
 
        
         
		les  animaux;  des  impreffions  plus  douces  s’y   joignent  
 , nous  devenons  hommes :  en  augmentant le  
 nombre des objets intéreffans, nous ajoutons à notre  
 première  activité ;  toutes  nos  forces  fe  réunifient  
 &   fe  déploient  :  nous  fortons  de  la  pôufliere,  &   
 nous  nous  élançons  vers  les  intelligences  lupé-  
 rieures.  Dès - lors  nous  nous  appercevons  que  la  
 nature  n’eft  pas Amplement occupée  des befoins  de  
 l’animal.,  mais  qu’elle  veut  lui  ménager  des  jouif-  
 fances  plus délicates, &  élever,  par dégrés, fon être  
 à un état plus noble * 
 Dans  cet embelliffement univerfel, la nature,  en  
 mere tendre , a pris un foin particulier de  raffembler  
 les  attraits  les  plus  touchans  fur les  objets  les  plus  
 néceflaires à l’homme :  elle a même  eu  le  fecret de  
 faire  également fervir la laideur &  la beauté  à notre  
 bonheur,  en les  attachant comme  lignes  cara&éri-  
 ftiques au mal &  au bien  Elle enlaidit l’un pour nous  
 en dégoûter, &  elle embellit l’autre, pour que nous  
 l’aimions. Qu’y  a-t-il,  par exemple, de plus effentiel  
 que les  liens de là foeiété pour conduire l’homme au  
 bonheur &  au  principal objet de fa deflination ? O r ,  
 ces  liens  tiennent  aux  agrémens  mutuels  que  les  
 hommes  fe  procurent.  Cela  eft  vrai,  fur - tout ,  de  
 l’heureufe union  par laquelle  l’homme  encore  ifolé  
 au milieu desfociétés générales, s’aflbcie une compagne  
 qui entre en communauté de fes biens, redouble  
 les  plaifirs  en  les  partageant,  adoucit  fes  chagrins  
 &  allégé  fes  peines. Et oit la nature  a-t-elle  prodigué  
 fes -agrémens comme  fur la figure humaine ? Là  
 font  tifliis  les noeuds  indiflblubles  de  la  fympathie,  
 les charmes les  plus irréfiftibles  de  la  beaute y  font  
 diftribués comme ils dévoient  l’être  pour amener  la  
 plus heureufe des liaifons. Par cette admirable &  fage  
 profufion,  la nature  a  fu  rendre  expreflive  la matière  
 infenfible &  muette, &  lui donner l’empreinte  
 des  perfections de  l’efprit &  du coeur,  c’eft-à-dire,  
 des  charmes  les  plus  puiflans. 
 D ’un autre  cô té,  tout  ce  qui  eft  nuifible en  foi,  
 ,a  reçu de  la  nature  une  force  rèpouflante •qui'produit  
 l’averfion.  Les  fignes  caraftériftiques  qui  révoltent  
 ou  qui  produifent le dégoût,  &   que  la nature  
 a  deftinés à  déceler l’abrutiffement ftupide, l’efprit  
 acariâtre,  ou  le mauvais coeur ;  ces fignes-, dis-  
 je ,  font .gravés  fur le  vifage  dé  l’homme  par  des  
 traits  auffi  profonds  que  ceux  qui  annoncent  la  
 beauté de  l’ame. 
 -  Ce procédé de la nature fi bien marqué dans toutes  
 fes oeuyresne doit nous  laiffer aucun doute  fur le  
 cara&ere &  la fin des beaux- arts. L’homme,  en em-  
 belliflànt  tout  ce  qui  eft de  fôn  invention ,  doit  fe  
 propofer le même but que fe propofe la nature  elle-  
 même , lorfqu’elle embellit avec tant defoin fes propres  
 ouvrages.  C’eft donc  aux  beaux - arts à  revêtir  
 d’agrémens  divérs  nos habitations ,  nos jardins ,'nos  
 meubles,  &   fur-tout  notre langage,  la principale  
 de  nos  inventions,  &   non-fèulement,  comme  tant  
 de  perfonnes  fe  l’imaginent à tort,  pour  que  nous  
 ayons.la fimple jouiffance de  quelques  agremehs de  
 plus,  mais  principalement  afin - que  les douces im-  
 preflidns de ce  qui  eft beau, harmonieux &  convenable, 
   donnent une tournure  plus  noble ,  un caractère  
 plus relevé à notre efprit &   à notre cüeur. 
