Les difputes fur la religion ont excité de fréquentes
révolutions dans VAllemagne. C’ eft le fer
à la main qu’on y a prétendu décider les queftions
Idéologiques. La religion catholique eft profeffée
dans tous les pays de la domination Autrichienne ,
dans les états des électeurs &c des princes écclé-
fiaftiques, & dans le cercle de Bavière. Le luthéra-
nifme domine dans les cercles de la haute & baffe-
S ax e, de la "Weftphalie , de vla Franconie , de la
Souabe, & dans les villes impériales. Le calvinifme
eft fuivi dans les états de l’élefteur de Brandebourg
, du landgrave de Heffe-Caffel & de plulieurs
autres provinces. Les fureurs fioi-difant religieufes
font éteintes. Les Catholiques, en plaignant l’aveuglement
des Proteftans, vivent en paix avec eux ;
& quelquefois le même temple fert à des'cultes
différens.
Le corps germanique eft compofé de pièces de
rapport qui doivent en affoiblir la conftitution par
la difficulté d’en entretenir l’harmonie. Il feroit difficile
de décider quelle eft fa conftitution politique,
tant elle varie dans les différens étàts qui le com-
pofent. Ici la puiffance fouveraine eft héréditaire,
là elle eft éleûive. Dans certains états le pouvoir
du prince eft abfolù , dans d’autres il eft limité
par des capitulations & par la loi. Les villes,-libres
ont un fénat compofé des principaux citoyens, &
l ’éleûion en eft confiée aux. fénateurs mêmes. Le
gouvernement eft ariftocratique ; dans d’autres ce
font les tribus qui élifent les fénateurs qui peuvent
abfoudre ou flétrir de leurs cenfures. -C’eft
une véritable démocratie.
Le gouvernement ne peut y être regardé comme
ariftocratique. Un pareil gouvernement fuppofe un
fénat fixe & permanent, dont l’autorité fouveraine
délibéré fans oppofition fur tout ce qui concerne
la république -, & qui confie à des officiers fubal-
ternes & à des magiftrats l’exécution de fes ordres
& de fes délibérations. La chambre de Spire & le
confeil aulique, ne font qu’une image imparfaite de
ce fénat fouverain: ort n’y porte que les affaires par
appel ; ainfi ce tribunal refteroit fans fonction fi les
parties jugées étoient fatisfaites. du premier arrêt,
Les dietes ne doivent point être regardées comme
un fénat permanent & abfolu, quoique tout s’y décide
à la pluralité des voix. L’Angleterre & la Suede
ont leurs parlemens où les affaires font réglées par
les fuffrages des députés des provinces , fans que le
gouvernement prenne le nom à?ariftocratique. Les
biens de chaque fénateur, dans l’ariftocratie, dépendent
abfolùment des -loix & du fénat qui peut
en prendre une portion pourries befoins de l’état.
En Allemagne tous les états ënfemble n’ont point
de droit furies, biens.des.particuliers.
On a fouvent agité fi l’Allemagne pouvoit être mife
dans la claffe des monarchies. La queftion ne peut
fe décider qu’en en diftinguant de deux efpeces.
Dans les unes le monarque eft abfolu, & dans les
autres fon pouvoir eft limité par la loi. Il eft cer- >
tain que l’exercicé de la puiffance impériale eft réglé
par des capitulations , & que l’empereujr n’a pas*
plus de pouvoir fur les princes , qu’un canton Suiffe
n’en a fur les autres. Les titres faftueux dont il fe pare
font des fions fans id ée, des fantômes fans réalité.
Les états en lui prêtant ferment de fidélité fe réfervent
leur indépendance Scieurs privilèges. Quelques
iurifconfultes, ennemis de la puiffance impériale,
ont avancé que celui qui en étoit revêtu n’étoit
qu’un magiftrat chargé de titres pompeux & ftéri-
les , & que la fouveraineté réfidoit dans les états.
