répondit  à  fon frere qü’elle  avoit  des  larmes pour  
 fe venger  des  égaremens  de  fon  époux  ;  elle  lui  
 recommanda  de  fe montrer  plus  avare  du fang  de  
 fes  compatriotes,  8c de  ne  pas  le  verfer  pour  les  
 chagrins  d’une femme. 
 Plus 'Oriavie  montroit  de  vertu,  plus  Antoine  
 devenoit  odieux,  8c  Augufie ne manquoit pas d in-  
 téreffer,  par  des  pratiques lécretes,  le peuple  pour  
 fafoeur. Il  faifoit  voir avec  une  afferiation, dont il  
 avoit  foin  de  cacher  le motif,  cette femme le modèle  
 dé  fon  fe x e ,  élever  fes  enfans  avec  le  plus  
 tendre  foin,  fans faire  à  cet  égard  aucune  diftinc-  
 .  lion  entre les liens  propres,  8c  ceux  que fon  mari  
 avoit eus  de  Fulvie.  L’indifcretion  queut  Antoine  
 de s’affeoir fur le trône,d’Egypte »porta à fon comble  
 le mécontentement du peuple Romain. Sans les horreurs  
 ,  dont  nous  venons  de  préfehter  l’effrayant  
 tableau,  on  feroit  tenté  de  croire  que  l’éternelle  
 fageffe  confpiroit  elle-même  pour élever Augufie  
 fur  le  plus  beau  trône  du  monde,  en  conduifant  
 fon  concurrent  à  fa  perte  inévitable. Antoine  alïïs  
 fur  le  même  trône  avec  Cléopâtre  ,  la  proclama  
 reine  d’Egypte,  de  Chypre,  de  Celé-Syrie  &   de  
 toute  l’Afrique  de  l’obéiffance  romaine.  Céfarion  
 qu’elle -avoit eu de  fes débauches avec  Jules-Céfar,  
 fut  déclaré collègue  du triumvir : quant  aux  enfans  
 qu’il  avoit  eus. de  cette  princeffe, il  donna à  Alexandre  
 ,  l’Arménie,  la Médie,  la  Parthie, &   généralement  
 cet  immenfe  pays  compris  entre 1;Indus  
 &  l’Euphrate. Son efprit étoit tellement dérangé par  
 fa paflion,  qu’il donnoit des pays  où  jamais  les armées  
 romaines  n’avoient  fu pénétrer,  8c  dont  les  
 peuples  étoient  encore  le  plus  terrible  fléau.  Ses  
 autres  enfans reçurent des  préfens,  non  moins magnifiques, 
   Si tous dévoient avoir le titre  fublime de  
 roi  des  rois : ce  triumvir  fe  livra  à  mille  extravagances  
 ,  que nous  avons  eu  foin de  décrire  à  fon  
 article;  f!  ,  '  ,* 
 Oriavien,  profitant du mécontentement général,  
 qu’excitoit une conduite auffi répréhenfible,  cita fon  
 collègue  devant  le  fénat  8c  le  peuple,  l’accufarit  
 d’avoir  trahi  la  majefté  romaine.  Antoine  voulut  
 en vain fe juftifier ;  fon teftament, vrai  ou fuppofé,  
 par lequel il exigeoit que  fon  corps, n’importe dans  
 quel  endroit  il  mourût,  fût  tranféré  en  Egypte  ,  
 (  V. ci-devant Antoine.) rendit la  guerre inévitable.  
