paroît avoir privée de la vie , le coeur rappelle au
mouvement, ranime lui feul la machine entière ,
& lui rend la chaleur <k la vie.
Quand, au contraire , le mouvement circulaire
du fang fe fait avec la plus grande promptitude ;
quand les globules gliffent avec aifance par les
veines capillaires , dont un feul fuffit à remplir le
diamètre ; quand toute la machine joue avec aifanc
e , on n'a qu’à lier l’aorte , ou qu’à arracher le
coeur; il y aura un moment o ù le mouvement clu.
fang fera renverfé, où le fang reviendra par les-
arteres , fe rendra au coeur ; mais ce ne fera qu’un
moment, & incontinent après il n’y aura plus de
mouvement dans le nombre infini de v a i f ie a u x ,
dans lefquels la circulation offroit le fp e & a c le le
plus intére fiant.
Nous n’ignorons pas que le poids du fang, fon
' a t t ra c t io n aux amas des globules, qui fe font après,
la mort, fon rebrouffemçnt contre l’ouverture d’une
v e in e , rendront un peu de mouvement au fang.
Mais il eft bien aifé de d ift in g u e r ces ofcillations
confufes & momentanées d’avec le mouvement ferme
, régulier , confiant & rapide , que le coeur fait
imprimer au fan g .
On a voulu donnerait coeur des forces auxiliaires;
on a cru en trouver .dans les arteres fur-tout
dans les arteres capillaires. Mais il eft démontré,
par des expériences décifives, que ces arteres font
immobiles, & qu’à la fente la plus fine, faite à
l’artere du méfentere de la grenouille, avec la pointe
d’une lancette, elle reftera immobile fous le mi-
crofcope de l’attentif obfervateur, & il n’y apper-
cevra pas le plus petit degré de dilatation , qui
devroit être l’effet & la mefure de la force con-
traâîve de fartere.
La chaleur & l’air ne fauroient être les agens
de Y accroijjement ; leur aélion ne fuit aucune direction
, & la dilatation des humeurs, qui feroit leur
feul effet , réfifteroit autant au courant du fang,
qu’elle l’aideroit. Si la chaleur accéléré l’accroijjement,
c’eft en irritant le coeur que le fang chaud
affefre plus vivement ; c’eft en pouffant dans l’oreillette
le fang, raffemblé dans le trohc de la veine
cave par l’effet du froid, plus puiffant fur les vaif-
feaux de la circonférence du corps , & moins fort
dans le voifinage du coeur, fource de la chaleur de
l’animal. Le coeur irrité par une quantité plus abondante
de fang chaud, multiplie fes contrarions dans
la proportion du ftimulus ; il bat & plus fouvent
dans un tems donné, & avec plus de force , &
toute la circulation s’accélère dans la raifon du
nombre & de la force des battemens de fon moteur.
Un jeune phyficien de beaucoup de mérite a cru
découvrir dans le poulet fournis à l’incubation, une
force agiffante , indépendante du coeur, & qui fans
fon fecours, avant même qu’il foit formé, prolonge
les vaiffeaux de la figure veineufe, & qui en arrange
les réfeaux & le cercle terminateur.
Il eft sûr que la couleur de rouille, & bientôt
après la couleur rouge paroît dans les veines de là
figure veineufe avant que le coeur ait rougi lui-
meme. Il exifte cependant, il eft même a fiez remarquable
, quoique blanc. Il ne pouffe apparemment
encore dans les arteres invifibles , qu’une liqueur
tranfparente ; & la rougeur commence par les veines
qui paroiffent pomper une partie du jaune par
les branches fines, qui régnent le long du tranchant
& fur les côtés des valvules du jaune.
N’eft-ce pas la grandeur fupérieure du coeur du
foetus & fon irritabilité extrême, qui, avec la flexibilité
des parties , eft la caufe de Y accroijjement rapide
du foetus ? Sa force n’eft-elle pas plus grande dans
le foetus que dans l’adulte, parce que les deux ventricules
du coeur concourent à pouffer le fang dans
l’aorte , au lieu que dans l’adulte , le poumon feul
emploie la force du ventricule droit ?
