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Caufes particulières qui font que de certaines ef-
peces animales y font plus petites que leurs analogues
, qui vivent dans notre continent : comme
les loups, les ours, les lynx ou les chats-cerviers,
& quelques autres. C ’eft aufli dans les qualités du
f o l , de l’air, de la nourriture que M. Kalm croit
qu’il faut chercher l’origine de l’abâtardiffement qui
furvient parmi le bétail tranfplanté de l’Europe
dans les colonies Angloifes de terre-ferme, depuis
le quarantième dégré de latitude, jufqu’à l’extrémité
du Canada (/&/?. nat- & CIV- de la Penfylvanie.').
Quant à l’homme iauvage, la groffiéreté des ali—
mens, & le peu d’inclination qu’il a pour le travail
des mains, le rendent moûts robufte qu’on ne feroit
tenté de le croire ; fi l’on ne fçavoit que c’eft principalement
l’habitude du travail qui fortifie les muf-
cles & les nerfs des bras , comme l’habitude de
ehaffer fait que les Américains foutiennent de longues
marches : & c’eft probablement ce qui a déterminé
M. Fourmont à nommer ces peuples-là des
peuples coureurs (Réflexions critiquas.') , quoiqu’ils
ne courent ou ne chaffent que lorfque la néceffité
la plus preffante les y oblige. Car, quand ils ont
quelques provifions de chair boucannée , ils ref-
tent jour & nuit couchés dans leurs cabanes, d’où
le befoin feul peut lés forcer à fortir ; &c on fçait
aujourd’hui, par un grand nombre d’obfervations
recueillies dans différentes contrées, que tous les
fauvag.es en général ont un tel penchant pour
la pareffe , que c’eft-là un des cara&eres qui les
diftingue le plus des peuples civilifés. A ce vice honteux
il faut joindre encore une infatiable foif des
liqueurs fpiritueufes ou fermentées , & alors on
aura une idée affez jufte de tous les excès dont ces
barbares font capables. Ceux qui croient que l’extrême
intempérance dans le boire ne régné que chez
des peuples fitués fous des climats froids, le trompent,
puisqu’on voit par toutes les relations,. que,
fous les. climats les plus froids , comme fous les
climats les plus chauds , les Américains s’enivrent
avec la même: fureur , toutes les fois qu’ils en. ont
l’occafion ; & ils auroient prefque toujours cette
occafion, s’ils étoient moins pareffeux. Mais comme
ils ne cultivent que très-peu de mais &, de manioc,
la matière première d’o ù i l faut extraire la liqueur,
leur manque fouvent; car on fçait que le caouin,
la piworé.ë , la chica, & d’autres breuvages, factices
de cette efpece , font pour la plupart tirés
de la farine du maïs & de la caffave. Chez les
hordes, qui ne cultivent abfolument point, comme
les Moxes, tes Patagons & mille autres-, on emploie
des racines, des fruitsfauvages & même les
mûres des .ronces , pour donner du goût à l’eau,
& lui communiquer une qualité enivrante ; ce qui
eft très-aifé par le moyen de là fermentation, qui
s’opère d’ elle-même. On foupçonne que le tempérament
froid & phlegmatique des Américains, les
porte plus que les autres hommes vers ces excès
qu’on pourroit nommer, avec M. de Montefquieu ,.
line ivrognerie de nation ; cependant il s’en faut
bien que les liqueurs qu’ils braffent eux-mêmes,
détruifent autant leur fanté , que l’eau de vie , que
les Européens leur vendent, & qui fait des ravages
aufli grands que la petite vérole, que les Européens
ont également apportée au nouveau monde, où elle
eft fur-tout funefte à ceux drêntre les fauvages, qui
vont nus, parce que leur épiderme & leur tiffu muqueux
, toujours expofés à l’a i r , s'épaiffiffent; &
ils en bouchent encore les pores avec des couleurs,
des graiffes & des huiles, dont ils fe verniffent tout
le corps pour fe garantir des piquûres des infeâes ,
multipliés au-delà de l’imagination dans les forêts
& les lieux incultes : & c’eft la perfécution qu’on y
effuie de la part des Maringouins & des Moufti-
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ques, qui y a aufli enfeigné l’ufage de fumer du
tabac.
