Ses feuilles font plus petites que Celles du terin ;
•car il eft de remarque que plus les bambous grandirent,
plus leurs feuilles diminuent de grandeur.
Elles ont communément onze pouces de longueur ,
fur un pôuce de largeur ; elles font minces, liffes,
peu nerveufes & très-unies.
• Sa fouche eft genouillée, traçante , s’étendant
beaucoup au loin, & fi productive , qu’un champ oîi
©n en a planté un brin eft bientôt couvert de fes tiges.
Cette plante fleurit à un âge fi avancé, que Rum-
phe n’a jamais eu occafion d’en obferver les fleurs.
Qualités. Le potong croît communément aux îles
d’Amboine , au pied des montagnes, dans les vallons
humides, & au bord des rivières qui en détachent
fôuvent des rejettons ou bourgeons enracinés
qui, rejettés fur des îles ou fur d’autres rivages ,
fe propagent ainfi naturellement. On la multiplie
auffi par fes articulations, qui prennent racine ,
pourvu qu’on y faffe un trou & qu’on les rempliffe
de terre limonneufe végétale.
Ùfages. Ses bourgeons ou robong fe mangent'
comme ceux du terin, lorfqu’ils n’ont pas plus de
trois pieds de longueur. Comme fes tiges font très-
hautes , très-fermes & très-droites les Malays les
emploient pour faire des mâts à leurs petits navires,
appellées corre-corren. Leurs articulations fupérieu-
res font particuliérement employées pour fervir
de pots propres à recevoir le vin qui coule de la
tête des palmiers , pendant que les articulations inférieures
, dont lè bois eft plus épais & plus lourd ,
fert à faire des pieux & des montans de portes.
Quatrième efpece. SAMMAT.
Les Malays appellent du nom defammat une troi-
fieme efpece de terin, dont Rumphe a donné une
bonne defcription , fans figures, à la page 21 du
4e volume de fon Herbarium Amboinicum, fous le
nom d’aruncüarbor*maxima. Les Malays l’appellent
encore famane, bulufammet & bulu-gantag, ou bulu-
wani-beqaar ; les habitans d’Amboine terin-mayfele ,
ceux de Ternate tabatico-Sammat. C’eftle nuayhas
de Ceylan & le vouloie de Madagafcar.
C’eft la plus grande de toutes les efpéces connues
de bambou.-Ses tiges s’élèvent à la hauteur de quatre-
vingts & même cent pieds, comme les vieux cocotiers,
& ont douze à dix-huit pouces de diamètre,
dans l’Inde ancienne & dans l’Afie, au lieu qu’aux
îles d’Amboine, elles n’ont guere que quatre à cinq
pouces. Elles croiffent droit fans branches, excepte
à leur fommet, qui n’ en porte qu’un petit nombre.
Les entre-noeuds ont trois pieds de longueur, le
bois épais d’un travers de doigt feulement, dans
ceux de cinq pouces, & d’un pouce dans ceux de
l’Inde ancienne. Ils font très-creux intérieurement,
un peu ridés au-dehors, mais fans être couverts de
farine. Ses feuilles reffemblent à celles du potong,
excepté qu’elles font un peu plus petites.
Culture. Le fammat né fleurit qu’au bout de 60 ans.
11 eft très-commun dans l’Inde ancienne, au Malabar,
à Ceylan , au Bifnagar, à Batecala & dans l’Afie. Il
eft plus rare aux îles d’Amboine ; on ne l’y rencontre
que fur les montagnes les plus hautes & les plusmé-
ditérranées ,qu i font les moins fréquentées, comme
dans là grande & la petite île de Ceram, derrière
Lacki&Laalat, à Manipa , à Kelanga, à Leytimore,
àBalèya& Java, où il eft en fi petite quantité, qu’il
fuffit à peine pour fournir à fes habitans les féaux &
autres vafes à eau, dont ils ont befoindans le courant
de chaque année.
