prend un canot qui veut accofter un vaiffeau, ou
,une cale, de la maniéré la plus avantageufe.
Abordage s’emploie particuliérement pour exprimer
l’attion d’un vaiffeau qui joint un vaiffeau ennemi
à deflein de l’accrocher & de s’en emparer,
en faifant paffer fon équipage à bord de cet ennemi
( y Accrocher ), Quand on fait route pour
exécuter cette manoeuvre, onva à Vabordage ; quand
l’équipage paffe fur le vaiffeau ennemi, i l fau te a
r abordage. L’abordage demande de la précifion & de
la fineffe dans la manoeuvre: car il eft bien important
de faire ' un abordage avantageux. L’avantage
confifte particuliérement à prendrexiine pofition telle
que l’ennemi refte expofé à votre artillerie & que
la lienne ne puiffe avoir d’effet : telle feroit celle
oit l’on engageroit le beaupré ennemi dans fes grands
haubans. 11 faut auffi, tant qu’on peut, procurer de
la facilité à paffer d’un bord à l’autre.
Dans tous les vaiffeaux de guerre iî y a un rôle
de combat, c’eff - à - dire, que dès l’armement on
nomme & l’on deftine une certaine quantité de matelots
pour occuper les différens portes du vaiffeau
pendant le combat; dans cette diftribution il y en
' a de particuliérement dertinés à fauter des premiers
à l’abordage, & ce font ceux q ui, également dertinés
pour la manoeuvre , occupent les gaillards & les
Lauts du vaiffeau. On a foin de choifir les gens les plus
alertes & fur la bravoure defquels on puiffe compter.
Les batteries doivent redoubler leur feu lorf-
qu’on va à l 'abordage, & on ne doit ceffer de les
fervir que le plus tard qu’il fe peut. On doit fermer
foigneufement tous les fabords, àmefure que le.s
canons deviennent inutiles, dans la crainte que l’ennemi
ne s’introduire par cette voie dans le vaiffeau,
ou n’y lance du feu. A mefure que les matelots quittent
les batteries, ils doivent montér furie gaillard
& paffer à la moufqueterie, jufqu’au moment marqué
pour fauter à ¥ abordage. Ce moment doit être
défigné par le capitaine, & c’eft à lui à juger lorf-
qu il^eft favorable. Le feu des gaillards & des hunes
doit etre bien fervi, pour faciliter ce partage en tuant
en écartant l'ennemi : les grenades, fur - tou t,
lanceès avant que les.deux équipages fe mêlent,
font tres-propres à cet effet. On doit, en un mot,
ne rien négliger pour femer la mort & la terreur
parmi fon ennemi & pour l’ébranler. Il ert à propos
que chacun ait une cocarde ou autre marque diftinc-
tive pour fe reconnoître dans la mêlée les uns les
autres, & n’être pas tué par la moufqueterie de fon
propre vaiffeau.
L ’ abordage ert certainement avantageux pour le
Vaiffeau qui ne peut réfifter à l’artillerie de fon ennemi
: l’adreffe & le courage peuvent alors fuppléer
à la force. Les vaiffeaux Français autrefois avoient
proportionellement plus de monde que les vaiffeaux
Anglois , &c cela leur- donnoit de la fupériorité à
I abordage : aujourd’hui il y a une égalité entr’eux à
cet egard, maisl’impétuolité françoife peut faire encore
^fubfifter l’avantage de leur côté. 11 faut cependant
être bien fur de fon équipage j avant de le mener
à une attion qui décide auffi promptement du fort
• du combat , & qui a réellement en foi quelque chofe
dautant plus terrible qu’elle ert moins pratiquée.
? n P.eut ^onc troP l’exercer dans les ports & fe
famiharifer pour ainfi dire, avec les dangers de
1 abordage: 1 efpoir de la récompenfe ert de plus,
pour le matelot, un puiffant motif d’émulation.; le,
pillage cependant, fi on le toléré , doit toujours
etre limite : périffent ces âmes moins militaires que
feroces qui croient tout permis dans une place emportée
d’affaut 1
?.n ^Içute fi dans un abordage , toutes chofes
d ailleurs égalés, l’avantage ert du côté de l’attaquant
qu de l’attaqué ? Il ert certain que. celui qui attaque
étonne l’ennemi ; mais fi l’attaqué conferve & fon
fang-froid & fon courage, il acquiert bien de, l’avantage
de la difficulté qu’a l’attaquant pour Tenir
a fon bord.
