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grand nombre de tribus retombèrent dans l’idolâtrie ;
quelques-unes retournèrent au Chriftianifme , que
T on confondoït alors avec la religion Judaïque.
Plufieurs impofteurs s’érigèrent en meffagers du ciel ;
des femmes s’arrogèrent le droit de prophétie , &
des provinces entières furent féduites par ces apôtres
du menfonge. Le plus redoutable de ces prophètes
'fu t Mofcilama, qui, après avoir été le complice des
impoftures de Mahomet, prétendit avoir une million
pour rappeller les hommes à la pureté du culte
primitif. Il prit pour femme une aventurière célébré,
qui fe vantoit d’avoir des révélations. Il n’y avoit pas
beaucoup de mérite à féduire la crédulité des Arabes ;
quiconque avoit affez d’impudence pour publier un
commerce fecret avec les anges, étoit auffi - tôt
accueilli de la multitude : c’étoit la patrie des faux
prophètes ; & il n’y avoit point de contrée qui n’eût
le fien. Les fuccès de Mahomet décréditerent ceux
qui voulurent l’imiter ; tous ces impofteurs furent
punis. Kaîeb, célébré par fes exploits guerriers, &
plus encore par les cruautés qu’il exerça fur les infidèles
& les apoftats, diflipa leurs partifans, dont la
plupart expirèrent dans les fppplices. Ce grand capitaine
, barbare par piété , fit périr plus d’hommes
fous la hache des bourreaux, que dans une multitude
de combats couronnés de la vi&oire. Tant de défections
auroient affoibli l’Iflamifme , fi elles n’eufl'ent
été compenfées par la conquête de nouveaux profé-
lites; ce qui femble indiquer que les A rabes, 'chance-
lans dans leur fo i, n’a voient de véritable attachement
que pour le merveilleux.
Lorfque toutes ces fureurs religiëufes furent
calmées, Abu-Becre tourna fes armes contre les
Grecs. Ce fut dans la Syrie qu’il tranfporta le'théâtre
de la guerre ; & fon armée n’ en fortit que lorfqu’ii
n’y eut plus rien à piller. Kaleb, par-tout vainqueur,
fournit enfuite l’Irak; & le tribut qu’il impofa aux
habitans, fut le premier qu’on porta à Médine. Après
une conquête auffi facile, il fit une fécondé irruption
dans la Syrie, & il n’offrit aux peuples que l’alternat
ive , ou d’embrafferl’Iflamifme, ou defefoumettre
à payer un tribut annuel. Des conditions fi dures
furent rejettées avec indignation : la querelle fut
décidée par les armes. Il y eut une aftion fanglante
dans les plaines de Damas. Les femmes Arabes ,
émules du courage de leurs époux, fe précipitèrent
dans la mêlée avec une intrépidité qui fembloit
défier la mort. Elles parcouraient les rangs la lance
à la main, exhortant leurs époux à mériter la palme
du martyre, qu’elles ambitionnoient départager avec
eux. Cinquante mille Grecs refterent fur la place, &
leur défaite fut fuivie de la conquête de Damas,
qui ouvrit fes portes aux vainqueurs. La joie que cet
heureux fuccès ïnfpiroit aux Mufulmans, fut troublée
par la nouvelle de la mort du calife, qui mourut
le jour même que la capitale de Syrie tomba fous la
domination des Mufulmans. Il étoit âgé de foixante-
trois ans, & les trois qu’il régna ne furent qu’une
chaîne de profpérités continues. Son génie borné &
'crédule, étoit plus propre à faire fleurir une fecte
naiffante, que les talens & les lumières d’un Socrate
ou d’un Platon. Son imbécillité le rapprochoit des
hommes greffiers qu’il avoit à gouverner; & comme
il étoit la première viâime de la féduâion, il ne
pouvoit manquer d’y entraîner les autres. Sa phyfio-
nomie auftere, fa gravité dans l’exercice du culte
public , lui attiroient le refpeft du peuple qui
confond toujours avec la véritable piété les faillies
d’une humeur bifarre, qui étouffe la nature , au lieu
de lui commander. Sa vie ne fut qu’un cercle d’aufté-
rités : c’étoit un être impaffible , qui tenoit fes fens
affervis au joug de la loi. Indulgent pour les foibleffes
des autres, il n’étoit dur qu’à lui-même , il eft vrai
que le fyftême de l’intolérance élevé par Mahomet,
ABU
corrompit la douceur naturelle de fon cara&ere, Sc
qu’il perfécuta fans pitié les infidèles & les apoftats ;
