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 g-rands  outrages..Les  parens de  ceux  qu’il avoit fa-  
 trifiés à fes vengeances, le traînèrent avec ignominie  
 dans  les  places  publiques;  ils  lui firent  couper  les  
 mains  qu'ils  envoyèrent  à  Agathocle  en  Afrique.  
 Lorfque  cette offrande  lui  fut préfentée, il  s’appro-  •  
 •cha de  Carthage pour la  faire voir aux habitans qui,  
 à  l’exemple  des  foldats, fe profternerent devant  la  
 tête  de leur  fuffete. ( T—N. ) 
 Amilcar , furnommé  B a r c  A ,  donna  naiffance  
 à cette faffion fi fameufe  fous le nom de Barcine. Sa  
 famille,  confidérée par fes richeffes &  fes fervices,  
 étoit encore refpe&ée par la nobléffe de fon origine,  
 puifqu’il defcendoit des anciens rois  de T y r .  Il etoit  
 jeune encore quand il  fut  élevé  au  commandement  
 de  l’armée de Sicile ; &   dans fes premiers effais ,  il  
 fit voir qu’il n’avoit pas befoin du fecours de 1 expe- _  
 riencë.  Sévere par fyftême,  il  rétablit la difcipline  
 militaire, &  apprit au foldat à obéir avant de  tenter  
 la fortune  d’un  combat;  il eut la  patience d’étudier  
 le car a ft ère  des généraux qui lui étoient oppofés.  Il  
 fatigua fes troupes par des  marches &   contre-marches  
 qui  n’avoient  d’autre  but  que  de  les familia-  
 rifer avec les exercices  de la guerre.  La prife d’Erix  
 donna  un  grand  éclat à fes  .armes,, &   il  eût  pour-  
 fuivi  plus  loin  fes  avantages, fi  le conful Luftatius  
 n’eût difperfé près  des îles Egates  la flotte de l’amiral  
 de Carthage  qui devoit  favorifer fes  operations.  
 Les romains  maîtres de la mer, lui  coupèrent  toute  
 communication  avec  l’Afrique.  Ce  revers  le  mit  
 dans  l’impuiffance de faire  la guerre avec gloire ;  il  
 fentit  la  néceflité de faire  la paix , &   il  la demanda  
 comme un général  qui ne craignoit point de faire  la  
 guerre. Les Romains fiers  de leurs vi&oires, exigèrent  
 que l’armée  Carthaginoife leur remît fes armes.  
 Amilcar répondit:  Je me Soumettrai plutôt aux  tour-  
 mens & à La  mort,  que  de rendre  aux  ennemis  de ma  
 patrie ces  mêmes  armes qiielle  ma  confiées pour la défendre. 
 Les deux partis  également  épuifés par la guerre,  
 conclurent une  paix  qui fut humiliante pour les Carthaginois. 
  Amilcar forcé d’y foufcrire, en conçut une  
 haine implacable  contre  les Romains.  Carthage  dé-  
 barraffée de  cette guerre,  en eut une plus  cruelle  à  
 foutenir  contre fon armée  de  Sicile qui étoit paffée  
 en  Afrique.  Le tréfor  public étant  ëpuifé  ,  ne-.pou-  
 voit  fatisfaire  à  l’avarice  des mercenaires  qui,  en  
 exagérant  leurs  fervices,  en  exigeoient  le  falaire.  
 Carthage marchanda avec eux comme s’il  fe  fut  agi  
 d’une denrée dé commerce. Ils demandèrent Amilcar  
 pour arbitre  , &  voyant  qu’on  négligeoit  de les fatisfaire  
 , ils fe raffemblerent au nombre de  dix  mille  
 hommes, tant  Liguriens que Gaulois Illiriens.  Carthage  
 leur oppofe Hannon qui fut vaincre fans  favoir  
 profiter de la viûoire. Son incapacité détermina à lui  
 fubftituer Amilcar  qui, quoique inférieur en forcé,  
 livra deux combats où  il eut  toujours l’avantage.  Il  
 u fa  avec modération de la vi&oire : tous les  prifon-  
 niérs eurent l’alternative de fe  retirer dans  leur patrie  
 ou  de  fervir dans fes troupes. Cette  clémence  
 rendit les rebelles  plus féroces : ils  crurent qu’on ne  
 les ménageoit que  parce  qu’ils étoient  redoutables.  
