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le propriétaire afon bled en tas ; dans les marchés
le bled eft en facs.
Lorfque le bled eft dans la grange, l’acheteur
thoifit en différentes gerbes plufieurs épis qu’il
égraine dans fa main, pour connoître la qualité du
grain dont il juge par la forme, la couleur , la grof-
leur & le poids. Il prend garde fur-tout fi le tas ne
fent pas l’échauffé ou le pourri, fi le grain eft bien
f e c , s’il n’eft pas co t i, il compte les mailles de
l’épi & il regarde files grains à fon extrémité font
bien nourris»
Quand le bled eft en tas dans les magafins , l’acheteur
examine s’il a été bien vanné à la grange & bien
criblé au grenier, ce qui fe reconnoît à l’odeur, à
le mettre à l’oeil & à la main ; dès fon entrée dans
le grenier, vin acheteur en ouvrant la porte confulte
fon odorat, le grain ne doit avoir aucune mau-
vaife odeur, car elle ne provient jamais que par une
négligence de la confervation du grain, çe qui arrive
lorfque le propriétaire laiffe fon bled fans en avoir
beaucoup de lo in , de- maniéré que les animaux y
font leurs ordures & que les vers & les infe&es.
viennent le dévorer ; le tas s’échauffe ordinairement
par le défaut de travail d’un bled mal remué ou en-
taffé trop haut.
Dans tous ces cas le bled a trois odeurs différentes
, l’une de la fermentation qui fe diftingue par
un goût particulier, portant une petite chaleur au
nez comme feroit celle d’un fumier légèrement
échauffé ; la fécondé eft l’odeur du charanfon, lorfque
le bled en eft infecté , le nez en ce cas eft auffi
frappé d’une chaleur défagréable & d’une odeur
approchante de celle du créton des bouchers, lorsqu'ils
fondent leur graiffe, ou comme feroit celle
du pain de noix quand l’huile en eft retirée ; la
troifieme eft l’odeur du ver qui différé de celle du
charanfon, en ce qu’elle a un goût aigre, fade, qui
donne des naufées. Ces vers font des efpeces de
teignes qui filent de la foie dont elles lient les grains
de la fuperficie du tas, elles communiquent au grain
fain une odeur qu’on nomme Y odeur de la mite.
Après avoir confulte ces,premières fenfations qui
affefient fi diverfement l’odorat, l’acheteur va au
tas de bled , &c il marche dedans pour éprouver
l’égalité dé la qualité du tas ou de la couche ou du
tas. Quand le pied entre aifément dans le bled, il
eft toujours de bonne qualité , par conféquent il èft
intéreffant de marcher autour du tas & dans le milieu.
Si au contraire le pied entre difficilement dans
le tas de bled, c’eft une preuve qu’il n’eft pas bien
fec ou qu’il eft dur de plancher, c’eft-à-dire qu’il
n’a pas été bien travaillé ou remué ; ce qui peut auffi
provenir du défaut primitif d’une récolte humide ;
e’eft ce qu’on défigne en difant que le bled fe tient.
Après l’examen du pied, l’acheteur met la main
dans le tas oit il éprouve de nouveau la même fen-
fation qu’avec le pied. Il faut obferver que le charanfon
donne de la main, c’eft-à-dire qu’il rend le
bled coulant. En quoi l’on peut être trompé fi ce
bled n’eft coulant que par la quantité de charanfons
qui l’infeftent dans le fond du tas ? au lieu d’avoir
cette qualité par la bonne conduite d’un bled fec-,
& bien travaillé, il fuffit en ce cas de l’odorat pour
en juger.
il arrive auffi fort fouvent qu’un bled ferré trop
verd & devenu coti, poffede néanmoins , avec de
. très-mauvaifes qualités, de l’apparence & de la
main, c’eft-à-dire que le pied & la main y entrent
facilement ; mais il eft aifé de le reconnoître à la
couleur noire & au mauvais goût de fa farine.
Tels font auffi les bleds venus par mer, qui con-
traftent fucceffivement ces qualités dans les cales des
.vaiffeaux , fuivant qu’ils ont été embarqués plus ou
moins humides.
