
„que lès autres , vendoient leur fang & leurs fervîcês
à des rois aflez riches pour les payer, & c’étoit
-moins par un fentiment de .-gloire, que par l’-efpoir
-du butin, ' qu’ils renonçoient à la douceur de leurs '
■ folitudes. Les Romains & les Perfes avoient dans
•leurs armées un- corps' de Sarrafins , qui fou vent
-fixa le fort des-combats ; quoique fatisfaits^ de leur
indépendance , ils fe fiffent un fcrupule d’attenter
•à la liberté de leurs voilins, ils donnèrent à l’Égypte
des rois qui font connus fous le nom de pafteurs :
leur plus- grande gloire fut de n’avoir jamais fubi
de domination étrangère. Sefoftris, dont les exploits
.pouvoient bien n’être que fabuleux , ne fe rendit
-maître que de quelques villes maritimes qu’il fut
-obligé d’abandonner. Les Perfes, protecteurs de
-quelques tribus , ne leur donnèrent jamais la lo i,
& on ne trouve point l’Arabie dans aucun dénombrement
de leurs provinces. Les Spartiates accoutumés
à vaincre y firent une invafion , & fe repentirent
de leur témérité. Les préparatifs que fit
Alexandre à fon retour des Indes, prouvent qu’il
•regardoit cette conquête comme digne de tout fon
•courage : la mort l’arrêta au milieu de ce projet,
.& l’on ne peut décider quel en auroit été le fuccès.
Les fucceffeurs de ce héros qui en tentèrent l’exécution
, n’éprouverent que des défaites. La reponfe •
des Arabes à Démétrius fait eonnoître leur mâle
fermeté & leur-indifférence pour la gloire des
armes..« Roi Démétrius, lui dirent-ils , quelles font
tes prétentions ? qu’exiges-tu de nous ? quel motif
t’engage à troubler le filence de nos déferts, oit
la nature marâtre n’offre à fes enfans que desmoyens
pénibles de fubfifter. Nos plaines arides & fablon-
-neufes n’ont d’attraits pour nous que par la liberté
•dont nous y jouifions, & que tu veux nous ravir.
C ’eft cet amour de l’indépendance naturelle qui nous
.rend fupportables des maux inconnus aux autres ha-
bitans de la terre. Ces rochers font trop durs pour
-être brifés par ton fceptre. Tu voudrois nous fou- '
mettre à ton joug, commence par fubjuguer nos~
fe n t im e n s ; change notre maniere de vivre, & fonge
au p a r a v an t aux moyens de fubfifter dans-un pays
qui n’a que du fab le :, des rochers & des métaux ;
•crois-nous, laiffe vivre én -p aix des peuples dont
tu n’as aucun fujetde te plaindre, & qui ne veulent
•avoir rien à démêler avec toi ■ : voici des préfens
que nous t’apportons, p u iffent-ils t’engager à ne
voir dans-les Nabathéens que te s-amis. >>
Les Romains pénétrèrent dans l’Arabie , & n’en
furent jamais les-conquérans. Quelques tribus vaincues
par Lucullus rendirent hommage à la majefté
-du peuple romain. Arétas, prince d’une contrée ,
fut forcé de -recevoir g a rnifon dans Petra ; Creflùs
ambitieux d’en faire la conquête y entra avec une
nombreufe armée qui périt dans les deferts de foif
& de mifere : E liu srG a llu s r ép a r a la honte de ce
-défaftre. C’eft le général romain qui a pénétré le
plus avant dans ces immenfes déferts ; il eut d’abord
- le s plus brillans fuccès , mais le s chaleurs meurtrières
lui enlevèrent fes -me illeu rs foldats il fut
contraint de fe retirer en Égypte avec les débris de
ion a rm é e , dont les flatteurs d’Augufte célébrèrent les