Il faut convenir que dans la capitulation que l’empereur
jure d’obferver, les éle rieurs lui preferivent
ce qu’il doit faire , & qu’ils fe réfervent le droit de
lui défobéir s’il viole fes engagemens, Gette çapitulation
prouve Amplement que fa puiffance n’eft
pas abfolue, & qu’il eft des cas où la défobéiffance
ne peut être regardée'-comme criminelle. • Le chef
de l’empire ne déroge point au droit de fouveraineté
lorfqu’il s'engage à obferver les loix fondamentales,
à demander le confeil des états dans les affaires publiques
, à ne point changer les légiflations, à n’introduire
aucune nouveauté dans le culte , à ne'faire
ni la paix ni la guerre fans le cohfentement de la
nation. C ’eft en conféquence de ces engagemens que
les états de l’empire promettent de confacrer leur
fortune & leurs vies pour la caufe commune.
La puiffance impériale eft beaucoup moins étendue
que dans les monarchies où la puiffance du
monarque eft reftreinte par la loi. Dans celles-ci
les premiers de l’état lui doivent compte de leurs
aftions, & il ne peut être cité à aucun tribunal* il
levé des tributs & des armées, & par la raifon
ou fous le prétexte du bien public , il peut fou-
mettre la fortune de fes -fujets à fes volontés pour
foutenir des guerres juftes ou d’ambition. L’empereur
d'Allemagne ne jouit point de ces privilèges. Ses
intérêts font abfolùment diftingués de ceux des états;
Les princes qui compofent le corps germanique ,
font des alliances avec les autres puiffances, fans
fa participation ; & lorfqu’ils fe croient lézés, ils
lui déclarent la guerre. Il y a encore une autre différence
dans ries prérogatives des empereurs & des
rois. Un monarque peut difpofer dés forces de l’état,
il eft général né de fies armées, il en dirige, à fon
gré , les opérations , il eft l’ame & l’efprit qui font
mouvoir tout le corps. L’empereur, quoique chef
d’une nation nombreitfe , n’a pas le même privilège ;
c’eft avec fes propres revenus qu’il foutient l’éclat
de fa dignité ; il n’y a point de tréfôr public ; les
états ne lui entretiennent point d’armées ; chaque
prince difpofe à fon gré de fies troupes & du revenu
de fa fouveraineté. Lorfqu’il eft preffé par dés
guerres, il eft obligé de mendier des fecours d’hommes
& d’argent qüe fouvènt on lui refufe ou qu’on
lui fournit avec épargne. Il eft une autre efpece de
fervitudé qui le met au-dëffous des rois. Une ancienne
coutume, confirmée par la bulle d’O r , aflùi
jettiflbit l’empereur dans.de certains cas à compa-
roitre devant le comte palatin pour rendre compte
de fes ariions. Les-trois élerieurs ecclëfiaftiquèS
citèrent Albert I. à ce tribunal, mais il étoit trop
puiffant pour obéir ; & au lieu de répondre il prit
les armes contre fes accufateurs ; c’eft le fieul exemple
que rhiftoire nousfourniffe de l’exercice de cette
lof.
Quelques écrivains Allemands ont prétendu que
leur gouvernement étoit populaire, & qu’eux feuls
jouiffoient du droit de citoyen , qui cOnfifte à être
admis dans les délibérations , & à donner fa voix
dans les affaires publiques. Il faut en conclure que
les états font les feuls citoyens q u i, tous en général
& en particulier , décident de l’adminiftration publique.
Là conftitution politique d’Allemagne , n’a
aucun trait de conformité avec les républiques populaires
dé l’ancienne Grece ; on eft forcé d’avouer
que ce gouvernement’ qui'.n’eft formé fur aucun
modèle, n’en fervira jamais à d’autres. C’eft un
corps mOnftrueux qu’on ne peut réformer fans le
détruire ; fes membres font trop inégaux pour eh
faire un tout régulier ; c’eft une confédération de
peuples libres , femblable à celle qui étoit entre
les Romains & les Latins. Les Allemands , fous
rieur empereur , reffemblent aux Grées, qui fe réunifient
fous-Agamemnon pour venger contre Troie,
l’injure de Ménelas.
On peut juger des forces de l’Allemagne, par le
nombre de fes villes, de fes bourgs & de fes villages,
où l’on voit par-tout briller l’induftrie commerçante.