Les anciennes relations parlent très-fouvent de
l’extrême vieillefle à laquelle tous les Américains
parviennent ; mais on fait aujourd’hui qu’il s’eft
gliffé dans ces récits des exagérations groflieres ,
qui encouragèrent vraifemblablement cet impofteur
ridicule, qu’on a vu paroître en Europe fous le
nond'Hultaçob, & qui vouloit fe faire pafler pour
un cacique Américain, âgé de cinq-cens ans. Nous
l’avons obfervé, & M. Bancroft a fait la même
obfervation dans la Guiane en 1766, il eftimpof-
fible de connoître exa&ement l’âge des fauvages,
parce que les uns manquent abfolument de mots
numériques, & chez les autres, les mots numériques
font à peine portés jufqu’au terme de trois :
ils n’ont pas de mémoire, ni rien de ce qui feroit
néceffaire pour y fuppléer ; & faute de calendriers,
ils ignorent non-feulement le jour de leur naiffance,
mais même l’année de leur naiffance. En général,
ils vivent autant que les autres hommes, au moins
dans les contrées ieptentrionales ; car entre les tropiques
, la chaleur, en excitant dans les corps une
tranfpiration continuelle, y abrégé le cours ou le
fonge de la vie. Ce qu’il y a de bien vrai encore ,
c’eft que les femmes Américaines accouchent prefque
toutes fans douleur, de avec une facilité étonnante,
& il eft très-rare qu’elles expirent en enfantant,,
ou parles fuites de l’enfantement: les Hifto-
riens difent qu’avant l’arrivée de Pizarre & d’Al-
magre au Pérou, on n’y avoit jamais ouï parler de
fagès-femmes. Tout cela a fait foupçonner que cet-
effet n’étoit produit que par une configuration particulière
des organes , & peut-être aufli par ce dé-!
faut de fenfibilité qu’on a obfervé parmi les Américains
, & dont on trouve des exemples frappans dans
les voyageurs. 11 s’eft écoulé près de deux cens ans
avant qu’on ait connu la méthode qu’ emploient
les faùvageffes pour ferrer le cordon ombilical à
leurs enfans : c’eft une grande erreur de foutenir
qu’elles, le nouent , & d’ajouter encore que c’eft
là une. pratique indiquée par la nature à toutes les
nations du monde: elles ne le nouent point, mais
y appliquent un charbon ardent , qui en emporte
une partie , & l’autre fe crifpe au point de ne .pou«
voir fe r’ouvrir. Cette méthode n’eft peut-être pas
la plus mauvaife de toutes.; & fi la nature a.enfeigné
à cet égard quelque procédé , il faut avouer qu’il
eft très-difficile de le reconnoître d’avec ceux qu’elle
n’a point enfeignés. .
- On a trouvé parmi les Américains peu d’individus
eftropiés ou nés contrefaits, parce qu’ils ont e u ,
ainfi que les Lacédémpniéns, la barbarie de détruire
les enfans, qu’une organifation vicieufe , ou une
difformité naturelle, met hors d’état de pouvoir fe
procurer la nourriture en chaffant ou en pêchant.
D ’ailleurs , comme les fauvages n’ont point les
arts, ils n’ont pas non plus les maladies desartifans,
& ne difloquent point leurs membres en élevant, de9
édifices ou en conduifant des machines. Les grandes
courfes. que les femmes enceintes font obligées d’y
entreprendre, les font quelquefois avorter ; mais
il eft rare que la violence au mouvement y ef-
tropie le foetus. Le. défaut abfolu de toute efpece
de bétail domeftique & par conféquent le défaut
de toute efpece de laitage, fait que les Américaines
gardent long-tems leurs enfans à la mamelle , &
que, quand il leur naît des jumeaux, elles immolent
celui qui leur paroît être le plus foible. Ufage
monftrueux, mais introduit chez les petites nations
errantes, où les hommes ne fe chargent jamais
de quelque fardeau qui pourroit les empêcher de
ehaffer.
