
 
        
         
		eu x,  des  chefs  q u i ,  magiftrats  &   guerriers,  président  
 |  la police intérieure ; quoique  leurs  moeurs  
 aient  effuyé  le  plus  d’altération,  ils  ont  confervé  
 certains traits de  famille qui  rappellent leur origine.  
 Les  villes  modernes, beaucoup  plus  confidérables  
 que  les- anciennes,  qui  n’étoient  qu’un  aflèmblage  
 informe de  tentes &  de  chariots,  font  habitées  par  
 des commercans  &  des cultivateurs. Plufieurs ports  
 font  ouverts  aux  nations,  c’eft  fur-tout  à  Moka,  
 fituée  fur  la mer  Rouge ,  que  les  Européens vont  
 chercher  le  café  qu’ils  changent  contre  leur  or  &   
 leurs  vices.  Les  Arab es  féduits  par  leur  exemple  
 contagieux,  ont  fenti  naître en  eux  la  cupidité.  Ils  
 ont abandonné  leurs déferts fauvages  &   fe  font répandus  
 dans les échelles du levant ,o ù  l’or qu’ils accumulent  
 par le commerce ne fert qu ’à  leur apprendre  
 à rougir  de  leur  antique  fimplicité ; &  devenus  
 plus  riches &  moins heureux, ils affoibliffent chaque  
 jour le fentiment généreux de cette liberté précieufe  
 dont  toutes  les richeffes du  monde-ne  peuvent dédommager. 
   . 
 Le flambeau des fçiences &  des arts éclaira l’Arabie  
 ayant d’avoir, jetté la moindre lueur fur les autres  
 nations ; &  c’eft ce  qui prouve fon  titre d’aîneffe fur  
 la  terre.  Les  fciences-utiles y   précédèrent  les  arts  
 d’agrément. Les Arab es  furent  les  premiers  qui prirent  
 lèur  effor vers  le  ciel  pour  y   contempler  les  
 aftres.  Un  peuple  nomade  placé  fous  un  ciel  pur  
 &   fans  nuages ,  uniquement  occupé  à  paître  fes  
 troupeaux  dans  des plaines  découvertes  ou  fur le  
 fommet des montagnes,  dut  acquérir  de promptes  
 connoiffances  des  planètes  &   des  étoiles  ;  &   ce  
 qui prouve qu’ils  ont été  les  premiers  aftronomes ,  
 c’eft  que  les  noms  qui  défignent  ces  corps  céleftes  
 font  tous  tirés  des  différentes  efpeces  d’animaux  
 connus dans  cette  région.  Il'eft  vrai  que ce  peuple  
 obfervateur n’étendit  pas fort loin fes connoiffances.  
 Solitaires  &   réduits  à  fe  contempler  eux-mêmes,  
 fans  relation  avec  les  étrangers,  ils  ne  pouvoient  
 emprunter 'd’eux  leurs  découvertes  &  même  leurs  
 opinions  dont  le  choc eût produit des  étincelles de  
 lumière. Leurs  obfervations qui n’étoient  point  appuyées  
 par  le Calcul,  fe  bornèrent à  leur.apprendre  
 les  variations  de  l’air,  au lever  &  au coucher  
 dé' certaines  étoilés,  à  former  des  aftrologues  &   
 dés magiciens qui  en  impoferent,  à  la  crédulité. 