Les armes en ufage fur nos vaiffeaux pour défendreY
abordage, font le fufil, la pique, & la hallebarde.
Celles dont on fe fert pour paffer à Vabordage font
le piftolet, le fabre, & la hache d’armes; on les
pôle fur le pont, & chacun, pour paffer fur le vaif-
ïeau ennemi, fe munit de celle qui lui convient lé
mieux. Je trouve ces armes très-dëfettueufes ; &
je vais montrer en gros ce en quoi elles pechent,
& examiner fi on ne pourroit pas en fubrtituer d’autres
plus convenables. Le piftolet très-grand, eft
difficilement porté dans un partage que l’on fait quelquefois
d’une vergue fur une vergue, où les deux
mains font alors fi fouvent néceffaires poùrs’y tenir;
& le fabre, tel qu’on le fournit, ert embarraffant par
fa longueur & par fon poids : la hache d’armes feule
réunit quelques avantages,' mais je lui trouve des
mconvéniens encore plus grands, & on peut avan-
cer, je crois ,. que toute arme qu’il faut lever pour
frapper, ne vaut point en général une arme qui
pointe. Lorfqu’on ert parte à Y abordage, le combat
n’eft plus un combat fur mer, c’eft un combat livré
par des fantaffins fur un terrain égal & de plein-
pied. Il eft impoffible, fans doute, d’y établir un
ordre égal à celui qu’obferve l’infanterie dans fes
batailles; auffi ne veux-je pas que nos armes ref-
femblent aux fiennes : cependant jettons un coup
d oeil deffus, & fongeons que c’ eft l’expérience , ce
principe fur, qui a amené leurs armes à l’état où elles
font. Je voudrois donc que les armes pour Vabor->
dage fuffent courtes propres à pointer. & à couper,
& d’un poids,qui ne fût point à charge. Telle fe-»
roit une lame de dix-huit pouces de long, un peu
courbee & fuffifamment épaiffe pour recevoir un fil
capable de couper, en cas'de befoin, un cordage
affezgros: je voudrois que cette arme, élongée le long
de la cuiffe gauche, fût portée par un large ceinturon
, dont chaque matelot feroit ceint en cas de
combat ; que le ceinturon eû t, de plus, de quoi
foutenir un piftolet à deux coups un peu plus for*
feulement que les piftolets connus fous le nom de
piftolets de poche; & un petit coutelas fait en forme
de poignard , tel que les Turcs en portent à leur
côté. Ce même ceinturon pourroit facilement por-»
ter deux cartouches de recharge pour recharger le
piftolet en cas de befoin ; & même une grenade que
les matelots & foldats lanceroient à leur arrivée
fur le vaiffeau ennemi, moyennant une petite mèche
dont ils fer oient pourvus. Il faudroit que ces armes
entretenues par l’armurier du vaiffeau, euffenttoutes
les qualités & la trempe néceffaires pour en -faire
des armes bonnes & bien conditionnées. Avec le-
piftolet on peut-fe défaire d’un ennemi qui s’oppofe
à votre entrée dans, le vaiffeau ; & le poignard que
je confeille, eft une arme qui peut être utile dans
les combats corps-à-corps qui arrivent quelquefois,
dans la mêlee. Pour defendre l’abordage , je ne crois
pas qu’il y ait d’armes meilleures que le fufil avec fa,
bayonnette.
La forme attuelle des vaiffeaux dont les- côtés
rentrent beaucoup, & la perfection de la manoeuvre,
ont rendu Y abordage fort rare. Il feroit biei> facile,
de remédier au premier empêchement; & je m’étonne
qu’on ne l’ait pas déjà fait, puifqu’jl y a des
occafions où Y abordage eft d’un avantage décidé. ( M,
le Chevalier DE LA CoUDRAYE ).
§ ABORDER, v. a. {Marine.) c’eft joindre &
toucher déjà un objet. On aborde un vaiffeau ; on
aborde une piece de bois; on aborde une roche. Ce
verbe a fon paffif, être abordé.