 Gifcon qui avoit été  leur ami &  leur bienfaiteur,  fe  
 trouvoit alors  dans  leur  camp  pour  tâcher  de  les  
 ramener à leur devoir ;  ils  lui coupèrent les mains,  
 le battirent  de  verges  &   l’enfevelirent  tout  vivant  
 dans une fofle : tous les autres  prifonniers furent lapidés; 
  tous  les  Carthaginois  qui  tombèrent  entre  
 leurs mains , expirèrent  dans les tourmens. Amilcar  
 crut devoir  ufer  de  repréfailles ,  il  abandonna tous  
 fes prifonniers  à  la  voracité  des bêtes féroces.  Les.  
 faâions  qui  divifoient  la  république,  s’oppoferent  
 au  fuccès de fes  opérations.  Hannon  lui  fut affocié  
 dans le commandement. Il y  avoit  trop d’oppofition  
 dans leur cara&ere, pour qu’il  y   eût de  l’unanimité 
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 dans leurs opérations.  Le Sénat  en  prévint les fuites  
 funeftes,  en  déférant aux foldats  le droit de mettre  
 à  leur  tête  celui  qu’ils  jugeroient  en  être  le  plus'  
 digne :  tous  les  fuffrages  fe  réunirent  fur  Amilcar.  
 Cinquante mille rebelles  dominoient  dans  les campagnes  
 , &  fiers  de leur fupériorité,  ils  cherchoient  
 î’occafion  de livrer bataille. Amilcar les affoiblit  par  
 des efcarmouches multipliées,  &  fécond en rufes  il  
 les  enferma  dans un défilé  où  il leur étoit aufli dangereux  
 de  combattre  que  de  faire  leur  retraite.  Ils  
 fe retranchent dans  leur camp où  la  famine  meurtrière  
 les réduit à  manger  leurs  prifonniers &   leurs  
 efclaves.  Spendius,  avec  deux autres  chefs  de  rebelles  
 , muni d’un fauf-conduit, fe rend dans la tente  
 d'Amilcar qui leur accorde la paix  à  condition  qu’ils  
 mettroient bas les armes, &  qu’ils feroient renvoyés  
 avec un feul habit.  Leurs compagnons impatiens  de  
 leur  retour, fe crurent trahis. Ils prennent  les armes  
 fous les ordres de Mathos,  &  livrent un combat où  
 quarante, mille  rebelles  furent  écrafés  par  les  élé-  
 phans. Mathos fe retire dans Tunis,  où il  eft bientôt  
 afliégé : il fait plufieurs forties où il déploie  un courage  
 qui  lui  eft infpiré  par  le défefpoir.  Séduit  par  
 fes  premiers  fuccès,  il  engage  une  aâion  générale  
 où  il  fut mal  fécondé  par les  mercénaires. Mathos  
 fut pris &  conduit à Carthage , où  il fubit la mort la  
 plus  cruelle.  Les  atrocités  où  s’abandonnèrent  les  
 deux  partis,  firent  donner  à  cette  guerre  le nom  
 d’inexpiable. 
 Amilcar, après avoir éteint le feu de ces difcordes  
 civiles,  punit ceux qui avoient favorifé les rebelles*  
 Les Numides &   plufieurs autres pays de  l’Afrique,  
 furent fournis. Il  fe rendit  enfuite en Efpagne,  où il  
 fignala  fon arrivée par la conquête  de Tarté , &   par  
 des  viftoires  fur  les  Celtes &  les Ibériens, dont  la  
 principale  nobleffe  périt  les  armes  à  la  main.  Les  
 peuples les  plus  belliqueux furent  obligés  de  plier  
 fous le joug de Carthage.  La  rapidité  de  fes  fuccès  
 étendit  les  voeux  de fon ambition ;  il  forma le  def-  
 fein d’aller attaquer les Romains dans le fein de l’Italie  
 :  mais  ne  voulant  pas  laiffer  d’ennemis  en  E fpagne, 
  il marcha contre les Ve&ones qui lui reftoient  
 à fubjuguer.  Il fut trahi par Orifon,  prince  du pays  
 q ui, fous pretexte  d’amitié, envoya une armée qui  
 fe déclara contre lui. Amilcar n’eut d’autre reffource  
 que  la fuite  ,  &c en pàffant une riviere, il eut le malheur  
 de fe noyer. Ce grand  général étendit les limites  
 de  la domination Carthaginoife. 11  eut la facilité  
 d’amafferde  grands  tréfors;  mais  au lieu  de  fe  les  
 approprier,  il  verfa  dans  le-tréfor  public  tout  ce  
 qu’il ne  diftribua  point  à  fes foldats. Son plus beau  
 titre  de gloire  eft d’avoir été le pere du fameux An-  
 nibal qui fut l’héritier  dé  fes talens  &   de fon  aver-  
 fion invincible contre les Romains. (T— n .) 