Ufages'. Aux îles d’Amboine on emploie fes tiges
pour faire les côtés des petits navires, appellés corre-
comh , & comme fes entre-noeuds font plus petits
que ceux du potong, au lieu d’en faire des vafes à
l’eau, on les emploie à faire des coffrets, des boëtes,
& fur-tout de petites mefures appellées gantans,
pour mefurer le riz.
Au Malabar, où fes tiges ontjufqu’à un pied &
demi de diamètre , les habitans les coupent à la longueur
de 12 à 18 pieds, pour en faire des canots
ou des pirogues qui peuvent porter deux hommes ,
en ne laiffant que les deux cloifons des extrémités ,
auxquelles ils ajoutent une efpece d’éperon taillé en
pointe pour mieux fendre Peau. Ces fortes de canots
font fujets à tourner fens deffus-deffous, lorfqu’on
n’a pas attention de garnir leurs côtés, d’autres
tuyaux de bambous d’un plus petit diamètre,
c’eft ainfi que les Malabares les arrangent pour
naviguer fur le fleuve de Crànganor; & ,,chofe qui
paroitra difficile à croire, c’eft qu’ils ne craignent
point le crocodile dans ce fleuve, à caufe de l'antipathie
que cet animal a avec le bambou. C’eft de
ce fammat du Malabar que furent tirés les deux
morceaux, longs de 26 à 30 pieds, & de 14 à 16
pouces de diamètre , partagés en 19 entre-noeuds,
que Clufius dit au chapitre 18 du premier livre de
fes Plantes exotiques, avoir v u , & qui fe voyoient
encore du temps de Rumphe, en 1690, fufpendus
fous le veftibule du jardin académique de Leyde ;
& on ne peut guere douter que ce ne foit cette
même efpece de bambou qu’Alexandre le grand
défignoit, lorfqu’il écrivoit à Ariftote, qu’il avoit
vu dans l’Inde des rofeaux de 60 pieds de hauteur,
qui furpaffoient en grofleur la peffe picea ou ïe
peuke des Grecs.
Nombre d’indiens idolâtres ont un refpeft fuperf-
titieux pour les bambous de cette taille monftrueufe,
auxquels ils prétendent devoir leur origine ; c’eft
fur-tout l’opinion favorite des rois de l’île de Bouton.
Les Alphores , habitans de ,1’île Ceram , ont pour
ufage de remplir de vin de fagou des articulations
de ce fammat encore vertes, de les bien boucher
& de les enterrer ainfi un mois avant leurs fêtes de
cérémonie, pour donner à ce vin une couleur verte ,
une force & une auftérité dont ils font grand cas.
Quelquefois ils laiffent enterrées ces articulations
fi longtems, que leurs noeuds germent, pouffent
des racines & des branches, fur-tout dans les ter-
reins gras & humides.
Cinquième efpece. AMPEL.
L’ampel des Javanois eft une cinquième efpece
de bambou, dont Rumphe a publié une bonne figure
fous le nom déaruneFarbor fera , dans fon Herbarium
Amboinicum, volume I F , page 16 , planche IF .
Les Malays l’appellent bidu-fwangi, c’eft-à-dire,
bambou fauvage ; ceux d’Huamohala waan-fémané ;
ceux de T ermtetabadco-nani ; ceux de Banda bulu-
kei ; ceux de Baleya tibing-ampel, c’eft-à-dire , bambou
portatif.
Sa racine , ou plutôt fa fouche, a deux pouces
au plus de dian&etre , & eft fi fouple qu?on a de la
peine à la caffer.