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Après ces- premières épreuves, l'acheteur prend
du bled dans fa main, il le porte au nez , il fe eon?
firme dans la connoiffance des trois odeurs dont nous
avons parlé.
A l’oeil il examine la forme du bled ; fi. fes bords
font bien relevés du côté de la rainure , i l eft fûrer
ment bon , plein de farine & lourd ; car l’attention
doit toujours être pour le poids, comme on l’a ditiau
mot Ba l a n c e d’e s s a i , auqyelje renvoie : lafineffe
du fon ou de l’écorçe du bled\ eft encore une bonne
marque ; lorsque l’écorçe eft fine * il y a toujours
plus de farine.
Quand les bleds font en faç dans les marchés publics
, l’acheteur n’a plus les reffources de l’entaffe-?
ment du bled pour l’examen; mais il réunit tous les
autres lignes , & e’eft en fa faveur que je vais les
réprendre plus en détail, afin de donner du bled la
connoiffance la plus cqmplçtte.
€. V . ÇonnoiJJances generales 6* particulières des diÿe
rentes clujfes de bled.
Dans tous les pays où l’on cultive, le froment*
on en récueille généralement de trois fortes de qua*
lités, favoir :
i° . Le bled de la tête , dit de qualité fupèrieure.
2.q. Le bled du milieu, dit bled marchand.
3 °. Le bled commun, dit de dernière qualité.
On pourroit encore diftinguer les bleds en quatre
claffes ; la première, des bleds fiées , récoltés fans,
pluie ; la leconde, des bleds qui ont fouffert de la
pluie pendant la récolte ; la troifieme , des bleds
qui ont été plus mouillés que ceux de la fécondé
ciaffe ; la quatrième enfin, des bleds mêlés de grains
étrangers.
Mais ces fortes de qualités de bleds rentrent dans
la divifipn précédente de bled de la tê te , bled du
milieu, fc bled commun.
Ces trois fortes de bleds fediftinguent : i°. par la
couleur ; z°. par la forme ; 30, par le poids ; 40. à
la main ; ,5 ° . à la netteté ; 6°. à l’qdçur ^ y°. au
goût. .
i° . La couleur du bled de la tête eft en général
d’un beau jaune , clair, fin, mêlé de blond-clair.
Quelques marchands l’appellent gris glac é ou cla ir
perlé ; ce qui défigne fa tranfparenee.
La couleur du bled marchand eft d’un jaune plus
brun que le précédent.
Celle du bled commun , dit de derniere qualité
eft un blanc terne, gris-çendré ; il eft fouvent moucheté
du côté de la boffe.
Pour prendre une idée nette de ces couleurs du
bled dont on vient de dire les noms marchands, on
doit obferver que le plus beau bled eft d’un jaune-
clair & tranfparent , comme le paroît à-peu-près
une pomme gelée ou un fruit de cire ; la tranfpa-
rence dénote la fineffe ae l’écorce. Selon les anciens
, le plus beau froment d’Italie étoit de couleur
d’or. Parmi lés bleds de première qualité , on diftingue
encore dans fa couleur le bled blanc, blond ,
qu’on eftime beaucoup ; les bleds blancs de Zéelande
ou de Pologne , la to.uzelle , les bleds blancs de la
plaine de Vauleau , en Provence , & plufieurs autres
qu’il feroit trop long d’énumérer , font de cette
qualité ; le bled du milieu ou marchand , eft plus
brun , plus opaque , d’une couleur four de , parce
que fa peau eft plus épaiffe ; & celui de la derniere
qualité tire au gris-fale fans aucune vivacité, n’ayant
plus que l’apparence de fa couleur jaune qui paroît
éteinte & paffée.