Rien n’eft plus furprenant que les. obfervations
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qu’on trouve dans les mémoires de pîufieurs voyageurs,
touchant la ftupidïté des enfans Américains
qu’on a effayé d’inftriiire. Margrave affure (Comment.
ad Hljl. Brajilià) qu’à mefure qu’ils approchent du
terme de l’adolefcençe, les bornes de leur efprit
paroiffent fe rétrécir. Le trifte état où nous fçavons
que les études font réduites, dans les colonies de
Y Amérique méridionale, c’eft-à-dire, parmi les Portugais
&C les Efpagnols, feroit croire que l’ignorance
des maîtres a été plus quefuffifante pour oeçafionner
celle des écoliers ; mais on ne voit point que les,
profeffeurs de l’uni verfité de Cambridge , dans la
nouvelle Angleterre, aient formé eux-mêmes quelques
jeunes Américains, au point de pouvoir les.
produire dans le monde littéraire. Nous dirons ici
q u e , pour bien s’affurçr à quel point les facultés
intelleûuelles font étendues pu bornées dans les
indigènes de Y Amérique, il faudroit prçndre leurs
enfans encore au berceau, & en fuivre l’éducation
avec beaucoup de douceur & de philofophie ; car
quand ces enfans ont contracté., pendant quelque
tems, les moeurs de leurs parens, ou barbares,
pu fauvages, il eft très-difficile d’effacer de leur a nie
ces impreffions d’autant plus fortes, que ce font
les premières : il ne s’agit pas d’ailleurs de faire des
expériences fur deux ou trois fujets, mais fur un
grand nombre de fujets, puifqu’en Europe même, de
tant d’enfans appliqués aux études dès leur plus tendre
jeuneffe , on obtient un fi petit nombre d’hommes
raifonnables, & un nombre encore plus petit d’hommes
éclairés. Mais eft-ce bien de la part de quelques
marchands de Y Amérique, de la part de quelques
aventuriers guidés dans toutes leurs afrions par l’avarice
la plus brûlante, qu’on doit s’attendre à ces
effais dont il eft ici queftion? Hélas ! nous en doutons
beaucoup.
On pourroit fe difpenfer de parler des créoles,
puifque leur hiftoire n’eft point néceffairement liée
avec celle des naturels du nouveau continent ; s’il
ne convenoit de faire obferver qu’en .accordant
même que Thomas Gage & Coréal, ou le vo ya geur
qui a emprunté ce nom, ont outré ce qu’ils
rapportent de l’imbécillité, ou plutôt de l’abrutif-
fement des Efpagnols nés aux Indes occidentales
(Defcript. & Voy. aux Indes occident.), il n’en refte
point moins vrai que ces créoles ont été généralement
foupçonnés d’avoir effuyé quelque altération
par la nature du climat ; & comme c’eft-là un malheur
, & non un crime, le P. Fejoo auroit dû mettre
plus de bon fens dans ce qu’il a écrit pour les juftifier,
puifqu’il y a bien de l’apparence qu’il n’eût pas
même penfé à les juftifier, s’il n’avoit cru que la
gloire de la nation Efpagnole yétoit intéreffée. O r,
ce, font-là des préjugés indignes d’un philofophe,
aux yeux duquel la gloire de toutes les nations n’eft
rien, lorfqu’il s’agit delà vérité. Les lefteurs, qui
ont quelque pénétration, verront aifément que ce
n’eft ni à l’envie, ni à quelque reffentiment particulier
contre les Efpagnols, qu’on peut attribuer ce
qu’on a vu de l’altération furvenue dans le tempérament
de leurs créoles, puifqu’on '>ia dit tout autant
des autres Européens établi., dans le nord de
Y Amérique, comme l’on s’en apperçoit en lifant l’hif-
toire.de la Penfylvanie que nous avons déjà eu occafion
de citer. Si les créoles avoient écrit des ouvrages
capables d’immortalifer leur nom dans la
république des lettres, ils n’auroient pas eu befoin
de la plume & du'ftyle empoulé de Jérome Fejoo,
pour faire leur apologie, qu’eux feuls pouvoient,
& qu’eux feuls dévoient faire. Cependant ce n’eft
point le temps qui leur a manqué ,’ puifque Coréal
qui les a dépeints, comme nous l’avons dit, avec des
couleurs fi défavantageufes, partit pour Y Amérique
en 1666. Au refte, plus on étendra la culture dans
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“ intérieur du nouveau monde * en faigriant les marais,
en abattant les bois , plus le climat y changera
& s’adoucira: c’eft-là un effet néceffaire qui devient
îenûble d’année en année ; &c pour fixer ici exactement
l’époque de la première obfervation faite à
cet égard, nous dirons que, dans la nouvelle édition
des Recherches philofophiqu.es fur les Américains, on
trouve la copie d’une lettre par laquelle il confie que
dès l’an 1677, on s’étoit déjà apperçu de ce changement
de climat, au moins dans les colonies Angloifes
, qu’on fait avoir été le plus opiniâtrément
attachés au travail & à l’amélioration de la terre ,
dont les fauvages n’avoient prefque aucun foin: ils,
attendoient tout de la nature, & rien de leur in-
duftrie. C ’eft bien à tort fans doute qu’on a cru que
l’abondance du gibier,, du poiffon & des fruits pro«
venus fans culture , avoient retardé les progrès de
la vie civile dans prefque toute l’étendue de YAmé->.