 AMIN , ( Hifi. des  Califes. ) fils  d’Aaron R.ashid ,   
 fut  proclamé  par  les  habitans  de  Bagdat,  le  jour  
 même  que l’on reçut  la nouvelle de  la mort de fon  
 pere. L’armée  qui  étoit  à  Thus  lui  avoit déféré  le  
 même  titré  quinze  jours  auparavant.  Héritier des  
 états de  fon pere, il n’eut ni fes talens, ni fes vertus ;  
 &  livré tout  entier aux excès  de la table &   du je u ,  
 il  s’abrutit  dans la  débauche,  &   fe  déchargea  fur  
 fon vifir du  foin  des  affaires. Le goût des  voluptés  
 qui  fouvent adoucit  les moeurs fans  les  rendre plus,  
 pures,  ne fit  qu’aigrir fon  caraftere dur &  fauvagè.  
 Il n’ufa de fon pouvoir qiié pour punir. Son humeur  
 fanguinaire  fé manifeftoit  jufques  dans  les  actions  
 les  plus  indifférentes.  Il  fit  conftruire  fur  le  Tigre  
 des navires dont les uns reffembloient  à  des lions &   
 à des  ferpens,  &   d’autres  à  des  dragons  &   à  des  
 vautours. Il dépenfa de grandes fommes pour acheter  
 des  eunuques  éthiopiens,  qu’il  fit  les  gardiens  de  
 fes femmes dont il étoit idolâtre ; &  devenu invifible  
 à  fes  fujets,  il s’endormit  au milieu  d’un troupeau 
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 de  concubines  làfcives,  qui  le  provoquoient  àux  
 voluptés  par  les  charmes de  leur voix &   le  fon  des  
 inftrumens.  Le  tableau  révoltant  qu’on nous a  laiffé  
 de  fes  impuretés ».offre  le  fpeâacle  de  la  plus  dégoûtante  
 débauché.  Les  eunuques  &   les  bouffons  
 furent élevés  aux  premiers emplois, &  le principal  
 mérite fut de fouriiir des alimens  à  fes  pallions brutales. 
   Le tems'que la  fatiété  ne  lui permettoit  pas  
 de'donner à l’amour, étoit employé aux echecs.Tous  
 eeuxqui exeelloient à ce jeu étoient bien  accueillis  ,  
 &   magnifiquement, récompensé# *Ce' calife  avoit  
 un frérè  nommé Abdallà Almamon, à qui fon pere,  
 en mourant, avoit légué le gouvernement perpétuel  
 du  Khorofan  &  le.commandement  des troupes  de  
 cette  province..La  fageffe  de  fon  adminiftration  le  
 rendit  cher  aux  peuples , &  comme  fous  les  tyrans  
 les  vertus  font  plus  dangereufes  que  les  vices,  le  
 calife fut  honteux  d’avoir  un  frere  qui- n’étoit  pas  
 auflï.corrompu  que  lui. Amin  pour  le piinir  de  les  
 vertus,  fit  fupprimer fon nom dans les  prières  publiques. 
   Cette  efpece  de  dégradation  occafionna  
 des haines  &   une guerre  ouverte. Almamon  fe  forr  
 tifia de l’appui de, plufieurs gouverneurs qui s’étoient  
 rendus indépendans  dans leurs  provinces,  &   fe  fit  
 reconnôître  calife du  Khorofan ;  fon  nom  fut  fub-  
 ftitué  à  celui  d'Amin  fur  les  monnoies,  &   il  fit  
 toutes  les  fondions  d’iman  dans  la  mofquée.  Les  
 deux  freres foutinrent leurs droits par  les armes, &   
 .à  l’exemple  des  califes  Abbaflides, leurs  ancêtres,  
 ils  firent  la  guerre  par  leurs  lieutenans.  Almamon  
 confia le commandement  de fon armée  à  Taher,  le  
 plus  grand  capitaine  de  fon  fiecle.  Ce  fut  lui  qui  
 donna,  quelque  tems  après,fon nom à  la  dynaftie  
 des  Taifites. C e   général,  vainqueur  dans plufieurs  
 combats,  fe  préfenta  devant  Bagdad;  Amin  abandonné  
 des  habitans &  de  la milice,  tomba au  pouvoir  
 de  fes  ennemis  qui  lui tranchèrent  la tête l’an  
 de  l’hégire  198.  Il avoit  régné ou  plutôt fommeillé  
 fur  le  trône  pendant fept  ans &  huit mois :  il étoit,  
 comme  fes  ancêtres,  magnifique  &   libéral  ;  mais  
 comme  il n’avoit  que l’abus des  vertus, fa libéralité  
 dégénéra en profufion.  Il avoit le  vifage  beau &   la  
 taille régulière ; il eût été capable de grandes chofes,  
 s’il eût été moins  tyrannifé par  fes penchans  voluptueux. 
