la forme du cône perfectionné , ni celle des femences
qu’il renferme ; ces parties font fi difparates dans les
deux efpeces de thuya connues, qu’elles ferviront
plutôt à les différencier qu’à les réunir fous un caractère
commun.
JEfpeces.
ï . Arbre de vie à andouillers alternes, à feuilles
puftuleufes.
Thuya uncis alternis, tegulis bubulojîs. Hort. Col.
. Thuya Canadenfis.
Arbor vitce o f Canada.
2. Arbre de vie à andouillers oppofés, à feuilles
fillonnées. .
Thuya uncis oppofitis, tegulis fulcatis. Hort. Col.
Arbor vittz Sinenjis. Arbor vita ofChina.
Il n’ e ft point aifé de diftinguer au premier coup
d’oeil ce qu’on doit appeller feuille dans les arbres de
vie. On fe réfout difficilement à d onn er ' c e nom à des
efpeces de petits rameaux verds qui naiffent en foule
fur les branches; cependant lorfque l’on obferve
qu’ils tombent vers la fin de feptembre de leur
fécondé année, on s’àffure que ce font de vraies
feuilles extrêmement compofees ; car on n’a pas
d’exemples de branches qui fe détachent d’elles-
mêmes'périodiquement. Y
C’eftfoiis cet afpeâ que nous allons confidérer la
feuille des arbres de vie.
Elle confifte premièrement dans un pédicule principal
& commun, lequel eft p lat, mais arrondi dans
fa partie inférieure. Il eft garni par les bords de
petites folioles oppofées, qui l’embrâflent en fe réunifiant
par leur bafe, tandis qu’elles s’en écartent par
leur bout, qui eft aigu ; de forte qu’il femble voir
de petites urnes pofées les unes fur les autres. Ce
pédicule principal fe fubdivife en' d’autres moins
longs , qui font alternes, & qui donnentnaiflanee à
d’autres encore moindres, reffemblans à des andouillers,
lefquels font toujours plus petits à mefure
qu’ils s’approchent du bout, & qui portent quelquefois
de très - petits pédicules en forme de crochets,
mais, d’un fèul côté. Ces andouillers, outre
lestolioIes.de côté que nous avons décrites , en ont
d’autres fur les deux faces, qui reffemblent à de
petites écailles, & font pofées les unes fur les autres
comme les tuiles d’un toit.
Les folioles qui couvrent les faces font affez
grandes ; elles ont vers leur pointe une petite protubérance
, excepté dans le thuya de la Chine, oii elles
font au contraire fillonnées & très-petites.
Dans le thuya de Canada, les protubérances dont
je viens de parler, font aflez groffes fur les deux faces
du pédicule principal, elles font rondes & brunes ;
ce font de vraies puftules qui jettent une goutte de
réfine lorfqu’on les écrafe. C e n’eft pas la feule différence
qui fe trouve dans les feuilles de l’une &
l ’autre de ces efpeces ; dans le thuya d'e Canada, les
andouillers font alternes & aflez éloignés ; dans celui
de'la Chine , ils font oppofés & très-rapprochés.
Dans le premier, les pédicules les plus élevés du
fécond ordre n’ont des andouillers que du côté intérieur,
fi ce n’eft vers le bout. Dans le fécond, ils
font oppofés deux à deux dans toute la longueur du
pédicule qui les foutient.
Il eft encore des différences plus frappantes qui
caraftérifent ces deux efpeces. Le thuya de Canada
étendfesbranches prefque horizontalement; celui de
la Chine les raffemble en fâifceau. Le premier porte
de très-petits cônes ovoïdes, pointus, bruns, composés
d’un petit nombre d’écailles lâches, lifles &c
oblongues, au fond defquelles .fe trouvent d’infiniment
petites femences plates, creuféès en cueilleron
& nrembraneufes. Les cônes du fécond font gros
comme une petite noix, ronds, bleuâtres ; ils font
compofés d’écailles larges, qui ont vers leurs bouts
des crochets recourbés en en-bas; elles contiennent
des femences dures, brunes, reluifantes, affez grof-
fes, ovoïdes, & terminées en pointe.
