aftringente ; qu’à caufe de ces propriétés, on l ’emploie
par préférence à toute autre drogue dans lés
maladies des y e u x , de la bouche & des génitoires,
dans les chûtes de la matrice & du fondement, dans
les pertes des femmes & autres hémorragies , dans
les dyffenteries & cours de ventre ; que fon bois qui
eft noirâtre eft incorruptible dans l’eau, & employé
pour cette raifon pour faire des membrures de vaif-
feaux ; qu’enfin fes goufles fervent au lieu de la galle
<Lu chêne, appellée noix de galle, pour tanner &
perfectionner les cuirs. Voye^ Hippocrate, Livre
x x j. §. 5. page 130. Théophrafte (Liv. I V chap. zi/.)
lui donne le nom de gomme thèbaïque , & dit qu’il
y en a une'grande forêt dans le champ de Thebes.
C e que Diofcoride dit ( Liv. I. chap. cxxxiij &
■ cxxxiv. ) ne peut s’appliquer qu’à cette efpeeè :
■ acacia eji arbor, aliis frutex, nafcitur in calidioribus
■ ut in Ægypto , &C. unde feptentrionale frigusperferre
nequit; gummi ex eâ promanans Arabicum gummi offi-
-cinaritm efi. Succus ejus in ufu quoque eji. Vis eifpif-
fandi & refrigerandi, ad ignem facrum , ulcéra ferpen-
tia , oculorum ajfeclus , -&c. C ’eft cette efpece que
Pline défigné particuliérement, liv. X X IV . chap. xij
de fon Hijloire Naturelle, quand il dit : eji & acacice
fpina. Fit in Ægypto albâ nigrâque arbore : item viridi,
Jed longé melior è prioribus. Fit & in Galatid tentrrimâ
JpinoJiore arbore. Sernen omnium lendculce Jimile ; minore
efi tantum grano & folliculo. Colligitur autumno,
anté colleclum nimib validius. Spi/fatur fuccus ex fol-
liculis aquâ coelejli perfujis ; mox in pila tujîs expri-
■ mitur organis : tune denfatur in foie mortariis in paf-
tillos. Fit & exfoliis minus efficax. Ad coria perjicienda
feminepro gallâ-utuntur. Foliorumfuccus & Galatiacce
acaciot nigerrirnus improbatur : item qui valde rufus.
Purpurea aut leucophcea, & qutz facillimé diluitur, vi
• fummâ ad fpijfandum refrigerandumque efi, oculorum
medicamentis dntè alias utiles. Lavantur in eos ufus
pajlilli ab aliis , terrentur ab aliis. Capillum tingunt,
fanant ignem facrum, ulceraque ferpunt, & hümida
vida corporis, collectiones, articulos contufos, pemio-
nes , ptetygia. Abundantiam menjium foeminis Jijlunt,
vulvamque S* fedem procidentes : item oculos, oris vida ,
& genitalium.
Relon, le plus ancien, & en même tems le plus
fçavant des voyageurs modernes qui ont été dans
l’Egypte, nous apprend, dans la relation de fon
voyage imprimé en 1553 , que les 'déferts ftériles
de l’Arabie , fur les bords de la mer Rouge , ne pro-
duifent pas d’autres arbres que ceux de Yacacia, qui
y font fi abondans , que les Arabes ne s’occupent
prefque que du foin d’en recueillir la gomme qui
porte le nom de gomme d’Arabie : & cette gomme,
que l’on nomme encore gomme de Babylone, contient
fouvent des épines & des graines fi femblables
à celles du nebneb du Sénégal, que l’on ne peut
douter que Yacacia vrai ne foit la même efpece.
Rauwolf, qui a voyagé après Belon dans le levant,
efi le premier qui ait occafionné une confufion qui
ne peut avoir lieu, lorfqu’on compare le nebneb du
Sénégal avec Yacacia décrit par les anciens & par les
modernes qui l’ont précédé. Cet auteur dit en 1581,
qu’il a vii autour d’A lep , le long du fleuve du
Tigre dans la Méfopotamie , & de l’Euphrate dans
l’Arabie déferte, une efpece d’acacia appellé fchack
par les habitans de ce pays , & fehamuth par les
Arabes , qui efi le nom corrompu de fa n t , félon
Celfe ; que l’on trouve en vente chez les marchands
d’Alep des gouffes apportées d’Egypte fous le nom
de cardem, que quelques perfonnes croient être
Yacacia de Diofcoride & des anciens ; que ces goufles
font d’un brun châtain, partagées en deux à trois
loges en forme de facs comprimés, contenant chacun
une femence rougeâtre, femblable à celle de la
'jjalfamine mâle, c’eft-à-dire, de la pomme de merv
e ille, momordica ; mais ces deux plantes different
beaucoup de Yacacia. Le voyage de Profper Alpin
en Egypte, a contribué en quelque forte à augmenter
la confufion : ce botanifle nous apprend en 1591 ?