 Augufie fit fes préparatifs, qui furent immenfes ; tous  
 les refforts furent tendus, 8c quoiqu’il eût des foudres 
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 réels , il  attaqua  d’abord  fon rival par lés  traits du  
 ridicule,  qui  produifirent  leur effet.  Ses  flatteurs*  
 dont  il  empruntoit  l’organe  ,  publioient  qu’on  ne  
 devoit  plus  s’attendre  à  voir  Antoine  à  la  tête  de  
 fes  armées  ;  mais  l’eunuque  Mardion  qui  devoit  
 avoir  pour  confeillers  de  guerre,  Pholine,  
 Tras 8c  Charmion,  fuivantesde  Cléopâtre. Le politique  
 tribun  eut  encore  l’attention de  ne  point  attaquer  
 direriethent  Antoine:-il  fembla  ne  vouloir  
 diriger  fes  armes,  que  contre  Cléopâtre.  Ce fut à  
 cette  reine  que  fes  ambaffadeurs  remirent  la  déclaration  
 de  guerre  ;  on  fent la raifon de  cette conduite, 
   il.  favoit  bien  qu’Antoirie  idolâtre  pour  la  
 reine,  ne  manqueroit pas  de fe  déclarer  en  fa  faveur  
 ,  8c que cette  démarche  le  feroit  déclarer ennemi  
 de  la patrie  :  les égaremens  d’Antoine,la perfidie  
 de  Cléopâtre,  le  fervirent  plus, puiffamment  
 encore,  qu’une politique  auffi  rafinée. Nous ne répéterons  
 point ici  par quel  revers  de  fortune  An-  
 . toine  perdit  la  plus  belle  moitié  de  l’empire  du  
 monde,  lorfqu’abandonnant  une  armée  intrépide ,   
 il  courut  après  une ingrate  qui  le  vit  fe  donner  la  
 mort,  fans  le regretter, 8c  ne le  plaignit que quand  
 elle  fut  forcée  de  defeendre  dans  l’abîme  qu’elle  
 avoit  elle-mêmë  creufé. 
 Oriavien,,( an de Rome  723.)  vainqueur  d’Antoine  
 8c de  Cléopâtre,  fe  rendit en  Egypte,  qui  fe  
 rangea fous  fon obéiffance.  Après  avoir réglé  dans  
 Alexandrie  le  deftin  de  ce royaume ,  il en fortit 8c  
 parcourut la Syrie, l’Afie mjneure 8c la Greee, portant  
 un oeil fatisfait fur ces floriffantes  contrées,  devenues  
 fon  domaine^ Arrivé à Antioche, il y  trouva  
 Tiridate qui lui demandoit des fecours contre Phra-  
 date,  fon  concurrent au  trône  de  Parthie.  Il  lui fit  
 un accueil  obligeant 8c  l’excita  à  ne point  négliger  
 fes droits.  Ayant donné audience  aux  ambaffadeurs  
 de  Phradate, qui  lui  faifoient la même  demande de  
 la  part  de  leur maître, il leur  fit  le  même  accueil  
 8c  la  même  réponfe.  Il lui importoit peu  qui  oc*  
 cupât  le trône  des Parthes.  Son  deffein étoit  de  fomenter  
 les troubles de ces peuples,  afin  qu’occupés  
 dans  le  centre  de  leur  état,  ils  ceffaffent  lèurs  irruptions  
 dans  les provinces  de  l’empire.  Telle  fut  
 la politique confiante  Augufie pendant tout le cours  
 de  fon règne,  à l’égard  dés puiffances étrangères.  II  
 fongea moins  à les  foumetre qu’àTeS occuper.  De  
 retour  en  Italie,  il  fut  honoré  de trois  triomphes  
 confécutifs.  Le premier lui fut  décerné par rapport  
 à quelques  avantages  remportés  fur  les Dalmates,  
 avant la guerre  d’Antoine ;  le  fécond  pour  là journée  
 d’Ariium ,  le  troifieme  pour  avoir  fournis l’Egypte. 
  Dans  la  proceffion du  dernier qui fut  de  la  
 -plus grande magnificence, le char du triomphateur fut  
 précédé  des  enfans  qu’Antoine avoit  eus  de Cléopâtre  
 ,  8c d’un  lit  fur  lequel  on  portoit  une  fiatue  
 représentant  cette  reine  offrant  fon  bras  au  dard  
 d’un  afpic. Ce  fut après  ce triomphe qu’on lui Conféra  
 le titre  d’empereur, non dans le  lens  ordinaire  
 qui n’emportoit  qu’un  titre  honorable,  mais  dans  
 un  fens  d’autorite  fouveraine. 
