jardiniers l’appellent auffi agacia ou agacier, agajjîer,
par Corruption du mot acacia. 11 eft étonnant que M.
de Tournefort ait compofé un nouveau nom auffi
impropre, pour défigner une plante*qui a auffi peu
de rapport avec Y acacia, lui qui favoit, ou qui de-
voit lavoir q ue, vingt ans avant lu i, & même avant
l’année 1680, Elsholtz, profeffeur de Botanique &
médecin de Téledeur de Brandebourg, connu par
fon Flora marchica, avoit donné à cet arbre nouveau
le nom robina, de M. Robin qui l’avoit le premier
fait connoître en Europe. C’eft Tous ce nom que l’on
peut voir l’hiftorique de cet arbre utile à nombre
d’égards, & que nous l’avons défigné dans nos Familles
des plantes, à la page 323.
Le fécond arbre, auquel on a appliqué auffi improprement
le nom d3acacia, eft le prunellier ou prunier
fauvage, dont les fruits appellés prunelles ou
petites prunes fauvages, cueillis avant la maturité ,
rendent par expreffion un fuc q ui, réduit en con-
fiftance d’extrait folide & en tablettes , au moyen
de la chaleur du foleil ou du feu , s’emploie en Médecine
au défaut de la gomme cCacacia, fous le nom
d5acacia nojlras, c’eft-à-dire , acacia de notre pays,
acacia d’Europe , ou fous celui d’acacia Germanica,
acacia d’Allemagne, fans doute parce qu’on commença
d’abord à en faire ufage dans ce -pays. V. fa
defeription au mot Prunellier , Dicl. raif. des Scien.
&c. On a encore transféré le nom $ acacia à nombre
d’autres plantes épineufes,comme aufevier,gleditfia,
figuré, par Plukenet,à la planche$5% , n°. z de fa
Phy 10graphie, au cytife épineux, qui eft l’afpalathe
fécond à trois feuilles de JeanBauhin, au bois du
Bréfil, au caretti ou bonduc, & à beaucoup d’autres
arbres qui, quoique de la même famille que %acacia,
'méritoient cependant de n’être pas confondus avec
lui.
Quoique le genre. de Y acacia proprement dit ,
t econnoiffe plufieurs efpeces qu’on ne peut féparer
fans faire violence à la liaifon que la nature femble
avoir mifé entr’elles ; quoique l’Amérique en produife
quelques-unes, & que d’autres croiffent dans les
Indes,, les trois efpeces qui rendent plus abondamment
la gomme arabique & la gomme du Sénégal,
n’ont encore été obfervées que dans les terres brûlantes
de l’Afrique, foit en Arabie fur les côtes de
la mer Rouge , foit au Sénégal vers l’océan atlantique,
pays tous deux fitués fous la zone Torride dans
l ’hémifphere* boréal. Les anciens, depuis Théo-
phrafte, connoiffoient trois, efpeces d’acacia auxquelles
Pline en ajoute une quatrième qu’il convient
qu’on néglige à caufe de fon peu de mérite ; mais,
autant qu’bn en peut juger par la defeription de
Diofcoride, le gommier rouge , qui porte plus particuliérement
le nom d'acacia, étoit le plus commun
en A rabie, au lieu que le gommier blanc eft au moins
auffi commun, & même plus commun au Sénégal
que le gommier rouge. Nous allons décrire ces trois
efpeces, & enfuite celles qui ont quelques rapports
avec elles.
Première efpece. Gommier rouge. Nebneb.
\2 acacia des Grecs, félon Diofcoride , c’eft-à-dire,
Xarbre fans malice, parce,que la piqûre de fes épines
n’eft fuivie d’aucun fâcheux accident, avoit été ap-
pellé pour la même raifon, du tems de Theophrafte,
Y épine par excellence, acantha, Y épine d'Egypte, acan-
tha Ægyptia. Les Arabes lui donnent les noms de
achachie , alckarad ; alchard , charad, amgailem ,
Schitte , fehittim ; les François l’appellent acacie,
& .quelques-uns par corruption cafjie , depuis M. de
Tournefort qui a le premier introduit ce nom impropre
dans les Infituts de Botanique. Les feuls auteurs
qui aient donné une figure reconnoiffable &
(Caraûérifée de cette plante, font L obel, page 5% 6 ,
planche n o , tom. I I . , fous le nom de fpina acacia
Diofcoridis ; Profper Alpin., fous le nom d'acacia
foemina, planche c) ; Parkinfon , fous celui d'acacia
| vera , five fpina Ægyptïaca, en Anglois the Egypdan
j tkorn , or binding beane tree ; & Piukenet, planche
2-51 •> figure 1 de fa Pkytographie , fous le nom de
I acacia altéra vera feu fpina Ma^catenfis vel Arabica ,
! foliis angujiioribus , fore albo , fliquâ longâ villofâ ,
| plurimis iflhmis & cortice candicantibus donatâ. M .