v ic to i r e s ftériles. Caïus, fon petit fils, -reconnoiffant
•l’impoflibilité de fnbjiiguer un peuple qui n’eftimoit
la vie qu’autant qu’il pouvoit vivre libre , porta le
■ fer & la flamme clans leurs v illes, d’où ils faifoient
des incurfions -fur les terres de l’empire, & il crut
en avoir fait affez-pourfa gloire, que de leur avoir
ôté les moyens de nuire : depuis ce temps, juf qu’au
r é g n é de Trajan, on ne voit aucun démêlé ëntre
ce s deux peuples. Cet empereur fit le fiege de la
capitale des Hagaréniens qu’il eut la honte de lever ;
Tes fucceffeurs, payerént u n fubfide aux Sarrafins
qui fexvoient dans leurs arm ée s.; mais Julien qui
les -regardoit comme fes fujets , & non comme fefc
alliés:, trouva que ce traité aviliflbit la majefté'de
l’empire, & il refufa de payer un tribut qu’on qua-
lifioit du nom de fubfide ; les barbares fe plaignirent
de cette infra&ion , mais ce prince qui favoit combattre
comme il favoit gouverner, leur répondit
avec fierté : Je n’ufè que du fer, & je ne connois
pas l’or. Cfes peuples belliqueux marchèrent quelque
temps après au fecours de Conftantinople, dont
ils fu r en t les libérateurs. Ce fut fous le régné de
Théodofe qu’ils commencèrent à faire la guerre en,
leur nom, & après avoir foutenu l’empire çhan-
chelant, ils en furent la te r r e u r . Les Arabes, juf-
qu’alors partagés en tribus, fe réuniffent & deviennent
conquérans. Il falloit que le germe de
cette valeur barbare fut renfermé dans leur coeur ,
& que leur v ie dure les eût préparés à devenir
intrépides foldats. Leurs déferts étoient une barrière
qui les mettoit à l’abri des incurfions étrangères
; on ne pouvoit y pénétrer fans s’expofer à
périr par la difette des eaux , & .les puits qui pouvoient
en fournir, n’étoient connus que des habi-
tans qui n’en révéloient jamais le fécret ; leurs villes
n’étoient que des magafins où ils renfermoièht le
fruit de leurs brigandages ; elles nétoient formées
que d’un affemblage de cabanes 'qu’ils abandon-
noient aux approches de leurs ennemis ; leurs
citadelles étoient l’ouvrage de la nature : c’étoit
des rochers efearpés d’ôù ils défioient les armées
les plus nombreules, qui, comme eux,. n’avoient
à redouter que la famine & la difette d’eau. Comme
ils ignoroient l’art des fortifications, ils étoient peu
veriés dans l’attaque des places ; ainfi leurs guerres
offenfives n’étoient que des incurfions paflageres ;
les citadelles que leurs ennemis .élevoient fur les
.frontières, réprimoient leur brigandages. Ils avoxent
coutume de remercier le ciel de ce qu’il leur avoit
donné des épées au lieu de remparts; leur éducation
étoit toute guerrière ; ils exer'çoient leur en-
-fance à fe fervir de l’arc & de l’épée , & à dompter
leurs chevaux; une excellente épée étoit'un monument
domeftique qu’un pere laiffoit à fes enfans
pour les faire, fouvenir du courage de leurs ancêtres.
Prodigues de leur fang,, ils ne dévoient pas être
avares de celui des autres. Ils ne combattoient qu’à
la clarté du jou r, parce que le courage s’enflamme
quand il a des témoins de fes efforts, & ils croyoient
que les ténèbres favorifoient la lâcheté ; il n’eft:
donc pas.étonnant qu’un peuple né avec des pen-
chans fi nobles, ait enfanté tant de prodiges-de
valeur, quand il a fuccombé à l’ambition des conquêtes.