Le verd du thuya n°. 1 , n’a pas beaucoup d’éclat
en été ; pendant l’hiver il eft terne, & tirant fur la
couleur feuille-morte pâle dès les derniers jours de
l’hiver. En été, & dans le commencement de l’automne
, la verdure de Varbre de vie de la Chine eft fi
belle & fi éclatante, qu’elle efface celle! des arbres
les plus frais à feuilles vernales. Mais elle fubit de
fingülieres altérations ; dès la fin d’o&obre, fans
qu’il fe produife aucun changement dans la matière
ni dans la forme de l'arbre, fans qu’il perde aucune
feuille, il devient à-p'eu-près de cette Couleur qu’on
appelle maure-doré ; il ne lui refte plus que de très-
petits linéamens verds, qu’on n’apperçoit qu’avec
peine fur le revers des feuilles. Il demeure enfevelî
fous cette èfoece de métamorphofe jufqu’aux premiers
jours favorablês de février ou de mars , qu’il
reprend tout-à-coup fa verdure & fon éclat.
Le thuya n°. 1 croît de lui-même en Canada &
en Sibérie ; en France , où il a été apporté fous
François I , il s’élève à la hauteur de quarante
pieds. Le fécond eft originaire de la Chine fepten-
trionale ; il y acquiert, dit-on, une élévation confi-
dérable : il n’eft pas encore depifis affez long-tems
en France, où fes femences ont été envoyées par
nos commiflionnaires , pour favôir la hauteur à
laquelle il pourra atteindre fous ce nouveau ciel.
Miller dit qu’il en a Vu en Angleterre de plus de vingt
pieds. Nous en avons un qui en a déjà plus de dix-
l'ept, & qui gagne beaucoup annuellement.
L * arbre de vie de Canada peut être placé' dans le
bofquet d’été en faveur de la variété ; la cifelurè
de les feuilles y contraftera à merveille avec les
feuilles très-larges & très-entieres des peupliers de
Caroline , tulipiers & catalpas qui doivent faire
le fond de ce bofquet ; on doit l’employer dans
ceux d’automne , fa verdure étant encore affez belle
dans, cette faifon : comme elle eft en général fort
terne en hiver, nous ne pouvons confeiller de le
placer parmi lés arbres \ feuilles perennes, à m o in s
qu’on n’ait l’attention de l’environner par des maffes:
leur abri l’empêchëra de jaunir ; cette altération
dans la couleur de les feuilles, ri’eft produite que
par le contaft des vents froids' que briferont ces
abris. En effet, retournez en janvier une feuille
d’un de ces thuyas qui foit expofé au courant
libre de l’air, vous la trouverez , très-verte à fon
envers qui en aura été garanti.
L'arbre de vie de là Chine, par fon verd éclatant,'
fon port, la forme élégante de fes feuilles & leur
grand nombre , décore finguliérement les bôfquets
du printems & de l’été.
Comme les deux efpeces ont des ports & des
verds différens , on peut en former de petites allées,
en les plantant alternativement à'la diftance de neuf
ou dix pieds les uns des autres ; il conviendra aufli
d’en faire des haies : ils garniffent à merveille : il
faut les paliffer les premières années , & enfuite
reprimer le luxe de leurs pouffes par la tonte qu’ils
fouffrent très-bien. Ces paliffades s’élèvent à une
hauteur cohfidérable , & font d’un effet majeftueux ;
comme elles font toujours vertes & impénétrables,
elleS forment des abris excellens , dont l’ufage ne
fe borneroit pas même à garantir les efpeces à'arbre,
curieufes & délicates , qu’on planteroit auprès ;
elles ferviroient encore à abriter une vigne , un
quinconce de figuiers, des contre-efpaliers'de toute
efpece, & même certains légumes. Une paliffadie
de thuya de la Chine eft une riche tapifferie.
On attribue à ces arbres les vertus de là fabine ,
& leurs feuilles font fudorifiques. Il fort de l’efpece ,
rA /. ( dit M. Duhamel ) des graines de refine
jaune & tranfparente comme la çopale;en la brûlant,
elle répand une odeur de galipot.