 .  Une  autre  chofe  bien  plus-importante  encore,  
 c’eft que les beaux - arts ^ imitant toujours la nature,  
 répandent  à pleines  mains  les  attraits  de  la  beauté  
 fur  des  objets  immédiatement  néceflaires  à  notre  
 félicité,  &   par  là  nous  infpirent  ,  pour  tous  ces  
 objets,  un  attachement invincible. 
 Cicéron fouhaitoit (de Ojjiciis, lib.  ƒ.) de pouvoir  
 préfenter  à  fon fils une image de  la vertu ,  perfuâdé  
 qu’on  ne  pourroit  la voir  fans  en  devenir  éperdument  
 amoureux :  voilà  le  fervice  ineftimable  que  
 les  beaux-arts  peuvent réellement nous rendre :  Us 
 tfont,  pour  cet effet,  qu’à  confacrer  la  force ma-'  
 gique de  leurs  charmes aux  deux  biens les plus né-  
 ceffaires  à  1 humanité,  à la vérité &  à  la vertu. 
 A ce  premier fervice ,  ils doivent encore en joi'n-  
 »  aUj  af tre ’   touîoui‘s d’après  leur grand modèle,  
 5. j  ,.e donner à tout ce  qui  eft nurfible  une  figure  
 hideufe qui excite le  fentiment de  l’averfion : la méchanceté  
 ,  le  crime,  tout  te   qui  peut  corrompre  
 Ihomme  moral  devro’it  être  revêtu  d’une  forme  
 fenfible qui attirât notre  attention ,  mais de manière  
 à nous  faire  envifager  ces  vices fous leurs propres  
 traits, pour nous en donner une horreur ineffaçable :  
 c’eft-là  un  des  grands  coups  de  l’auteur de  la  nature. 
   Perfonne ne  fauroit  s’empêcher de  confidérer  
 une  phyfionomie  funefte avec autant  d’attention Si  
 de  curiofité  qu’on en a pour  la  beauté  même. Ainfi  
 Tinftitutrice  des  beaux- ans  a  voulu  que  nous  ne  
 détournaflîons  nos  regards  de  deffusle  mal ,  qu’apurés  
 qu’il  auroit  excité  eh  nous  toute  l’impreflion  
 d’une horreur  falutaire. 
 Les  remarques  generales  que  nous  Venons  de  
 faire  contiennent  le germe  de  tout  Ce  qu’on  peut  
 dire  de  la  nature,  du  but,  de  l’emploi  des  beaux-  
 arts: leur effence confifte à mettre les  objets  de  nos  
 perceptions en état d’agir fur nous,  à  l’aide  des  fens  
 &  par une  énergie  particulière  qui a fa foûrce  dans  
 1 agrément  ;  leur  but  eft  de  tbucher  vivement  le  
 Coeur,  leur véritable emploi doit être d’élever l’aine®  
 Chacun de ces trois points mérite  une difcufion particulière  
 , Si  un  examen  plus  précis. 
 I.  Que  1 effence  des beaux-arts foit de mettre  les  
 objets à  portée  d’agir  fur  nous  à  l’aide  des  fens &   
 par  une  énergie  qui  naiffe  de  l’agrément,  c’eft  ce  
 qui  fe  manifefte  dans  tout  ce  qui  mérite  le  nom  
 de  production  de  Vart.  En  effet,  comment  un  dif-  
 cours devient-il un poème?  Comment  la  démarche  
 de l’homme  prend-elle  le  nom  dé  Danfe)  Quand  
 eft-ce  qu une  peinture  mérite  de  palier  pour  un  
 tableau ,  où qu’une  fuite de  fons variés ,  peut s’ap-  
 peller une piece de Mufique  ?  Qu’eft-ce,  enfin,  qui  
 d’une  maifon fait un morceau  d’Archite&ure ?  C’eft  
 lorfque ,  par le travail  de  l’ârtifté  ,  l’ouvrage  quel  
 qu’il  foit,  acquiert  un  charme  particulier  qui,  à  
 l’aide  des  fens,  attire  la :réflexion. 
