
 
        
         
		Alexandre  ,  follement  complaifant,  quitte  la   falle  
 du feftin ;  &  accompagné  de  fon amante  infenfée ,  
 qui,  comme  lu i,  porte  une  torche  enflammée,  il  
 met’ le  feu  au  palais  de  Perfepolis,  qui,  prefque  
 tout  bâti  de  cedre,  paffoit  pour  la merveille  du  
 monde.  Les  foldats  tranfportés  d’une  ivreffe  aufli  
 furieufe ,  fe  répandent  en un  inflant  dans toute  la  
 v ille , qui bientôt  ne  fut plus qu’un amas de  cendres  
 &  de  débris. T e l  fu t ,  dit Qiunte-Curce ,  le  deflin  
 de  Perfepolis, qu’on  appelloit  Vuil de  Vorient,  Sc  
 oh  autrefois tant  de  nations  venoient,  pour  y  perfectionner  
 leurs  lois &  leurs ufages.  Les  adulateurs  
 de  la fortune  de  ce héros ont tache d adoucir 1 horreur  
 de  cette aétion,  en  alléguant que la  politique  
 ne  perraettoit  pas  de  laiffer  fubftfler  une  ville  qui  
 xappelloit  aux  PerfeS  le fouvenir  de leur  grandeur  
 cclipfée.  C’efl  ainfi que  les adorateurs  des  caprices  
 des  rois  érigent  en  vertus  les  excès de  l’intempérance. 
   Alexandre,  plus  fincere,  &   juge  rigide  de  
 lui-même, en futpuni par fes remords, St il répondit  
 à fes courtifans, qui le félicitoient d’avoir ainfl vengé  
 la  Grèce  :  Je penfe  que  vous auric{ été mieux vengés,  
 en  contemplant votre roi  afjîs fur  le  trône  de  JCerxès,  
 que je  viens de  détruire. 
 Il  fortit aufli-tôt  de  cette  v ille ,  qu’il venoit  de  
 changer en un affreux défert ; &   fe  mettant a la tete  
 de  fa  cavalerie,  il alla  à la  pourfuite  de Darius : il  
 étoit  impatient ' de l’avoir en  fa puiffance,  non pour  
 jouir du fpeôacle barbare de fon malheur, mais pour  
 faire éclater fa clémence &  fa modération. Plutarque  
 prétend  qu’il  fit  cent  trente-deux  lieues  en moins  
 d’onze jours,  ce qui  eft  difficile à  croire,  dans  un  
 pays aride,  &  oh il falloit traverfer d’immenfes foli-  
 tudes  qui  ne  produifent  rien  pour  les  befoins  de  
 l’homme.  Ses  troupes  épuifées  de  fatigues,  fe  livraient  
 à des murmures féditieux, &  faifoient même  
 difficulté de le fuivre.  Sa dextérité  à  manier l’efprit  
 du  foldat,  lui  devint inutile ; il fut fur  le  point d’en  
 ctre abandonné.  On manquoit d’eau depuis plus d’un  
 jo u r ,  &   on marchoit  fous un ciel brûlant  &  avare  
 de  la  pluie.  L’exemple  de  fa  patience  contint  les  
 murmurateurs. Un vivandier  lui  ayant  préfentéfur  
 l ’heure du  midi  de  l’eau  dans un  cafque,  il  rejetta  
 un préfent fi délicieux, difant qu’il ne vouloit  fe dé-  
 faltérer qu’avec  fes troupes. 
 Arrivé  à  Thabas,  aux  extrémités de  la  Pareta-  
 fenne, fur  les  confins  de  la Bactriane,   on  apperçut  
 dans le fond d’une vallée une miférable charrette traînée  
 par des chevaux percés de traits. Cette charrette  
 portoit  un homme couvert de bleffures,  &  lié avec  
 des chaînes d’o r ; c’étoitDarius. C e prince infortuné,  
 depuis la journée  d’Arbelle, avoit erré  de  province  
 en  province , jufqu’au moment qu’il fut affaffine par  
 Beffus,  gouverneur  de la Bactriane, qui crut par cet  
 attentat  s’approprier  le  refte  de  fes  dépouillés.  