Quoique le bois du thuya n°l 1 , foit plus tendre
que celui du fapin , cependant comme il eft prefque
incorruptible , on en fait des paliffades d’une extrême
durée. Le bois de Marbre de vie de la Chine
paroît être plus dur ; & comme cet arbre eft d’une
plus haute ftature, il y a toute apparence qu’il fera
placé par la fuite dans le nombres des arbres utiles.
Cette confidératipn doit engager les cultivateurs
amis de la fociété, à propager ces arbres par la graine
qu’ils portent en abondance : c’eft le moyen de les
multiplier & de les. répandre extrêmement, de les
avoir droits, vîtes & bien venans ; en un mot, de
les faire atteindre à toute la hauteur que leur a
preferit la nature. La méthode d’en faire des femis ,
eft différente pour les deux efpeces. :
-, Les cônes du thuya de Canada commencent à
s’ouvrir dans les premiers jours d’o&obre : c’eft
alors qu’il faut les recueillir ; on en emplira un
ou plùfieurs petits facs , que l’on confervera dans
un lieu fec. En février, on s’occupera à apprêter
les graines ; on recueillera d’abord celles qui feront
tombées d’elles-mêmes au fond des faCs ; quant à
celles qui feront reftées fixées aufond desécailles, des
cônes, nous ne connôiffons d’autres moyens de lès
en dégager, que de les lever une à une': on jettera
les écailles à mefure qu’on recueillera la graine
qu’il eft effentiel d’avoir pure. Cette befogne demande
de l’àdreffe & de la patience.
■ 1. Cette opération faite , muniffez-vous de caiffes
de fapin ou de chêne , profondes d’un pied &
percées'par.le bas de plufieurs trous, que vous
couvrirez d’écailles d’huîtres ou-,de têts de pots:
empliffez-les d’une bonne terre fraîche & légère,
mêlée par égale partie de terreau bien confommé ;
à mefure que vous vérferez cette terre dans les
caiffes , preffez-la doucement avec la main pour
prévenir fon affaiflèment ; quand ce viendra à la
couche Supérieure & derniere, au lieu de lapreffer
avec la main , égalifez-la avec les doigts- le plus
•qu’il vous fera poflible : enîuite ferrez-la & l’àp-
planiffez avec une planchette unie., pourvue d’un
manche. Alors femez la graine affez épais , mais*
également. Vous’ aurez à portée de vous une terre
légère, mêlée d’un tiers de fablon fin & d’un tiers
de terreau confommé : ces fubftances auront été
intimément unies & le mélange bientamifé. Prenez-
en avec la main, & l’éparpillez à plufieurs reprifes
fur les graines, jufqu’à ce qu’elles en foient couvertes
de l’épaiffeur d’environ quatre lignes, mais
de maniéré qu’elles ne le foient pas plus dans unv
endroit que dans l’autre.
. Les graines femées .& couvertes , vous applanirez
la fuperficie de la terre; en preffant.doucement
•avec la planchette. Pour très-bien faire1, il conviendra
de femer , par - deffus le tout environ une
•ligne d’épaiffeur de terreau ..confommé ,• mêlé de
détritus de bois pourri , tamifé. Vous cohferverez
de, ce- dernier mélange dans un pot auprès de votre
femis.
. L’emplacement de ces caiffes n’eft pas une précaution
de;.moindre 'importance què celles . déjà
indiquées : fi elles font petites & en petit nombre ,
vous:.les. plongerez dans iine coiichevtempérée ,
ombragée, par des païllaffons-, & 1^ gouvernerez a
fuiv^nt la. méthode: indiquée à M article c y pr è s ,
troijieme .partie, Supplément. Vous leur rerez- paffer
:1e premier, hi ver fous des chaffis ; &c cet: abri fera
•d’un grand-Secours, aux .petits thuyas.
