
<TAthènes, fut chercher un afyle dans la Perfe', où
fa tête avoit été mife à prix. Artaxerxes, religieux
obfervateur des droits de l’hofpitalité , révoqua l’arrêt
de fa profcription, & rendit grâce à fon dieu
Oromaze , d’avoir pour hôte un guerrier qui,,
après avoir ébranlé le trône de la Perfe , étoit capable
d’en augmenter la fplendeur. 11 eut plufieurs ;
entretiens avec lui pour découvrir quels étoient les j
relions de la puifiance dé la Grece , & les vices :
de fa conftitution, & fatisfait de fes confeils, il lui
affigna des reyenus confidérables pour vivre avec
magnificence. Cimon l’Athénien enlevoit alors à la
Perfe fes plus riches provinces: Ëione, Selle , Am-
phipolis & Bizance, Rirent fes conquêtes : tout le
pays d’Ionie, jufqu’en Pamphilie1 pafla fous la domination
des Athéniens & de leurs alliés. La flotte
à'Artaxerxes , eompôfée de trois cens cinquante
voiles, fut battue & diffipée à l’embouchure du
fieu ve, Eurimedpn, & la conquête de la Cherfonefe
de Thrace fut les fuites de, la viftoire de Cimon.
Cette guerre fournit plufieurs exemples qui prou- •
vent que la domination des rois de- Perfe devoir
être bien douce, puifqu’on y voit ce même en-
thouliafme de citoyen qui n’embrâfe ofdinairement
que le républicain. Les infulaires de Thafê, àf-
fiégés par les Athéniens , décernèrent peine de mort
contre le premier qui parleroit de le rendre : ils
fouffrirent pendant trois ans toutes les horreurs
d’une ville afliégée ; les femmes s’élevant au-deflus
des foibleffes de leur fexe, ne le cédèrent point
aux hommes en férocité ; on manquoit de cordes
pour faire agir les machines, elles coupèrent leuis
cheveux , & confacrerent à cet ufagé leurs plus
cheres dépouilles. Quand la famine n’olfrit plus aux
aflîégés que la rëflburce de mourir, un des ha-
bitans, nommé' Hegetoride , paroît dans l’affem-
blée du peuple, la corde au cou , & dit rochers
compatriotes, difpofez de ma vie , je vous l’abandonne
, fi vous' croyez que mon fang vous puifle
être utile ; mais du moins fauvez le relie du peuple ,
en abrogeant une loi meùrtriere qui vous défend
de traiter avec les arbitres de votre dellinée. Les
Thafiens, pleins d’admiration, abolirent la loi qu’il
venoit d’enfreindre ; la ville ouvrit fes portes aux
Athéniens, qui refpéclerent la vie & les biens des
habitans. Bogés ; gouverneur d’ione fur le Strimon,
donna dans le même tems un exemple de fidélité
pour fes maîtres ; il fut aflîégé par les Athéniens,
& quoiqu’il fût dans l’impuiflTance de fe défendre ,
il crut que fon honneur lui prefcrivoit de mourir
dans le.polie qui lui avoit été affigné ; il fit ralfem-
bler tout l’or & l’argent qu’il trouva dans la ville ,
& le fit jetterdans le fleuve Strimon, ne voulant
pas qu’il fut la récompenfe des ennemis de fon roi.'
Après ce premier facrifice, il égorgea fa femme,
fes enfans & fes efclaves, & teint de leur fang,
il fe précipita dans un bûcher qu’il avoit fait, préparer.
Les républiques n’offrent point un exemple
plus frappant d’amour pour la patrie ; & quand on
voit des hommes prêts à tout fouffrir pour vivre-
dans la dépendance d’un maître , on doit propofer
leur exemple aux rois, pour leur apprendre à mériter
de fi grands facrifices : ces efforts d’une vertu
portée jufqu’à la férocité, font l’éloge de la bonté
d'Artaxerxes.