 Alexandre ému de  ce fpeftacle, donna un libre  cours  
 à   fes larmes :  il  ne put voir  en cet état le monarque  
 de toute  l’Afîe, que fes peuples,  quelque  tems auparavant  
 , avoient  révéré  comme un  dieu,  &   qui  
 s’étoit  vu  à la  tête d’un million  d’hommes  dévoués  
 à  le  défendre. Il  détacha cette  riche  cotte  d’armes ,  
 dont les  Rhodiens  lui  avoient  fait  préfent,  &   en  
 .  couvrit  le  cadavre.  Après lui  avoir  fait  rendre les  
 honneurs funèbres  avec la magnificence  ufitée  chez  
 les  Perfes,  il  fe  mit en marche  pour  le  venger. Le  
 parricide  Beffus  ne put  échapper à  fon aûivité ;  il  
 fut pris  à  quelque  diftance  du Tanaïs.  Ses officiers  ,  
 qui  avoient été  fes  complices,  le  trahirent.  On  le  
 conduifit  chargé  de  chaînes  à  Alexandre,  qui  lui  
 reprocha fon crime avec une éloquence forte &  ver-  
 tueufe  : Monjlre, lui dit-il, comment as-tu pu  te livrer  
 à la férocité dùenchaîner ton roi, ton  bienfaiteur,  &  de  
 le percer des  traits  qu'il d avoit  mis  aux  mains  pour  
 le défendre ?  Dépofe  ce  diadème  que  tu  ambitionnois 
 comme  le prix  de  ton  exécrable  parricide.  Beffus  fut  
 remis  entre  les  mains  d’Oxatre,  frere de  Darius ,  
 qui  le  fit  expirer  dans des  tourmens proportionnes  
 à fon crime. 
 Alexandre  n’ayant  plus  de  rivaux à  combattre  
 ne  s’occupa que des moyens de captiver le  coeur de  
 fes nouveaux fujets. Les larmes, dont il avoit honore  
 les cendres  de Darius,  fes  égards refpe&ueux pour  
 la  mere  de  ce  prince,  &   pour  fa  famille  ,  qu’il  
 comblait  chaque  jour  de  nouveaux  bienfaits  ,  les  
 avoient heureufement prévenus en faveur de fa  domination  
 ;  &   comme il favoit  que  les  hommes règlent  
 leurs  affe&ions fur le  degré de conformité que  
 l’on  a  avec  eu x ,  il  adopta les  ufages  des  Perfes  ,  
 comme il  avoit fait ceux des Egyptiens. Il fe fit faire  
 un  habit  moitié  mede  6c  moitié  perfe  ;  &   pour  
 prix de cette condefcendance, il engagea ces peuples  
 à  fe dépouiller de leurs moeurs antiques, pour  fe façonner  
 à  celles  des  Macédoniens.  Il  fe  flattoit  par  
 cet échange  de  confondre les vainqueurs  avec  les  
 vaincus, &  d’étouffer ces  antipathies naturelles, qui  
 naiffent d’une origine  différente.  Ce prince,  plus ambitieux  
 du titre  de protefteur  des  hommes,  que  de  
 celui  de  leur  conquérant,  fonda  des  ecoles  pour  
 trente mille  enfans  Perfes , qui dévoient être formes  
 dans tous  les exercices  de la Grece.  Cette politique  
 eut  un fuccès  fi  heureux, que  ces nouveaux fujets,  
 en fe  dépouillant des  vices inhéreas  à  leur  nation  ,  
 perdirent  le  fouvenir  de  leurs  anciens  maîtres ,  Sc  
 qu’ils  fe  portèrent  à  lui  obéir avec  autant de  zele ,  
 que  les Macédoniens même, qu’ils égalèrent encore  
 en  courage. 
 Alexandre s’étant approché dti Tanaïs, fît  defenfe  
 aux  Scythes, qui habitoient fur fes bords, de jamais  
 paffer  ce  fleuve  ,  ni  de  faire  des  incurfions  fur  
 les  terres de  fa  nouvelle  domination :  ces  peuples  
 fuperbes,  nourris  dans  l’indépendance  naturelle  ,  
 furent  étonnés  d’entendre un homme qui  leur  dic-  
 toit  des  loix ;  &   après  lui  avoir  fait  une  réponfe  
 fiere &  dédaigneufe, ils fe décidèrent pour la guerre ;  
 mais la fortune feconda.malleur courage. Alexandre,  
 après les  avoir  vaincus,  bâtit  une  ville  à quelque  
 diftance  du Tanaïs, &  il mit une garnifon puiffante,  
 pour  réprimer  les brigandages de  ces barbares.  Les  
 remparts  de  cette v ille ,  la fécondé qu’il fit appeller  
 Alexandrie, furent  commencés  &   finis en  dix-fept  
 jours.  Il  en bâtit fix  autres  aux environs  de l’Oxus,  
 q ui,  s’étant  unies  par les liens de  la  confédération ,  
 donnèrent  pendant long-tems  la  loi  à  tous  les pays  
 voilins. 