 L’hiftorien rapporte  un  événement  tel qu’il  s’eft  
 paflé ;  le  poete  s’empâte  du  même  fujet,  mais  il  
 nous le  préfente de 'là-manière qui  lui pâfoît la plus  
 propre a faire  fur nous Une impreflion v iv e ,  Si conforme  
 à  fes  vues : le  fimple  deffmâteVir  tface  dans  
 la plus grande  exariitude l’imagé  d’un objet vifible ;  
 mais'le peintre y  ajoute tout  ce  qui peut Compléter  
 l’illufion,  Si  ravir les  fèrts  Si  fefprit ;  'tandis  que  
 dans leur, démarche  &   pa'r leurs  gèftés,  les  autres  
 hommes  développent,  fans  y   pênfêf,  le  fentiment  
 qui  les  occupe,  le  danfeur  donne  à  fès-geftes  8i  à  
 cette  démarche  de  l’ordïé ,  &   de  là  bèiiité.  . . „  
 Airtfi il n’eft pas pôfliblè qu’il' nous refte auCun dcmtq  
 fur ce qu.i  conftitue  l’effence  des  beaux - arts. 
 II.  Il eft  également'certarn^ae leur premier but;  
 leur büt immédiat eft dè' no US tOiichér viyêmënt : ils  
 ne  veulent pasque nous rèconnoifljohs Amplement,  
 ou. què  nOus Concevions d’une  maniéré  diftirtfte les  
 Objets qu’ils n’ôus'jiréftntént ; ils veulent que l’efprit  
 fôit  frappé &  fe  ctèlir ému. C’eft  pour  cela que  les  
 beaux-arts donnérit alix objets  la  forme la plus propre  
 à  flatter  les fens  &   l’iiriagiriàtiori *  clans  lè  teins  
 même  qu’ils  cherchent  à percer famé par dés  traits,  
 douloureux,  ils  Charment  l’oréiHé  .pat  l’harmonie  
 dès  fons,  l’oeil  par  la  beauté  dés  figures,  par  d’agréables  
 alternatives d’ombres &  de lumières , Si par  
 réclà't brillant  des  couleurs.  Ils  femblènt nous  fou-  
 rire à l’inftant même qu’ils nous rempliffent le  coeur  
 d’amertume, &  c’eft ainfi qu’ils nous forcent de nous  
 livrer à l’impreflion des objets,  Si qu’ils s’emparent 
 de foiites  les facultés fenfitives  de l’ame : ce font des  
 firenes, au chant defqüelles on ne peut réfifter. 
 III.  Mais cet empire qu’ils exercent fur les  efprits *  
 eft encore fubordonné à un autre but , à un but plus  
 relev é,  &   qu’on  ne  fauroit  atteindre  que  par  un  
 bon  ufage  de  la force  magique  qui  conftitue  leur  
 effence; fans  cette  dire&ion  vers  un  but  ftipérieur;  
 les  Mufes  ne  feroient  que  de  dangeretffës  féditc-  
 triceSé 
 {?Qui  pourroit  douter  un  inftant  que  la  nature  
 en  donnant  à  l’âme  la  faculté  de  goûter  le  charme  
 des  fens,  n’ait  eu  un  but  plus  relevé  que  celui dé  
 ïious flatter &  de nous attiféfimplément à une jouif-  
 fance  ftérile &c  non  réfléchie,  des  attraits.fenfuels?,  
 Perfonne ne  dira que l’auteuf de la  nature  nous  ait  
 donné le fentiment dé la douleur dans la vue de nous  
 tourmenter ; ne ferôit-il  donc pas également abfurde  
 de s’imaginer que le fentiment du plâifif n’a pour but  
 fuprêmé qu’un chatouillement paffager ? Il rt’y   a  que  
 de  petits  génies  qui n’aient  pas apperçu  que  dans  
 l’univers  entier  tout  à  une  tendance  bien  marquée  
 &  bien décidée Vers l’ââivifé  &  la perfection ;  
 éc il ne fauroit  y   avoir  que  des  artiftes  fuperficiels  
 qui s’imaginent avoir rempli leur vocation ,lorfqu’au  
 lieu  de  le  propofer  un  but  plus  digne  de  Y art  &   
 d’eux-mêmés,  ils  fe  contentent de  chatouiller  par  
 d’agréables images' les appétits fenfuels de l’ame. 
 Il eft évident,  nous l ’avons déjà  ôbfervé,  que  
 ce n’eft que pour fêrvir d’appât &  d’indicé  à  cé  qui  
 eft bon ,  que  la nature emploie la beauté : ce rie doit  
 donc être également  que  pour tourner notre  attention  
 vers  le  bien,  &  nous  le  faire  chérir,  que  les  
 arts déploient  le  charme  qui  leur  eft  propre.  S’ils  
 h’ont pas  ce  but ,  ils  n’intéreffent  que  bien  peu  le  
 genre humain,  &  ne peuvent mériter ni  l’ëftime du  
 fage, ni  la  prote&ion  des  gbuvernemens  :  au  lieu  
 que  par  les  foins  &   la  yi^lânce  d’une  politique  
 ëclâiréë, les  béaux-afts feront les principaux inftru-  
 irieris  du  bonheur  dès  môrtéls. 
