de la nature de l ’eau. Les eaux glaifeufes font particuliérement
fufceptibles de gelee.
io ° . Les eauxlimonneufes font quelquefois très-
bonnes 8c d’autres fois très-mauvaifes ; ce qui dépend
des fubflances qu’elles ont entraînées, ou de
la nature des terres qu’elles doivent abreuver. Un
limon vifqueux ne nuit pas aux terres fablonngufes,
mais il augmente la ténacité des terres argilleufes.
Je paffe fous filence les eaux d’égoûts, de fumier,
•de grands chemins, de rue, de végétaux diffous Sc
d’immondices ; leur excellence pour l’arrofement ne
fera jamais conteflée.
Celles qui charient des matières homogènes aux
terres qu’elles doivent arrofer, réuffilfent rarement
fur ces terres-là ; mais celles qui charient des matières
hétérogènes ou différentes, font un effet merveilleux
: les eaux troublées par des parties argilleufes,
donnent à un pré dont le fol efl fablonneux,
une eonfîftance qui favorife fa fertilité ; 8c celles
qui Sortent des parties calcaires, ou du fable fur les
terres argilleufes, les raniment & les fendent plus
meubles.
Les eaux qui découlent immédiatement des montagnes,
à la fonte des neiges , font toujours limon-
neufes, mais très-froides, 8c conflamment mauvai-
fes fur les prés qui commencent à pouffer. Ceux
qui habitent au pied des montagnes ne manquent
jamais de les détourner de leurs prairies. On a encore
obfervé que les eaux des torrens qui découlent
des montagnes, font quelquefois merveilleufes pour
les prés au commencement de la crue; mais elles
deviennent peu à peu très-mauvaifes, fur-tout en été;
Les eaux qu’on a dans fon domaine , ou qu’on
peut fe procurer fans frais confidérables, quoique
d’une médiocre qualité, ne doivent pas être négligées.
Elles peuvent fervir à abreuver les prés en les
employant avec précaution , ou après avoir été
corrigées'.
Les eaux vifqueufes font un affez bon effet fur les
terres légères : celles de tu f peuvent encore leur être
utiles. Les eaux marécageufes, après qu’on leur a
donné du cours,- les eaux trop chaudes ou trop
froides, en les employant dans les tems qu’elles ont
une température proportionnée à celle du terrein ,
peuvent devenir utiles. Mais on comprend aifément
que la diflribution des eaux vicieufes ou médiocres,
exige plus de foin 8c d’exaftitude que l’économie
des bonnes eaux.
On purge 8c on garantit l’eau des parties antivégétatives
, par l’atténuation, la précipitation, l’évaporation
, l’enveloppement, les influences de l’air
ou la température convenable.
i ° . On empêche les eaux de contra&er de mau-
vaifes qualités, en changeant leur cours, en les détournant
des terres vifqueufes , topheufes, marécageufes
, ferrugineufes & vitrioliques, & en formant
au fond des tranchées ou des aqueducs, un lit
de gravier.
2°. Le mélange d’une eau bonne avec des eaux
de qualité inférieure , efl un moyen qu’on doit
mettre en ufage toutes les fois que la bonne n’efl
pas en quantité fuffifante , & que la mauvaife n’eft
pas affez abondante pour noyer la bonne. Faites
paffer vos eaux vifqueufes, ferrugineufes dans l’é-
goût de fumier, vous les rendrez excellentes. Réunifiez
vos fources de différentes qualités ; leur réunion
rend les eaux propres à fervir par-tout oii elles
font néceffaires. Cependant, fi elles font de différente
qualité, il faut pouvoir les féparer dans le
béfoin. Il y a telle faifon où les eaux médiocres
doivent être détournées, lorfque celles de la première
qualité manquent pour les corriger.
3°. On corrige les eaux par le moyen des étangs.