 Alexandre  infatiable  de gloire ,  vouloit  dominer  
 par-tout  où  il  y  avoit des  hommes.  Son  ambition  
 enflammée par les fuccès, ne connoiffoit pour bornes  
 de fon empire, que  les limites du monde. Les vaftes  
 régions  de l’ Inde, dont le nom  étoit à peine connu,  
 lui  parurent  une  conquête  digne  de  Ion  courage.  
 Il en  prit  la route, &   pour n’ëtre point  embarraffé  
 dans  fa marche, il fit brûler tous fes bagages. Porus,  
 un  des  rois  de  ce  p a y s ,  s’avança  fur  les  bords  de  
 l’Hydafpe,  avec une armée qui  combattit avec courage  
 ,  &   qui  ne  put  éviter  fa  défaite.  Ce  prince  
 tomba au pouvoir de  fon vainqueur, qui mit fa gloire  
 à  le  rétablir dans  fon  ancienne  dignité.  Alexandre,  
 après  ce premier fuccès, parcourut l’Inde, moins  en  
 ennemi  que  comme  le  maître  de  la  terre,  dont  il  
 réglé  les  deftinées.  Difpenfateur  des  trônes ,  il  y   
 éleve  ceux  qui  s’abaiffent  devant lu i,  &   en précipité  
 ceux  qui  défient  fes vengeances.  Enfin  cédant  
 aux  prières  &   aux  larmes  des Macédoniens  ,  fatigués  
 de  leurs  longs  travaux,  &c  jaloux  de  revoir  
 leur  patrie  ,  il  ne  paffa  pas  le  Gange.  Ce  fleuve,  
 un  des  plus  confidérables  de  l’Inde,  fut  le  terme  
 de  fes  courfes.  Ses  bords  étoient  défendus  par  une  
 armée de deux cens vingt mille hommes, de huit mille 
 tharriots  &  de fix mille  élephans dreffés à là guerre.  
 Il  érigea,  fuiVant  l’ufage  dès  anciens  cortquérarts,  
 des  adtels  en  l’honneur  des  dieux,  &   avant de revenir  
 fur  fes  p a s ,  il  fit  jetter  dans  les  campagnes  
 de Gange des mords  de bride  d’une grandeur 6c d’un  
 poids  ex-traordinaires.  Il  ordonna  encore  de  conf-  
 truire des  écuries,  dont  les  mangeoires  fembloierft  
 avoir  été  plutôt  deftinées  pour  des  élepbàns  que  
 pour  des  chevaux.  Plutarque  cite  cette  anecdote  
 pour  accufer  de  vanité  le  héros  ;  mais  Alexandre  
 pouvoit  être guidé par la politique d’exagérer l’idée  
 qu’on  doit  fe  former  des  Macédoniens.  C ’etoit  un  
 moyen d’infpirer  plus de  terreur aux  peuples  naturellement  
 indociles, en leur faifant  craindre  d’avoir  
 à  combattre  des  ennemis  dont  les  chevaux  étoient  
 fi monftrueüx. 
 Le  monarque  conquérant  fit  équiper une  flotte,  
 fur  laquelle  il s’embarqua  pour  gagner la  mer  des  
 Indes.  Après  fept mois  de  navigation  fur  différeris  
 fleuves  ,  pendant  lefquels  il  fit  des  defeentes  fréquentes, 
   cherchant* par-tout  de  nouveaux  dangers  
 &   de  nouvelles  victoires,  il jouit du  fpeôacle  de  
 cette mer qu’il regardoit comme la barrière du monde.  
 Après y avoir navigué quelques ftades,il fe fit mettre  
 à   terre pour examiner  la nature de  la cô te ,   il offrit  
 plufieurs  facrifices  aux  dieux  ;  les conjurant  qu’a-  
 près  lui  aucun mortel ne portât plus  loin fes armes.  
