Combles de louanges, & on a remarqué que lés
Grecs y étoient ordinairement fénfiblés. Cette inclination
eft peut-être ce qu’il y a de plus propre
à produire les grands hommes, quoiqu’elle puiffe
avoir aufli de très-fâCheufés fuites* Plutarque a dit
de Themiftocle ; que comme après la viéloire de
’ Salamine , il entendit Un jour que parmi la foule
qui l’envirortnoit, ceux dont il étoit connu le riion-
troient aux autres , eh difant, c e fl-là. ce grand. The-
miflocle , il cônfeflà qu’il fe trouvoit bien payé de
tous fes travaux. Horace, grand connoiffeur, dit
des Gréés, que hors lés louanges ils h’étôient avares
de riert : prêter Laudem nullius avati.
Cette ville fut gouvernée, premièrement par des
tois & enfuite par dés archontes. Voye\_A rchontes
, JD Ici. r a f des Sciences, &c. Outre ces ma-
giftra'ts , qui avoient chacun un département particulier
, il y avoit le corifeil de l’aréopage : voye^
cemot;éi un autre confeil compofé de 500 perfonnes,
où. l’on rapportoit toutes les affaires avant que de
les propofer à l’affemblée du peuple , en qui réfi-
doit la fouveraine autorité. Ce plan de gouvernement
étoit dû en partie à Solon, qui réforma ce
qu’il y avoit de défeélueux dans l’ancienne confti-
tution de l’état, & q ui, aux lôix trop fanguinaires
de Dracon , en fubftitua d’autres plus modérées.
Cette forme de gouvernement, à quelques change
mens près que l’on fut obligé d’y faire par la
diverfité destems & des conjonctures, s’eft confervéè
à Athènes pendant une longue fuite d’années, jufqu’à
ce que cette v ille , après avoir paffé par différentes
révolutions, éprouva le, fort des autres villes de
la Grece , & qu’elle fut foumife au pouvoir des
'Romains.
Pififlrate fut le premier qui porta atteinte à fa
lib erté, la première année de îa 57e. olympiade.
Cet homme , que l’ambition rendit injufte ,~avoit
d’ailleurs d’excellentes qualités. Dans l’ufage qu’il
"fît de fa puiffance, il montra du refpeft pour les
loix établies : détrôné deux fo is , il fut remonter
fur le: trône ; il s’y étoit placé par la rufe', il s’y
maintint par fon humanité. Il aimoit les lettres , il
paffé pour avoir fondé le premier une bibliothèque
publique à Athènes J il finit fes jours en paix, & il
put tranfmettré à fes enfans la fouveraineté qu’il
avoit ufurpée : ils ne la gardèrent que 18 ans, après
lefquels les Athéniens recouvrèrent leur liberté.
Cette république effuya auffi une crife violente p a t .
la guerre que lui fit Darius, fils d’Hyftafpe, roi de
Perfe. La victoire qu’ils eurent le bonheur de remporter
à Marathon, les tira de ce danger. Cette en-
îreprife de la part des Perfes, ne fut que comme
le prélude de celle de Xerxès, qui arma contre les
GreCs des troupes prefque innombrables par mer
& par terre. Athènes eut beaucoup à fouffrir dans
cette guerre. Ses habitans fe virent réduits à abandonner
la ville, à envoyer leurs femmes & leurs
•enfans àTrezene, & à embarquer fur leurs vaiffeàux
‘tout ce qu’il y avoit d’hommes capables de- porter
les’armes. L’armée de Xerxès s’empara de la ville
•dans peine : mais un petit nombre de braves citoyens
qui s’étoient retirés dans la citadelle, s’y défendirent
jufqu’à la mort. Xerxès s’en étant 'enfin rendu maître,
l a fit brûler avec la ville. La victoire des Grecs à
Salamine, obligea ce prince de quitter la Grece. Les
troupes qu’il y laiffa furent défaites. Les Athéniens
& les Lacédémoniens eurent le plus de part à ces
yi&oirés. Si elles-leur acquirent de l’honneur, cette
guerre leur coûta Beaucoup auffL
Les Athéniens coururent enfuite un grand danger
dans la guerre qu’ils furent obligés de foutenir contre
d’antres états de la Grece, en particulier contre les
Lacédémoniens, & qu’on nomma la guerre du Pélo-
pcfnefe. Periclès étoit à la tête des affaires, quand cette
funefte divifiôn s’éleva. La pelle , dans Ces trifteè
circonftances, détruifit aufli une infinité d’habitans.