Une
Une nbbleffe riche & magnifique y répand l’abondance
; les guerres dont elle a toujours été agitée ',
ont enlevé beaucoup de cultivateurs à la terre. Le
goût décidé des Allemands’ pour les arts méchani-
ques , les éloigne des travaux champêtres , & dès
qu ils font affez fortunes pour apprendre un métier,
ils quittent leurs villages , & fe retirent dans les
villes, dont la molleffe énerve leur vigueur naturelle
: on compte dans les dix cercles dix-neuf cens
cinquante-fept villes & bourgs, fans y comprendre
la Bohême , où l’on trouve deux cens deux villes ,
trois cens huit bourgs & trente mille trois cens fioi-
xante & trois villages. Quoique ¥ Allemagne s’étende
depuis le pays de Liege , jufqu’aux frontières de
la Pologne , & depuis le Holftein, jufqu’aux extrémités
de la Hongrie , il n’y a point de contrée qui
ne fourniffe des fubfiftanees fuffifantes à fes habifans.
L ’exportation de fes denréès excede l’importation.
C’eft l ’introduriion du luxe qui leur a fait un befoin
des vins de France & d’Efpagne, des draps étrangers
dont ils ont la matière première. Les bords du
Rhin font couverts de mûriers , qui donnent la
facilité de nourrir des vers à foie. Plulieurs villes,
fituees fur le Mein & la mer Baltique , favori-
fent les importations , dont les progrès font arrêtes
par des impofitions accablantes. C ’eft de-là que
plufieurs nations tirent le fer travaillé,. le plomb,
le v if argent, du bled, de la laine , des draps greffiers,
des ferges, des toiles de lin, des chevaux &
des moutons. La puiffance de ¥ Allemagne' eft toute
renfermee en elle-même ; elle n’a point, comme
les autres royaumes, des poffeflions dans des terres
étrangères , c’eft ce qui. donne des entraves à fon
commerce , & ce qui rend l’argent plus rare, cetre
difettes d’efpeces eft encore occafionnée par le goût
de la jeunefle allemande pour les voyages : ils vivent
pauvres chez eux pour figurer avec éclat chez l’étranger
, où ils perdent la fimplicité innocente de leurs
moeurs.^ Dans les autres royaumes , les capitales
engldutiffent tout l’or des provinces ; en Allemagne
il y a plus d’économie dans la diftribution des ri-
cheffes, & cette égalité qui lui donne moins d’éclat,
eft ce qui entretient fon embonpoint.
■ La puiffance d’un état eft relative à celle de fies
voifins ; ¥ Allemagne contiguë à la Turquie d’Europe,
a pour remparts, la Stirie , la Hongrie &ria Croatie.
Les Ottomans , êonfidérables par leur nombre , ne
font point des ennemis dangereux ; peu aguerris &
mal disciplines , ils n’ont que l’impétuofité de cou-
rage qui s’eteint à mefure qu’ils pénètrent dans les
pays froids. La ftérilité de la Servie & de la Bulgarie
, leur refufe des fubfiftanees néceffaires à de
nombreufes armées. Ils ont eu quelques fuccès dans
plufieurs guerres , on doit les attribuer au mépris
qu ils infpiroient : ¥ Allemagne ne leur a jamais op-
pofe que le quart de f e s forces, & c’étoit des troupes
de r e b u t mal payées & mal difeiplinées. La terreur
qu infpiroit le nom T u rc , étoit un effet de la politique
Autrichienne , qui exagéroit leurs forces pour
tirer de plus fortes contributions : la religion a encore
contribue à nourrir ce préjugé ; les prêtres
oc les moines ont tonné dans la tribune facrée,
pour armer l’Europe contre ces peuples infidèles.
L Allemagne n’a rien à redouter de l’Italie gouvernée
par différens princes qui ne peuvent porter la
guerre au dehors. La Pologne, lans ceffe déchirée
de fariions, ne figure plus parmi les puiffances de;
1 Europe. Elle n’a ni la force ni l’ambition de faire
es conquêtes. Le Danemarck, attentif à confer-
V k" c * P®^e®°ns, ne peut nuire à l’empire , &
a beloin de fon fecours contre la Suede. L’Angle-
terre , latisfaite d’être la dominatrice des mers,
nelt jaloufieque d’étendre fes poffeflions dans le
nouvd hemifphere. Les HoUandois, nés au milieu
Tome I,
des eaux , ont tourné leur ambition du côté de
1 Inde. La Suede, fous fies rois conquérans ; a enlevé
p ufieurs provinces d’Allemagne /mais cette puiffance
manque d’hommes & d’argent pour foutenir une
ongue guerre ; c eft un débordement qui fie diflîpe
dans les campagnes qu’il inonde. La France eftrie
teul état qui puiffe attaquer avec fuccès ¥ Allemagne.