 31  ordonna  à  fes  amiraux de  Conduire  la flotte par  
 le  golfe  Perfique  6c  par  l’Euphrate  :  pour  lui  il  
 revint  par  terre à la  tête de fa cavalerie,  compoféè  
 de  fix vingt mille  chevaux,  dont il  ramena  à peine  
 le   quart.  Cette  perte  qui  ne  diminua  pas  fa  confiance  
 ,  n’excita  aucun  peuple à fe révolter ; 6c monarque  
 paifible' dans  une  terre  étrangère  ,  il  imita  
 pendant  fa  route  les  triomphes  de  Bacchus  qu’il  
 s’étoit  propofé  pour modèle  dans  toutes  fes  expéditions. 
 Dès  qu’il  fut  rentré  dans  la  Perfe,  il s’affujettit  
 ii  l’ufage  des  anciens  rois,  q u i,  au  retour de  leurs  
 voyages  ,  diftribuoient  une  piece  d’or  à  chaque  
 femme.  Il  s’appliqua  enfuite  à  effacer  toute diftinc-  
 tion entre fes anciens &  nouveaux fujets; 6c comme  
 ' tous  n’avoient  qu’un  feul  6c même maître,  il voulut  
 que  tous  fuffent  fournis aux  mêmes  loix 6c aux  
 mêmes  obligations.  Il  étoit impoflible  de  difeerner  
 lequel lui étoit le plus  cher d’un Macédonien ou d’un  
 Perfe. Le tombeau de Cyrus ayant été pillé, l’auteur  
 de  ce  larcin  facrilege fut puni  de mort ; le  titre  de  
 "Macédonien, ni  l’éclat de fa naiffance,  ne  purent le  
 préferver  d’un  fuppliçe  ignominieux.  Ce  vafte empire  
 ne  vit  plus  qu’un  pere  chéri  dans  un  maître  
 refpefté.  Toutes  les  voix  fe  réunirent  pour  bénir  
 fon  régné  fortuné  ;  &  quoique  conquérant,  il  fut  
 plus  aimé  que,  les  rois  ,  que  le  privilège  de  leur  
 naiffance  éleve fur un trône héréditaire. Ce fut pour  
 mettre  le  fceau  à  fon  ouvrage  qu’il  favorifa  les  
 mariages  entre  la  nation  conquérante  6c  la  nation  
 fubjuguée ; &   pour  apprendre  aux  Macédoniens à  
 ne  point  rougir  de  ces  alliances,  il  en  donna  lui-  
 même  l’exemple  en époufant Statera,  fille aînée de  
 Darius ;  6c  en  mariant  les  plus grands feigneitrs  de  
 la cour 6c fes premiers favoris, avec les autres dames  
 perfes  de  la  première  qualité.  Ces noces furent célébrées  
 avec la plus grande  pompe  6c la plus  grande  
 magnificence, 6c l’on y  étala tout le luxe  afiatique.  Il  
 y  eut quantité de tables délicatement fervies où furent  
 admis  tous les Macédoniens qui  s’étoient déjà mariés  
 dans  le  pays.  On  ne  doit  donc  pas  être  furpris s’il  
 ne  garda  que  treize  mille  Macédoniens  pour  cort-  
 ferver des  conquêtes  fi  étendues.  Les autres furent  
 renvoyés dans  leur patrie, 6c ce  fut le  tréfor  public  
 qui  acquitta  leurs  dettes.  Pendant  toutes ces  expéditions  
 ,  il avoit  eu foin d’établir  des colonies  dans  
 Jes  provinces  ,   dont  les  peuples  indociles  lui  paroiffoient  
 difpofés  à  la  révolte ;  &   par  cette  politique  
 il contenoit dans l’obéiffance des hommes qu’il  
 aurait eu  à  punir. 
 Alexandre^ après avoir  célébré  fes noces à  Suze*  
 fë  rendit  à  Babykmë.  C’étôit-là  qüe  l’attendoient  
 les ambaffadeurS de toutes les nations.  La terre étoit  
 remplie  de  la terreur de fon nom.  Tous les peuples  
 venoient le  flatter à  l’envi , comme  celui qui devoit  
 être  leur  maître.  Il  fe  hâtoit  d’arriver  dans  cette  
 grande v ille ,  pour y  tenir  les états  généraux de l’ü-  
 nivers.  En  paffânt par Ecbatane, il perdit Epheftiori.  