La guerre que les Athéniens portèrent en Sicile par
les cortfeils d’Alcibiade, fut extrêmement ruineufe
pôur eux. Affoiblis par les pertes qu’ils y firent,
leur ville fut âffiégée & prife par Lyfandre, chef des
Lacédémoniens. Il y établit trente tyrans ; elle recouvra
pourtant fa liberté. Conon, un de fes citoyens
, en rétablit les murailles. Les Athéniens eurent
beaucoup à fouffrir des troubles que Philippe
& Alexandre excitèrent dans la Grece. Leur ville
fut encôre prife par Antipafer. Caffanare, autre général
d’Alexandre le Grand , s’en rendit enfuite
maître, & yyétablit pour gouverneur Démétrius dë
Phalete.; fous fon gouvernement ils jouirent d’une
parfaite tranquillité. Un autre Démétrius, c’eft celui
qu’on nomme Polyorcete, S’en rendit maître enfuitè
y rétablit le gouvernement démocratique. Peu
après, elle fe rebella contre lui, il s’en rendit maître
& lui pardonna. Elle tomba enfuite fous la puiffance
d’Antigonus' Gonates. Philippe de Macédoine voulut
la foumettre, mais il ne réuflit pas dans fon entre-
prife. Archelaüs, l’un dès généraux de Mythridate*
la prit : un citoyen d’Athènes, nommé Ariflion , à
qui Archelaiis avôit confié quelques troupes, s’empâta
de toute l’autorité , & exerça dans cette ville
une cruelle tyrannie. Elle fut enfuite afîiégée par
Sylla, & prife d’affaut après un long fîege très-'
cruel. | •
Dès-lofs la Grece fut en quelque forte dépendante
des Romains, fans être cependant tout-à-fait
privée de fa liberté. Athènes fubfifla encore long.-
tems avec éclat, non fur le pied de ville Ou de république
guefriere ,- filais comme ville fa van te &C
Comme le liege des beaux-arts. Les grands de Rome
y envoyoient leurs enfans pour achever leur éducation.
Cicéron y envoya fon fils pour étudier fous
Cratippe. Horace fe felicitoit d’y avoir féjourné,
adjécere bonté p'aulo plus drtis Athence. On fait que!
S. Bafîle & Grégoire de Nazianze y avoient fait leurs
études ; Cicéron lui-même voyagea dans la G rece ,
à Athènes & dans l’Afie Mineure, pour s’y perfectionner
dans l’art oratoire & dans l’éloquence, dont
il fut depuis un modèle qu’on pourroit dire parfait,
s’il y aVoit quelque çhofe d’abfolument parfait parmi
les hommes.
Enfin, apfès la' chuté de l’empire, Athenes\ devenue
la proie d’un peuple ennemi des fcienees, eff
tombée dans la barbarie. Elle fut prife par les Turcs'
en 1455, reprife par les Vénitiens en 1464 & en
1687 ; mais ils furent contraints de l’abandonner, Ôi
elle eft reliée aux Turcs. Tous ces accidens ont fi
fort diminué de fon ancienne fplendeur, qu’elle eff
devenue, pour ainfi dire, un fimple village. On
trouve cèpendant, foit au-dëdans, foit au-dehors,
plufieurs relies de fon ancienne magnificence qui
prouvent le dégré de perfeélion auquel l’Architecture
& la Sculpture avoient été portées dans cetté
ville. Elle a encore 6000 habitans dont les trois
quarts font des Chrétiens orientaux qui y Ont plufieurs
églifes & chapelles, avec un métropolitain
qui y fait fa réfidence. Les Turcs y ont cinq moff
quées, dont il y en a une qui étoit anciennement le
temple de Minerve, qu’on appelloit Parthénion.