Si l’eau efl trop froide , on laiffe féjourner l’eau
dans un étang expofé au midi. On augmente encore
plus efficacement fa chaleur par le moyen de la
chaux, du fumier de cheval, nouvellement tiré de
l’écurie, 8c que l’on jette dans l’étang. Si l’eau efl
chargée de^ tuf , on la. fait paffer dans des étangs,
qu’on a foin de nettoyer du tu f qui s’attache au
fond & fur les bords, 8c l’on jette du fumier dans le
dernier.
4°. Toutes les eaux mauvaifes peuvent être corrigées
par le moyen de quelque rouage, ou en les
faifant jaillir en forme de jet d’eau. On atténue ainfi
fon tuf, on diffout fes glaires, on liquéfie fes glaces,
on l’expofe aux influences de l’a ir , 8c on lui donne
de l’aélivité.
Plus l’eau efl battue, plus elle acquiert les qualités
requifes.
Si l’eau qui peche par un excès de froid, coule
dans un lit profond, couvert & ombragé, il faut,
s’il efl poflible, donner du jour au canal 8c l ’expofer
au foleil.
Si l’eau étoit trop chaude, on pourroit quelquefois
la faire paffer dans un canal moins expofé à
l’ardeur du foleil, où planter fur l’un des bords de
la conduite, une ligne de faules, d’aulnes, de peupliers,
8cc. fuivant le terrein 8c le climat.
Pour corriger les eaux, on peut encore employer
la filtration. Il n’efl pas douteux que f i, imitant la
nature, on faifoit paffer les eaux vifqueufes, fatiguées,
crues, froides, marécageufes, pétrifiantes,
peut-être même les eaux ferrugineufes 8c vitrioliques,
au travers d’un banc faâice de fable, on ne leur
enlevât en tout ou en partie leurs qualités nuifibles..
Il paroît que la dépenfe ne doit pas rebuter , fi
l’on a déjà ces eaux , fi elles-font à portée, 8c que
la prairie foit un peu confidérable. Je regarde même
ce moyen comme très-propre à donner de la falu-
brité aux eaux de boiffon , qui ont naturellement
quelque vice effentiel.
On indique une feçonde efpece de filtration, qui
efl très-propre à corriger les eaux de tu f & les eaux
vifquèules. Il faut les faire paffer au travers de placeurs
branches vertes de lapin, munies de leurs
feuilles oir piquans. On les emploie de deux maniérés
: quelquefois on fe contente d’en Yemplir un
étang, en les ferrant fortement contre l’iffue ; d’autres
fois on en forme deux haies treffées, dont l’une
tapiffe l’intérieur de l’étang du côté de l’iffue, 8c
l’autre efl placée en dehors: les parties vifqueufes,
topheufes, &c. s’attachent à cés branches, que l’on
change dès que les piquans font tombés. L’expérience
a appris que le poiffon, qui ne peut vivre
dans les eaux vifqueufes, &c. s’y plaît affez après
qu’elles ont paffé au travers de ces claies ou fafeines,
qui retiennent une partie des corps hétérogènes qui
les rendoient mauvaifes.
Pour conduire des eaux fur une prairie , il faut
commencer par niveller le terrein , pouf voir s’il
y a de la pente, 8c fi elle efl fuffifantè. On ne doit
point s’en rapporter à fes yeux. J’ai vu très-fo’uvent
des fources amenées fur des lieux, o ù , à la vue
fimple, on jugeoit la chofe abfolument impoflible.
Vitruve exigeoit fix pouces par cent pieds ; c’efl
beaucoup trop. Les- modernes , qui ont fait fur cé
fujet les expériences lès plus éxaéles, fe contentent
de deux pouces par cent toifes, lorfqu’ils n’en peuvent
pas avoir davantage ; mais ils recommandent
d’adoucir les coudes & d’unir le fond des conduites ;
la pente doit croître en raifon dire été des frotte-
mens. C ’efl à-peu-près la pente de l’aqueduc de
Belidor-Roquancourt, qui amene l’eau à Verfailles.
Il n’y a que trois pieds de pente fur une longueur de
dix-fept cents toifes. Celui d’Arceuil a trois pouces
fur cent toifes.
Puifque les ouvriers ont plus de facilité à amener
unç
I
une tranchée de niveau, il convient de les faire
toujours travailler de cette maniéré, & de faire, de
diflanee en diflanee, un gradin.