Linné Jadefigne ainfi, mimofa, hilotica ,fpinis f ipu-
laribus patentibus, foliis bipinnatis ; partialibus exti-
mis glanduld interjeclâ : fpicis globofis pedunculatis.
Syfema nat. edit. tz. pag. 6j8. nQ. 34 . L’acacia a
reçu encore des Botaniftes modernes beaucoup d’autres
noms que nous fupprimons ici comme peu
inftrudifs.
Cet arbre croît dans les fables du Sénégal, ainfi
que dans l’Arabie ; il eft fur-tout fort commun dans
l’ifle de Sor, & dans le voifinage dé Tille faint-Louis »
près de l’embouchure du N iger, où il s’élève à peine
à la hauteur de vingt pieds, fous la forme d’un
buiffon peu régulier, dont le tronc eft affez droit,
mais court, à peine de cinq ou fix pieds de hauteur
fur un pied de diamètre, ayant une écorce groffiere,
fillonnée, comparable à celle de l’orme , brun noir ,
qui recouvre un bois çompade , très-du'r, très-pe-
fant, dont l’aubier eft jaune & le coeur rouge-brun ,
plein, fans aucune moelle. Ses racines font rougeâtres
, & s’étendent prefqu’horifontalement à une
petite profondeur fous, la furface de la terre , à la
diftance de quinze à vingt pieds. Le tronc fe partage
en un grand nombre de branches affez fortes, prel-
qu’horifontales , tortueufes , dont les vieilles ont
Técorce femblabié à celle du tronc, mais dont les
jeunes font rougeâtres, liftes, d’abord triangulaires,
enfuite cylindriques.
Lé long de ces branches fortent des feuilles, altère
nés, affez ferrées ou près à près les unes des autres,
pinnées, c’efLà-dire , ailées fur deux rangs, dont
le premier eft compofé pour l’ordinaire de cinq
paires de pinnules qui portent chacune 18 à 20
paires de folioles longues de deux lignes; le pédicule
commun qui foutient les pinnules a environ un tiers
de plus qu’elles en longueur, & montre Une petite
glande némifphérique, concave entre la premier«
& la derniere paire , entre laquelle elle fe termine
par un petit filet conique. Chaque feuille porte à fes
côtés, au lieu de -ftipules, deux épines coniques ,
droites, écartées horifontalement , dont Tune eft
plus courte d’ttn tiers que l’autre. Ces épines ne font
pas d’égale grandeur fur toutes les branches ; celles
de Tannée ou de la faifon précédente, ou , pour
parler plus exactement, les branches^qui ontpouflê
au moment où la feve eft prête de s’arrêter , font
brunes, longues de cinq à fix lignes au plus ; les
branches au contraire qui pouffent dans le tems de
la force de la feve , en Juillet & Aoû t, produifent
de ces mêmes épines longues de deux pouces à deux
pouces & demi, fur une ligne de diamètre & d’un
jaune de bois.
De l’aiflëlle de chaque feuille & de chaque paire
d’épines, fortent deux têtes de fleurs jaunes, fphé-
riques, de fept lignes environ de diamètre, portées
fur un péduncule trois fois auffi long, articulé à fon
milieu, où il porte une membrane cylindrique en
forme de gaîne couronnée de quatre denticulës ; ce
péduncule avec fa tête eft prefqu’une fois plus court
que les feuilles. Chaque tête eft formée par l’aftem-
blage de foixante fleurs très-rapprochées, contiguës
, mais féparées les unes des autres par une
écaillé deux fois plus longue que large, un tiers plus
courte que le calice, figurée en palette orbiculaire ,
ve lu e , bordée de poils, & dont la grande moitié
inférieure forme un pédicule entièrement mince.