 Le pays des arts &  des fciences eft fouvent infefté  
 de  charlatans  qui  obfcurciffent  leur  fplendeur.  On  
 voyoit  en  Arabie  de prétendus fçavans qui  fevan-  
 toient d’entendre  le  langage des  oifeaux.  Ils préfé-  
 roient  leur  converfation .à  celle  de  leurs  fembla-  
 bles.  Ils prenoiènt un grand plaifir à  découvrir leurs  
 feçrets  &   leurs  petites  intrigues. Une  fcience  aufîi  
 extraordinaire  ne  pouvoit  ê tre   q u e   bien  accueillie  
 chez un  peuple  amateur  du  merveilleux.  D’autres  
 prpphanant le  titre  de  prophète  fe.retiroient  dans  
 les antres &  les déferts, où, après des jeûnes aufteres  
 &   des macérations  doûloureufes  pour  plaire  à  la  
 divinité,  ils  étoient  gratifiés  de  vifions  qu’ils  ve-  
 noient annoncer à la multitude qui n’avoit  garde  de  
 reconnoîtré un  fripon  dans  un  homme  pâle  &   dé^  
 ~ charné  &   fouvent  couvert  de  plaies  &   d’ulceres  
 qu’on  regardoit comme autant de ca ra ctère s  de fain-  
 teté.  Ce  fut  encore dans  cette  partie  de  l’Arabie ,  
 qui  confine  à l’Egypte,  qu’on  vit  éclore cet  effaim  
 d’aventuriers  qui,  errant  fans patrie  fur  le  globe,  
 fous  le  nom  de  difeurs  dè  bonne ^aventure,  font  
 payer leurs menfonges  au  peuple.imbécille ; c’étoit  
 avec  des  fléchés,  des  baguettes  divinatoires,  des  
 phyltres, des amulettes, que ces impofteurs, en prononçant  
 des  paroles  myftérieufes,  faifoient  leurs  
 opérations magiques. 
 La .médecine  languit  dans une  longue  enfance en  
 Arabie ;  ceux  qui i’exerçoient  n’avoient  qué  leurs 
 expériences &  le fecours des  traditions. Les mêmes  
 fymptômes  leur  paroiffoient  demander  les  mêmes  
 remedes,1 ils  ignoroient  le  méchanifme  du  corps,  
 &   ils  ne  faifoient aucune  diftinftion  des  tempéra-  
 mens. Mais  les aromates &  les plantes falubres dont  
 le pays abonde,  la fobriété &  la vie attive des habî-  
 tans  ïuppléoient  à  l’ignorance  des  médecins, dont  
 la plupart  employoient des  paroles  magiques  pour  
 guérir  leurs  malades.  Il  eft  vrai  qu’à la  renaiflance  
 de la  médecine  ce  furent les Arabes qui  furent  les  
 premiers maîtres  dans l’art  de guérir.  Ils  eurènt des  
 difciples chez toutes les nations. Les rois &  les grands  
 affligés de maladies,  leur donnèrent  leur confiance,  
 qui  fut  juftifiée  par  quelques  fuccès. 
 Les  Arabes,  fiers de  lanobleffe de leur  origine  
 ont  toujours  fait  une  étude férieufe  de  leur généalogie; 
   &   comme  leurs  ancêtres  ne  fçavoient  ni  
 lire  ni  écrire,  ils  n’ont pu leur tranfmettre de titre  
 qui  conftatent  leur  defcendance ,  &   par  la .même  
 raifon  il  eft  impoffible  de  les convaincre  d’erreur.  
 Il  eft  vrai que  depuis  environ  trente-fix  fiècles  les  
 filiations font dépofées  dansdes archives  publiques.  
 Cet ufage, religieufement obfervé, fut introduit par  
 Adnan,quifut un des ancêtres de Mahomet. Aurefté,  
 un  peuple  aufîi  peu nombreux, qui  n’a point  con-  
 trafté  d’alliance  étrangère  ,  qui  n’a  jamais  effuyé  
 de révolutions, qui, dans fonloifirfolitaire, eft toujours  
 occupé  des  intérêts  de  fa  vanité,  a  pu  facilement  
 conferver le  fouvenir de  fes  ancêtres &   la  
 fuite de  fes  générations. 
 Les  arts  méchaniques  ne  durent  pas  beaucoup  
 fe  perfectionner chez un peuple qui  éprôuvoit  peu  
 de befoins. Comme leurs productions ont moins d’éclat  
 que d’utilité,  c’eft  plutôt  dans  les villes  qu’au  
 milieu des déferts  qu’on les voit  éclore,  parce  que  
 le befoin eft créateur  de  l’induftrie. Les Arabes uniquement  
 occupés  à  faire,  la  guerre  aux  hommes  
 &  aux  animaux n’exGellerent  qu’à fabriquer des cime  
 te re's., des arcs &  des dards. Leurs toiles de coton  
 ne  furent  jamais;  fort  eftimées. 