   (T— iv.) 
 §   AMIRANTE, (//es de /’) Géogr.  îles de  la mer  
 des Indes,  fituées entre la ligne  &  l’île* de  Madagaf-  
 car :  on  en  compte  neuf qui  font  prefque  toutes  
 inhabitées ; elles  font  cependant  naturellement fertiles  
 : l’on y  trouve des noix de cocos,  des palmiers ,  
 des  pigeons  &   du  poiffon  en  abondance.  D ’après  
 les recherches que quelques navigateurs y  ont faites,  
 on  a  jugé qu’elles  avoiènt  été  autrefois  affez  peuplées, 
  &  il y  refte  en plufieurs  endroits des veftiges  
 d’habitations.  Long.  6y , y5. lat. i- , 3 .  ( C.  A. ) 
 *  §   AMIUAM,  ( Géoor. )  une des îles  Majottes,  
 &   A n j o u a n   ou  A m i v a n   ,  île  d’Afrique,  font la  
 même île.  Voye^ le Dict.  Géogr. de la Martiniere, au  
 mot ANJOUAN.  Lettres fur  L Encyclopédie. 
 AMLETH ,  (Hifi. de Danemarck.') roi de Jutland,.  
 Hordenwil,  pere  de  ce prince,  régnoit  glorieufe-  
 ment  fur  cette partie  du Danemarck,  lorfqu’il  fut  
 aflafliné par fon frere  Feggon.  Le  perfide  s’empara  
 de fes états ,  &  pour fortifier  fon parti,  ne  rougit  
 pas  d’offrir une  main encore dégoûtante du fang  de  
 ion frere  &   de  fon  roi ,  à Géruthe,  fa  veuve.  La  
 reine l’accepta, vaincue  par  la néceflité.  Hordenwil  
 laiffôit un fils,  jeune  &  foible  rejettoh dont la  cul-,  
 tare  fut confiée  aux mains fanguinaires  qui avoient  
 privé ‘fon pere  du trône.  L’enfance  d’AmLetk  avoit  
 d’abord  défarmé  le  farouche  Feggon  ;  mais  il  ne  
 le  vit  pas  fans  ombrage  ,  atteindre  à  cet  âge  
 où  le  defir de  la  vengeance  eft d’autant  plus impérieux  
 que  le fentiment  des peines  eft  plus vif.  Il fe 
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 fût bientôt  laffé d’élever dans fa cour un prince dont  
 là  vue ,  en retraçant aux peuples la mémoire d’Hor-  
 denwil,  pouvôit fournir  chaque  jour  un pretexte à  
 la  révolte,  fi  Amleth,  en qui  la prudence àvoit devancé  
 les  années,  n’eût conjuré  cet  orage,.  Il  vit  
 bien qu’on ne lui laifferoit point en paix développer  
 fes  talents,  &   que  chaque  pas  qu’il  faifoit  vers  là  
 raifon ,  étoit un pas vers  la mort.  Le  defir de con-  
 ferver  fa v ie ,  &  fur-tout  l’efpoir  de  fe  venger un  
 jour,  lui firent  imaginer  un  artifice qui, en le  rendant  
 [l’objet  du  mépris  des Danois,  devoit  calmer  
 les inquiétudes  de fon oncle. Il feignit d’être infenfé*  
 &  s’acquitta fi  bien de  ce nouveau rôle  ,  qué  toute  
 la  cour  y   fut  trompée.  Nous  refpeftons  trop  nos  
 lecteurs  pour  entrer  dans  le  détail  des  èxpediens  
 dont  on  dit  que  s’avifa  Feggon  pour s’affurer  fi  là  
 folie de fon neveu étoit  feinte'ou réelle.  Amieth eut  
 le  bonheur  d’éviter tous les piégés  qu’on  lui  tendit*  
 Un  des  plus  difficiles  fans  doute  à  fuir  ,  fut  lorf-  
 qu’on  lui préfenta une  jeune fille d’une rare beauté*  
 On  efpéroit  que  fe  trouvant  feul  avec  elle ,  il  ne  
 pourroit  s’empêcher  de  lui  témoigner  l’impreflioii  
 que fes attraitsfàifoient fur lui,  &  qu’il démentiroit  
 un moment le  perfonnage qu’il s’étoit impdfe.  Mais  
 la voix  de  la  nature  parloittrop  haut  dans  le coeur  
 d'Amleth  ,  pour  que  celle des  fens s’y fît  éntèndré.  