En
• En détachant chacune de ces fleurs, on voit qu’elle
eft hermaphrodite,, compofée d’un calice d’une feule
piece en entonnoir, d’un tiers plus long que large,
incarnat, tout couvert de poils courts , denfes, couchés
en tout fens, & partagé jufqu’au tiers de fa
hauteur en cinq denticulés égaux triangulaires , une
fois plus larges que: longs, convexes à leur face
extérieure , & concaves à l’intérieure. Du fond de
ce calice fort une corolle une fois & demie plus
longue que lu i, de même forme, mais marquée extérieurement
de cinq angles qui font l’alternative
avec les,cinq dentelures dont elle eft couronnée,
& qui font triangulaires, une fois plus longues que
larges, concaves à leur face intérieure , & trois rois
plus courtes que le tube, qui lui-même a une fois
plus de longueur que de largeur. Les étamines , au
nombre de foixante-dix à quatre-vingts, fortent,
difpofées fur cinq rangs circulaires, d’une efpece de
difque creufé en hémifphere qui s’élève du fond du
calice en touchant à la corolle, & en laifîant un petit
efpace vide autour de l’ovaire ; elles font aflez égales
entr’elles, une fois plus longues que la corolle, liftes,
luifantes , & épanouies comme un faifeeau dont les
filets ne divergent que de quinze degrés ou environ.
Ces filets font cylindriques y très-fins , comme articulés
OU compofés d’anneaux, chagrinés de petits
tubercules, pointus à leur extrémité , quinze fois
plus longs, & deux fois plus étroits que les anthères :
celles-ci font fphér.oïdes , marquées fur la face intérieure
qui regarde le piftil, de trois filions longitudinaux,
dont les deux collatéraux s?ouvrent, imprimées'
•fur la' face oppofée d’une petite cavité par laquelle
elles font implantées fur les filets , & ornées à leur
extrémité d’un petit globule blanc, trois fois plus
petit qu’elles , hérifle de denticules coniques, &
porté lur un petit filet affez long ; la pouffiere fémi-
nale qui fort de ces anthères, eft compofée d’une
prodigieufe quantité de petits globules de couleur
d’or , liffes & luifans.
Du milieu du vide que laiffe le difque des étamines
au centre du calice, s’élève le , piftil qui égale
la longueur des étamines, & qui eft compofé d’un
ovaire cylindrique deux fois plus long que large,
porté fur un pédicule cylindrique., menu, égal à
la corolle , huit fois plus court que lu i, trois fois
plus étroit, & terminé par un ftyle cylindrique, lifte,
luifant, tortillé, trois fois plus long, & trois fois
plus étroit que lu i, qui fort d’un de fes côtés, &
qui a pour ftigmate à fon extrémité tronquée hori-
lontalement, une petite cavité toute hériflee de petites
pointes, coniques qui ne font bien apparentes
qu’avec le fecours d’un verre lenticulaire de deux à
trois lignes de foyer. L’ovaire,. en mûriffant, devient
un légume plat, droit, long de quatre à cinq
pouces -, huit à dix fois plus étroit ,.verd-brun, lifte,
luifant, compofé de fix à dix articles difeoïdes, fi
étranglés qu’ils paroiffent attachés bout à bout,
comme par un collet qui n’a fouvent pas une ligne
de diamètre ; fon écorce eft affez épaiffe , & con- j
tient entre les deux épidermes un parenchyme gommeux
, rougeâtre & luifant : les articulations ne fe ,
féparent pas naturellement ; elles contiennent chacune
une femence elliptique , obtufe, gris-brun,
longue de deux lignes , imprimée fur chacune de fes •;
faces d’un fillon qui enferme Un grand efpace pareillement
elliptique , & qui eft attaché au bord fupé-
rieur du légume par un filet extrêmement court.