que l’on trouve dans l’Egypte deux efpeces d'acacia ;
l’une mâle , l’autre femelle ; que le mâle eft hé-
rifle d’épines, & ne porte aucuns fruits ; que la
femelle au contraire a des épines plus molles, en
moindre quantité, qu’elle fleurit en novembre &
en mars, & fruftifie de même deux fois l’an ;
qu’enfin elle croît abondamment fur les montagnes
de Sinaï qui bordent la mer Rouge. Profper Alpin
efi le premier & le feul auteur qui ait dit que Yacacia
a deux individus , dont l’un efl: mâle & fans fruits ;
il a voulu fans doute parler de quelqu’autre plante
épineufe , ou de quelqu’individu qui par hafard s’eft
préfenté à lui fans fruits ; car tous les gommiers
connus font hermaphrodites : mais ce qui leve tous
les doutes, & qui nous allure qu’il a oblervé Yacacia
vrai des anciens* qu’il appelle acacia foemina , c’eft
la figure qu’il a donnée des épines, des goufles, des
graines, & de la gomme de cet arbre, qui ne different
en rien de celles du nebneb du Sénégal.
Shaw remarque fort à propos, cerne femble,’
que cet acacia , qui efl celui dont parle Belon . étant
prefque le feul qui croiffe dans l’Arabie Pétree , &
qui puiffe fournir des planches , efl fans contredit
l’arbre défigné dans la fainte écriture, fous le nom
de fchitdm.
Pour ne rien omettre de ce qui regarde l’hiftoiré
de Yacacia, nous ne devons pas laiffer ignorer l’opinion
de M. Grangé qui s’eft fait quelques partifans :
ce voyageur, de retour de l’E gypte, dit à M. de
Juflieu que le fuc de Yacacia n’étoit pas tiré de Yacacia
qui donne la gomme Arabique, mais de l’autre efpece
appellée fânt, qui rend une gomme rougeâtre
nommee gomme thurique , & dont les goufles font
longues & très-étroites ; on verra ci-après à l’article
dû fant le peu de probabilité de cette opinion, qui
au refte n’infirme en aucune maniéré nos obfer-
vations fur le gommier d’Arabie.
Tout ce que les modernes nous ont appris de
plus que les anciens fur Yacacia , c’eft que cet arbre
le trouve aujourd’hui au Caire ; que fon fuc analyfé
rend une portion médiocre de fel acide, fort peu
de fel alkali, beaucoup de terre ftyptique , & une
grande quantité d’huile ou fubtile ou grofliere; qu’on
l’ordonne depuis ladofe d’unedemi-dragme, jufqu’à
une dragme, foit en poudre, foit en b o l, foit difîbus
dans une liqueur appropriée ; que cette derniere
maniéré eft la plus ufit'ée chez les Egyptiens qui en
ordonnent un gros tous les matins à ceux qui crachent
le fang. M. Haflelquift, éleve de M. Linné ,
qui fut envoyé par la Suède, le 7 Août de l’année
1749 , pour faire un voyage de deux ans & demi
dans la Pâleftine, & qui alla au Caire, dans le delfein
d’y examiner & décrire, entr’autres plantes fameufes
dans le commerce , le gommier d’Arabie , nous a
; feulement confirmé ce qu’on favoit av'ant lu i, que
cet arbre ne produit point de gomme dans la baffe*
Egypte ; qu’il n’y paroît point naturel, mais y avoir
été femé de main d’homme , ou par les oiféaux qui
y tranfportent ces graines. Si ce voyageur, vraisemblablement
trop peu inftruit, eût fait attention
que c’eft pour fuppléer à cette gomme, que les
habitans en font avec fes goufles une artificielle qui
pafle pour le fpécifique des craehertiens de fang, il
fe fût fans doute préfervé ou guéri de cette maladie
, dont il mourut à Smyrne, le 9 de Février de
l’année 1752. '
Au refte, Haflelquift ignoroit encore alors qu’avant
même qu’il partît de la Suede, j’avois découvert au
Sénégal, non-feulement Ce gommier rouge, mais
encore toutes les autres- efpeces qui fourniflent la
gomme Arabique , parmi lefquelles le gommier
blanc, qui paroît n’avoir pas encore été apperçu en
Egypte ni en Arabie, tient le premier rang-dans le
commerce c’eft parce que ni cet auteur , ni
perfonne avant moi n’en avoit donné les- détails
botaniques , que j’ai cru devoir faire une defeription
complette de toutes fes parties ; c’étoit le feul moyen
de pouvoir le faire reconnoître dans des pays moins
ardens que l’Arabie ou le Sénégal, où il ne produit
pas plus de gomme que dans la baffe-Egypte, par le
l ’eul défaut d’une chaleur fuffifante.