Nous allons parler .dans la fuite de plufieurs caufes
particulières de Y accroijjement ^ qui ne dépendent pas
immédiatement du coeur , mais qui cependant en
prennent leur origine plus ou moins éloignée.
Pour celui du foetus en général, fon méchanifme
ne paroît pas douteux. Le coeur pouffe le fang dans
les arteres : elles font encore dans un état de gelée,
elles cèdent aifément à l’impulifion du coeur, elles
s’alongent & s’élargiffent en même tems.. T e l eft
l’effet du ciphon anatomique fur les arteres du cadavre.
La force continuée des battemens du coeur paffa
jufques dans les veines naiffantes , & les étend dans
la même proportion.
Mais un embryon , dont Y accroijjement ne feroit
qu’une dilatation , ne deviendroit jamais un animal.
Ses vaiffeaux s’affoibliroient à mefure qu’ils fe prolongeraient
, & déjà gélatineux par eux-mêmes
ils feroient bientôt incapables de réfifter à la preflion
des corps qui les environnent, & à l’impulfion même
du coeur.
Il n’en eft pas de même dans l’animal : fes vaiffeaux
acquièrent de la confiftance à mefure qu’ils s’étendent
, ils deviennent en même tems plus longs, plus-
larges , plus épais & plus folides.
Le méchanifme, dont fe fert la nature, ne peut
être que fort fimple, puifque Y accroijjement s’exécute
à-peu-près également dans la plante & dans l’animal,
& que dans là plante il n’y ait que des tuyaux &
de la fubftance cellulaire, fans aucun moteur vifible..
En comparant la membrane ombilicale du poulet
dans les différentes' périodes de fon accroijjement
on eft convaincu par le témoignage des y e u x , que
les vaiffeaux font extrêmement ferrés & prefque
parallèles dans les premiers tems de leur formation
& qu’enfuite les arteres s’épanouiffent, s’éloignent
les unes des autres, forment des anglés plus confi-
dérables & des intervalles qui n’exiftoient point. L e
même changement s’apperçoit dans la figure veineufe*.
En jugeant des vaiffeaux invifibles par ceux que
l’oeil ou le microfcope diftinguent, il arrive dans les'
vaiffeaux les plus fins le même changeme’nt ; & les
élémens mêmes de la fubftance folide de l’embryon,
entraînés par les vaiffeaux, s’éloignent les uns des
autres & forment des intervalles. .
On voit dans la figure veineufe les vaiffeaux couverts
de cellulofités, & repliés fur eux-mêmes, s’étendre
fucceflivement, s’alonger'& former des réfeaux
, dont les angles font confidérables. Le même
méchanifme domine dans les parois des vaiffeaux,
leurs élémens folides s’écartent dans leur alongement
en formant des intervalles.
Il naît donc par l’impreflion du coeur des vuides-
entre les. élémens folides du corps animal ; ces vuides
remplis d’une liqueur fort atténuée n’oppofent
aucune réfiftance à l’exhalation des particules géla-
tineufes que charient les vaiffeaux, & qui, quoique
molles & peu confiftantes, le font plus cependant
qu’une fimple liqueur aqueufe.
Cette exhalation eft la fécrétion la plus générale
du corps animal. Qu’on pouffe une liqueur aqueufe
dans une artere quelconque, qu’on y pouffe même
une huile éthérée ou une graiffe fondue un peu fluide
; ces liqueurs fueront à travers toute la longueur
de l’artere, qui fe trouvera enveloppée d’une
gaîne de colle de poiffon ou de graiffe de porc, qui
a fuinté parles pores de l’artere, & qui s’extravafe
dans la cellulofité. Si ces liqueurs groflïeres trouvent
des pores dans les arteres de l’homme adulte,
l’humeur gélatineufe atténuée, qui de la mere paffe
dans
dans le foetus, trouvera bien plus de facilité éncore
à paffer par les pores de ces vaiffeaux, dont la fubftance
eft beaucoup moins ferrée, & à fe répandre
dans les intervalles des élémens folides, dans un tems
où la proportion de la terre & du folide eft encore
fi petite.