1. Mais , ” fi. vous vous propofez d’en' élever
un- tîes-grand nombre.4 .vos -caiffes feront, trop
grandes'-ou trop- nombreufesv’pour ê.tre- aifément
portatives ; dans ce cas-là , vous les enterrefei
dans une terre fraîche à ï’expofition du levant le
plus matinal ; fi vous ne pouvez pas trouver une
expofition femblable, vous y fuppléerez par deâ
païllaffons elevés des côtés où vous voulez intercepter
les rayons du foleil, ou bien vous formerez
au-deffus de vos caifles de petites arcades avec
des branches de coudrier, fur lefquelles vous po-
ferez des rameaux de bruyere, de pin ou de là
paille de pois.
3. Les bords de la caiffe doivent forfir de terré
d’environ deux pouces, de crainte que les taupes
ne s’y gliffent, accident fâcheux, par lequel nous
ayons vu fouvent nos plus beaux femis anéantis
en uninftant ; pour y parer plus sûrement encore,
& pour ôter tout accès, aux oifeaux qui mangent
quelquefois les jeunes plantules à mefure qu’elles
s’élèvent du fein des graines , nous ne pouvons
affez recommander de couvrir ces caiffes d’un re-
feau, & mieux encore de chaflis à mailles de fil.
d’archal.
4. Ce femis une fois établi de la maniéré que
nous venons de détailler , voici les foins & l’entretien
qu’il demande. Tous les jours au foir,
on l’arrofera , afin de précipiter fa germination , à
moins qu’il ne tombe de tems à' autre des pluies
douces, fines & paifibles, les feules dont on ofè
profiter : les pluies abondantes Ou turbulentes,
ainfi que celles à groffes gouttes, doivent être foi-
gneufement parées par des auvents qu’on pofera
fur les caiffes; elles, en dérangeroient la derniere
couche de terre légere , dont les graines font corn»
vertes ., & les détejrreroient. Pour éviter cet inconvénient
,ie s arrofemçns. ne fe feront pas même
avec la pomme d’un petit arrofoir ; on fe fervira
d’un goupillon qu’on fecouera doucement & de
près fur le femis, jufqu’à ce qu’il foit fuffifamment
imbibé.
5. Malgré ces précautions , peut-être verra-t-oft
au bout de quelque tems les graines un peu découvertes,.;
on prendra de cette terre fine , mife
en réferve auprès des femis, & on en répandra
par-deffus autant qu’il faudra : fouvent cette opération
doit être répétée, même lorfque les thuyas
font germés ; car on verra quelquefois ces frêles
plantules déchauffées du pied près de chanceler &
de tomber. Si l’on ne néglige aucun de ces foins,
on fe -procurera d’excellent plant de cet arbre de
vie & dans la plus grande abondance.
-6. Si le femis n’eft pas deftiné à paffer l’hiver
fous des chaffis, il fera néceffaire de le garantir au
moins le premier hiver de effets du froid & des
frimats. Le plus grand danger n’eft pas que ces
jeunes plantes périffent par le fimple contaft de
la gelée ,.mais elle haufferoit la terre , & en même
tems les petits arbres. Que le dégel furvienne ,
la terre, s’affaiffera , & les plantes ne fe renfonceront
pas,.elles demeureront couchées & déracinées.
, Pour parer à cet inconvénient, nous connoiffons
•deux bons moyens ; le premier , c’eft de former
fùr les caiffes une faîtiere de paille avec une porte
à. chaque bóut pour l’admiffion de l’a ir , lorfque
■ le tèms lé permettra ; le fécond qui eft .plus fimple ,
.c’eft id’entourer le femis de branches de pin ou de
fapin qui fe réuniront en arcades par leurs fommités.
-, -.Les petits thuyas doivent demeurer deux ans
dans Le femis. : le troifieme printems, au commencement
d’avril, le matin ou le foir d’un jour doux
nébuleux , on s’occupera à les tranfplanter pour
;les. mettre en nourrice.
7.-. Choififfez un morceau de terre fraîche &
(doùce dans un lieu légèrement ombragé ; ou bien
.contre un mur ou une haie expofés au levant; fi
vous «’aviez pas’des pofitions femblables , vous