Parmi les antiquités que l’on voit à Athènes,
celles du château font les mieux confervées. Ce
château eft fur. une colline , il renferme un temple
en marbre blanc & à colonnes de porphyre & marbre
noir, qu’on dit magnifique & fpacieux. On voit
au frontifpice des figures de cavaliers armés ; dans
le pourtour, d’autres figures moins grandes, des
bas-reliefs1, &c. au bas du château il relie dix-fept
colonnes.de marbre blanc, de trois cens qui for-
moient anciennement le palais de Théfée ( Vôyez
plaiicîi. Iyfig. 2. Planches eT Antiquités. Ruines d?Athènes,
dans ce Suppl.'). Ces colonnes ont dix-huit pieds
de tour au moins, & font hautes à proportion. On
lit fur une porte qui eft entière, au-dehors : cette
ville d)Athènes efl apurement la ville de Théfée ; & en-
dédans, cette ville £ Athènes efl la ville d'Adrien, 6*
non pas de Théfée. On voit encore le fanari où la
lanterne de Démofthene ( fig. 1. même planch. ) ; on
dit que c’eft-là où ce grand orateur s’enfermoit pour
étudier fon art : c’eft une petite tour de marbre environnée
de fix colonnes cannelées, & couvertes
d’un dôme au-deffus duquel il y a une lampe-à
trois becs en ornement d’architeélure. La frilè eft
chargée d’un bas-relief, où l’on diftingue quatorze
grouppes de deux figures chacun ; ce font des Grecs
qui combattent ou qui facrifient. Il y a encore quelques
ruines de l ’Aréopage, du Prytanée, d’un temple
de la Victoire , l’arfenal de Lycurgue, un temple
de Minerve dont nous avons fait mention plus haut,
la tour des vents dont Vitruve a parlé , les débris
d’un temple bâti fur le mont Larium(fig. x .pl. II.') ;
le monument de Philopappus (fig. / . ) ; . celui de
Trafyllus (fig. 3 .) ; quelques colonnes du Propylée
(fig. 4. ) , & quelques autresmonumens. Ces morceaux
refpirent encore unaiç.de grandeur; & du
milieu de ces décombres s’élevé une voix éclatante
qui célébré à la fois la g loireaes héros &c celle des
artiftes de la Grece.
Les deux rivières de l’Iliffe & de l’Eridan qui ar-
rofent la plaine fur laquelle Athènes eft fituée, font
peu confidérables aujourd’hui, parce que la première
a été partagée en plufieurs canaux pour arrofer les
plantations d’oliviers, tellement qu’elle fe réduit à la
fin prefqu’à rien ; la derniere fe perd tout-à-fait,
parce qu’on la Conduit fur les champs.
Nous ne pouvons terminer cet article fans parler
des grands hommes que cette ville a produits, non
pour faire l’hiftoire de leur vie que nous donnerons
dans fon lieu, mais pour nous borner uniquement
à une indication même fortincomplette de ceux
qui y ont figuré le plus avantageufement. Pififlrate qui
s’empara ldu gouvernement d’Athènes, quoiqu’en
cela il fe rendît coupable d’injuftice , fut à certains
égards un grand homme, l’ambition l’aveugla, fon
bon-naturel l’empêcha d’abufer de fon pouvoir. Mil-
tiades & Themiftocle furent tout à la fois de grands
capitaines & de grands hommes d’état. Ariftide brilla
par fa droiture , par fon amour pour fa patrie, &
montra autant de courage que tout autre pour fa dé-
fenfe. Après eux, Cimonle diftingua d’une maniéré
tout-à-fait glorieufe. Periclès lut par la perfuafion
fe rendre en quelque forte maître de la république :
il n’a laiffé aucun écrit qui témoigne fes talens;
mais fes a étions rendent très-croyable tout ce qui
s’eft dit de fon éloquence. Conon s’eft rendu célébré
par fon amour pour la patrie. Démofthene paffe
pour un modèle achevé dans l’art oratoire. Alcibiade
a réuni tous les talens, la nature lui avoit, pour ainfi
dire, prodigué tous fes dons, & l’on peut dire de lui
qu’il n’eut point d’égal, foit dans le vice, foit dans
la vertu : on auroit dû nommer avant lui Socrate ,
qui fe donna beaucoup de foin à lui former l’efprit
& le coeur. Platon a rendu, pour ainfi dire, fon nom
immortel. Thucydide , Xenophon entre les hifto-
riens , Euripide, Sophocle , Ariftophane , Efchile
parmi les poètes, fe firent une grande réputation.
Nous en ajouterions bien d’autres, li nous ne defti-
nions pas un article lèparé dans ce Diélionnaire à
tous les grands hommes qu'Athènes a produits.
Nous allons finir par tracer le caraélere de ce
peuple. Toute fon hiftoire montre qu’il avoit du
génie, des talens, & même des talens lùpérieurs. Il
y avoit parmi les Athéniens beaucoup de lumière
&c de goût, ils jugeoient bien des ouvrages d’efprit.