Les Arabes conferverent long-temps l’idée de
l’unité d’un Dieu créateur, qui leur avoit été révélée
par leurs patriarches ; il paroît même que
. cette vérité ^quoique défigurée, ne fut jamais entièrement
effacée de tous les efprits. Comme les tribus
étoient indépendantes , chacune avoit fon culte, fes
idoles & fes rites facrés ; mais malgré cette diver-
fité d’opinions , toutes fe réuniffoient dans la pratique
de la circoncifion & des ablutions , dont le
b e foin du climat leur faifoit fentir la néceffitè ; la
difficulté de concevoir un Dieu intelleéhiel, thargé
feul de la police du monde , leur fit imaginer des
agens fubordonnés, & d’après cette fuppofition ,
ils tombèrent dans toutes les extravagances du po-
lithéifme ; ce n’étoit pas qu’il niaffént l’exiftence
d’un être fuprême., leur idolâtrie coniiftoit à lui
aflbcier des diyinités inférieures qui partagèrent
leurs adorations. Ce fut l’aftronomie qui donna
naiffance aux ,premieres erreurs religiqufes ; les
Arabes dans le loifir de leur folitude, jetterent les
yeux vers les corps eéleftes.; -frappés de la régularité
de leurs mouvemens, ils fe perfuaderent bientôt
que
t[ue les aftres étoient animés ; ils fe fortifièrent
dans cette première erreur enconfidérant l’influence'
qu’ils ont fur les corps 'terreftres ; d’autant plus
que c’eft,par leur éloignement, ou leur voifinage»
leur abfence ou leur apparition, que l’on diftingue
les faifons, & qu’on régie le temps des. femailles
& des môiffons ; ils imaginèrent bien-tôt une milice
célefte à qui ils rendirent un culte que Moyfe prof-
crivit avec févérité: cette religion eft d’autant plus
intéreffante à eonnoître, .qu’elle a été. la fource de
tout'esles cérémonies de l’orient.v
. De l’adoration des àftres ils pafferent au culte dé
leurs fimulacres ., & 'dans leur polytheifmeoutre,
ils adorèrent jufqu’à des pierres ; ’ l’idole Manah
étoit une pierre informe à qui l’on attribuoit la
vertu d’opérer des miracles; la déeffe Alura, infl-
piroit à fes adorateurs; un zele féroce; la tribu des
Koréishites lui facrifioit fes.filles. Chaque idole
avoit fon domaine particulier, l’une diftribuoit des
pluies, & onlui adreffoit des prières dans des temps
de féchereffe ; une autre , étoit armée du fléau des
maladies qui affligent l’humanité, & elle feule po.u-
voit les guérir. Chaque .famille , chaque contrée,
•avoit fon génie tutélaire ou malfaifant, qui caufoit
fos profpérités ou fes défaftres : car les Arabes
adoptèrent avidement la hyérarchie célefte ; le
fyftême de la métampfycofe eut auffi des parti-
fans en Arabie, & il eft même étonnant qu’il n’y ait
pas fait de plus grands progrès. Tout peuple dominé
par fon imagination, eft le plusfufceptible de crainte
& d’efpérance ; la tranfmigration des âmes dans de
nouveaux corps , diflipe l’horreur naturelle de
la mort ; elle fubftitue des peines paflageres à
une éternité de fouffrances, & comme on ,a plus
de fenfibilité pour les maux que pour les biens,
on meurt fans regret, parce qu’on fe .flatte de
renaître plus heureux ; les Arabes étojent tous
én général prévenus en faveur des figures & du
fort ; s’ils appercevoient quélqu’animal ou quel-.
qu’oifeau réputé finiftre , ils reftoient fous leurs
tentes» & lès affaires les plus importantes ne les
auroient jamais pu déterminer à fe mettre en route.
Le facerdoce étoit la récompenfe de la vertu , &
ne donnoii aucune prééminence fur les autres .citoyens
; chaque famille avoit Ion' autel, fon idole
& fon facrificateur, qui n’étoit point difpenfé de
préndre les armes pour la défenfe commune, ni
des autres obligations impofées au refte dès citoyens;
on les choififfoit parmi les vieillards, afin que dégagés
de la fervitude des fens , ils ne donnaient
point cesfcenes defcandale qui auroient deshonoré
la fainteté de leur miniftere ; il paroît même que
le facerdoce étoit une dignité du moment,. qu’on
donnoit à tout facrificateur employé au culte religieux
, & ces prêtres éphémères rentroient après
la cérémonie, dans la claffê ordinaire de Amples
citoyens ; mais tant qu’on en étoit revêtu , il falloit
donner des exemples de modération & de fobriété.
Les prêtres Sabéens, moins intempérans que les
autres prêtres du paganifme, ne fe réfervoient rien
de la victime immolée qu’ils réduifoient en cendre ,
regardant comme un f'acrilege la hardiefle de s’affeoir.
à la table des dieux, & de toucher aux mets qui
leur étoient; offerts. Les anciens Arabes n’ont jamais
conçu queues pleurs & les macérations fuffent des
offrandes agréables à la divinité ; ils célébroient
leurs fêtes par des danfes & des concerts , & l’ai-'
légreffe publique étoit le témoignage de leur re-
connoiffance envers le dieu qui répandôit fur eux
fes bienfaits ; il eft vrai que chaque tribu avoit fes
ufages , & chacune imprimoit a les cérémonies fon
caraétere gai ou chagrin : telle étoit la conftitu-
tio.n civile & religieufe de l’Arabie, lorfque Mahomet
conçut & exécuta le projet d’en être le
Tome I,
légiflateur. Voye^ Mahométisme & À l c ô r â n ^
Dicl.raif. des Sciences, &c. ( T—N.')
