des fentimens qui agitent l’ame, ou des penfées
qui l’occupent ; & alors même l’accompagnement a fon
motif dans la nature. Quoi de plus ordinaire en effet
que d’éprouver , dans l’inftant qu’on exprime, un
fentiment ou une penfée , le befoin d’exprimer auffi
une foule d’idées qui fe croifent, de mouvemens
qui fe combattent, ’ou d’images qui viennent en
foule fe préfenter à l’efprit ? Il n’eft perfonne alors
qui ne voulût avoir plus d’une voix , pour em-
braffer dans une expreffion commune l’enfemble &
les rapports de fes perceptions diverfes ; Vaccompagnement
fatisfait à ce defir impatient : c’eft le fup-
plément de la voix. La parole , fx j’ofe le dire, eft
un miroir uni ; l'accompagnement eft un miroir a plu-
fieurs faces, où tous les acceffoires de la penfée &
du fentiment, & leurs relations diverfes, fe retracent
en même tems. Et quel charme de plus pour
la mufique, que de pouvoir exprimer non-feulement
les alternatives, mais le mélange des différentes
affeâions de l’ame? La voix exprime le
defir, la fymphonie exprime la crainte ; l’une fait
voir l’ame irritée , l’autre l’appaife & la défarme
par un mouvement de pitié ; l’une éclate en reproches
, l’autre y mêle des plaintes q u i, fous les dehors
de la haine , décelent un refte d’amour. Une
femme ordonne à fon amant de la facrifier à fon
devoir & à fa • gloire ; mais la confiance qu’elle
a ffe â e, fon coeur la défavoue , il en. foupire, il en
gémit ; fa voix dira donc : je t'ordonne de me quitter ;
& l’accompagnement dira : mais j'en mourrai. Tels
feroient en mufique les adieux de Bérénice &c de
Titus : ainfi , de toutes les fituations où l’ame eft en
contradiâion avec elle-même,
L’expreflion de l’accompagnement ne fert pas moins
dans la diffimulation à trahir le fecret de l’ame ; &
lorfque Phedre, aux genoux d’Hippolyte , l’implo-
reroit pour fes enfans , lorfque Médée, aux genoux
de Creufe , la fupplieroit d’avoir pitié des fiens ,
l’emploi fublime de la fymphonie feroit, par des
traits échappés , de faire éclater, comme des étincelles
, les mouvemens de l’amour de Phedre & de
la rage de Médée, à travers leur humble priere ; &
alors le jeu du vifage & l’accent de la voix n’au-
roient pas befoin d’exprimer la diffimulation ; le
caractère en feroit affez marqué par \accompagnement
, qui eft l’infidele confident de la paffion ,
& commè la voie indifcrete de la penfée & du
fentiment.
3°. La déclamation même la plus animée a fes>
filences , dont les tems font remplis dans l’ame, ou
par des réflexions , ou par des fentimens que la
parole n’exprime pas ; & l’accompagnement fert alors
à révéler fes réticences. Dans le dialogue, cela eft
moins fréquent ; mais dans le monologue , où l’on
ne parle qu’à foi-même, les développe mens ne font
jamais complets , & c’eft alors que les filences plus
fréquens & plus longs , laifient à l’accompagnement
une partie de l’expreffion, & donnent fieu à une
efpece d’alternative & de dialogue des inftrumens
& de la voix. Armide prête à percer le coeur de
Renauld, fe demande à elle-même : qui méfait héfi-
zer ? Qiiejl-ce quen fa faveur La pitié me veut dire ?
C ’eft à la fymphonie à lui répondre ; & voilà ce
qui fait la magie & le charme du récitatif obligé.
On a cru que cette forte de récitatif, entrecoupé
par la fymphonie, étoit moins propre à notre langue,
qu’à la langue Italienne , parce que notre prononciation
naturelle eft moins détachée que celle des
Italiens. Mais il ne s’agit pas de détacher les mots
qui doivent être liés enfemble ; il s’agit d’articuler
chaque phfafe , & d’y attacher le trait de chant &
d’harmonie qui lui convient. Or notre déclamation
fimple , dans les momens pafiionnés, a des articulations
auffi marquées, des paufes, des interruptioris,
des filences auffi fréquens que peut l’exiger
la mufique , pour entrelacer l’expreffion de l'accompagnement
à celle de la voix. Du refte, c’eft au
poëte à favoir prendre alors un ftyle rapide & concis
; & rien au monde n’eft plus facile.