 Les  fçiences graves &  férieufes qui s’appuient du  
 fecours  des  calculs,  qui demandent une  méditation  
 profonde pour lier  le  principe avec les conféquen-  
 ce s ,  rie  peuvent  prendre  de  grands  accroiffémens  
 chez  une  nation dominée  par une imagination toujours  
 embrafée  &  qui ne s’éteint  que quand on veut  
 régler fa marche  avec- le  compas géométrique. Ces  
 fciences  ,  bannies  des  climats yoifins  du  tropique,  
 ont  été  remplacées  par les  arts d’agrément qui n’aiment  
 que  ces  défordres  ces écarts  qui étonnent  
 l’efprit &  maîtrifent les coeurs. C ’eft-là qu’on découvre  
 le  berceau de,  la  poéfie  &  de  l’éloquence,  qui  
 étant à  peine  éclofes, y  font parvenues à une prompte  
 maturité. Les Arabes, en fortant des mains de  la  
 nature, font tous poètes &  orateurs. Une langue har-  
 monieufe  &   féconde  qui  admet  des  figures  audacieuses  
 , favorifeleurspenchans fortunés. Les.maximes  
 qui  affurent  &   embelliffent  la  foeiété  ne  s’y   
 montrent  que  parées, des  grâces de  la poëfie,  &  la  
 morale  fe .  dépouillant  ainfi de  fes-rides  &   de  fon  
 atlftérité,  s’infinue plus aifément dans les coeurs. L’émulation  
 multiplie  les  produirions  du  génie:les  
 pièces fonirécitées dans les affemblées publiques, &   
 l’on décerne des honneurs &  des récompenses à l’auteur  
 qui  a le mieux réufli. Les femmés,  revêtues de  
 leur  robe nuptiale, chantent la gloire du  vainqueur  
 dont les louanges font encore célébrées par fes rivaux,  
 &  les pièces couronnées font dépofées dans les archives  
 de la nation. Les orateurs étoient honorés des mêmes  
 diftinfiions.  Leur  éloquence  étoit  une  profe  
 harmonieufe &   cadencée  ,  faite pour leurs  oreilles  
 &  accommodée au génie de leur langue &  à la trempe  
 de leur caraflere ; mais elle ne peutfervir ,de modèle  
 aux  étrangers.  Toutes  ces  pièces  enfantées  par 
 d’imagination n’ont aucune chaîne dans les  raifonné-  
 mens, ce font des fentences  fans liaifon qui fe fucce-  
 dent &  fe  choquent  avec b ruit,  des  tranfitions  fu-  
 bites &  inattendues,  des éclairs qui  éblouiffent  plutôt  
 qu’ils n’éclairent ; enfin  l’imagination bondiffante  
 &   vagabonde,  fe  pronlene  d’objets  en  objets *  &   
 n’en laiffe  entrevoir  que  la  fuperficie. 
 Ce fut  encore  dans  l’Arabie  q&e  l’apologue  prit  
 naiffance  .• cette maniéré  d’inftruire  a> dans tous les  
 tems, été en ufage chez  les peuples de  l’Orient  qui  
 aiment à envelopper d ’un voile myftérieux les chofes  
 les plus communes  pour  en  relever  la  dignitér  Les  
 Arabes  fur-tout ont  fait  briller  leur  fubtilité  à  deviner  
 des. énigmes.  Ils  fe  glorifient d’avoir  produit  
 Lockan,  dont les  traits font trop reffemblans  à ceux  
 d’Efope,  pour ne pas reconnoître l’identité.  Ce  célébré  
 fabulifte  à  fervi  de  modèle  à  tous  ceux qui  
 -l’ont fuivi. Ainfi ce peuple , aidé  de  fon feul  génie,  
 a  puifé,  dans  fon  prop/e  fonds,  les richeffes  que  
 les  autres ont empruntées  réciproquement  de leurs  
 voifins; 
 L’éducation dé la jeuneffe n’eft point confiée à des  
 inftituteurs  mercenaires qui fe  chargent fans pudeur  
 d’enfeigner ce qu’ils ignorent &  ce que  leurs  éleves  
 doivent oublier dans im âge plus avancé, pour n’être  
 point  confondus  dans  la  claffe  abjette  des hommes  
 vulgaires. Chaque pere de famille.çhezles Arabes en  
 réglé la police , &  à fon défaut c’eft à celui  qui  a  le  
 privilège  de  l’âge &  le plus de  fageffe ,■  qu’eft  confié  
 l’emploi  glorieux  de  former  les. moeurs  des en-  
 fans. Ce n’eft point par des maximes furannées &  pa-  
 rafites qu’il les înftruit; au lieu de tous c.es-apophte-  
 gmes  rebutans,  il n’oppofe  que  fes  exemples pour  
 reftifier  leurs  penchans; &  comme il eftdntéreffé  à  
 perpetuef la  gloire  de  fa  famille, il  fe  montre tôu- ■  
 jours pur &  réfervé, pour ne point étouffer en eux le  
 germe héréditaire des vertus.  Les  Arabes fubjugués  
 par l’exemple ,  font pendant  toute  leur vie  ce  que  
 faifoient leurs peres. 