§ ARABIE, (G é o g rCette régiori qui forme la
plus grande prelqu’ile du mPnde, a une étendue
de prefque cinq cens lieues du midi au feptentrion *
& environ de quatre cens lieues d’orient en occident.
Les géographes :en ont étendu ou refferré les
limites, félon le temsoùils écrivoient; quelquefois
ils ont compris fous ce, nom les contrées voifines
qui pouvoient être affervies à quelques tribus 6C
quelquefois,ils en ont détaché quelques cantons fournis
à,une. dQmination étrangère. Les Arabes, quoique
peuples très-anciens , ont été long*-tenis dans une1
efpece d’oubli des nations , & les deferiptions qui
nous,, en ont été données par des écrivains qui n’y
avoient jamais pénétré , font faufles ou du moins
iufpeçtes.
Cette prefqu’île eft bornée à l’orient par le golfe
Perfique, & la baie d’Ormus ; au couchant par la
.mer Rouge, l’ifthme de.Sués, la Terre Sainte &uné
partie de la Syrie ; au midi par le détroit de Ba-
bel-Mandel & l’océan Indien; au feptentrion par
l’Irak, le Kureftan, & la Turquie d’Alie. On lui
donne le nom de péninfule, parce qu’elle fe rétrécit
entre l’Euphrate & la Méditerranée. Les révolutions
des'tems n’ont point changé fon nom primitif j
& dès les fie clés voifins du déluge , elle fut connue
fous Je nom à'Arab , que les uns dérivent d’Iarab ,
fils aine de Jocfan, & d’autres, d’Araba,.canton habite
par Ifmaël : un pays auffi vafte ne put recevoir,
la même dénomination de tous fes, voifins ; ainfi
les Syriens l’appellerent Aribiftan, & nos livres facrés
le defignent fous le nom du pays de Cush. Moyfe a
fondé fa divifion fur les trois différeas peuples
qui y formèrent les premiers étahliffemens ; & fa
géographie exacte & précife n’a point à redouter
la l’évérité de la critiqué. Ptolomée eft le premier
qui a diftingué, cette région en Arabie Heu-»
reùfë, en Arabie Pétrée, & en Arabie Déferte ; &C
comme fon ouvrage nous eft plus familier que ceux:
des Orientaux , nous l’avons choifi pour guide. Les
géographes Arabes mieux inftruits de la fituatiorx
de leür; pays , le partagent en cinq provinces qui
s’étendent depuis Aïlah ou Calfum fur la mer Rouge
jufqu’à la mer des Indes. Cette divifion eft d’autant
plus naturelle , qu’elle ëft fondée, fur les différent
genres'de vie de fes habitans, dont les uns errans
dans leurs déferts, ne s’arrêtent que dans les lieux
où, ils trouvent des eaux pour leurs befoins , &c
des pâturages pour leurs troupeaux. Ils n’onf d’autres
toits que leurs tentes, & toute leur richeffe con-
fifte dans leur bétail & leurs, armes. D’autres fè
réuniffent dans les villes qui ne font que d’ignobles
bourgadès formées d’un affemblage de tentes ou dè
maifons de canne & de rofeaux* Ges fimulâcres dé
villes font fort diftantes les unes des autres, parce
que la terre rébelle à la culture ne pourroit fournir
affez de productions pour la fubfiftanee d’uné
multitude raffemblée.
La province de Tehamâ s’étend fur tout le nord
de cette péninfule jufqu’à Eleaf ; on n’y trouve ni
villes ni hameaux, & c’eft ce qui lui a fait donner
le nom du grand Défert ; mais comme le fol eft lè
plus bas de toute l'Arabie, ori y rencontre une quantité
de fources, richeffe précieufe pour un pays aridè
& defféché. En fortant de cette province, on entre
dans le Najed, pays élevé qui n’offre qué des rochers
& des déferts, d’où la difette des eaux proferit les
hommes & les animaux,excepté dans certains cantons
plus favOrifés, où fombrè des montagpes garanti^
des ardeurs du foleil. En s’avançant au fùd-elt vers
l’orient, ôn trouve l’Hegias, pays difgracié de là
natute, où la terre deffèchée ne fournir ni eaux ni
fruits, ni moiffons; mais la crédulité fuperftitieufé