 Le fouvenir de  fon  pere, mort  fans  vengeance,  lé  
 fit  fortir  vainqueur  de  cette  éprëuve périlleufe. 
 Ce prince renfermoit fes chagrins dans fon coeur,  
 &   les’ dévoroit  en  filence.  Ifolé  dans  le  palais  dé  
 l’affaffin  de  fon  p e r e l e   jouet  &  le  mépris  d’urié  
 cour  auquel il  auroitdûcommatider,  il pafl'oit dans  
 l’obfcurité des  jours dus  à  la vengeance.  Enfin,  lé  
 fort lui offrit une Qccafion de punir le meurtrier de fon  
 pere. Feggon invita à  un  repas  fplendide  les grands  
 de  fa cour.  Amleth,  à  la  faveur  du  tumulte  &   du.  
 défordre  qui  fuivent  ces fortes  de  fêtes,  trouva lé  
 moyen  de  fe  glifler dans l’appartement de Feggon ,  
 &   de  l’immoler  de  fa‘ propre  main.' Enfuite il met  
 le  feu  au  palais  &   fe  rend  à  la  place  publique  ;  
 il fe  préfente  aux  Danois,  tenant  encore  en main  
 le  glaive dont il s’étoit fervi pour tuer  le tyran.  Il  
 leur rappelle la mémoire d’Hordenwil, de fes vertus^'  
 de la douceur de fon régné'.  A  ce tableau, il oppole  
 la peinture des cruautés de Feggon &  de fes exactions»  
 «  J’ai tué l’aflaflin de mon  pere, ajdute-t-il, je vous  
 »  ai  jj^livré  d’un  tyran.  J’ai  vengé  d’un  coup  ma  
 »  patrie  &   la  nature  :  c’eft  à  vous  de  juger  fi  je  
 »  fuis digne de réeompenfe  oit de punition. La mort  
 »  de  i’iifurpateur  laiffe  le  trône  vacant,  ma  naif-  
 »  fance m’y   donne  dés  droits ;  mais  ces  titres  font  
 »  vains  pour moi,  &   je renonce pour jamais  à ce  
 »  trône où régnoient mes ancêtres, fi ce n’eft votre  
 »  amour  qui  m’y   éleve ».  Les Danois  furent  auflï  
 étonnés  du  courage  d'Amleth ,  que charmés de. fon  
 éloquence.  Ils ne pouvoient concevoir  qu’un prince  
 qu’ils  avoient jufqu’ici méprifé ,  eût pu former une  
 entreprifé aufli hardie ;  ils  fe  hâtèrent  de  réparer  
 l’injure  qu’ils  lui  avoient  faite, &  le proclamèrent  
 roi  de  Jutland à  haute  voix. 
 Le  Jutland  étoit  un  démembrement  de  la  couronne  
 de Danemarck ;  il  étoit arrivé par rapport à  
 cette  contrée  ,  ce  qui  eft  arrivé  fi  fouvent  dans  
 tous les royaumes du nord.  Les rois de Danemarck  
 ne  pouvant  veiller  par  eux-mêmes  fur  cette  province  
 i  y   avoient  envoyé des  gouverneurs  ou  des  
 vice-rois.  Ces  dignités  d’abord amovibles,  étoient  
 dévenues héréditaires  par  l’énorme  crédit  des  Sei**  
 gneurs qui  les pofledoient.  Ces  vaflaux orgueilleux  
 firent  fouvent  trembler  leurs  maîtres.  Le  feul  
 droit  que  les  rois  de Danemarck avoient confervé  
 fur  le  Jutland,  étoit  que  fes  fouverains  ne  pouvoient  
 fe  faire  couronner  fans  leur  confentement.  
 Amleth,  redevable  de  fa couronne à famour de fes