Les Egyptiens étoient toujours indociles & rebelles
: nés pour être efclaves, ils ne fongeoient
point à brifer leurs fers, ils ne vouloient que changer
de maîtres. Ils fe fortifièrent de l’alliance des
Athéniens , & fe crurent affez puiffans pour s’affranchir
de,la domination des Perfes. Artaxerxes fit marcher
contre eux fon frere Achemenide, à la tête
de trois cens mille hommes; cette,armée fut défaite
> ôc les débris s’en raffemblerent dans Memphisyoùils
furent aflîégés- pendant trdis ans; ils
furent enfin délivrés par une nouvelle.ârmée qu’on
envoya à leur fecours.'U y eut alors un fécond combat,
ou Inare , que les Egyptiens avoient élu pour
leur ro i, perdit la vie.' Sâ mort rendit le calme à
l’Egypte. Les vengeances' exercées contre les re-
belles'furent une nouvelle femencè de. guerre ; Me-
gabife s’étoit engagé par ferment à confefver la vie'
des prifonniers ; la mere d’Artaxerxes exigea qu’oir
les lui livrât1 pour les immoler aux mânes de fon
fils Achemenide , tué dans le combat, 8c des qu’elle
les eut en fon pouvoir, elle les fit tous érücifier.
Megabife indigné de ce qu’on l’avôit rendu parjure,
fe retira dans fon gouvernement de Syrie , où levant
l’étendart de la rébellion, il ébranla le trône
de fon maître ; les armées d’Artaxerxes furent défaites
dans plufieurs occafions,& il fallût recourir
à la négociation pour le faire rentrer dans fon devoir.
Cè fut dans la Vingtième année du régné 8 Artaxerx
es, que ce prince envoya Néhémie, fon échan-
fon, avec le titre de gouverneur, pour rebâtir les
murs de Jérufalem qui n’avoient pu encore être'
rétablis, malgré les édits de Cyrus & de Darius,’
fils d’Hyflafpe, & la prote&ion déclarée de ces
deux rois pour le pëuple Juif.
Artaxerxes■ , fatigué d’une guerre onéfeufe à fon
peuplé, là termina par une paix qui rendit aux
villes Grecques d’Afie leur liberté, leurs loix & leur
ancienne forme de gouvernement. Ce traité, dont
les conditions paroifl'ent avoir été diftées par les
Grecs, eft un monument de la fupériorité d’un peuple
qui combat pour Ion indépendance, fur une nation
avilie par l’efclavage. Un événement qui fait honneur
aux fçiences, penfa devenir la femence d’une
nouvelle -guerre. La réputation du médécin Hy-
pocrate avoit pénétré jufqu’aux extrémités de la
Perfe : Suze frappée de la pëfte avoit befoin d’une
main habile pour détourner ce fleàu ; Artaxerxes
le follicita de venir au fecours de fes fujets fouf-
frans, & il crut l’éblouir par l’éclat de fes promeffes.
Les Grecs avoient une averfion invincible contre
les barbares ; Hypocrate étoit fufceptible de cette
antipathie nationale ; & fupérieur à tout ce qui
peut tenter l’avarice & l’ambition, il répondit au
monarque Afiatique, qu’étant fans defirs & fans
befoins, il devoit fe confâcrer au foulagement de
fes concitoyens, préférablement à des étrangers
ennemis de fa patrie. Un.réponfe fi fiere irrita l’orgueil
$ Artaxerxes , qui fomma la ville de Cos de
lui livrer un médécin infolent qui étoit né dans fon
fein ; les habitans’fenfibles au facrifice qu’Hypocrate
leur avoit fait de fa fortune-, aimèrent mieux s’ex-
pofer au reflentiment d’un monarque puiflant, que
d’avoir à fe reprocher la honte d’avoir été moins
généreux que lui. Artaxerxes éprouva par ce refus
que les rois ont fouvent befoin d’un médecin, dont
la dellinée plus heureufe, eft de pouvoir fe paffer
d’eux.