4°. Une hypothèfe encore fur laquelle eft fondée
la vraifemblance de l’accompagnement, c’eft la même.
q u i, dès long-tems reçue en poéfie , a donne fieu
à de fi douces illufions ; favoir, que tout dans la
nature eft animé, fenfible, &c que tout parle fon
langage. Ainfi, toutes les fois que dans le poëme
lyrique, il s’établit une communication, une cor-
refpondance, une influence réciproque entre l’ame
de l’aû eu r, & les objets qui l’environnent, Vaccompagnement
devient l’organe de ces objets fuppofés
fenfibles ; & entre l’homme & la nature intéreffée
à fa fituation, fe forme alors un dialogue dont l’il-
lufion nous enchante.
5°. Enfin, parmi ces objets correfpondans à la
fituation de l’ame, il y en a qui ont eux-mêmes une
èfpece de voix : un vent doux murmure à travers
le feuillage , un ruiffeau gazouille à travers les
cailloux ; les flots mugiffent, le tonnerre gronde ,
la foudre éclate, les monftres des forêts rugiffent ,
les oifeaux chantent leurs amours ; la fymphonie
alors n’eft pas abfolument fiélive, elle eft imitative
ou du bruit, ou des fons q ui, dans la réalité , fe
feroient entendre , & porteroient dans l’ame la
mélancolie ou la jo ie , la volupté, le calme ou la
terreur.
Ce qui prouve que l’accompagnement eft fuppofé
tantôt faire partie de l’expreffion, comme fupplé-
ment de la voix, tantôt repréfenter une voix étrangère
, c’eft que dans la première hypothefe , celui
qui chante eft cenfé ne pas entendre la fymphonie, &
qu’en effet il ne paroît jamais s’appercevoir qu’il
eft accompagné ; au fieu que dans la fécondé , il eft
cenfé l’entendre & en être ému , ou dialoguer
avec elle.
On voit par-là tout ce qu’embraffe le fyftême
hypothétique de Y accompagnement , &C jufqu’où
s’étend fa magie. Mais on ne .doit jamais oublier
que la mélodie en eft l’ame ; qu’elle feulé peut lui
donner un caraétere, un charme, un attrait continu ;
que , s ’il n’eft fié par le chant, fes traits épars, fes
paffages brufques, fes idées incohérentes, ne feront
bientôt pour l’oreille qu’un bruit monotone & pénible
, 6c pour l’anie, que des lueurs de penfée 6c
de fentiment. ( Article de M . M a r m o n t e l . )
Accompagnement fans chiffres, (Mufique.)
On entend par accompagnement fans chiffres, celui
où l’on n’a pour guide que la partie de la baffe, fans
chiffres, 6c fans la partie du chant écrite au - deffus.
Tout bon accompagnateur doit pouvoir accompa-
i gner une baffe non chiffrée , lorfqu’il a toute la partition,
ce qui n’eft pas fort difficile , 6c même lorfqu’il
n’a que la partie principale au deffus delà baflë ;
les récitatifs italiens font ordinairement dans ce dernier
cas. Mais il eft impoflible, j’ofe le dire appuyé
de bons maîtres, il eft impoflible d’accompagner
bien, lorfqu’on n’a que la baffe feule ; en voici un
exemple convainquant. Que dans une pièce en ut
majeur., la baffe ait les deux notes u t ,u t% ; quel
accord portera Y ut % ? Il en peut porter au moins
trois ; l’accord de fixte-quinte, qui eft le plus naturel
; l’accord de feptieme ordinaire, qui l’eft moins j
& l’accord de feptieme diminuée , qui eft prefque
auffi naturel que le premier. Par le moyen des deux
premiers accords , on fait une exeurfion dans le
relatif de la quinte fo l; par le dernier, on tombe
dans le mode relatif de la fécondé re. Un autre cas
encore plus embarraflant, c’eft lorfque. la baffe a
une longue tenue : dans ce cas le compofiteur peut
faire fur cette tenue nombre d’accords eltfforme de
points d’orgue. Cependant, comme on a quelques
réglés bonnes dans les cas ordinaires, nous les donnerons
ici ; mais, nous le répétons, elles font infuffi-
fantes : 6c c ’eft une chimere qui prouve l’ignorante
préfomptiou de celui qui la foutient, que de croire
qu’on puifle bien accompagner une baffe continue,
leule & non chiffrée.
