mamelle viennent aboutir en affez grand nombre au
mamelon , où ils font repliés les uns fur les autres,
& ridés de façon qu e , fi l’on vient à les étendre ou
à les redreffer, en tirant le mamelon, ils laiffent
paffer le lait beaucoup plus facilement.
On fait auffi que l’ enfant ne fait d’abord qu’alonger
le mamelon , en le tirant à lu i , ôc dès-lors le lait
coule dans fa bouche: outre ce la , l’enfant peut, en
fuçant, attirer la liqueur de la mere qui l’allaite ;
mais c’eft-là une efpece d’excrétion particulière ,
fur laquelle nous ne nous étendrons pas : elle a quelque
rapport avec l’effet des ventoufes , ôc elle n’efl:
pas de notre fujet; d’ailleurs on trouve ce niecha-
nifme fort bien expliqué dans les Mémoires de L académie
royale des Sciences de Paris.
Ce qu’il-faut remarquer, c’eft que l’enfant qui
tette, etendle mamelon en le tirant; il l’irrite aulîi
ou l’agace, de façon que le mamelon entre lui-même
en contraftion, ou dans une forte d’éreftion, produite
quelquefois par un fimple attouchement.
Il n’eft point de nourrice qui ne fente cette ten-
fion, 8c une efpece de chatouillement qui en eft une
fuite : elles difent la plupart fentir le lait monter ;
la mamelle s’arrondit, fe roidit ôc fe gonfle ; 8c il y
a des femmes qui fouffrent des tiraillemens qui le
font fentir jufqu’aux épaules & aux lombes , &
même jufqu’aux bras ; ces tiraillemens font douloureux
dans quelques-unes ; elles fentent ordinairement
un chatouillement plus ou moins voluptueux.
Ces irritations ont tant d’influence fur l’excrétion
du la it , qu’il y a des meres qui ne fauroient donner
à tetter à d’autres qu’à leur enfant.
L’enfant a quelquefois dé la peine à fe faire à toute
forte de mamelons, ôc les nourrices trouvent des
enfans qui ne les excitent pas allez , qui ne font pas
venir le lait, ou qui ne caufent pas ces chatouille-
mens ou ces fecoufles , dont nous parlions tout à
l’heure; mais il n’en eft prefque pas qui n’en trouve
quelqu’un à fon point, ôc auquel elle s’attache d’autant
plus qu’il paie la mere, en excitant chez elle
une fenfation à laquelle la tendreffe fuccede.
On croiroit que lorfque l’enfant te tte , ôc qu’il
touche les mamelles , en les maniant de différentes
façons, il les comprime ; mais il les alonge un peu,
ÔC il les excite en les frottant.
Il y a des meres qui, lorfque l’enfant les touche,
font chatouillées au point, qu’elles fentent dans leurs
mamelles un reffer rement qui empêche le lait de
couler ; il y en a auffi de moins fenfibles, qui avouent
que les attouchemens de l’enfant les excitent, en
rappellant dans leurs mamelles une impreffion ou
une modification qu’elles fentent, fans pouvoir l’ex-
primer, ôc qui ne différé point de cette efpece de
retour de la mamelle fur elle-même, ou de cette
éreftion dont nous parlions plus haut.
Il faut avouer qu’il y a des nourrices, dans lesquelles
le lait fort en leur comprimant les mamelons ;
il fait un je t , mais ce jet ne dure pas long-tems : il
ne vient que de l’évacuation des vaiffeaux laftées,
les plus gros qui font vers lé mamelon ; & fi la mamelle
n’entre point en convulfion, l’excrétion du lait
ne dure point.
Il en eft comme de quelques nourrices qui perdent
leur lait à certaines heures après le repas : leurs
mamelles ont paffé dans tous les états dont nous
venons de parler; ôc les vaiffeaux font tellement
pleins, que le lait en fort par regorgement, pour
ainfi dire, ôc qu’il s’échappe jufqu’à un certain point ;
mais de même qu’il ne s’échappe qu’en partie, il
n’en fort auffi que fort peu par la compreffion.