mais cette dureté ne fut point un vice de fon coeur,
c’étoit une conféquence d’un principe, dont fon efprit
borné ne put appercevoir l’horreur. 11 étoit fi liberal
& fi défintéreffé, qu’on ne trouva que trois drachmes
dans fon tréfor ; ce qui fit dire à Omar, fonfucceffeur,
il me donne un exemple bien difficile à fuivre. Sa vénération
pour le prophète ne fe démentit jamais ; &
quoiqu’il fût fon fucceffeur, il ne fe regarda jamais
comme fon égal ; & toutes les fois qu’il montoit en
chaire, il ne s’afféyoit jamais que dans un degré plus
bas que celui oit fe plaçoit le prophète. Ce n étoit
point par un mouvement' de vanité qu’il fe peignoit
la barbe avec une couleur extraite de l’anil & d’une
plante nommée catham ; il ne faifoit que s’affujettir
a l’ufage introduit par Mahomet, & fuivi par fes
fucceffeurs : cette coutume s’eft perpétuée parmi les
Arabes Scénites. Son teftament étoit conçu en fes
termes : « C ’eft ici le teftament à'Abu-Beere , qu’il a
» difté au moment qu’il étoit fur le point de fortir
» de ce monde. Dans ce temps-oii les infidèles ont
» des motifs de croire , où les impies ne doivent
» plus avoir de doute , où les médians font dans
» l’impuifl'ance dedéguiferla vérité, je nomme Omar
» pour monfucceffeur. Mufulmans , écoutez fa voix ,
» obéiffez à fes ordres. S’il gouverne avec équité , il
» répondra à la haute opinion que j’ai conçue de lui ;
» s’il s’écarte du fentier de la juftice , il en rendra
» compte devant le tribunal du fouverain juge. Mon
» intention eft bonne ; mais je ne pénétré point dans
» l’avenir. Au refte ceux qui font mal ferdnt punis.
» Adieu. » *
Ce teftament fait mieux connoître la trempe de
fon c oe u r , que tous les traits de fa vie. On ne s’accorde
point fur le genre de fa mort. Les uns difènt qu’il
mourut de confomption ; d’autres prétendent qu’il
fu t empoifonné par un Juif : c’étoit l’ufage de calomnier
cette nation, à qui l’on imputoit tous les crimes
dont les auteurs étoient ignorés. Sa fille1 Aïesha
rapporte que s’étant mis au bain un jour où il faifoit
très-froid, il en fortit avec une fievre qui le mit au
tombeau : il mourut la treizième année de l’hégire^
Ce fut lui qui rédigea les révélations de Mahomet,
qui jufqu’alors étoient éparfes, comme.s les réponfes
dés Sybilles. Il ordonna de ramaffer tout ce qui étoit
écrit fu r des feuilles volantes , & tout ce que chaque
Mufulman ayoit retenu dans fa mémoire ; il en forma
un corps complet : c’eft ce recueil révéré que les
Arabes appellent moshaf, c’eft-à-dire , le livre. Le
premier exemplaire en fut confié à la garde de Hofta,
fille d’Omar, & veuve de Mahomet. Il ne fu t publié
par autorité publique , que fous le califat cL’Othman.
Abu-Becre, en rangeant les articles dans l’ordre où
ils font à préfent,. n’eut point égard à l’ordre des
temps où ils avoient été révélés ; les plus longs furent
placés les premiers. ( T—N. )
ABUDAHERT, ( Hiß. du Mahométifme. ) La religion
des Mahométans ne fut point exempte des
lchifmes qui ont affligé celle des autres peuples.
L’Alcoran, ce. livre de menfonges, fut à peine publié,
que l’on vit s’élever en Arabie une multitude de
le fte s , qui remplirent cette contrée de fâng & de
confufion ; cependant la plupart de ces difputes
meurtrières n’avoient pour objet que la perfeftion
du culte, aucune ne tendoit à le détruire. Ce ne
fut que vers l’an 178 de l’hégire, que l’Iflamifme ,
attaqué dans la plupart de fes dogmes, courut de
véritables dangers. Les Carmaciens, révoltés contre
les erreurs populaires, prétendirent renverfer tous
les monumens qui fervoient à les entretenir. Leur
fureur religieufe étoit encore excitée par des vues
d’intérêt. Ils n’avoient pu voir fans envie le fort des
Mecquois, q ui, poffeffeurs de la Caaba, vivaient
ABU
dans une abôndan'ce que leur procurait la crédulité
des dévots. Abudahert, en proie à cette même
jaloufie, fe fit un devoir d’executer un projet qu’il
méditoit depuis long-temps : il déploya l’étendard
de la guerre, & s’avança à leur tête vers la Mecque.