La goutte gélatineufe, qui remplit uh petit vuide,
s’épaiflit & devient folide parle battement des arteres
voifines, & par la réforption des parties aqueufes.
L ’air qui diffipe ce qu’il y a de plus fluide dans les
ailes d’un papillon, en forme une membrane folide
en peu de minutes ; & la foie du bombyx fort liquide
des inteftins, qui en font les filières, pour durcir aufîi-
iô t que l’air l’a frappée. Dans l’animal, dont l’air
ne pénétre pas l’intérieur., de petits vaiffeaux pompent
ce qu’il y a de plus fluide dans la colle animale
, & le refte acquiert à chaque moment un
nouveau degré de folidité. C ’eft ainfi que du fuc
offeux épanché dans le callus on voit naître, fous les
yeux de l’obfervateur, les noyaux, qui dans un petit
nombre de jours, palfent de l ’état de glu à celui de
cartilage & d’os.
La liqueur épanchée autour des vaiffeaux, forme
par-tout une fubftance cellulaire. Dans le pou le t,
& même dans le foetus humain , on voit la gelée
répandue fous les tégumens fe prendre , fe figer &
devenir une cellulofité, que bientôt une graiffe encore
ambiguë remplit, & dont il naît une membrane
adipeufe.
Dans le péricarde & dans la poitrine, l’eau gélatineufe
s’épaiflit très-ftouvent & forme des fibres &
de petites lames qui attachent le coeur & le poumon
à cette membrane.
Pour former ces fibres & ces lames, il fuffit que
quelques particules de la glu animale aient plus de
confiftance que le refte ; les parties moins folides
s’attacheront & formeront des lignes & des lames
autour de ces centres , en laiffant des vuides entre
elles. La matière glutineufe des plantes fe fige &
forme une cellulofité dans l’intérieur des tiges qui.
fe deffechent.
C’eft une liqueur glutineufe qui forme les petits
boutons par lefquels la nature répare fes pertes dans
les bleffures de la dure-mere. Ces bourgeons prennent
de la confiftance, fie forment, & font bientôt
une cellulofité rougeâtre , qui paroît de la chair.
•Une-gelée pareille luinte de chaque extrémité d’un
tendon divifé ; elle devient une cellulofité bleuâtre,
qui les ■ réunit.
La cellulofité fe prolonge & s’accroît de concert
avec les troncs des arteres, qui la parcourent. Elfe
s’ étend avec elles , & elle groffit par les parties
glutineufes , qui fuintent des parois de l’artere. Elle
le forme en filets Ou en lames ; foit par le plus ou
le moins de prolongement des a r te re s fo it par la
figure des pores, qui filtrent la glu dont elle naît:
larges, ils donnent des lames ; étroits, ils produifent
des fibres.
Le foetus n’eft qu’une glu, même lorfque plufieurs
de fes parties font formées, même quand les os ,
à la vérité encore gélatineux, ont pris leur forme.
■ Un obfervateur attentif diftingue un fémur & un
tibia parfait dans une jambe du poulèt renfermé dans
l’oe u f, lors même que tout y eft encore une colle
tremblante.
Un degré ^-accroijjement de plus , fait naître des
membranes. Elles font fans exception des tiflùs cellulaires
rapprochés , dont les vuides ont difparu par
l’abftraâion de fes parties folides , par le battement
des arteres, & par la preflion des mufcles. Le poulet
dans les premiers jours ne paroît pas avoir de
peau ; une gelée un peu confiftante eft le feul tégu-
ment^quon y diftingue , & qui couvre les os. Mais
bientôt une cellulofité prend la place de la glu, ôc
la furface extérieure ne tarde pas à devenir unë
membrane folide. Dans l’homme adulte même, l’intérieur
de la peau dégénéré par degrés en tiffu cellulaire
, & la partie de la peau , qui paroît la plus
folide , redevient cellulaire uniquement par la macération.