La guerre du Péloponefe depuis fept ans em-
brâfoit la Grece acharnée à fe détruire ; les deux
partis également fatigués d’en foutenir le poids , fol-
îiciterent l‘e fecours $ Artaxerxes, qui feul pouvoir
faire pencher la balance : ce prince flatté d’être l’arbitre
de la Grece , faifoit des préparatifs'formida-
blespour donner plus de poids à fa médiation, lorf-
que la mort l’enleva à la Perfe. Il fut fans doute
un grand ro i, puifqu’il fut aimé de fes fujets, &
qu’il préféra la gloire d’être leur bienfaiteur, à la
vanité d’être conquérant. Quoiqu’il cultivât les
lettres , & qu’il aimât à les récompenfer, il manqua
d’hiftoriens pour nous tranfmettre fes talens &
fes vertus ; il ne nous eft connu que par les
Grecs, peintres infidèles, dont la jaloufe malignité
défiguroit les plus beaux traits de l’étranger. Xerxès
qui lui fuccéda fut le feul fils qu’il eut de fa femme
légitime ; riiais- il en eut dix-fept autres de fes- concubines
Vies lpix.» en réglant l’ordre des'fucceffions,
préyenoient les abus de l’incontinence. Un mpnar-
que .çqtoùrq-.'d®- femmes-dévouées à fe.s [;pjaifirs,
s’abandorinpit à la licence de ;fes penchans, fins
compromettre fa,gloire ; une poftérité nombreufe
étoit h o n é f a b l e l a ftérilité imprimoit une efpece
d’opprobre qu’il étoit doux de prévenir. L’évangile
a. -reftifié--cette façon de penfer, & quoiqu’il ait
élevé le mariage à la dignité de facrement, il nous
apprend à.regarder le célibat chrétien comme un
é.tat plus parfait qu’une-; union charnelle , qui fe
propofe de - perpétuer Pefpeçe humaine , &c de
donner ’de,s habitans à la terre., ( T— n . ). . •
A r t a x e r x e s II. ( Hijl. de,Perfe. ) étoit fils d’O-
chtis qui, à fon ; élévation au trône, avoit pris, le
nom de Darius Notluts. Étant auprès de fon pere
prêt d’expirer, Artaxerxes lui demanda par quel
iecret il n’a.voit éprouvé que des prbfpérités pendant
un régné de dix-neuf’ans ; j’ai, répondit le monarque
, toujours pratiqué cé que la. juftice & la.,
religion exigepient de moi. Le nouveau roi en
montant fur le trône eut fa famille & des rebelles
â punir ; fon. frere Cyrus qui avoit formé le projet
de l’aflafliner, fut découvert & condamné à.
la mort ; mais le monarque clément, à la follicitation
de fa mere, le renvoya dans fon gouvernement
de l’Afie-mineure. Cyrus .fenfible à l’affront
d’avoir été condamné à la mort, publia, qu’il lui
avoit pardonné. Il leva une armée de cent mille
Barbares , & les Lacédémoniens, lui fournirent encore
des troupes & des vaiffeaux ; cette armée, après
une marche de cinq cens lieues, qu’elle .exécuta en
quatre-vingt‘treize jours, arrive dans les plaines de
Babylone, où elle trouve Artaxerxes prêt à lui livrer
bataille. Les Grecs attaquent avec tant d’impétuo-
fité, que l’aîle qui leur eft oppofée eft défaite &
difperlée ; dans ce premier fuccès, ils proclament
Cyrus,roi, en frappant fur leurs bouchers;ce jeune,
prince apperçoit fon frere ,- il fond fur lui, tue le
capitaine de fes gardes, & eft tué à fon tour par
Artaxerxes d’un coup de javeline : la rébellion fut
éteinte dans fon fang.
La cour de Perfe offrit encore une fcene aufli
fanglante. Artaxerxes avoit époufé Statira , dont le
frere étoit mari d’Ameftris, fceur du monarque ;
ce frere, pour àffouvir une pafîîon inceftueufe dont
ilbrûloit pour fa foeur, eflaya d’empoifonner fon
époufe Ameftris : il fut découvert & puni. Sa'famille,
qui n’avoit point eu de part à fon crime,
fut enveloppée dans fon châtiment, & Suze,au milieu
de cette confufion, fut le théâtre desinceftes, des
adultérés, des meurtres & des empoifonnemens.