Après s’en être rendu maître, il maffacra plus de
deux mille perfonnes fur le territoire facré , & fit
âetter leurs cadavres dans le puits Zemzem : ce puits
fameux, q ui, fuivant la tradition Arabe, s’étoit
formé des larmes de la mere d’Ifmaël, ou qui s etoit
miraculeufement formç dans le defert pour etancher
fa foif. Abudahert■ , après ce maflacre, entra de force
dans le temple, & le fouillant de fes ordures, il
appelloit les Mahométans à témoin de leur ftupide
crédulité. Si ce temple, leur d ifo it - il, étoit celui du
Seigneur, ne le fer oit-il pas connoître, en me frappant
de fa jufle colere ? Mais ce fut en vain que ce chef
emporte prétendoit faire revenir les Mahométans de
leurs préjugés : ils étoient trop invétérés. Rien ne
pouvoit diminuer la vénération pour un afyle que le
prophète avoit reconnu pour celui de* la divinité ;
& lorfqu’il en eut enlevé tous les monumens
antiques, comme la fameufe pierre noire, ils refpec1
terent la place où ils avoient repofé. C’eft ainfi qu’il
ne refta à Abudahert que le regret d’avoir fait couler
le fang inutilement. Les Carmaciens furent obligés
de renvoyer aux Mecquois la pierre noire , voyant
qu’elle ne fërvoit chez eux qu’à perpétuer le fouve-
nirde leur impiété. Cette pierre avoit bien des titres
pour captiver la vénération des Arabes; elle avoit fer-
v i, difoient-ils, de marche-pied à Abraham, lorfqu’il
conft ruifit la Caaba ; & docile à la voix de ce patriarche,
elle fe lévoit ou s’abbaiffoit à fon gré. L’expédition
$ Abudahertïe rapporte à l’ande l’hégire 317. (T—N.)
ABULFALI, f. m. ( Hifl.nat. Botanique.') genre
de plante de la famille des labiées, & qui doit être
placé affez près de la fauge,. c’eft-à-dire, dans la
feftion de celles qui ont les fleurs diftinétes les unes
des autres , & accompagnées d’écailles d’une nature
différente de celle des feuilles.
Au rapport de C e lfe, cette plante croît dans la
Macédoine & dans la Syrie,, fur-tout au mont Liban
où les Drufes & les Arabes la connoiffent fous
le nom d'abulfali ; ils la défignent encore fous les
noms à'abes, ab s , & gufen. Plukenet en a donné
une figure paffable, quoique fans détails, à la planche
116. n° 5 de fa Phytographie , & à la page 3 68
de fon Almàgefle, fous le nom de thymum majus
longifolium, ftoechadis foliac.eo capite purpurafeente,
pilofum. C ’ eft le thymbra fpicata verior. hifpanica de
Barrelier, qui en a donné une bonne figure aux détails
près, car elle en repréfente fort bien le port
& l’enfemble. M. Linné l’appelle thymbra, fpicata,
floribus fpicatis. Syfiem. nat. edit. 12. pag. 38 9 . n° /.
L ’abulfali ne s’éleVe guère qu’à la hauteur de
fept à huit pouces : on peut la comparer en quelque
forte à la fariette , fatureia; mais fes branches
font moins nombreufes, moins étendues, plus fortes
& plus ramaffées. Sa racine eft courte, fibreufe,
très - ramifiée ; fa tige ligneufe , qüarrée, rouge-
brun,1 noueufe par intervalles ,. légèrement velue,
ne produifant des branches que vers fa partie inférieure.
Ces branches font oppofées en croix, ainfi
que les feuilles, qui font étroites, d’un verd obfcur,
affez femblables à celles de la fariette, pointillées
de même, mais plus roides & bordées tout au-tour
de poils en forme de cils.