 Cependant,  tandis que  les Romains  lui offroient  
 leur  encens,  &   que  le  peuple  à  qui  il prodiguoit  
 les  tréfors d’Alexandrie  felivroità  une folle  ivref-  
 fe de joie,  fa fortune même  le  fit trembler. Il avoit  
 des  exemples  récens  de  l’inconftance  de'cette  ca-  
 pricieufe  déeffe.  Marius,  les deux Pompée,  Céfar,  
 Antoine,  qui tous  avoient  figuré  en maîtres#fur  la  
 feene  du monde,  venoient de difparoître. Tous les  
 périls inféparables d’une  autorité  nouvelle  8c ufur-  
 pée, fe préfenterent à fort efprit, &  portèrent le trouble  
 dans fon  ame. L’averfion naturelle  des Romains  
 pour  le  gouvernement  monarchique,  le  cri  de  la  
 liberté, ce cri fi puiffant qui remue les entrailles des  
 efclaves même,  lui  faifoient  craindre  un  nouveau 
 A U  G 
 Brutus qui  eût pu  rappeller  cette  idole qu’il  prof*  
 crivoit.  En proie aux  plus vives inquiétudes,  il  balança  
 s’il devoit  abdiquer  l’autoiite  fouveraine, &   
 fuivre  l’exemple  de  Sylla qui,  teint du  fang  de fes  
 concitoyens,  avoit  ofé  dépofer  le  poignard  8c  vivre  
 dans Rome en homme  privé.  On  prétend qu’il  
 s’étoit décidé  pour  ce parti, lorfqu’il  voulut entendre  
 Agrippa  &  Mécene.  Le  premier  uniquement  
 fenfible  à  la  gloire  que  l’homme  tire  de  fa  propre  
 vertu,  l’affermit  dans  fa  réfolution  mais  Mécène  
 lui  fit  fentir  qu’il  n’y   avoit  de  fûreté  pour  
 lui que fur  le  trône; que.les  pères,  les  enfans, les.  
 freres  des  proferits  pourroient,  quand  ils  le  -ver-  
 roient leur  égal;,  lui demander  raifon  du  fang  précieux  
 qu’il avoit verfé. « Gardez la fouveraine puif-  
 fance, lui dit ce miniftre, mais iifez-en à l’égard des  
 autres  comme vous  voudriez  qu’on en  ufât  envers  
 .vous,  fi  vous.étiez  né  pour  obéir ». 
 Ce  confeil  ’étoit  fàge, Augufie  né devoit  pas  fe  
 ïaiffer  féduire  par  l’exemple  de  Sylla.  Sylla  étoit  
 grand  de fa propre grandeur. U n’avoit pas eu befoin  
 d’un Agrippa  pour  vaincre,  ni  d’un  Mécene.  pour  
 apprendre à jouir de la  virioire.  On  révéroit en lui  
 le  premier  capitaine  du  monde,le  vainqueur  de  
 Marius. Son nom  étoit  plus puiffant que  les  haches  
 8c les faifeeaux.  Semblable en tout à ce Marius couché  
 fur fon  lit ,  il  eût  fait  tomber  d’un mot,  d’un  
 regard,  le  poignard  des  mains  de  l’affaffin.  D’ailleurs  
 il  n’avoit frappé  que  fur les  partifans de l’ef-  
 clavage,   8c  l’on opprime  fans crainte des  hommes  
 qu’aucun  n’ofe  avouer  fans  honte.  Sylla avoit rap-  
 pellé  la  liberté, 8c  Augufie l’avoit  anéantie... 
 On ne doit donc pas s’étonner fi  l’avisde Mécene  
 prévalut  fur  celui d’Agrippa.  Sage  aux  dépens  de  
 Céfar, Augufie,  en  ufurpant  l’autorité  fouveraine ,  
 réfifta  à  la  vanité  de  porter  le titre-de  roi ;  il  con-  
 ferva celui d’empereur, 8c fous cette dénomination,  
 familière  &  agréable  aux Romains, il jouit  de tous  
 les privilèges de  la royauté- Convaincu que  le peuple  
 fe laiffe toujours prendre aux apparences, il ref-  
 peria la forme  de  l’ancien  gouvernement.  Les  ma-  
 giftratures furent confervées avec leurs prérogatives  
 extérieures.  Son  objet  unique  devoit  être  d’attacher  
 toute  l’autorité  de  la  juftice  &   des armes  à  
 celle  d’empereur.  Ce  fut  dans ce deffein  qu’il  fe fit  
 nommer  au  confulat. Cette  dignité qu’il réunit avec  
 celle  de  tribun  perpétuel  ,  pendant  neuf  années  
 confécutives,  lui  permit  de fe  faire  des  créatures.  