Abqrder, verbe neutre, a la même lignification :
ôn l’emploie comme verbe neutre, lorfque la chofe
que Yon aborde eft un point fixe & déterminé , &
que l’on aborde avec volonté ce''point fixe. C ’ eft
en ce fens que l’on dit; aborder au rivage ifabprT
derai à tel endroit, avant de .remonter plus haut dans
la rivieire ,' &c. En obfervant la différence du verbe
aborder employé comme attif ou comme neutre , on
yeconnoîtra; pourquoi les marins difent, félon I’oct
cafion , aborder une cale, ou aborder à une,.cale. En
effet, 'quöiqtue dans i’uh & l’autre' cas la chofe que
l’on aborde -Toit .'un même point, & fôit une chofe
fixe'& déterminée > cependant-dans le dernier exemple
l’abordage eft.volontaire, & dans lé .premier il
eft accidentel.
Les vaiffeaux ..s'abordent quelquefois involontairement,
foit par mal-adrefie, To.it par la force du
v en t, pu .celle de courans oppofés, ou même le
çalme les porte l’un fur l’autre,. Cet événement eft
prefque toujours accompagné de dommages , &
eft fouyent très-dangereux. Qu’on farte attention à
la marte d’un vaiffeau, & on.ne fera point étonné
que la force dû choc d_e deux vaiffeaux qui s’abordent
, lorfqu’ils ont acquis un certain degré de vîteffe,
puiffe être telle qu’un des deux, coule l’autre bas.
J’ai dit que .le-calme pou voit être compté parmi
les caufes qui font aborder les vaiffeaux ; cela mérite
une remarque, pour laquelle je . renvoie au mot
Ç alme.
Lorfque des vaiffeaux font fur le point de s’aborder,
©n doit toujours , lorfque la chofe eft pofîible , chercher
à amortir le choc, ou même à l’empêcher en s’écartant
les uns les autres avec des efpares & des
bout-dehors : on ne doit même point attendre aûffi
tard pour chercher à éviter l’abordage ; mais il eft
bon de fe faire .remorquer de bonne heure par- fes
canots ôc chaloupe, chacun d’un côté oppofé. Dans
les frégates on peut gréyer des avirons. Il faut fur-
tout avoir cette attention , lorfqu’une lame fourde
rendrpit l’abordage plus à craindre par l ’agitation
qu’elle communique aux vaiffeaux ; agitation qui
peut être alors comparée à une vîteffe réelle. On
voit bien que je ne parle ici que pour les vaiffeaux
qui font en calme , ou qui ne font point maîtres de
diriger leurs -mouvemens faute d’avoir de l’air &
d’être en marche. Lorfqu’il y a du vent, que le vaiffeau
fait route , & que celui qui le conduit y voit
clair, fi l’on s’aborde , ce ne peut être que par entêtement
ou par ignorance. Dans le premier cas, il
faut fe corriger; dans le fécond, il faut s’inftruire.
On dit qu’un vaifleaù aborde de bout au corps,
lorfque l’avant de ce vaiffeau frappe le côté du vaif-
feau abordé. Deux vaiflèaux s’abordent de long en
long , lorfqii’ils fe joignent côté-à-côté, foit qu’ils
marchent du même fens, foit qu’ils marchent du fens
oppofé. Ils s’abordent tous les deux par l’avant, lorf-
q.ue ce font les deux avants qui fe choquent ; ils
s’abordent par l’arriere, par la hanche, &c.
Il eft néceffaire à un marin de favoir aborder &
éviter l’abordage : on a dû s’ en convaincre en lifant
cet article & celui Abordage. Il n’eft point pof-
Jible, - fur-tout dans un ouvrage comme celui-ci,
de preferire des régies à cet égard, parce que la
manoeuvre néceflaire dépend de la pofition refpec-
tive des deux vaiffeaux, c’eft-à-dire qu’elle varie à
l ’infini. Quelques ouvrages citent un certain nombre
de pofitions, & enseignent la manoeuvre qu’il
faut alors employer: fans les-blâmer, je me crois
clifpenfé de les imiter. De telles regies ne peuvent
.fervir qu’au marin navigateur ; & c’eft par l’expérience
feule, & par l’étude réfléchie qu’il doit y
joindre , qu’il peut fe flatter d’acquérir le fond de
feience -néceffaire pour être appliquée au befoin.