 La  langue  Arabe  #  qui  eft  la  langue  fçavante  
 des  Mufulmans,  eft  une  de  celles  qui  difputent  
 l’honneur  de la maternité.  Ses titres, fans  être déci-  
 lifs , .établiffent  fa haute  antiquité.  Le  pays  où  elle  
 eft  en  ufa^e  eut  des  habitans  dans  les'fiecles  les  
 plus  recules ,  de nouvelles  colonies  n’y   font point  
 venu  chercher des  etabliffemens ;  il  ne  fubit jamais  
 de  domination  étrangère, &   s’il  eut  à  lutter  contre  
 dçs invafions ,  ce  furent des torrens paffagers qui fe  
 diffiperent.  Ainfi le langage n’eut point à  effuyer ces  
 altérations  qu’occafionne  le  mélange  de  différens  
 peuples.  Sa fécondité. &   fon harmonie n’ont  pu  être  
 que  l’ouvrage tardif du temps. Riche  jufqu’à la  pro-  
 fufion,  elle  offre  fouvent  le  choix  de  cinq  cens  
 mots  pour  exprimer  une  feule  &  même  chofe. Ses  
 tropes hardis, fes métaphores fécondes  qui  préfen-  
 tent  leurs  objets  avec  leursimages, multiplient  encore  
 fon ^abondance :  or  comme  elle  fe  montroit  
 avec  la meme parure  &  la même magnificence dans  
 les fiecles  où le  refte  des nations  étoit  plongé  dans  
 la plus  epaiffe barbarie, on ne peut lui contefter une  
 origine  affez ancienne pour légitimer fes,prétentions  
 au  titre  d’aîneffe. Cette langue  eft  compofée de dif-  
 mrens  dialeûes  dont  le  plus  eftimé  eft  celui  des  
 •Koreishites,  parce  que  c’étoit  celui  que  parloit  le  
 prophète, légiflateur.  Les  autres  font  tombés  dans  
 une  efpece  de  mépris.  Les  premiers  cara&eres  ne  
 jont plus d’ufage;  Morabe, du temps de Mahomet,  
 leur  en fubftitua de  nouveaux qui  font appellés  encore  
 aujourd’hui les enfans de Morabes.  Ce  fut avec  
 ces cara&eresque le Koran fut écrit pour la première  
 ois.  Quoique moins imparfaits  que les  anciens, ils  
 etoient  encore  informes  &   greffiers  :  on  leur  en  
 iubltitua  de  plus  nets &  de  plus  réguliers  qui  fu-  
 perfectionnes  dans  la fuite  par le  feerétaire du 
 dernier calife Âbbàffidë ; &   ce font ceux qui font en  
 ufage au jourd’hui; 
 •  ^*es  avoient  des  ufages  qu’ils  tenoierit de  
 leurs  peres  ,  &   qui  leur  étoient  communs avec la  
 plupart  des  peuples  dé" l’Orient  qui  n’avoient  aucune  
 relation  avec  eux;  ce  qui  femble  démontrer  
 que  ces:  ufages  s’étoiem:  établis  par  le  befoin  du  
 ■ H S   circoncifion  douloureufe  qu'ils  tenaient  
 d Ilmael , a ete retenue par la pérfuafion qu'elle arrê-  
 toit les ravages de certaines maladies dont lafource eft  
 peut-être Jieureufement tarie. La diftfoaion des viatf  
 des permifes &  prohibées étoit une leçon donnée  par  
 l’expérience  qui  avoit  appris  que  les  alimens  qui  
 influent fur le  phyfique *  avoient  également une influence  
 fecrete  fur  le moral  :  ainfi  une  fage  policé  
 etoit  autqrifée à  interdire  la  chair  de  porc  &   des  
 autres  animaux  immondes qui  pouvoit  égalément  
 altérer la  fanté  &   les  moeurs. Les  ablutions  n’ont  
 nen  de  bifarre  que  les  cérémonies preferites  pouf  
 en affurer  l’efficacité.  Les  Arabes  ne connoiffoient  
 point  l’ufage  du  linge &   de  la toile ;  la  poufïïere  
 du  defert  enlevée  par  le  vent  s’attache  à  leur  
 , corps &  les  rend fales  &  dégoûtans. La  chaleur du  
 climat,  les  tempéramens  fecs  &   brûlés,  les  maladies  
 de la peau,  dont la lepre étoit la plus  hideufe*  
 trouvoient dans les  lotions un  remede facile &  peu  
 difpendieux,  &   par  conféquent  convenable  à  un  
 peuple  iridigent  :  cette  inftitution  politique &  reli-  
 gieufe  n’a  rien de pénible, &   fi  la  religion ne  l’eût  
 pas  preferite,  les  Arabes  feroient  par  plaifir  ce  
 qu’ils  font  par  devoir. 