Les bourgeons qui en fortent, non pas tous les
mois, mais aux nouvelles & pleines lunes , ont deux
à trois pouces de diamètre, & s’élèvent à la hauteur
de 10 a 12 pieds , dans l’efpace de 14 jours, de
forte qu’au bout dé trois mois, ils forment des tiges
parfaites , c’eft-à-dire , ligneufes , capables de fup-
' porter des fardeaux. Ces bourgeons ont ta forme
d’un cône à large bafe, couvert d’écailles aiguës ,
ridées, couvertes de poils épineux, qui tombent dès
qu’ils ont atteint la hauteur de 12 à 15 pieds ; alors
ils fontverds, polis également, & forment des tiges
affez droites, hautes de 28 à 30 pieds & au-de-là ,
de 4 à 5 pouces de diamètre, à articles longs d’un
pied à un pied & demi, comme courbes & finueux ,
marqués d’un court fillon près des noeuds, à bois
épais d’un travers de doigt au plus, très-folide, jaune
B A M
& liffe. Elles portent prefque, dès le bas jufqu’au
haut, des branches verticillées, au nombre de deux
ou trois à chaque noeud , & fouvent entre ces branches
de petits je ts, coniques, obtus, horizontaux,
femblables à des épines. Ces branches font fifoibles ,
fi fouples , qu’elles pendent en-bas , & s’appuient
fur cè qui les avoifine.
Ses jeunes branches font couvertes, dans 1a moitié
de leur longueur, par cinq ou fix feuilles, longues
de fix à dix pouces larges'd’un travers de doigt,
liffes, vertes, ftriées fubtilement dans toute leur
longueur. / ,
Ses fleurs forment une efpece de panicule au bout
des tiges principales.
Culture, h'ampel eft commun dans toute l’Inde ,
& varie beaucoup , fuivant les lieux ; celui de Java
eft un.peu moins gros que ceux d’Amboine, quoique
fon bois, foit auffi épais & auffi dur. Il croît également
fur les hautes montagnes, dans les forêts ,°dans
les jardins & autour des maifons. On le multiplie en
coupant fes tiges en boutures de deux à trois noeuds,
dont on enterre obliquement les deux noeuds inférieurs
, en mettant un peu de terre limonneufe au
fond du troifieme qui refte en-haut, & qu’on achevé
de remplir d’eau , en le bouchant enfuite bien exactement^
Lorfque l’air eft trop fec, on les arrofe outre
cela ; & en moins d’un mois il pouffe des branches
& des racines autour de chaque noeud.
Hfage. Le principal ufage de cette efpece de
bambou, confifte à faire, de fes tiges, des efpeces
de leviers appellés panukol, .de fept pieds de long,
deftinés;, à. porter toutes fortes de fardeaux, car fon
bois, quoique très-léger, eft extrêmement fort &
propre à porter fur les épaules. Ses tiges, les plus
droites, fervent aux couvertures des maifons. Les
plus fortes font d’excellens montans pour les
portes, & des pieux pour les haies.
Les tiffadors , ç’eft à-dire les ‘vignerons Indiens ,
qui font le métier de recueillir le vin: qui coule des
incifions faites aux têtes des palmiers , qui ont juf-
qu’à cent pieds de hauteur, pour s’épargner la peine
de monter & defeendre continuellement & fuccef-
fivement tous les palmiers.à viiï d’une forêt, fe fervent,
des tiges de l’ampel pour faire des ponts de ■
communication de 1a cime d’un palmier à un autre,
en fixant à trois pieds àu-deffus de la tige qui fert
de pont, une autre tige parallèle qui fert de garde-
fou pour fe tenir par les mains ; malgré cette précaution
, on eft toujours étonné de voir avec quelle
hardieffe ces Indiens peuvent affurer leurs pieds fur
une tige’ ronde de cinq pouces au plus de diamètre.
Le robong ou l’afperge del’ampel, différé peu de
celui de terin, & fe cuit, fe fale ou- fe marine de
même , mais il faut fe donner bien de garde de
le manger crud: fa qualité aftringente eft fi violente,
qu’elle caufe un embarras confidérable au gofier,
& même une angine , une fuffocation qui s’enleve
par la cuiffon. Avec cette même afperge cuite en
bouillie , les Chinois font une efpece de papier fin,
d’ufage pour 1a peinture & pour faire des para-
fols.
En temps de guerre on emploie les bourgeons
de l’ampel , ainfi que ceux du terin & du tallam, j
pour faire des chauffe-trappes de deux à trois pieds
de long, qu’on enfonce en terre pour barrer les
chemins & les paffages aux ennemis. On brille
légèrement leurs pointes, qui font fi dures, qu’elles •
pénétrent le cuir des fouliers & la corne des
chevaux. ,
Linfcot & d’autres voyageurs Portugais difent
que les Indiens font courber au feu les jeunes tiges
de ce bambou, qu’ils laiflènt croître enfuite & fe
fortifier pour en former les brancards de leurs palanquins
ou chaifes à porteurs. Tous les couteaux de
Tome I.