 La  mort  de  cet  illuftre  favori  le  plongea  dans  la  
 plus  profonde  affliftion.  Les  foibleffes  ae  l’homme  
 éclipferent  la  fermeté du  héros.  11  parut  difpofé  à  
 ne  pas  furvivre à cet ami fidele.  Plutarque rapporte  
 que  fa  fenfibilité  égarant  fa  raîfon,  il  fit  couper  
 les  crins à tous les  chevaux  6c  à  tous les mulets de  
 fon  armée ,  comme s’il  eût  voulu  que les animaux:  
 partageaffent  le deuil  public.  Suivant cet auteur,  il  
 immola fur fon tombeau, les Cufféens qui formoient  
 un peuple  nombreux ;  voulant,  ajoute  Plutarque ,   
 imiter Achille  qui, barbare dans le délire de  fa  douleur  
 ,  avoit immolé plufieurs princes Troyens fur le  
 tombeau de Patroçle. 
 Cependant il approchoit lui-même du terme fatal,'  
 6c  s’etant  mis  en  marche,  il mourut  à  la  vue  de  
 Babylone  ,  dans  la  trente-deuxieme  année  de  fon  
 â g e ,  la douzième de  fon régné,  &   la  huitième  de  
 fon empire  d’Afie. Il ne nomma point de fucceffeur*  
 Il  avoit  eu  deux  femmes,  Barcine  6c  Roxane  ;  la  
 première avoit un  fils, &  la fécondé étoit enceinte.  
 Ni l’une ni l’autre n’eut la gloire de donner un héritier  
 au  trône.  Ge  fut  Aridée  ,  frere  d'Alexandre,  qui  
 fut proclamé  roi par  le  fuffrage  de  l’armée*  Voici  
 l’ordre  qui  fut  mis dans  l’empire  :  Ptolomée eut  la  
 Satrapie  d’Egypte  &  de  toutes  les  provinces  d’Afrique  
 qui  en  dépendoient  ;  Laomedon  celle  de  
 Syrie  &   Phénicie.  La  Syrie  &   la  Pamphilie  furent  
 donnés  à  Antigonus,  avec  une  grande  partie  de  la  
 Phrygle. La Cylicié  échut à  Phylotas.  LeOnatüs eut  
 en partagé  la petite  Phrygie, avec toute  la côte  de  
 l’Hellefpont.  Gaffandre  eut le  gouvernement  de  la  
 C a rie,  &  Menandre  celui de  Lydie.  Eumenes  eut  
 la Cappadoce &  la Paphlagonie, jufqu’à Trebifonde.  
 Python  fut  établi  dans  la Médie ;  Lyfimàque  dans  
 la  Thrace  &   dans  le  Pont.  Tous  les  fatrapes  établis  
 par Alexandre dans  la  Sogdiârte , la  Baûriane &   
 l’Inde ,  furent  continués dans leur charge.  Perdiccas  
 reftâ auprès  d’Aridée ,  comme  principal  miniftre  de  
 de  prince  &   général  de  fes  armées.  Cet  empire ,   
 conquis par la plus  étonnante valeur,  &  gouvernée  
 par  des  chefs, inftruits  dans  l’art  de  la  guerre &  de  
 la politique, feiiiblôit.repofer fur une bafe durable ,   
 mais  l’ambition  de  ces  chefs furpaffant  encore leur  
 capacité, fa fin fut âuffi prompte 6c aufli déplorable,  
 que fa naiffance âvôit  été  brillante &  prématurée. 
 Il  eft  bien  difficile  de  tracer  un  tableau  digne  
 d'Alexandre,  le peintre  fera toujours  aii-deffous de  
 ce  que  l’on  attend  de lui.  Il  ne  faut pas le  juger par  
 les  réglés  ordinaires.  L’héroïfme  a une marche  qui  
 lui eft particulière. Alexandre fut plus qu’un homme,  
 ou du  moins  il fut tout  ce  qu’un  homme peut être.  
 Les projets qu’il conçut, furent exécutés avec gloire.  
 Heureux  à  conquérir,  habile  à  gouverner,  il  fut  
 plus  grand  encore  après  la  viâoire  que  dans  le  
 combat,  &   il  fubjugea les  coeurs avec  plus  de  facilité  
 que les  provinces.  Le plus beau de fes éloges,  
 c’eft que  Syfigarftbis,  mere de^ Darius ,  avoit  fur-  
 vécu  aux  malheurs  de  fa  maifon,  &   qu’elle ne put  
 furvivre  à  la mort  d'Alexandre.  Ce  héros  ,  dans  
 l’efpace  de  dix arts,  fonda un empire aufli vafté que  
 celui que  les Romains éleverent en  dix fiecles. Tant  
 qu’il vécut,  fes  généraux refterent dans l’obfcurité ;  
 parce  qu’ils  ne  furent  que  les  exécuteurs  de  fes