 La  polygamie, autorifée  par  l’exemple  des  patriarches, 
   s’eft  perpétuée  dans  l’Arabie.,  quoique  
 ce  ne  foit  point  un  privilège  dans  un  pays  où  le  
 divorce  eft  permis  ,  fans  alléguer  d’autres  motifs  
 que  fes  dégoûts.  Plufieurs  cantons  dérogeoient  à  
 l’ufage  le  plus  univerfel ;  les  Troglodites  poffé-  
 doient leurs femmes en commun, &  chez les Sarrafîns  
 le  mariage n’étoit  qu’une union paffagere ,  formée  
 par  un befoin réciproque. Les Arabes attachoient un  
 grand ^ honneur  à  la  fécondité ;  &   comme  ils  fe  
 croyoient formés d’une argille plus pure que le  refte  
 des  homme^, ils  étoient  perfuadés que  leur efpece  
 ne pouvoit être trop multipliée :  errans &  folitaires  
 dans leurs déferts, ils croient que la trifte uniformité  
 de  vivre avec le même objet, les plôngeroit dans un  
 affoupiffement perpétuel, au lieu qu’une famille plus  
 nombreufe  diverfifie  leurs  occupations  &   leurs  
 plaifirs  :  tou t,  jufqu’aux  jaloufies domeftiques, les  
 réveille  &   les fait fortir de la langueur. Les femmes  
 réduites  à  l’indigence  par  un  partage  inégal,  fup-  
 .portent  fans murmure  le  joug  qui  leur eft  impofé;  
 leur  vie  laborieufe,  les  détails  domeftiques  dont  
 elles font furchargées, écartent les tentations qui font  
 prefque toujours vi&orieufes dans les affauts qu’elles  
 livrent  à  la  pareffe  &  à  l’inutilité.  La  difcipline  à  
 laquelle  on  les  affujettit  depuis  l’introduûion  du  
 mahométifme,  eft  bien  plus  auftere  que  celle  des  
 premiers  temps  ;  elles  accompagnoient  autrefois  
 leurs maris  à  la guerre , elles préfidoient  aux fêtes ,  
 &   jamais  cette  liberté  ne  dégénéroit  en  licence -  
 la  chafteté étoit  une  vertu  nationale , &   la  crainte  
 de  perdre uri coeur  dont  elles n’avoient que le partage, 
   les  précautionnoit  contre  une  chiite  dont  le  
 fcandale les auroit  réduites à   une indigence abfolue. 
 Les Arabes  naturellement  guerriers  n’attendirenf  
 que  les  circonftances' pour  être  eonquérans ;  longtemps  
 pacifiques &   obfcurs,  ils ne prirent les armes  
 que  par  l’avidité  du  butin,  &  jamais  pour étendre  
 leurs  limites : ils  niéprifoîent  trop les hommes pour  
 defirer de  les avoir pour fujets.  Ils marchoient  fans  
 ordre  &   fans  difcipline ; mais  accoutumés  à~ combattre  
 les  bêtes  féroces,  ils  portoient  le  courage  
 jufqu’à la  férocité.  Quelques hordes  plus  fauvages