On garnira de glaife bien pétrie, ou l’on pavera
les conduites dans la plaine, fi le fol n’efl ni d’argille
ni de terre franche. On les payera toujours dans les
endroits où la pente efl rapide. Si les pentes 8c
contre - pentes obligent d’approfondir Ig -conduite,
on a befoin de pierrées -, ouvrage qui demande
beaucoup de précaution. D’abord le fond doit être
fur glaife ou fur terre franche, ou glaifé bien battu
& bien pétri.
Les pieds-droits, ou pierres de cô té, feront bien
nffurés 8c folidement pofés.
Les dalles ou pierres plates qui doivent fervir
de couverture , repôferont fermement fur leurs
pieds droits avec environ trois pouces de portée. On
aura foin de boucher tous les vuides 8c les interflices
avec des éclats de pierre ou de cailloux.
Sur les dalles on étendra une couche épaiffe de
moufle, de foin groflier de marais , ou de paille ,
pour empêcher qu’en recomblant la fouille , il ne
tombe dans la conduite aucun corps qui puiffe y
caufer des engorgemens.
Dans les lieux où le terrein manque, on pourra
employer des gouttières ou chenaux de bois creux,
pofés fur des chevalets de pierre ou de bois.
On .peut fort bien fe difpenfer de couvrir le canal
lorfqu’il efl peu profond , 8c qu’il coule rez-terre au
travers d'un terrein folide : mais fi le ruiffeau étoit dominé
par une terre mouvante^ graveleufe, friable, il
feroit bientôt rempli 8c obftrué, s’il refloit découvert.
Enfin, il efl abfolument néceffaire de ménager un
fentier ou une banquette le long de la conduite,
lorfqu’elle côtoie une colline efearpée, afin de pouvoir
la vifiter facilement, 8c obvier à propos aux
accideris. Si la tranchée efl profonde 8c couverte,
on établira, d’intervalles en intervalles, des foupi-
raux, afin de découvrir plus aifément l’endroit où
il pourroit furvènir quelque obflruâion.
Si l’on efl obligé de profiter de la pente pour
forcer l’eau à -remonter, on a befoin de canaux,
qu’on fait ordinairement de fapin ou de p in , 8c
quelquefois de chêne.: on les joint enfemble avec
des viroles de fer tranchantes , de trois à quatre
pouces de diamètre 8c autant de hauteur. On pofe
ime,virole, entre deux tuyaux, au milieu, bout à
bout ; à l’autre extrémité on frappe à grands coups
de maillets, jufqu’à ce que la virole entrant en
même tems dans l’un 8c dans l’autre bout, les tuyaux
fe touchent.
Une prairie, fituée fur les bords d’un ruiffeau ou
d’une riviere, pourroit quelquefois être arrofée, en
ménageant, dans les endroits commodes, des éclufes
qu’on ouvriroit ou qu’on fermeroit dans le befoin.
J’en dis autant d’une prairie placée dans une vallée,
dont le fond efl occupé par un ruiffeau ou une riviere
qui ferpente. A l’aide d’une éclufe, & de canaux
placés de proche en proche aux points les plus élev
é s , on peut arrofer toute la colline avec le même
ruiffeau.
Si l’on manque de pente pour prendre l’eau à
■ l’entrée de la prairie, il faut examiner s’il n’y a pas
moyen d’en gagner, en faifant prendre le canal de
conduite plus haut. T e l ruiffeau qui fe perd 8c qui
n’efl: d’aucune utilité', pourroit fouvent, avec quelque
induflrie, fournir des arrofemens capables de
fertilifer une vafle prairie. C’efl ici où l’agriculteur
a principalement befoin de faire un nivellement
exaft 8c précis.
Il efl prefque inutile d’obferver qu e , pour jetter
l’éau dans le canal, on barre le ruiffeau ou la riviere,
& qu’on en fait monter les eaux par un arrêt ou
gradin, une digue, une chauffée plus ou moins con-
Tome I.
fidérabîe, fuivant la pente 8c la quantité d’eau qu’on
veut fe procurer.