. Quoique la defeription d’Haffeiquift ne foit pas
affez circonftanciée , pour nous affurer que fon
mimofa nilodeadolï le gommier d’Arabie, cependant
les propriétés, les ufages & autres qualités que
nous en ont rapportés les anciens, & qui fe trouvent
parfaitement femblables dans le gommier rougë , que
les Negres Oualofs appellent. nebneb au Sénégal ,
ne nous laiffent aucun lieu de douter de l’identité de
ces deux arbres. Mais il faut fe garder de confondre
avec cette efpece, comme avoit fait M. Linné dans
fon Species plantarum, pag. S21, le gommier blanc,
ou comme M. Gronovius dans le Flora orientalis de
R a u v o lf , le fant & le cardem, qui font trois efpeces
fort différentes de Yacacia en queftion.
Le nom de mimofa nilotica, que M. Linné donne
aujourd’hui à cet arbre, n’eft pas trop exaft ; car
i p. fes feuillesquoique fujettes, comme celles de'
la plupart des, plantes légumineufes , à fe plier en
éventail, toutés les nuits, ou toutes les fois que le
foleil refte long-tems caché , n’ont pas au- moindre
conta£t cette efpece de fenfibilité & de mouvement
qui a fait donner le nom de mimofa à la fenfitive ;
en fécond lieu , cet arbre n’étant pas aufli naturel,
aufli commun aux bords du Nil qu’en Arabie, ne
pouvoit être défigné qu’improprement par l’épithète
ou le furnom de nilotica '.' de- forte qu’il nous paroît
plus à propos de lui conferver fon ancien nom
d?acacia ou. acacia Arabica.
Deuxieme efpece. Gommier rouge. GoNAKÉ.
Le Sénégal produit une fécondé efpece de gommier
rouge, que les Negres du pays d’Oualo connoiffent
fous le nom de gonaké. Cet arbre diffère du précédent
, qu’ils appellent nebneb , en ce qu’il croît moins
volontiers dans les fables mouvans de la côte maritime
, mais plus communément dans les terres moitié
fablonneuies, moitié argilleufes rougeâtres, qui commencent
à huit ou dix lieues de la mer, & s’étendent
jufqu’à foixante lieues dans le continent, où il
compofe la plus grande partie des forêts qui couvrent
généralement tout le pays du Sénégal.
Le gonaké s’élève communément à vingt-cinq ou
trente pieds de hauteur. Son tronc eft droit, haut
de dix pieds fur un pied & demi d’épaiffeur, couronné
de branches ouvertes fous un angle de quarante
cinq degrés , & dont le bois e ft , comme le
fien, blanc-fale ou grifâtre , pendant qu’il eft encore
humide, mais devient,.en féchant, d’un beau rouge
foncé. Ses jeunes branches font d’abord anguleufes,
d ’un gris blanchâtre ; puis elles s’arrondiffent, deviennent
gris-brun, & font couvertes de poils courts
fort ferrés, & couchés en différens fens. Ses feuilles
different de celles du nebneb, en ce qu’elles n’ont
que quatre paires de pinnules, composées chacune
de douze à feize paires de folioles : on remarque
deux glandes fur leur pédicule , comme dans le
nebneb, mais difpofées différemment; l’une entre là
première paire de pinnules qui termine fon extré*
nnté, l’autre entre la troifieme paire en defeendant.
v - S/rTeS ^eurs fortent au nombre de quatre, de
1 aiffelle de chaque feuille. La gouffe qui leur fuc-
cede elt longue de fix à fept pouces, un peu courbe,
large de huit à neuf lignes, d’un brun noir, terne
Tome ƒ, .
couverte de poils comme les jeunes branches, marquée
, non pas d ’étranglemens à collet, mais de
douze à treize noeuds,.dont les enfoncemens alternatifs
indiquent les féparàtions d’autant de cellules,
qui renferment chacune une graine de cinq lignes
de longueur, .