 ■ .  Concevons les beaux-àrts parvenus à toute la per-  
 feÇlion dont .ils font  fufceptibles, &  univèrféUement  
 accueillis chez une nation  :  examinons les avantages  
 multipliés qu’on en rêtir'ëfa-. Là, tout ce qu’on verra,  
 tOUt. Cè  qu’on  entendra,  portera  l’empreinte  de  la  
 beauté  &   dès grâces :  lè  féjôur des  citoyens,  leurs  
 marions,le mobilier, leS Vêtèmens, tout ce  qui  èn-  
 vironhetà les  hommes  y   fera,  grâce  à  l’influence  
 du bon  gbïït  &   à  là culture  des tâlens &  du  génie ,  
 également beau &  parfait, &  fur-tout cet indifpenfa^  
 blé Si merveilleux ôrgahe deftirié à communiquer aux  
 autres c.ë qviè  l’on penfè &  ce que l’on fent :  l’oeil ne  
 pourra prÔmèner  fès  regards d’aucun côté, l’oreille  
 ne  fefà  frappée  d’aucun  fon , que  les  fens  internes  
 he  fôiènt  en  même  tems  émtis  par  le feiltiment  de  
 l’ordre, de là çonvénancè &   de  la  perfection:  tout  
 y  excitera l’efprit  à  s’occuper d’objets propres  à  le  
 former toujours plus,  &  tout y  fera  naître dans  le  
 coeur unè douce  fenfibilité;. effet  naturel  des  fettfa-  
 tions agréables quç  chaqu-è  Objet  fournira.  Ce  que  
 la  nature fait dans  les  climats  les plus  heurèux ,  les  
 beaux-arts  le font  pat-îout  oh ils  brillent  de  leurs  
 ôrnemens naturels (V o y .ti-dey etm A r c h i t e c t u r e .) .  
 Toutes iès forces de l’âme "fe -développent  &  s’épurent  
 néceffairement  de plus  en plus  dans Un homme  
 dont l’efprit &  le coeur font à Chaque inftant  frappés  
 &   touchés par  des  peffeCtiOÀs  dé  tous  les  genres.  
 La  ftup'idité  ,  l’infenfibîllté  dé  l’homme  inculte  &   
 groflier  difparoît  pèu-à-peu ; d’un  aiiiniâl  fauvâge,  
 il fe forme un homme dont l’efprlt eft rempli d’agrémens  
 , &   dont le  Caractère infpite l’amitié. 
 Un  fait  peu connu  , mais qui  n’en  eft pas  moins  
 vrai, c’eft que l’homme doit fa  principale itiftitutiori  
 à  l’influehee des  bedux'-arts. Si a’.uri côté  j’admire  le  
 bon  fens  des  anciens  philofophès  Cyniques  ,  &   le 
 Courage  avec lequel ils s’efforçoient  de  faire rentrer  
 dans l’état primitif de la na turé inculte, eux qui étoient  
 nés,  &  qui vivoient au milieu d’un peuple  livré  au  
 luxe  ,  &   plongé  dans  la  molleffe  par  l’abus  des  
 beaux-arts ;  d’un  autre  côté,  je  fuis indigné de voir  
 •l’ingratitude  de  ces  philofophès  célébrés.,  qui  au-  
 roient  voulu  anéantir  les  beaux-arts  auxquels; ils  
 étoient  redevables de ce qu’ils  avoient de  plus précieux. 