Il s’agit de faire l’expérience avec attention; ôc fi
on a foin de ne pas confondre l’extenfion du mamelon
avec la compreffion ou les changemens qui
arrivent à la mamelle par les irritations, on fe convaincra
que la compreffion ne fait fortir qu’une
partie du lait qui étoit contenu dans les plus gros
conduits du mamelon, qui font comme de petits ré-
fervoirs que l’on peut comprimer tout d’un coup ,
mais dans lefquels la compreffion n’exciteroit jamais
l’écoulement continuel des liqueurs, fans les caufes
qu’on vient dë détailler.
Nous avons vu des nourrices qui tâchoient de
faire fortir leur lait, avant, que l’enfant ne les eût
tettées 8c mis leurs mamelles en jeu , ôc cela leur
étoit impoffible ; au lieu que, dès que les mamelles
avoient été mifes en contraftion par quelques frot-
temens ôc quelques fecoufles du mamelon , le lait
fortoit de lui-même pendant un certain tems , jufqu’à
ne pouvoir être arrêté, que lorfque le pa-
roxyfme étoit paffé ; ceci éclaircit beaucoup ce que
nous difions plus haut, & il faut remarquer qu’il
fuffit quelquefois d’exciter une mamelle, pour les
mettre toutes les deux en jeu.
Il y a des femmes qui ne paroiffent prefque pas
avoir de lait dans leurs mamelles, qui font flafques
ôc vuides; mais, dès que l’enfant les excite., elles
fe bouffiffent, ôc le lait vient de lui-même.
L ’excrétion du lait dépend donc d’une efpece de
convulfion, q u i, après avoir préparé les voies ,
ou les canaux qui vont aboutir au mamelon qui fe
tend lui-même, faifit tout le corps de la mamelle ,
'ôc la difpofe à donner le lait, lorfqu’elle fera chatouillée
par l’enfant , qui concourt de fon côté à
l’excrétion, en excitant les organes de la mere , ÔC
en les fuçant. Voye{ Recherches anatomiques fur la
pojîtion des glandes, & fur leur action, par M. Théophile
de Bordeu, § 73. •
Il y a deux efpeces d’obftacles qui s’oppofent au
fuccès de l’allaitement ; ceux qui proviennent de la
mere, ôc ceux qui tiennent à l’enfant. Nous fuivrons
dans cet expofe le Mémoire de M. Le vre t, inféré
dans les. Journaux de Médecine du mois de janvier,
de février Ôc de mars 1772.
Les obftacles à l’allaitement de l’enfant, qui proviennent
de la mere, dépendent principalement de
la mauvaife conformation de fes mamelons. La forme
la plus favorable , pour que les mamelons fe prêtent
à la fuftion, eft la forme cylindrique, ou celle dUine
poire, dont la petite extrémité feroit comme implantée
dans le milieu du fein. Il faut qu’ils foient
en même terns médiocrement folides, ôc fiiffifam-^
ment gros ôc longs. f
L’expérience prouve que f ile mamelon eft dur ,
la bouche de l’enfant ne pourra le comprimer fuffi-
famment, pour en faire fortir le lait aifément ; ôc
que f i , au lieu d’être gros ôc long , cylindrique ou
pyriforme, il eft court ôc menu, ou pointu par fon
bout faillanf, il fera impoffible à l’enfant de le
faifir facilement, ou de le tenir faifi ; il lui échappera
donc dans tous les cas, ôc ils font nombreux.
r On fent qu’un feul de ces défauts peut devenir fuffi-
fant, pour préfenter des difficultés à l’allaitement ;
à plus forte raifon, fi plufieurs fe trouvent réunis
enfemble , ôc encore pire s’ils le font tous ; ôc cela
fuffit pour démontrer la néceffité de travailler de
bonne heure à.prendre les précautions propres à
remédier à ces inconvéniens, fur-tout la première
fois qu’une mere fe propofe de nourrir.
La raifon de la plupart de ces inconvéniens, auxquels
les femmes des nations civilifées font exclu-
fivement fujettes , fe trouve dans les vêtemens qui
preffent conflamment le bout des mamelons de leur
pointe vers leur bafe. Il y en a néanmoins q ui, ayant
négligé toutes les précautions, ne rencontrent aucune
difficulté pour allaiter. Ce font, i°. celles qui
ont déjà allaité , ôc à qui il n’efl; rien arrivé au fein
qui puiffe faire craindre d’avoir perdu cette facilité;
z°. celles en qui, quoiqu’elles n’aient jamais allaité
d’enfans, le lait a coulé abondamment dans les premiers
jours des fuites de la derniere couche ôc 30.
celles en qui le lait coule aifément fur la fin de la
groffeffe, quoique ce foit la première. Voilà trois
cas qui doivtnt faire éfpérer que la femme pourra
allaiter fon enfant, fans fe fervir de préparation :
cependant il feftera encore à favoir, pour les deux
derniers cas, fi la forme ôc la confiftancé des mamelons
permettent à l’enfant de les faifir aifément.