Ce fut après la défaite de Cyrus, que les .Grecs
firent cette belle retraite célébré fous le nom de la
retraite des dix mille. Artaxerxes .ne vouloit . partager
avec perfonne le cruel honneur d’ayoir tué
fon frere ; un Carien qui fe vanta de lui avoir porté
le premier coup , fut livré à Parifatis qui aVoit
juré la perte de ceux qui avoient eu part à la mort
de fon fils : ce foldat malheureux, fans être coupable
, éprouva pendant huit jours les tournons les
plus horribles , & il ne cefla de fouffrir, qu’en cef-
fant de vivre. L’eunuque, qui, par l’ordre de fon
maître, avoit coupé la tête & la main à Cyrus ,
fut égorgé tout vif. Artaxerxes opprima les Grecs
de l’Afie mineure , pour les punir du fecours qu’ils
avoient prêté -à fon frere. La rivalité qui divifoit
les généraux, s’oppofa aux profpérités qu’il devoit
fe promettre de la fupériorité de fes forces contre
line poignee de Lacédémoniens ; il fe fortifia de
1 alliance des Athéniens, jaloux de la grandeur de
Sparte. Ils lui envoyèrent Conon pour commander
fa flotte fur les côtes de Phénicie & de Syrie. Les
I Spartiates, fous ,les .ordres de Defcyllidas, pénétrèrent
dans la Carie ; & d’une autre côte, Agelas,
avec une autre armée , parut devant Ephefe avant
qu;Ori eut une armée à lui oppofer : rien ne s’op-
pola à les. conquêtes■ , & les Perfes n’eurent d’autre,
reffource que de -s’àbaiiTer à demander la paix
qui!leur fut refufee; Artaxerxes étoit perfuadé qu’il
ne poùvoit détruire les Grecs qu’en les armant les
uns, contre les autres. il eut plus de confiance dans,
îpn or que. dans fes-Toldats.. Thebes., Argos, Corinthe
» corrompus par fes.largeffes, trahirent la
cauie commune de la Grece. La flotte Perfane ,
fortifiée de celle de fes alliés,, mit à la voile fous ■
les ordres de Gonon , il y eut une. aélion fanglante
près de Cnide , ville de l’Afie mineure ; la mort du
j general des Lacédémoniens mit le .défordre fur leur
j flotte : cinquante de leurs vaiffeaux furent coulés à
! fond , & leur plus .grande, perte fut la défection
: de leu rs alliés. ;
La politique ÜArtaxerxes dans toute cette guerre
fut de femer la divifion parmi les Grecs,& d’appuyer
; les uns .pour affoiblir les autres.- Ce prince devenu
: 1 arbitre de la Grece, fans en prendre le titre, exi- -
gea que pour dedommagement des dépenfes de la
guerre , toutes les villes Grecques de l’Afie lui fe-
roient foumifes , & de, toutes les îles, il ne fe ré-
ferva. que Chypre & Clazomene ; ce fut à ce prix
qu’il cpnfentit de rendre la liberté aux autres villes
pour vivre chacune fous leurs loix ;.Cyros, Lemnos
& Imbros , furent remifes aux Athéniens , & chaque.
peuple qui avoit été de fes alliés eut part au
partage : ce fut ainfi qu’affe&ant une modération
apparente , il diéla des loix à la Grece, trop affoiblie
par fes divifiqns pour ne pas y foufcxire. Ce fut pour
mettre ce traité en exécution qu’il tourna fes armes
contre Exagoras , roi de Chypre, à. qui il vouloit
enlever fon.île ; ce prince , poffeffeur d’un petit état,
ofa foutenir tout le poids de la guerre , contre un
m9nârquè;dominateur: de l’Afie, & arbitre de la
Grece; il fuccomba, mais avec gloire, 8c les Perfes,
forces d’admirer fa magnanimité, le laifferent poffeffeur
de Salamine. La Perfe triomphante au-de-
hors, avoit. au-dedans un vice de conflitution qui
annonçoit fon dépériffement.; les rébellions éteintes
étoient la.femence d’une nouvelle. Goas voyant
dans les fers Teribafe , dont il avoit époufé la fille,
craignit d’être enveloppé dans fa difgrace ; il lui
parut plus sur d’être rebelle ■> que de s'abandonner
à la difçrétion de fes calomniateurs ; toute la milice
fe déclara pour lui ; l’Egypte lui.fournit des
troupes , & les Lacédémoniens, à qui il promit
l’empire de la Grece, fe laiflerent éblouir par fes
promeffes ; tout annonçoit dans la Perfe une prochaine
révolution , lorfque G.oas fut aflafliné par
un de fes officiers : fa mort difllpa l’orage ; mais,
il s’en éleva un autre auffi effrayant. Les Gadufiens
,qui habitoient entre le pont Euxin & la mer Caf-
pienne., étoient, comme tous les peuples pauvres,
fiers & belliqueux; ils ne vouloient s’affujettir qu’à
leurs ufagès , & frémiffo.ient au nom d’un maître;
& comme les Perfes n’avoient aucun titre pour
leur commander, ils ne fe croyoient point obligés
d’obéir.
Artaxerxes marcha contr’eux avec une armée de.
trois cens mille hommes de pied, & deux cens mille
chevaux; quoiqu’il ne trouvât point de rebelles, à
combattre, il eut les plus grands obftacles à. fur-,
monter. Le pays ftérile ne put fournir des fubfif-
tances à une, armée fi nombreufe ; fes foldats furent
réduits à ne vivre qu'e des bêtes de fomme,
& la tête d’une âne fut vendue jufqu’à foixante
dragmes. Artaxerxes humilié d’une expédition où il
falloit effuyer des travaux fans fruit, tourna fes