  O  Diogene, d’où te provenoit cette fine plai-  
 fantèrie  que  tu  exerçois  avec  tant d’amertume  fut  
 les  fottifés  de  tes  cönèitóyéns ?  Où avOis-fu  puifé  
 ce  fentiment  délicat qûi  faififfoit  avec  tant de vivacité  
 le moindre  ridicule , fût-il même  déguifé  fous  
 les dehors d’une fageffe  auftére ? Comment pou vois-  
 tu,  au milieu d’Atheries  ou de  Corinthe , concevoir  
 le  deflein  de retourner à- l’état de pufe nature ? N’é-  
 toit-il  pas  abfurde  de  vouloir  l’intrôduire  dans  un  
 pays  ôh  leS; beaux-arts avoient déjà fait fentir  toute  
 leur  influence?  Il  auroit fallu  pouvoir  auparavant  
 effacer  dans  les  eaux  du Lethé,  toutes  lés  impreC-  
 fions  que  les  beaux-arts  avoient  produites  fur  ton  
 èforit &   fur ton  coeur.  Mais  alors  tu  n’àurois  plus  
 olé  vivre parmi les Grecs :  pour trouver une retraite  
 où fu puffes vivre &  penfer librement félon tes principes  
 il ne te feroit refté d’autre parti  que  de  rouler  
 ton  tonneau jufqù’à là horde  des Scythes la  plus  
 méprifable  &   la  plus  reculée.  Et  toi  ,  meilleur  
 Diogene  ,  qui  vis  parmi  lés  Grecs  modernes  ,  
 illuftre  Rouffeau !  avant  de  former  une  àeeufation  
 publiqiiè  contre  -lés  Mufès,  tu  devois  leur  refti-  
 ttier  t'Out  ce  que  tu  teriois  d’elles. Mais  alors  ton  
 plaidoyer  atiroit été bien  foible !  tón coeur, fi  généreux  
 d’ailleurs,  n’a pas  feriti combien  tu  deVôis dè  
 reçonhôiflànçe  à  cèlles  dont  tu  follicitôis  la  prof-  
 Oriptiori. 
 Les  obfervations  précédentes  ne  concernent  encore  
 que  l’effet  le  plus  univerfel  des  beaux-arts  en  
 gérféràl ; effet qui  confifte'dans  l’affinage  d'é  ce  fens  
 moral  qu’on  nomme  le goût  du  beau:  Gé  premier  
 fervice que les beaux-arts nous rendent  eft  fi important, 
   qiië  quand  il  fèrô’it  le  feul  ,  nous  devrions  
 encore  par  reconnoiffâhce  élever  des  temples  &   
 ériger  dès  autels  aux  mufes..  La  nation  qui  poffé-  
 derà  le  gô.ût  du  beau  ,fera toujours  ,  à  la  prendre  
 dans  fa  totalité,  cômpofée  d’hommes  plus  parfaits  
 que  ceux  des  nations oh  le  bón gôûfn’aura encore  
 eu  aucune  influence. 
 Cependant les arts produifent des fruits plus excelle  
 ns  encore,  mais  qui  ne,  peUverit  naître que  dans  •  
 un  terroir  cultivé  parle  bon  goût (. V. G o û t ,  D ic î.  
 raif.  des  Sciences,  &c.  Le  premièr  àvântage  dont  
 nous venons de  parler,  né  doit'donc  être confidéré  
 que comme un acheminement vers  d’àutres  avarita-  
 ges bien  fiipérietirs. 
 Il faut à.uhe  natiori, pour être heüréufe, de  bonnes  
 lôix relatives  à fori étendue ,  &   adaptées  au fol  
 &   au climat  : mais  cés  lô ix,  qui  font  l’Ouvrage  dé  
 l’ènfendement,  ne  fuffifent  pas ;  il  faut encore que  
 chaque  citoyen ait  continuellement fous  les  yeux,  
 de Ja.maniere.la plus propre à le frapper vivement,  
 certaines maximes fondamentales  , certaines notions  
 dirêébfices  qui  foient comme  là  bafe  dit  caraftere  
 ftâtionâl  ,  qui  le  maintiennent  &   l’empêchent  de  
 s’altérer.  De  plus,  dans  les  cOnjOriâurès  critiques  
 où tantôt  l’inertie, &  tantôt les  paflïöhs  s’Oppofent  
 âù  devoir,  il  eft  néceffaire  qu’on  ait  en  main  des  
 moyens  propres  à  donner  à  ce  devoir  dé  nouveaux  
 attraits ;  &   voilà  deux  férvices  qu’on  peut  
 fe  ■ promettre  des  beaux-arts. Ils  ont  mille  occafions  
 de  réveiller  en  noiis  ces maximes  fondamentales,  
 &   'dë  lès  y   graver d’une  maniefe  ineffaçable ;  eux  
 feüls, après nous avoir infenfiblémènt préparés à  des  
 fepfiirieiîs  délicats  ,  peuvent dans  les  momens  de  
 crifé,  faire  une  douce  violence  à  nos coeurs,  ôc