Les femmes qui ne perdent point de lait pendant
leur groffeffe , peuvent travailler à donner à leurs
mamelons la forme ôc la confiftancé requifes , dès
qu’elles, font cenfées être entrées dans le neuvième
mois de leur groffeffe ; âu lieu que celles qui en
perdent, ne commenceront ces précautions, qu’im-
médiatement après l'accouchement.
Le cas le plus commun de tous , eft celui où les
mamelons ne faillent point : ils prennentquelquefois
la forme de ces groffes verrues , qu’on appelle /joz-
rcaux , ôfcils deviennent prefqu’auffi durs que d e là
corne, fur-tout à leur extrémité extérieure ; lieu où
il s’amaffe fouvent de la craffe, qu’il faura voir foin
d’ôter avec beaucoup de précaution; d’abord le foir,
avant de fe coucher, en enduifant ces extrémités du
mamelon avec une pommade compofée de parties
égales de cire vierge', d’huile d’amandes douces ,
tiree fans feu , ôc de blanc de baleine qui n’ait aucune
tache ni teinte jaune; Le lendemain , on ôte
cet enduit, en le frottant légèrement avec une petite
éponge fine, imbibée d’une forte eau de fa von , ce
qu’on répété plufieurs jours de fuite, ou, jufqu’à ce
que ces petitsorganes foient devenus fouples ôc bien
decraffes. Cela fait, on procédé à les former, c’eft-
à-dire^, à les rendre fuffifamment gros & longs * ôc
en meme tems aider à déboucher leurs canaux laiteux
: on^ y parvient ordinairement par le moyen
de la fuftion; celle delà bouche , appliquée immédiatement
aux mamelons , eft la meilleure ; mais à
fon defaut, on fe fert de machines de verre , nommées
fuçoirs, faites pour cette fin. Les gens de la
campagne fe fervent de pipes à fumer, ou d’une
machine de fer blanc qui en a la forme. On èmploie
auffi de petites bouteilles de v e r re , à large goulot,
qu’on échauffe fuffifamment pour raréfier l’air qui eft
dedans , faifant en forte que le goulot foit la partie
la moins chaude de toute la bouteille. On répété
cette opération plufieurs fois par jou r , fur-tout fur
les derniers tems : on baffine enfuite les mamelons
avec du vin tiede, ôc fucré^ou miellé., pour donner
de la folidité à leur peau , qui eft très-fujette à
s’écorcher. Enfin, pour éviter que les bouts fe rac-
corniffent par la preffion des corps'qui les couvrent,
on les met dans des étuis faits exprès, ôc dont les
meilleurs font ceux qui font faits de tige de buis.
Ces étuis doivent être ouverts par le bout, pour
laiffer échapper aifément le lait qui peut couler,
& il faut que la partie qui appuie fur le fein, foit
un peu concave , pour fe mieux accommoder à la
figure du fein ; ce qui ne contribue pas peu à faire
faillir le mamelon en dehors. Il eft auffi utile que le
bord, qui appuie fur l’aréole, ne foit point affez
mince pour être comme tranchant, ni affez épais
pour former une efpece de bourlet, parce que l’un
ou l’autre de ces defauts pourroit devenir nuifible, foit
eiï(r ntan?ant en Ie meurtriffant. 11 faut
auffi avoir la précaution de laver fouvent ces étuis
pour qu’ils foient toujours propres , de crainte que
ne nuife à la peau. Il eft encore utile
d enduire chaque fois le dedans de ces étuis avec la
pommade dont nous avons parlé plus haut, ou
avec de bon beurre frais, pour éviter que les mamelons
ne s’y attachent.