B A M 771
bois quï fervent comme de poinçons ou d’aiguilles
à. entrelacer & former le tifl’u des claies, dont font
formes les murs de clôture & les cloifons, font
faits du bois fendu de cette efpece de bambou qui
pénétré tous les bois mous.
Sixième efpece^ BulÔ*
Le bulo des Macaffares eft une féconde efpece
Ou variété d’ampel, plus fauvage , qui s’élève à la
hauteur de ço pieds, dont les tiges font plus droites'
couvertes decailles plus rudes ou plus éplneufes’
l îl k°ls pLis mince , & vertes comme les feuilles qui
font plus longues. Rumphe en a donné une defcription
fans figure , à la page i(T du volume I f ' de
ion Herbarium Amboinicum.
Septième efpece.-Gading.
Les Malays appellent du nom de gading, ou hdit*
gading, ou aurgading & aurcuning, & les habitans
d’Amboine domu-habocca, une autre efpece ou variété
d’ampel très-élégante, dont les tiges font entièrement
jaunes & luftrées commeTivoirè: La décoftion
de fes feuiiles fe donne dans les fievres ardentes*
Foyei Rumphe, ibidem, page iif. •
■ Huitième efpece. Domu.
Les habitans d’Amboine appellent du nom de
d om u ou domul ou dumulo, une autre efpece ou
variété d’ampel, que ceux de Leytimore appellent
domar, & ceux de Banda, bulu-feri. Ses tiges font
jaunes , variées de ftries vertes, & fes feuilles font
plus petites. Foye^ Rumphe , ibidem, ■ page tG.
Neuvième efpece. Cho.
Le cho ou cha, ou comme nous le prononçons,
le tsjo qu tsjq, décrit parle P. Martin, page nG
de fon A tlas Chinois des provinces de Pékin & Chekiang,
eft vraifemblablement 1a même efpece que le tsja-
t ic k , qui approche beaucoup, du domu , dont le
robong ou bourgeon fe mange.
Il eft affez rare à la Chine, où il ne croît que
fur les montagnes méditerrànées.
Ses tiges font jaunes, variées de ftries vertes.
Les Chinois les fendent en petites lanières, dont ils
font divers genres de meubles très-jolis & très-lui-
fans , à-peu-près comme nous faifons avec la paille.
Leursmédecins ordonnent la décoction de fes feuilles
dans les fievres ardentes & les migraines, comme
les habitans d’Amboine emploient celles du gading.
Dixième efpece. T sja-tsjar.
On trouve en Chine une autre efpece ou variété
du cho , appellé tsja-tsjar ou bulu tsja-tsjar,
c’eft-à-dire, rofeau varié, parce que fes riges font
tachées de blanc fur un fond verd, ce qui imite les
taches de la petite vérole.
Onzième efpece. G U A DA.
Leguada qui, au rapport d’Eufebe Nieremberg,
livre XJ F , chapitre 194 , d e {on Hijlôire naturelle ,
croît en Amérique, a des tiges d’un pied de diamètre ,
dont le bois eft fi dur, que les Caraïbes en bâtiffent
leurs maifons. C’eft fans doute celui qu’on nomme
cambroufc à Cayenne.
Douzième efpece. T eBA.
■ Les habitans d’Amboine & de Tèrnate appellent
du nom de téba-teba; ceux de Lochoe wanake • ceux
de Manipa tomu-fehittoe:; les Malabares bulufchit;
les Malays btilu-baduri; & les Chinois tjltick , c’eft-
à-dire , rofeau épineux, une douzième efpece de
bambou , dont Rumphe a publié une très-bonne
figure , quoiqu’incomplette, au volume I F de fon
Herbarium Amboinicum, page 14 , planche I I I , fous
E E e e e ij
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