L’influence que les orateurs avoient dans les affaires
de la république, montre combien ce peuple étoit
admirateur de l’éloquence ; ils recherchoient là pureté^
du langage avec un foin infini; le peuple même
avoit une extrême délicateffe à cet égard ; l’aventure
de Theophrafte, fi fouvent rapportée, en eft
.une bonne preuve. Ils entendoient les intérêts de
leur republique ; le peuple même y étoit beaucoup
moins ignorant que chez d’autres nations. Ceci ne
doit pas furprendre : on voit quelque chofe de pareil
dans la plupart des états démocratiques. Naturellement
bons ôc humains, la bienfaifance des Athé*
niens s’étendoit jufqu’aux bêtes même: la fondation
qu’ils firent pour un mulet qui avoit beaucoup travaillé
à des ouvrages publics, en eft une marque»
D’un autre côté, légers, inconftans, ils oublièrent
plus d’une fois les,bienfaits qu’ils avoient reçus, &£
payèrent d’ingratitude ceux qui les avoient le mieux
lervis. Ceci peut à un certain point s’exeufer par
leur amour pour la liberté ; ils en étoient jaloux à
un tel point qu’un fimple foupçon les faifoit agir
comme li la faute étoit avérée. L’oftrâcifme pratiqué
contre les plus dignes citoyens (yqyeç Qstr A Cis ivîÈ.),
eft un exemple de ce que l’on yient de dire. Les
Athéniens aimoient le plaifir, mais l’amour du plaifir
.cédoiî toujours à l’amour de la patrie qu’ils défendirent
en plufieurs occafions avec la plus grande valeur. D e
fi grandes qualités & de fi grands défauts ne fe rencontrent
guère que dans des pays de liberté. (T . Z\ G.)
Athènes,(Hifloire ancienne.) l’Attique autrefois
appellée Ionie, étoit bornée à l’orient par la mer
Egée, au midi par le golfe Saronique , à l’occident
par la Mégaride , & au nord par la Béotie. Athènes,
capitale de cette contrée, n’occupoit dans fon origine
que l’efpace oîi la citadelle fut depuis conf-
truite ; mais lorfqu’elle devint l’école des nations,
.elle prit tant d’accroiffement, que fon circuit étoit
de cent foixante-dix-huit ftades. On lui donna d’abord
le nom de Cecropienne, de Cecrops qui fut fon
fondateur ; & ce ne fut que fous le régné d’Am*
phitrion, qu’elle prit le nom àéAthènes. Quelque-"
fois on la diftinguoit fimplement par le nom de
ville, titre de diftinâion , qui fut donné à Troye ,
à Alexandrie d’Egypte & à Rome. Quelques-uns
prétendent qu’elle eut Ogiges pour fondateur. Mais
les jnarbres d’Arundel & Eufebe ne datent la
chronologie d'Athènes, que de Cecrops qui en eft
regardé comme le premier roi. Il eut feize fuccef-
feurs au trône , dont les plus célébrés furent Erectée
& Thefée. Le premier immortalifa fon régné par
la découverte de l’agriculture qu’il introduifit dans
l’Attique ; l’autre raffembla , dans l’enceinte de la
ville, les hommes épars dans différentes bourgades;
il divifa le peuple en trois claffes, comme en Egypte,
en nobles, en laboureurs & en artifans. Tous les
autres rois n’ont fauve de l’oubli que leur nom ,
excepté Codrus qui fe .dévoua pour le falut de la
patrie. Les guerres allumées par fes enfans, pour
fe difputer le trône qu’il laiffoit vacant, dégoûtèrent
le peuple du gouvernement des rois, qui n’a-
Voient eu que le phantôme du pouvoir, dont fe
corps de la nation s’étoit réfervé la réalité.
Après l’abolition de la royauté, oh établit des
archontes perpétuels, quin’avoient qu’une autorité
limitée par la loi dont ils étoient les dépofuaires
& les miniftres. On craignit que la perpétuité de
leur pouvoir ne leur infpirât l’ambition d’en abufer.
Le peuple qui s’étoit réfervé la puiffance légiflative,
fixa leur nombre à neuf, & réduifit leur, exercice
.à pareil nombre d’années , ne voulant laiffer aucune
trace de la royauté , dont la perpétuité de
pouvoir offroit une image odieufe ; & dans la fuite,
les archontes furent annuels, parce que les Athéniens
transféroient, à regret, à des magiftrats une