Si une femme a négligé ces précautions qui lui
«mt paru fuperflues, ôc qu’elle donne le feinàl’en-
Tome I.
fant, il faut foigneufement examiner s’il tette réel*
lement ; car quelquefois ce n’eft qu’en apparence
qu il le fait. Afin d’éviter cette.erreur, il eft bon
d obferver que , pour que l’enfant nouveau-né, qui
le porte bien , Ôc dont la bouche eft bien confor-
mee , puiffe tirer avec facilité le lait des mamelles,
il faut que le mamelon ait toutes les conditions requifes
, afin d’être faifi aifément, ôc de pouvoir fe
laiffer loger de même entre le palais de l’enfant, ÔC
fa langue creulée ou pliée en gouttière , pour qu’il
puiffe pomper le lait. On voit dans cette opération
les joues alternativement fe gonfler au dehors, ôc
fe retirer au dedans, en fe creufant dans le milieu;
( lorfqu’elles fe creufent, l’enfant pompe le la it , Ôc
| lorfqu’elles fe gonflent, il l’avale; ce que l’on reconnaît
non-feulement au mouvement de la mâchoire
inférieure qui fe rapproche alors de la fupérieure ,
mais encore à celui de fa gorge qui s’enfle en recevant
le lait qui vient d’y arriver, ôc qui fe refferre,
pour le pouffer de haut en bas dans l’eftomac.
Si donc l’enfant ne peut pas tirer de lait, malgré
qu on ait fait ufage de toutes les précautions ,i l faut,
après environ deux ou trois jours de tentatives inutiles
difeontinuer de préfenter l’enfant au fein de la mere
, ôc luifubftituer des chiens nouveaux-nés, de groffe
efpece , auxquels on rognera de près les ongles , ôc
leur entortiller les pattes de devant avec de petites
bandes de linge , pour qu’avec le refte de leurs
griffes, ils ne bleffent point le fein.
: Pendant tout le tems qu’on fera obligé d’employer
, pour mettre les mamelons en train de fournir
fuffifamment, ôc affez aifément du lait pour nourrir
' l’enfant , il faut y fuppléer avec de bon lait de
vache ou de chevre , en les coupant plus ou moins,
fuivant leur confiftancé, avec une légère eau d’orge
fucrée ou miellée : il eft très-utile de faire prendre
cette boiffon , par le moyen du biberon, à travers
le goulot duquel on a fait paflër un petit rouleau
de linge fin ÔC mollet, qui n’ait point d’éfiloques,
Ôc qui débordé, d’un pouce oiv environ, afin d’empêcher
ce fluide, de tomber tout-à-coup en trop"
grande quantité dans la bouche ; par ce moyen on
entretient l’enfant dans l'exercice de la fuftion.
Après avoir expofé les difficultés que l’art peut
fouvent furmonter les premiers jours de l'allaitement,
venons à celles qui réfiftent quelquefois pendant
plufieurs femaines Ôc même plufieurs mois, avant
que de céder tout-à-fait.
Ce cas-arrive chez les. femmes, qui, n’ayant prefque
point de mamelon., n’ont point travaillé à les
former avant que d’être acgouchées ; fur-tout fi le
lait n’avoit point du tout coulé, Cellesrci peuvent
très-rarement réuffir avant que le mouvement du
lait foit paffé, par çonféquent vers le cinquième
ou fixieme jour de la couche ; ôc encore la plu,
part de ces. femmes font alors fujettes à avoir le
lait grumelé dans le fein : il eft vrai qu’on vient à
bout de le dégrumeler par le moyen de l’application
des cataplafmes de mie de pain ôc de lait, re-
nouvellés toutes les cinq ou fix heures , ou au lieu
de la it, qui eft très-fujet à s’aigrir, avec la pulpe
d’écorce de racine de guimauve , qui ne s?aigriffant
pas fi aifément, peut refter dix à douze heures en
place, ce qu’il faut continuer conftamment, jufqu’à
ce que toutfoit rentré dans l’ordre naturel ou à peu-
près : on fécondé l’effet des cataplafmes par le régime,
lesboiffons délayantes, les lavemens émoi-
liens ôc quelque juleps pour procurer du fommeil
la nuit.
Mais comme chez la plupart de ces femmes, c’eft
tantôt un fein qui s’engorge , tantôt l’autre fuccef-
fivement, ôc alternativement, ôc quelquefois tous
les deux enfemble , il en réfulte que pendant tout
le tems que ces engorgemens durent, l’enfant ne
O o ij