rique: à la pointe feptentrionale du Labrador, & le
long des côtes de la baie de Hudfon , depuis le port
de Munck , jufqu’à la riviere de Churchil, la ftéri-
lité eft extrême & incroyable; o r , les petits troupeaux
d’hommes qu’on, y a rencontrés , font aufli
fauvages pour le moins, que ceux qui errent au
centre du Bréfil, de la Guiane , & le long du Mara-
gnon & de l’Q réno que , qîi l’on trouve plus de
plantes alimentaires, plus de gibier, plus de poiffon,
& où jamais la glace n’empêche de pêcher dans
les rivières. Il paroît tout au contraire que la pof-
feffion d’un grain aufli facile à élever & aufli facile
à multiplier que l’eft le maïs, auroit dû porter les
Américains à renoncer dans beaucoup de provinces
à la vie ambulante ôcà la chafîe, qui rend le coeur1
de l’homme dur & impitoyable. Cependant il eft
très-certain que quelques-uns de ces peuples, qui
poffédoient la femence du maïs, étoient encore
plongés dans l’anthropophagie., comme les Caraïbes
de terre-ferme, qu’on a vu en 1764, manger les
corps des nègres marons, révoltés contre les Hol*
landois aux Berbices (Naturgefchichte von Guiana.
§ /(f/.). Nous favons néanmoins à n’en point douter,
que ces barbares, dont il eft ici queftion, cultivent
non-feulement le manioc , mais encore le pifang
f mufa paradijiaca ) ; & malheureulement ils nô
font point les feuls d’entre^ les Américains, qui,
fans y être contraints par aucune efpece de difette,
ont fouillé leurs tables en y fervant des pièces de
chair humaine, rôties, à de grandes broches de bois*
pu bouillies dans des marabouts.
On fe perfuadera fans peine que quelques voya*
geurs ont exagéré le nombre des peuplades anthropophages;
mais il eft fûr qu’on en a trouvé au fud,
au nord & entre les tropiques. Les Atac-Apas de la
Louifiane q u i , en 1 7 19 , mangèrent un François
nommé Charleville , habitent à plus de huit cens
lieues du diftriçf des Caraïbes , cabanés entre les
rives de l’Effequébo & de l’Orénoque ; & de-là il
faut encore faire un immenfe trajet dans le continent,
pour arriver chez les Encavellados ou les Che»
velus , qui rôtiffent aufli leurs prifonniers ; de forte
que cette barbarie eft commune à des nations qui
nè peuvent avoir emprunté leurs moeurs les unes
des autres , ni s’être corrompues jufqu’à ce point
par la force de l’exemple.
Dans cette immenfe quantité de détails que
nous fourniffent les relations touchant les ufages
religieux des Américains , il s’eft gliflé des fauffetés
dont quelques-unes font déjà parfaitement connues ,
& dont on connoîtra les autres, à mefure que les
voyageurs deviendront pl.us éclairés que l’ont été
la plupart de ceux qui ont parlé, jufqu’à préfent,
des différentes parties du nouveau monde : des
moines, & des hommes qui ne méritoient pas
le titre de philofophe, en quelque fens qu’çn puiffe
%