Pour pouvoir fe fervir des réglés fui vantes^, il
faut accompagner bien les baffes continues chiffrées,
être affez ferme pour parcourir rapidement des
yeux, jufqu’à quatre 6c même cinq mefures , ppur
favoir d’avance la fuite des accords ; il faut enfin
bien favoir tout ce que l’on trouve dans les articles
R églé de l’O ctave , ( Mufique. ) Dicl. des Sciences,
&c. Changer, (Mufique.) Suppl. 6c Anti-
CIPATIM , (Mufique. ) Suppl.
Celui qui accompagne d’après une baffe continue
non chiffrée, doit encore être bien attentif, 6c fur-
tout quand la bafe continue refte long-tems fur la
même note , parce que fouvent, dans la mufique
italienne &c allemande, le compofiteur change pour
un inftant la tierce majeure 6c mineure.
Enfin remarquons que, pour les réglés fuivantes,
toutes les fois qu’on parle d’un faut de tierce mineure
ou majeure en montant, on entend auffi parier
du faut de fixte majeure ou mineure en descendant.
Dans les exemples en notés, on indiquera cela par
des notes doubles.
Première réglé. Lorfqu’une note, portant l’accord
parfait majeur ou mineur, defeend d’un femi-ton
majeur, ou monte d’une tierce majeure ou mineure
fur la note fuivante , cette derniere porte l’-accord
de fixte majeure ou mineure avec fa tierce majeure
ou mineure, fuivant que les diefes ou bémols de la
c le f l’indiquent ; ce dont nous avertiffons ici une fois
pour toutes.
Deuxieme réglé. Lorfqu’une note, portant accord
parfait majeur, monte d’un femi-ton majeur, ou
defeend d’une tierce majeure fur la note fuivante,
celle-ci porté-raccord de fixte.
Troifieme réglé. Mais lorfque cette même note
defeend d’un ton fur la fuivante, cette derniere
porte l’accord de fécondé.
Quatrième réglé. Lorfqu’une note, portant accord
parfait mineur, defeend d’une fécondé , ou d’une
tierce majeure fur la fuivante, celle-ci porte l’accord
de fixte.
Cinquième règle. Quand une n o te, portant accord
de fixte, 6c tierce mineure , monte d’un femi-ton
majeur,'ou defeend d’une tierce majeure fur une
n ote, celle-ci porte l’accQrd parfait majeur ou mineur
fiiivant le mode.
Sixième réglé. Mais fi cette même note monte d’un
ton fur la fuivante, cette derniere porte accord de
fixte.
Septième réglé. Lorfqu’une note , portant accord
de fixte , ,& tierce majeure, monte ou defeend d’un
ton fur la fuivante , celle-ci porte l’accord de fixte.
Huitième réglé. Mais fi elle defeend d’une tierce
mineure fur la fuivante, celle-ci porte l’accord parfait
minéur.
Neuvième réglé. Lorfqu’une note, portant accord
de fixte majeure 6c tierce mineure, defeend d’un
ton fuf la fuivante, cette derniere porte l’accord
parfait majeur ou mineur, fuivant le mode.
Dixième réglé. Mais cette même note venant à
defeendre de tierce mineure , ou à monter d’un
femi-ton majeur , d’un ton, ou d’une tierce mineure
fur la note fuivante, cette derniere porte dans tous
ces quatre cas l’accord de fixte.
Onzième réglé. Lorfque de deux notes à la tierce
majeure ou mineure l’une de l’autre, l’une porte
un diefe, béquarre ou bémol accidentel, il faut que
celui-ci fe trouve auffi dans l’accord de l’autre note.