Mais la nature a fixe fes bornes , & l'expérience
lui a appris quelle ne peut les franchir impunément;
' • r
Les avantages du corps germanique font com-
penles par beaucoup de maux politiques qui le con-
lument au dedans. Le défaut d’harmonie avec lé
S g iM M » eft le germe de fa langueur & de fon
depenffement. Il eft impoflîble dans le phyfique que
plufieurs parties réunies forment un fieul corps ; la
même impoflîbilité fe rencontre dans lès Corps politiques:
quand il y a plufieurs princes qui préfident
au deftin d’un état , on ne voit jamais plier leurs
forces fous une même volonté ; cette union parfaite
ne le trouve que dans les monarchies, ou dans les
republiques où’ le pouvoir fiuprême eft concentre
dans une feule-ville, comme dans Rome , Sparte,
Athènes & Venife : les jaloufies divifent & détrui-
lent les.gouvernemens compofés de plufieurs états
égaux en pouvoir. Il faut que le gouvernement foit
uniforme pour en affurer la profipérité. Ainfi le plus
grand vice du gouvernement de l’empire , eft de
n’être ni monarchique , ni puiffance fédérative ;
1 empereur eft fans ceffe attentif à étendre fes prérogatives,
& les autres princes veillent fans ceffe
pour les r.eftreindre. Les villes impériales devenues
riches par leur commerce , excitent la Cupidité des
princes indigens qui ne peuvent fe difiimuler que
c’eft la liberté qui fait germer les richeffes & 1m-
duftrie : la nobleffe fiere de fion origine , diftille
le mépris fur le peuple qui fie croit auflî refpe&able
qu elle par fon opulence. La jaloufie feme encore
la divifion entre les princes féculiers & les princes
'eccléfiaftiques ; les. premiers voient avec indigna-'
tion les miniftres de l’autel jouir du droit de pré-
féance, quoiqu’ils fôient bien inférieurs en naiffance
& qu’ils ne puiffent tranfmettre leur grandeur à leur
famille ; de leur côté les princes eccléfiaftiques fe
plaignent fans ceffe des féculiers qui ont ufurpé
une portion de leurs revenus ; enfin on voit partout
des Opprimés & des oppreffeurs.
Le prétexte de la religion fomente des haines
naturelles & divifie des coeurs qu’elle fie propofoit
d’unir ; le clergé catholique a été privé par les
princes proteftans de quelques-uns des domaines
qu’il poffédoit. Les prêtres dépouillés d’une partie
de leurs biens , ne font pas difpofés à en aimer
les raviffeurs ; le plus grand vice de ce gouvernement
eft le droit accordé à différens états de l’em-
pjre de faire des alliances avec leurs voifins ;
c’eft ouvrir une entrée aux étrangers ; c’eft rompre
l’union naturelle pour en faire une adoption
nouvelle ; c’eft confier au fort des armes la déci-
fion des querelles qui ne doivent être difeutées qu’au
tribunal des loix ; enfin fans ces vices de çonftitu-
tionj auxquels ¥ Allemagne eft attachée, elle pOurroit
fe flatter de donner des loix à l’Europe entière,
ou au moins la tenir dans de continuelles frayeurs*
(M - r . )
§ ALLER , M a r c h e r , C o u r i r , ( Marine.)
aller a la même lignification, en terme de marin,
que dans le cours ordinaire de la vie civile, & il
fignifie avancer, faire route. On dit : aller avec peu
de voiles ; aller en fondant', ou à la fonde ; aller le .
long de la côte, &c.
Marcher s’emploie loifiqii’on fiait comparaifon :
ainfi on dit: le Diadème marche mieux que le Défen-
feur ; nous marchons bien au plus près du vent. Ce
R r