Gomme le s 'b led s dégénèrent à la longue, principalement
dans les terres de ceux qui n’ont pas foin
de changer de fèmences, ni l’art ae les préparer,
cette dégénération des bleds d’un canton fe reconnoît
principalement à la couleur; çe que les acheteurs
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expriment, en difant que 1 es bleds d’un canton corn-,
mencent à bifer ; la paille de l’épi devient alors plus,
blanche ; elle fe diftingue facilement des autres épis
qui font roux. Cette obfervation intéreffante a fourni
le moyen à quelques cultivateurs de fe procurer des
bleds magnifiques, en ne choififfant pouf femence
quelles:-plus beaux grains tirés des. épis les plus
roux.
• On connoît encore à la couleur fi le bled a été
mouillé, lorfqu’il eft d’un blanc mat. .
Les boulangers & les acheteurs entendus favent
encore diftinguer l’âge des bleds par la couleur;
car plus il vieillit ; & plus il rougit, la farine en de^-
vient jaune.
2-°. La- forme du bled eft, comme nous l’avons
dit , o vale, plus pointue du côté du germe , &
s’élargiffant jufqu’au fommet où eft la broffe.
Le bled de la tête eft petit, ramaffé & prefque
rond, plein fans être bouffi, c’eft-à-dire, qu’il doit
etre d’une longueur & d’une groffeur moyennes ; la
raie qui le partage d’un côté dans fa longueur de la
pointe à la broffe, doit être bien faite & avoir fes
bords bien relevés ; ce que lés laboureurs & lès
marchands de bleds appellent du bled bien fejfé. La
culote ou l’enveloppe du bled du côté de la convexité
du grain, doit être pleine, liffe &. polie,
l ’écorce fine, le toupet de la broffe court* délicat,
net & brillant.
La forme du bled marchand eft plus longue'que
ronde , & il eft un peu bouffi.
Le bled de la derniere qualité eft d’une forme
longue , mince & defféchée ; il s’y trouve des grains
étiques & ridés, ainfi que d’autres qui font bouffis
& germés, qui donnent moins de farine & beaucoup
de fon.
Sur la bouffifure du grain , On peut remarquer
qu’elle eft due principalement au defféchemenf -qui
a fuivi le renflement occafionné par l’hümidité. Si
on place le bled dârts un lieu humide, il feramoitit
& fe gonfle ; par conféquent il augmente en volume,
& cela d’autant plus, qu’il eft moins fec ; c’eft en cet
état que les marchands difent qu’il eft gourd. Ils font
peu de cas de ce bled, car il ne-fe -moud pas aifément;
le fon en eft pefant, moins net de farine , il
engraïffe les meules; les blattiers & les regrattiers*
qui achètent pour revendre d’-un marché à l ’autre ,
favent augmenter la mefure du grain en humectant
le tas de bled f e c , au milieu duquel ils ont mis un
gros grès rougi au feu, & en faifant enfuite paffer
ce bled à la pelle pour le rafraîchir ; cette malver-
fation les fait bénéficier d’un feizieme fur le bled ,
& d’un huitième fur l’avoine. Voye^ les Mémoires
de Ûacademie des fciences, année tyo8.
Ceci fait connoître de plus en plus de quelle importance
il feroit de n’acheter 1 e bled qu’au poids ,
püifqu’il faut être fans ceffe en garde contre les
fraudes de toute efpece qu’on emploie pour tromper
les acheteurs. Cette défiance nuit infiniment au commerce,
elle en retarde les opérations ; la fraude ;
qu’on n’a pas prévue & dont on eft la dupe, dé^
courage le commerçant én grains , & au total elle
attire, fur une profeffion qui devroit être très-honorable
, un mépris flétriffant qui en éloigne toujours'
•les négocians du premier rang.
3°- Le poids du bled fait auffi connoître fes différentes
qualités; plus'il eft pefant à mefure égale , &
mieux il vaut; parce que- plus le bled pefe, plus il
a de farine, & plus celle-ci a de qualité.
Un fetiefe.de bled de la tête, mefure de Paris, pefe,
année commune , 140 livres ; celui de la fécondé
clafle, 2.30 livres, &; celui de la troifieme ciaffe,
2.2.0 livres.