Si la riviere, ou lé ruiffeau, a affez d’eau, ou de
Courant, on p e u t , par quelque machine fimple,
peu couteufe 8c dç petit entretien, en amener l’eau
fur la prairie qu’on fe propofe à!abreuver. Celle dont
le Pere de Châles donne la defeription dans fon Traite
des machines hydr. prop. X V . oper. tom. 1II. fol. i f y ,
efl tres-fimple, 8c ne confifle qu’en une feule roue
mile en mouvement par le courant même de la
riviere : elle a été exécutée à’ Breme, où , fuivant
cet auteur, elle fournit quarante-huit muids d’eau à
chaque tour, ce qui donne dans la ville une quantité
d’eau très-confiderable. Mais comme, dans le fond
ce n’efl que le tïmpan de Vitruve, elle ne'fait monter
l’eau qu’à la hauteur de l’axe:
Si l’on avoit befoin d’une hauteur plus confidérable
, on pourroit eonffruire une roue à godets,
ou plutôt à féaux mobiles. Enfin , on pourroit fe
procurer quelquefois une grande quantité d’eau par
le moyen du vent.
Avant que d’introduire les eaux fur la prairie, il
faut la préparer à les recevoir.
i° . La prairie fera tenue bien clofe.
i ° . Elle doit être en défenfe, 8c non affujettie au
parcours. Les prés abreuvés fouffrent extrêmement
des pieds 8c de la dent des befliaux.
3°. Elle fera nette de buiffons , de troncs d’arbres
8c de pierres.
4°. Il faut, autant qu’on p eu t, égalifer le terrein.
■ , 5°. Les endroits fangeux, pourris 8c fpongieux ,
feront foigneufement égouttes par des faignées, 8c
defféchés par des décombres de vieux bâtimens ,
par des cendres ou des graviers. Les faignées fe*
font de différentes maniérés, fuivant le befoin 8c les
facilités qu’on peut avoir.
Quelquefois il fuffit de creufer au milieu de l’ef-
paee marécageux, un foffé qu’on laiffe ouvert. Si on
peut lui donner de l’écoulement par la pente du
terrein, il faudra en profiter ; finon on lui en donnera
par ‘l’approfondiffement 8c les graduations
qu’on y ménage.
Nous avons parlé ci-deffus des aqueducs ou conduites
couvertes 8c de leur formation ; ce font les
pierrées.
Quelquefois on fait une tranchée , qu’on remplit à
moitié de cailloux jettés à l’aventure 8c fans arrangement
, ou de' fable ou de gravier; on les couvre
enfuite de moufle, de terre.8c de gazon.
En d’autres endroits, on emploie des chenaux ren-
verfés au fond du foffé, 8c pofés fur de petites tra-
verfes de bois de diflanee en diflanee. On peut
aufli fe' fervir de prifmes faits de deux planches
réunies dans leur longueur, pour former un anrie
aigu au fommet. Ils font tenus en réglé par des tra-
verfes de bois, 8c repofent au fond de la tranchée.
On emploie, en certains cas , des quadrilatères
faits de trois planches, 8c pofés comme les prifmes.
D ’autres, après avoir fait la tranchée large 8c
profonde, la rempliffent à moitié de branches vertes
de faule, d’aulne, 8cc. mais fans feuilles, ou de
branches de fapin avec leurs piquans, arrangées 8c
poféesdans leur longueur. On remplit le refie de
terre, fans autre précaution que de gazonner par
deffus.
Enfin, on fait des faignées très-durables de cette
maniéré : on creufe un foffé d’un pied de largeur,
8c de la profondeur convenable. S’étant procuré
des pieux de deux ou trois pouces de diamètre 8c
de trois pieds, ou trois pieds 8c demi de longueur,
on les enfonce à quatre ou cinq pieds de diflanee
dans le foffé, en dirigeant leur pointe dans un des
.angles du fond du foffé, pendant que l’autre bout
effleurera le haut du côté oppofé. Vis-à-vis de ce