■ _ Qualités. Les feuilles de Yacacia mâchées on t, '
ainfi que fon , écorce , une faveur ftyptique très- •
amere. Il rend naturellement, fans incifion , de di-
verfes parties de fon tronc & de fes branches , après
la faifon des pluies, & vers le tems de fa fleuraifon,
c’eft-à-dire, depuis le mois de feptembre & d’ofto-
bre., une gomme rougeâtre en larmes ou en boules,
Torr.ç I, * - ■ ,
qui ont depuis fix lignes jufqu’à un pouce & demi de
diamètre. Cette gomme eft tranfparente & d’une
faveur amere.-
^J'uges. Les Negres Oitalofs du Sénégal font moins
de cas de cette gomme, à caufe de lbn amertume,
que de la blanche, dont nous parlerons ci-après;
mais ils 1 emploient par préférence à elle dans plufieurs
maladies parce qu’elle eft beaucoup plus
aftnngente. Ils la font avaler feule, ou diffoute dans
une légère décoftion de la racine d’une plante mal-
vacée qu’ils appellent lajf,; non-feulement dans les
maladies vénériennes , mais encore pour arrêter les
ecoulemens les plus invétérés, apres avoir néanmoins,
favorifé d’abord ces écoulcmcns, ou difpofé
le corps à l’aflion de ce remede par des apéritifs
qu ils regardent comme appropriés, à ces cas , tels
que la racine d’une, argemone , & les branches d’une
plante de la famille des folanons qu’ils appellent
dïmdi, Sc qui a beaucoup de rapports avec le-
diilcamara de l’Europe , autrement nommé vime.
grimpante ou vigne de Judée.. Cette gomme paffe encore
pour le fpécifique des débordemens de bile &'
des maladies^du foie qui en font les fuites : pour cet
effet les Senegalois en boivent une once le matin à
jeun & autant le foir , diffoute dans un demi-feptier
. de limonade faite avec le tamarin aiguifé d’un peu de
fuefe qui en releve la fadeur ; 1 acide du limon eft
trop tranchant, trop incifif & corrofif; il ne rempliront
pas auffi bien l’objet' du tamarin , qui eft un
acide aftringent : celui-ci tempere l’ardeur de lab ile,
pendant que la gomme lubréfie & ferme les plaies
du foie ulcéré par la chaleur de cette bile; cette
gomme en adoucit les douleurs, elle nourrit mieux,
qu’aucun confommé, en même tems qu’elle guérit;
enfin ce confommé végétal eft plus favorable dans
les maladies bilieufes, que. le confommé animal;
auffi les Negres évitent-ils alors toute nourriture
tirée des animaux , ils fe bornent à celle des végé-,
taux, tels que le riz , ou dè la crème-de r iz , lorf-
q.ue leur eftomac ne peut pas fupporter davantage.
Les Negres mâchent les. feuilles de Yacacia, ou, à leur
défaut, Ion écorce ou fes gouffes, comme un déterfif
aftringent , dans toutes les affeftions feorbutiques:
La décodion de fes légurhes entiers, bu Tinfufion
de leur poudre dans l’eau froide , s’emploie dans les
maladies des yeux qui ont pour caufe le relâchement
des fibres; Le parenchyme gommeux, qui eft continu
entre les deux épidermes de fes gonflés, ainfi que
fon écorce intérieure qui eft rouge, foit récente
foit feche, infùfée dans l’eau à froid ou en décoction^
donne une teinture rouge-pâle. Son écorce fert particuliérement
à tanner les peaux de mouton & de
chevre^ en façon des plus beaux maroquins, dont la-
perfedion eft vraifemblablementdue aux Sénégalois
ou aux Maures qui fréquentent les bords du Niger.
^ Remarques. Nous favons par les anciens , & ’ fur-
fout par Theophrafte, Diofcoride èc Pline-, que
1 acacia d’Arabie & d’Egypte rend naturellement une
gomme ; que Ton. retire outre cela de fes gouffes
humedees d’eau de pluie , broyées avant leur maturité
, & exprimées, un fuc qui, épaiffi par la chaleur
du foleil ou par l’ébullition, fe réduit en maffes
arrondies, jaunes oit rougeâtres, dures, s’amol-
liffant dans la bouche , d’un goût auftere peu défa-
greable, du poids de quatre à huit onces, .qu’on enveloppe
dans des veffies minces; que ce fuc eft rouge-
brun ou noirâtre , lorfque les gouflès dont on le tire
font plus avancées & proches de leur maturité •*
qu’on en retire auffi de fes feuilles;, mais qu’on ne
l’eftime pas plus.que la gomme de Yacacia de Ga-
latie, parce qu’il eft brun-noir: comme elle ; que celle
qui eft jaunâtre ou purpurine, qui fe diffout facilement
dans l’eau , eft préférée ; qu’elle eft extrêmement
rafraîchiffanteépaiflilTante. ou incraffante 6q
L