O n a v u . à l'article B a l a n c e d ’E s s a i , d o n t il
f a u t n é c e f f a ir em e n t j o i n d r e la . leftyre à .c e lle d e c e
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paragraphe que laféehereffe des grains & la denfité de
la farine contribuent beaucoup à leur poids & à leur
qualité, & que le poids du bUd eft le principal & le
premier moyen dont on puifle faire ufage avec cer-
titude pour acquérir la .connoiffance exaéle de la
qualité des différens grains , & de la difproportion
de leur produit refpedlif, tandis que l’ufage des me.
fufes eft fautif dans le commerce des bleds.
40. A la main. Après la couleur, la formé & le
poids; on eonnoît à la main la bonté du froment ;
il doit fonner dans la main , parce qu’il faut le choi*
fir fec., dur & pefant.
En fermant la main qui tient une poignée de bled,
les grains doivent s’en échapper promptement, Sc
prelqué totalement, s’il eft de la première qualité -
parce que le bled, de cette ciaffe étant fec, liffe *
uni, ferme & prefque rond, il eft difficile de le com
tenir, entre les doigts ; c’eft pourquoi le bras doit
enfoncer aifément dans le fac de bon bled. •
Par la raifon contraireen maniant le bled gourd
ou humide, on doit le trouver moins coulant, &
il paroît rude dans la main. C ’eft par-là qu’il eft
aile de reconnoître la tromperie des regrattiers dont
nous avons parlé plus haut.
Quand le bled de la derniere qualité feroit fée par
lui-meme* il eft évident qu’il ne feroit pas coulant*
à çaufe de fa forme mince , ridée, & c .
Quoique le bon bled foit f e c , il conferve néanmoins
une certaine fraîcheur due à la denfité de fa
farine ; ce que les marchands appellent encore avoir
de la main.
5°. La netteté du grain contribue beaucoup à fort
prix & à fa qualité. Pour qu’uri grain foit n et, il ne
doit pas être moucheté ni avoir le bout. On n’y doit
trouver aucun mélangé de feigle ni d’orge, encore
moins de mauvaifes graines qui en altèrent’la quantité
& la qualité;
11 faut auffi que le grain foit bien vanné , criblé
& nettoyé de fes balles, de la terre & des petites
pierres avec lefquelles il fe trouve affez fouvent
mele. On ne peut faire de.bon pain qu’ avec de la farine
pure, & celle-ci ne l’eft jamais , lorfque le
bled n’eft pas parfaitement net.
JS°. L'odeur. La mauvaife ôdeur qu’exhale un
bled coti qui a été moiffonné verd , & qui a fermenté
dans ia grange , qui a été échauffé dans le tas parlé
defaut de travail, qui a été attaqué du charbon oit
de la carie , qui eft rongé en partie par lès vers ou
les charanfons, -fait aifément diftihguër fes mauvaifes
qualités en les portant au nez.
Lorfque le t lc i a été ferré au-deffus des celliers ’
ou en d’autres endroits humides; il y acquiert un
goût connu dans le commerce fous ie nom de niant
Ht. une mauvaife odeur qu’on trouve bien plus dé-
fagrcable encore, s’il a été placé au-deffus deséta-
Mes & des écuries, comme on en a la mauvaife habitude
dans plufieurs endroits du royaume, & no.
tamment en Bourgogne;
Un bled moucheté a beau avoir été travaillé ; quand
on s’y tromperoit à l’oeil, on le reconnoîtroit encore
, en ce qu’il conferve une odeur de graiffe oit de
fuin , comme nous l’avôns déjà remarqué.
Les bleds attaqués de ces défauts côrifidérables
doivent diminuer de prix, parce qu’ils font une fa’
fine & an- pain défagréable & màl-fain.
7 '• ëout‘ Be goût & la mâche font encore des
moyens de diftinguer les bleds de bonne, dé médiocre
ou de mauvaife qualité. Le bon bled a le goût
de fruit. On le trouve un peu fucré & pâteux, fi on
le mâche long-tems. Quand il à été échaudé ou
échauffé , il a un goût de moifi. La pouffiere noire
du charbon qui s’attache à la broffe, le fait trouver
amer. Quand il a été mangé des charanfons, ôn n’y
trouve plus de fon. Lorfque le bled a été lavé ou