-( M. le Chevalier DE LA CoUDRAYE. )
; A PO ïiT IF , adj. { Médecine, légale,) Médicament
Tome I.
arlortif, fubfiances, abortives, qui ont la propriété
de faire avorter ou de hâter l’accouchement, f^oye^
Aristolochiques & Écboliques, {Mat. Mid. )
Diciionairt des Sciences, &c. & Suppl. & AVORTEMENT
,.( Med. Lég, ) Suppl-, ■
ABOU HANIFA , ( Hiß. des Sectes Relig. ) fondateur
d’une des principales fettes des Sonnites,
étoit né à Ciiffa , l'an quatre-vingt de l’hégire. Les
Arabes .appellent fes difcipjes, les feclateurs de là
raifon , parce que leur dogme, fondamental étoit de
ne rien ' croire qui ne fût conforme aux lumières
naturelles;;au lieu que les trois autres fettes Muful-
manes exigent de leurs, difciples le facrifice de leur
raifon , & une ôbéiffance fans examen aux traditions
& â l’autorité de leurs dotteurs. Hanifa,"détaché de
la terre, croyoit n’y être defeendu, que pour en
rendre les habitans plus vertueux & plus éclairés.
Ce fut pour remplir, fa vocation, qu’il fe confacra
tout- entier à l’étude & à la méditation de l’alcoran.
Sa confcience délicate & la modération de fes defirs
lui infpirèrent du dégoût pour Padminiftration pu- :
blique ; & quoiqu’il fût propre à tous les emplois,
il ne fe crut point affez de capacité pour en remplir
aucun- Le calife Almanzor, inftruit de la pureté de
fes moeurs .& de l’étendue de fes'lumières, crut
devoir rendre1 fes talens utiles à la fociété ; il le
nomma cadi. Hanifa, trompé par un faux fyftême,
ne put confentir à quitter, fa retraite, où iljouiffoit
de la.confidération des hommes fans leur être utile.
Sur le refus qu’il fit d’accepter cette dignité, il fut
conduit dans les prifons de Bagdat, où les promeffes
& les menaces ne purent ébranler fa confiance ni
vaincre fes refus. J’aime mieux , difoit-il, être puni
des hommes que de Dieu, réponfe familière aux fanatiques
& aux enthoufiaftes , pour fe difpenfer, de
l ’obéiffance. Lorfqu’on lui demanda les motifs de fa
répugnance pour les fonttions • publiques : c’eß9
répo.ndit-il', que perfonne ne voudra m avoir pouf juge ->
f i je fuis afftqgènêreux pour n écouter que la vérité;
& f i je fuis ajjè^ lâche pour la pallier ou la trahir , j e
me rendrai 'indigne de préfider a la fortune de mes
concitoyens. Sa détention le rendit plus cher à la
multitude, incapable de diftinguer l’héroïfme de l’opiniâtreté.
Sa prifon devint une efpece de fanttuaire,
où l’on n’approchoit qu’avec un refpett religieux.
Hanifa, heureux dans les fers, s’occupoit à méditer
l’alcoran, qu’il lut fept mille fois. Ce fut dans i’Yrak
que fa dottrine prit les plus grands accroiffemens ,
& elle eft aujourd’hui adoptée par tous les Turcs 8c
les Tartares. Ses décifions & fes maximes font fi
pures & fi judicieufes, que les fettes les plusamou-
reufes de leurs opinions ne les ont jamais frappées
d’anathêmes. Ce célébré dotteur mourut l’an cent
cinquante de l'hégire. { T - n .)
ABOUT, f. m. {Architecture navale. ) défigne le
bout que l’on ajoute à un bordage, ou à une piece
de charpente quelconque. On dit mettre un about.
{Mi le-Chevalier DE LA C oU D R A Y E .)
ABOUTER ou Abuter, v. n. {Architecture navale.)
Les charpentiers-conftrufteurs fe fervent de
ce terme pour dire, joindre exattement, & ne laiffer
aucune diftanee entre les bouts de deux pièces qui
doivent fe toucher. Les deux verbes s'emploient: le
premier veut dire, faire joindre les bouts ; & le fécond,
faire joindre le but. {M. le Chevalier d e l a
COUDRA YE.)
§ ABOUT1GE, Abut ich ouA boxjhibe}{Géog.)
petite ville d’Afrique, dans la haute E gypte, près du
Nil. C ’étoitautrefois Abyde ou Abydos, ville célébré
.dans l’antiquité. Voye^ Abyde , ville d’Egypte ,
Supplément. C’eft aux environs de cette ville que
croît la plus grande quantité de ces pavots noirs,
dont fe fait le meilleur opium qu’on nous apporte
.du Levant. Ce lieu eft peu fréquenté des étrangers *