 Ce fut alors  qu’il s’appliqua  à fermer les plaies qu’il  
 avoit  ouvertes. Il ménagea les  provinces, prodigua  
 fes  tréfors  dans  la  capitale  8c  dans  les  armées;  
 cachant fa haine contre le fénat, ildéféroit de  grands  
 honneurs.à  cette  compagnie pour la réformer.,  fans  
 exciter  les murmures. Il appelloit réforme, le  meurtre  
 qu’il  faifoit de  tems  en  tems. de  fes  principaux  
 membres.  Un  feul de  fes  édits  en  dégrada  quatre  
 cens, dont plufieurs périrent  par fes  ordres fecretsi,  
 fans  que  nous  fâchions  la  caufe  de  cette  féxérité ;  
 Tacite n’en accufe que leur zele pour la république.:  
 d’autres  prétendent  qu’Augufie  fuivit  la  maxime  
 .odieufe  de  fe  défaire  de  ceux  que  l’on a  offenfés;  
 auffi ce fénat que Cineas  avoit pris pour  une  affem-  
 blée  de  rois,  ne  fut  plus  qu’un  ramas  de  flatteurs.  
 Après  lui  avoir déféré  le  glorieux nom  de pere  de  
 la patrie,  celui  d’Augufie  qui ne  s’appliquoit  qu’au  
 choies  faintes,  après lui  avoir  conféré  le  droit  illimité  
 de  n’avoir  pour  regle  de  fes  a étions  que  fes  
 propres  volontés, ils  fe propoferent  de  faire  fenti-  
 nelle  touf-à-tour ,  tant de  jour  que  de  nuit,  aux  
 portes  du  palais.  Ce  décret  aviliffant  alloit  paffer  
 fans un bon mot  de Labeon. Augufie n’y  auroit certainement  
 pas. fouferit.  Il n’auroit pas placé  auprès  
 de fon l i t ,  pendant fon  fommeil ,  le feul  ordre qui  
 excitoit  fes  frayeurs.  Une  preuve  que  ces  témoi- 
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 griages d ’amour  n’étoient  que  le  tribut  de  la  flatterie  
 , &   que  le  fénat  &c  ce  prince  fe  regardoient  
 toujours comme deux puiffances ennemies, c’eft qu’il  
 défendit à  tous  fénateurs  de fortir  d’Italie  fans  fon  
 agrément. 
 ,  Ce  fut au  commencement de fon feptieme confu-  
 làt  que^  voyant  le  peuple  charmé  de  la  douceur  
 de  Ion  gouvernement,,  il  fe  rendit  par  le  confeil  
 d’Agrippa &  de Mécene,  au  fénat  qu’il  avoir  rempli  
 de  fes  créatures. Après  avoir  prononcé un  dif-  
 cours  étudié,  il  propbfa  aux  peres  confcrits  de  
 çonfentir  à  fa  retraite : mais il  n’y  avoit  aucun  fé-  
 nâteur  qui  ne  fentît le  danger  de  délibérer fur  une  
 matière  auffi  importante;  Tous  fe  jetterent  à  fes  
 pieds  &  lè  conjurèrent de continuer  à  faire  les  délices  
 de  l’empire.  Sans doute  qu’il  àffefta cette  modération  
 pour dévoiler  s’il ne  lui reftôit  point d’ennemi  
 dans  le  fénat.  Le  modefte  tribun  fe  fit  une  
 douce  violence ;  mais  il  déclara  qu’on  prétendroit  
 en  vain  le  charger  pour  toujours  d’un  fi  péniblè  
 fardeau ,  qu’il  n’agréoit  l’autorité  qu’à  condition  
 qu’on  recevroit  fa  dçmiflion  dans  dix  ans,  promettant  
 de  mettre  la  république  dans  un  état  fi  