Doufieme regie. Enfin toute note marquée d’un
diefe ou béquarre qui l’éleve d’un femi-ton mineur,
porte l’accord de fixte , quelle que foit fa marche*
Voye^ des exemples de toutes ces r e g i e s ,^ . /»
planche II. de Mufique, Suppl. ( F. D . C. )
ACCOMPAGNER, (Mufiq ue.) c’e ft , en général,
jouer les parties d’accompagnement dans l’exécution
d’un morceau de mufique ; c’eft, plus particuliérement
, fur un infiniment convenable , frapper avec
chaque note de la bafe les accords qu’elle doit porter
, 6c qui s’appellent Y accompagnement. J’ai fuffi-
famment expliqué le Dicl. raif. des Sciences, &c. en
quoi confifte cet accompagnement : j’ajouterai feulement
que ce mot même avertit celui qui accompagne
dans un concert, qu’il n’eft chargé que d’une
partie acceffoire, qu’il ne doit s’attacher qu’à en
faire valoir d’autres ; que, fi-tôt qu’il a la moindre
prétention pour lui-même, il gâte l’exécution, 6c
impatiente à-la-fois les concertans 6c les auditeurs.
Plus il croit fe faire admirer, plus il fe rend ridicule.
Si-tôt qu’à force de bruit ou d’ornemens déplacés,
il détourne à foi l’attention due à la partie principale
, tout ce qu’il montre de talent 6c d’exécution,
montre à-la-fois fa vanité & fon mauvais goût. Pour
accompagner .avec intelligence 6c avec applaudiffe-
ment, il ne faut fonger qu’à foutenir 6c faire valoir
les parties effentielles; 6c c’eft exécuter fort habilement
la fienne, que d’en faire fentir l’effet fans la
laiffèr remarquer. (S.)
§ A C C O N , f. m. ( Marine. ) c’eft un bateau ayant
la forme d’un quarré long 6c à fond plat, dont On fe
fert dans différens pays. Les accons ne font point
faits pour aller à la voile : ils font plus ou moins
grands , fuivant l’ufage auquel on les deftine. Ces
bateaux font commodes, en ce qu’ils portent beaucoup
fans, avoir un grand tirant d’eau. La raifon en
eft facile à faifir : un bâtiment de cette conftruélion
ne peut point caler, fans déplacer un volume d’eau
confidérable : mais auffi un inconvénient de leur
forme, eft de ne pouvoir naviger que dans les rades ,
6c encore lorfque la mer n’y eft point trop agitée.
Les accons ne font point pontés. Ceux dont on fe
fert à*Saint - Domjngue pour faire l’eau des vaif-
feaùx, 6c pour le tranfport des denrées du pays,
ont de longueur au bord inférieur ou portant fur
t e r r e , .................. . . . 15 à 18 p i e d s .
Aubordfupérieurou de
tête en tê te , . . . . i ç a 30
De forte que leur faillie
ou quête, eft à chaque
bout de . . . . . . . y à. 6
De largeur, environ.............. 1 z
De hauteur totale ou
creux entie r,. . . . . . . . 3
De tirant d’eau , fans
être chargé,’ . . . . . . 7 7 . 1 p i e d à 8 p o u c e s .
(M. l e C h e v a l i e r D E L A C o U D R A Y E . )
A C C O R D , (Mufique.) Outre les accords qu’on
trouve à l’article ACCORD,(Mufique.) Dicl.raif. des
Science/ , & c. il y en a encore nombre d’autres, dont
les grands maîtres fe fervent 6c fe font fer vis. L’accord
de fixte fuperflue , par exemple, fe renverfe très-
bien , quoiqu’on dife le contraire à l’article cité. J’ai
vu dans quelques pièces Y accord de tierce diminuée ,
fauffe quinte & petite fixte qui en réfulte. Comme
les connoiffances augmentent journellement en mufique
, 6c qu’on a déjà commencé à fe fervir d’accords
compofés de cinq tons differens , par exemple celui
de quinte fuperflue ; un jour.viendra, peut-être, où
l’on fe fervira d'accords compofés'de fix, fept 6c plus
de tons différens. On ne peut donc pas déterminer
au jufte le nombre d’accords poffibles. Ce que je
viens de dire paroîtra peut-être furprenant ; mais
cette furprife difparoîtra, fi l’on fait attention que