Le bout des tiges & des branches eft terminé
par un amas de fleurs purpurines dont l’enfemble
repréfente un épi ovoïde très - compaét, de deux
pouces environ de longueur, fur une largeur deux
à trois fois moindre. En faifant l’anatomie de cet
é p i, on s’apperçoit qu’il eft compofé de plufieurs
étages de feuilles oppofées deux à deux ? fenjbla-
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blés â Celles des tiges qui fupportent Chacune à leur
aiffeile trois fleurs diftinétes entr’elles, portées fur
un court pedunçule-, & accompagnées de deux:
larges écailles : ces feuilles & ces écailles font
ciliées de poils roides comme les feuilles des tiges &c
des branches, quoique l’on rencontre quelquefois,
lur les tiges vigoureufes & bien nourries, des feuilles
plus fortes que les autres,plus molles, longues
d’un pouce fur deux lignes de largeur, & qui font
dépourvues de poils.
Chaque fleur eft compofée d’un calice mono-*
phylle, c eft-à-dire , d’une feule pièce,. en entons
noir, roid e, partagé jufqu’à fon milieu en cinq
dents qui forment deux levres, dont la Supérieure
en a trois, & eft plus large. La corolle confifte en
un long tube un peu courbé en devant, partagé à
fon extrémité en deux levres, dont la fupérieure
eft fendue en deux & l’inférieure en trois, au contraire
du calice. Quatre étamines, dont deux font
plus courtes, partent du milieu du tube de la co^
ro lle, & font appliquées & cachées fous fa levre
fupérieure. Au centre de la corolle fur le fond du
calice, font placés quatre ovaires diftin&s , mais
portés fur un difque jaunâtre, & rapprochés autour
d’un ftile partagé en deux ftigmates coniques
qui égalent la hauteur des étamines. & de la corolle.
Ces quatre ovaifes deviennent par la fuite
autant de graines ovôïdes un peu applaties, renfermées
dans le calice qui les accompagne jufqu’à leur,
parfaite maturité.
Qualités. Toute cette plante a une faveur & une
odeur fuave , mais extrêmement forte & piquante*
( M. A d a n s o n . )
A BU LI, f. m. ( Hiß. hat. Botanîq. ) nom Brame
d’une plante du Malabar, qui eft décrite.& figurée
dans l’Hortus Malabaricus fous le nom Malabare
manja-kur 'mi. Volume IX. page 121 ^ planche 62 .
Elle croît dans les terres fablonneufes, jufqu’à
la hauteur de deux à trois pieds. Sa tige eft cylindrique
, noueufe, couverte d’une écorce verd-brun ,
lifle, à bois bland, dont le.centre eft très-moelleux,
& divifée en quelques branches alternes. Ses feuilles
font oppofées quatre à quatre, & difpofées par
étages allez écartés, femblables à celles de l’ada-
toda, C’eft-à-dire , elliptiques, pointues aux deux
extrémités , longues de. quatre pouces, une fois
moins larges, minces , molles, d’un verd gai, portées
fur un pédicule affez long, plat en deffiis , &
légèrement aîlé, c’eft-à dire, accompagné fur fes
côtés d’une membrane qui part de la feuille dont
il eft le prolongement : leur furface fupérieure eit
comme ridée légèrement & creufée de filions qui
eorrefpondent à autant de côtes ou de nervuresqui
font élevées fous leur furface inférieure.
De l’aiffelle de chaque étage de feuilles fort d’un
côté une branche , & de l’autre un épi de fleurs
porté fur un pédicule auffi long que lui, de forte
que tous deux enfemble égalent la longueur des
feuilles : on voit auffi des branches terminées par
un femblable épi. Cet épi eft ovoïde , long de deux
pouces , trois fois moins large, compofé de quatre
rangs, chacun de dix écailles elliptiques concaves,
fe recouvrant les une.s les autres, & contenant
chacune une fleur qui confifte en un calice à cinq
feuilles perfiftantes, & en une corolle jaune^oran-
gé , perfonée, à tube très-long cylindrique mince ,
terminé par une feule levre inférieure fort grande ,
en forme de girouette, marquée de cinq crénelu-
res & pendante. Au haut du tube de la corolle
font placées quatre étamines médiocres, dont deux
plus courtes, toutes à anthères longues & jaunes.
Au fond du même tube on voit fur le centre du calice
un difque jaune portant un ovaire ovoïde
terminé par un long ftile q u i , à la hauteur des