 floriffant  qu’elle  n’àiiroit  plus  befoin  de  chef.  C e   
 terme  expiré,  il  offrit  la  même  feene,  ainfi  de  
 fuite  jufqu’à fa1 mort.  Quoiqu’il  eût dégradé  le  fénat  
 ,  il  affeéta  pour  ce  corps  une  confidération  
 qû’il  n’avoit  pas.  Il  voulut  toujours  que  ce  fût  le  
 confeil  de  la  nation,'Peut-être  en  fentôit-il  la  né^'  
 ceffité.  Il  feignit de vouloir  partager avec  lui l’honneur  
 du  gouvernemént.  Il  lui  affigna  les provinces  
 les  plus  tranquilles  &   les  moins  belliqueufes ,  8c  
 fe  réferva  toutes:  celles  qui  e'xigeoient  la  préfencê  
 des  armées. Par  cette  feinte modération,  il  fe  ré-  
 fervoit  toute  l’autorité  militaire,  &   mettoit  cettè  
 compagnie  dans  les  fers,  lorfqu’il Tembloit  la  ré-,  
 vérer. 
 Cependant ce  n’étoit  pas affez pour Augufie d’a-  
 vôir changé  la face  de  Rome,  o u , pour  nous  conformer  
 au ftyle ordinaire  ,  les dèftinées  du  monde *  
 il  crut fa  gloire  intéreffée  à perpétuer fon ouvrage.’  
 Il n’avoit eu  de  fes  débauches qui furent  fréquentes  
 dans le commencement de fon régné, ni de fes diffé-  
 fens^mariages,  aucun  enfant  mâle-;  les  intrigues  
 de fa femme  lui firent préférer Tibere fon beau-fils,  
 à  fon  arriere-fils  Poftumus. Agrippa.  Lorfqu’il fen-  
 tit  fon  âge décliner  8c  fa  fahté  s’affoiblir,  il  fit  re1  
 connoîtfe  Tibere. pourfon collègue. Ce fameux décret  
 ,  qui  perpétuoit  l’efclâvage  des  Romains,  fut  
 conçu  en  ces  termes.  « Sur  la  requête  du  peuplé  
 Romain ,  nous  accordons  à  C.  Jul.  Céfar Tibere j'  
 la  même  autorité  fur  toutes  les  provinces  8c  fur  
 toutes  les armées  de  l’empire  Romain ,  dont  Augufie  
 â jou i, dont il jouit encore, 8c que nous prions  
 les  dieux de  lui conferver ».  Tibere  ayant  fu  cette  
 difpofition  favorable j  fe  rendit quelque tems après  
 à  Noie,  où  il  trouva  l’empereur  dans  fon  lit  dè  
 mort.  Velleius  prétend  qu’Augufie  le  reconnut  publiquement  
 pour  fon  fuc.ceffeur,  8c  lui fit jurer de  
 lé prendre pour modèle : mais Tacite affure  que l’on  
 n’a jamais fu  fi Tibere,  en arrivant à Noie, trouva  
 l’empereur  mort  ou malade;  Livie  ayant  fait garder  
 les  avenues  du  palais ,  8c  publier .de  tems  en  
 • tems des  nouvelles-favorables  de  la fanté de  l’empereur. 
   Cet  auteur  ajoute que  lorfque  cette  prin-  
 cefîè  artificieufe  eut  pris  toutes  fes mefures,  elle  
 fit  annoncer  dans le même inftant  la mort de  l’empereur  
 8c  le  couronnement  de Tibere. Augufie  vit  
 approcher  fa  derniere  heure  avec une  fermeté  qui  
 furprend  dans  un  prince  qui avoit  acheté  l’empire  
 par tant  de  crimes.  Il  s’entretint  avec  fes  amis, &   
 leur donnoit‘des confeils fur leur  conduite publique  
 8c  privée.  En  parlant  de  fes  proprés  a riions,  il  
 leur dit  qu’il  avoit  trouvé  Rome de  brique,  mais