Qualités. Sa gomme eft plus rouge , plus amere,
& pour le moins aufli abondante que la précédente ;
aufli entre-t-elle pour une bonne partie daris le commerce
qui fe fait de la gomme“ au Sénégal.
Ufages. Son écorce intérieure donne,, ainfi que fa
gouffe, une teinture rouge, mais plus foncée, & à laquelle
on donne une préférence fur celle du nebneb.
Son écorce eft aufli préférée pour tanner les cuirs
deftinés à faire le maroquin. Son bois eft extrêmement
dur , d’une couleur rouge foncée agréable, &;
très-propre aux ouvrages de marqueterie.
Remarque. Cette efpèce n’a point encore été décrite
dans aucun ouvrage de Botanique.
Troifieme efpece. SlUNG.
Celle-ci eft encore une efpece du vrai acacia ,
qui n’a été décrite ni figurée nulle part, & qui croît
plus volontiers dans les terres argrlleufes que dans
lès fables. J’en ai obfervé beaucoup dans les forêts
du milieu du continent & même autour du Cap-
Verd. C’eft un arbre rarement plus haut que vingt-
cinq pieds, & d’une forme finguliere, qui le fait
remarquer par-tout où il eft. Sur un tronc de dix k
douze pieds de hauteur , s’élèvent des branches de
vingt pieds de longueur, qui s’étendent horizontalement,
de maniéré que l’arbre.entier fe préfente de
loin fous la forme d’un parafol. Ses jeunes branches
font brunes comme les vieilles /couvertes de feuilles
folitaires , mais raffemblées fix à huit en faifeeau
fur les vieilles. Chaque feuille porte quatre à fix
& plus communément quatre pinnules , compo-
fées chacune de douze paires de folioles : le pédicule
commun qui foutient les pinnules ne montre
aucune glande; mais, à fon origine', on voit deux
épines courtes, coniques , longues de deux lignes ,
noirâtres, courbées en deffous.
Du milieu de chaque faifeeau de feuilles,fortent/
comme dans le nebneb, des têtes compofées chacune
de cinquante fleurs blanches, longues de deux lignes ,
& accompagnées d’une écaille une fois plus courte
que le calice. Celui-ci ne diffère de celui du nebneb
qu’en ce qu’il eft verd-gai, de moitié, plus court que
la corolle, fes découpures ont extérieurement une
petite boffe très - fenfible. Les découpures dp fa
corolle font elliptiques, une fois plus longues que
larges. Ses étamines, au nombre de trente feulement
, & fon piftil reffemblent à ceux du nebneb ;
mais fon ovaire eft une fois plus long* que large,
feflxle,fans pédicule, furmonté d’un ftile deux fois
plus long. En mûriffant, cet ovaire devient une
gouffe prefque cylindrique , un . peu applatie , à
écorce épaiffe , avec un parenchyme charnu, de
quatre à cinq pouces de longueur, étroite, douze à
quinze fois plus longue que large , liffe, luifante ,
verd-brune, de douze à quinze loges , contenant
chacune une graine longue de trois lignes, & d’ailleurs
femblable à celle du nebneb.
Qualités. Le fiung rend une gomme blanchâtre
mais peu abondante & en petites larmes, qui fe recueille
fans aucune diftinétion avec les autres. Ses
feuilles mâchées ont une faveur douce.
Ufages. Ses racines font fi longues, fi égales, fi
dures, fi fouples ,. fi difficiles à fe rompre , & d’un
rouge-brun fi agréable à la vu e , que les Negres en
font les manches de leurs zagayes , auxquels ils
donnent communément fix à fept pieds de longueur
fur huit à neuf lignes au plus de diamètre. Ils boivent
l’infufion à froid des plus jeunes de ces racines