L’eau s’imbibe dans les intervalles des filets
& des lames de la peau ; elle les défunit ; elle lui
rend l ’état primitif de l’embryon.
Cette formation des membranes n’ eft point une
hypothefe. On la voit tous les jours dans les membranes
qui fe forment de la cellulofité & qui font
l’enveloppe des kiftes, dont le noyau eft une humeur
épaiflie.
On pourroit foupçonner que le mécHahifnie du
corps animal pourroit aller jufqu’à former des vaiffeaux.
Il s’en forme très-fûrement dans le calus. II
n’eft pas hors d’apparence , que l’impulfion de la
liqueur pouffée par l’orifice d’une artere pourroit
s’ouvrir une voie dans le tiffu cellulaire, & que cette
^ v o ie , une fois ébauchée, deviendroit un vaiffeau par
la eompreflion du tiffu cellulaire , battu par la force
du coeur, &condenfé jufqu’à devenir une membrane.
Nous nous ferions pourtant de la peine d’adopter
ce méchanifme. Les arteres ont.elles-mêmes des
vaifieaux, des nerfs, des fibres mufculaires , le tout
trop proportionné & trop arrangé pour être l’effet
d’une preflion aveugle.
Les tendons fe forment des fibres mufculaires ^
privées de leur liqueur & condenfées par la preflion
Sdes mufcles & des arteres. On pourroit même'
foupçonner qu’ils ne font qu’une cellulofité très-
ferrée. 11 eft sûr que le tendon du plantaire fe laiffe
étendre & devient une membrane , large de deux
pouces , qui elle - même n’eft évidemment qu’une
cellulofité fort ferrée. Le luifant des tendons naît
dans l’animal adulte ; les tendons du foetus font mats;
& ce même luifant paroît dans les fimples tiflùs cellulaires
des grands animaux.
La continuité des nerfs avec le cerveau, & la
grandeur de la tête dans l’embryon le plus tendre,
ne permet pas.de croire que les nerfs fe forment
-dans les parties & hors du cerveau. Pour leur accroijjement
, ils le tirent, comme le refte des parties
du corps humain, des vaiffeaux , qui dépofent leur
humeur gélatineufe dans l’intervalle des élemens folides.
Pour leur prolongement, les arteres. en peuvent
être la caufe : elles .font prefque par-tout accompagnées
de nerfs qui leur font attachés ^par un tiffu
cellulaire, & l’artere prolongée étend les nerfs avec
elle.
Les mufcles naiffent, comme les membranes, d’une
gelée épaiflie. Il eft aifé de voir dans un poulet les
degrés, par lefquels cette gelée fe fépare & forme
de petites maffes q u i , peu-à-peu, deviennent de
véritables mufcles. Le terme dans le poulet en eft
fixé le feptieme jour de l’incubation. Il eft très-po-
bable cependant que ces mufcles ne font pas l’effet
de la preflion : ils n’obfervent aucun rapport avec
les troncs des arteres, & les plus gros mufcles né
reçoivent ordinairement que des branches des vaiffeau
x, dont les trônes ont une autre direfrion. Il
eft plus probable qu’il y a dans cette gelée apparente
des membres de l’embryon, des élémens de muf-
d e s , encore invifibles, qui ne deviennent des objets
fenfibles pour nous que par l’exhalation de l’e a u ,
par le battement des arteres & par l’aôtion même
■ des mufcles.; Il eft sûr que le mouvement gonfle les
•mufcles & les rend apparens & faillans, & que les
athlètes dévoient l’expreflion marquée de leurs mufcles
à l’ufage fréquent qu’ils en fa ifo ien tcom m e
le s femmes confervent là molleffe & la gracilité
de leurs extrémités, parce qu’elles s’en fervent avec
moins de force. La fille fauvage , qu’on foupçonna
être née dans la nation des Efquimaux, & quife