Anubis étoit repréfenté avec une tête de chien,
jfymbole de la fidélité, qui eft la vertu diftinûive
de cet animal. Comme il paffoit auffi pour l’inter-
prete des volontés des dieux infernaux & céleftes,
on le peignoir tantôt blanc, tantôt noir. Ceux qui
le font frere d’Ofîris & d’Apis, fondent leur opinion
fur une très-ancienne infcription où Apis & Anubis
font défignés par le nom de Sythrônes, c’eft-à dire v,
ajfociés au trône. Quelques-uns ont confondu les
fimulacres d’Anubis avec les figures cynocéphales
qui lignifient tête de chien ; mais c’eft une erreur
réfutée par les naturaliftes, qui ont reconnu que
•le cynocéphale eft un animal farouçhe qui a les
yeux fur la poitrine. (T —iv.)
ANUS a rtif iciel, ( Chirurgie.) Il y a des en-
fans qui viennent au monde fans anus , de forte
que pour leur fauver la v ie , il faut leur en faire
un artificiel à la place où doit être le naturel. Pour
•cet effet on attend que l’enfant faffe effort pour
rendre le méconium, parce qu’alors on deçouvre
plus facilement le lieu où doit le faire l’opération.
On y fait une petite incifion cruciale dont on fait
fuppurer les bords en introduifant dans la plaie
une tente chargée d’un onguent fuppuratif. On fup-
pofe que l’inteftin reétum eft dans fon état naturel,
à cela près qu’il n’a point d’orifice , car s il y en
avoit une portion confidérable qui fut obliteree par
le rapprochement de fies parois colles enfemble,
l’opération feroit impraticable , & le mal fans
-remede. '
11 y a d’autres circonftances où il eft à propos
de former un anus artificiel dans les adultes, comme
il arrive quelquefois à la fuite des hernies avec gangrené
, où il y a adhérence du boyau avec le péritoine,
de forte que Y anus naturel n’eft plus d aucun
nfage pour la déjeôion des matières fecales. En
voici un exemple vu & traite par feu M. Hoin,
habile chirurgien de D ijon , que nous rapportons
avec d’autant plus de complaifance , qu’il répand de
nouvelles lumières fur la chirurgie herniaire.^
Guillaume Courier, de Touloufe, âge d’environ
2.8 ans, grenadier du régiment de Breffe, infanterie,
portoit depuis cinq ou lix années une hernie inguinale
du côté droit ; elle paroiffôit au moindre effort,
& defcendoit quelquefois dans le ferotum ; il-là
faifoit toujours rentrer avec facilité, & il ne l’avoit
point affujettie par un bandage, lorfqu’il partit de
Nancy, au commencement de mars 1763 , avec fon
congé abfolu pour fe retirer en fa patrie.
Il entreprit' la route à pied ; mais apres plufieurs
jours de marche, il s’apperçut que fa hernie augmen-
toit de volume, & devenoit très-douloureufe. Le
5 mars il fut obligé de s’arrêter dans un bourg à
quatre lieues de Dijon.
Là, le vomiffement , le hoquet & la fievre fe
joignirent à fes douleurs. Un des chirurgiens du lieu
le faigna une fois du bras, lui fit prendre l’émétique,
•lui donna quelques lavemens qui furent rendus
fans matières fécales, lui appliqua des cataplafmes
fur la tumeur, & fit fouffrir violemment le malade,
par les efforts multipliés qu’il fit fans fuccès pendant
trois jours pour la réduire.
Alors le grenadier fe fit tranfporter à l’hôpital de
Dijon, où il arriva l’après-midi du 8, cinquième jour
de fes fouffrances. M. Hoin l’y vifita pour la première
fois , à quatre heures, avec M. Poinfotte ,
maître en chirurgie. _
Ils trouvèrent le côté droit du ferotum d’un volume
confidérable', fort enflammé, & très-douloureux
au toucher, fans qu’il leur préfentât, nonobf-
tant fa tenfion, une certaine rénitence. Ils n’apper-
çurent , dans Tefpace qui fépare le ferotum de
l’anneau du mufcle oblique externe, du même côté,
qu’une très-petite tumeur plate, fans changement
de couleur à là peau : elle avoit une forte de molefle
accompagnée de crépitation emphyfémateufe. Le
ventre étoit très-élevé, & d’une fenfibilité extrême
, le pouls petit, fréquent & miférable ; le vomiffement,;
le hoquet & la colique, accompagnés de
conftipation , fubfiftoient toujours.
Quoiqu’il y eût très-peu d’élévation vers l’anneau
inguinal, & qu’en pinçant,- le plus profondément qu’il
fut pôffible, le corps qui defcendoit dans le feotum,
on n’eut faifi, prefque fans augmenter alors les douleurs
du malade, qu’unjcorps mou, peu épais & fort
plat; M. Hoin penfa que, s’il étoit encore libre de
conferver la vie à cet homme, il falloit promptement
recourir à l’opération , fans renouveller aucun
des effais qui n’avoient. point réufli.
11 appella en confultation les deux médecins de
l’hôpital, & tous les maîtres en chirurgie de la ville.
MM. Maret, Poinfotte & Marchand * chirurgiens ,
furent les feuls qui fe rendirent à l’hôpital ; ils reconnurent
la néceflîté indifpenfable d’opérer , en
cette circonftance, malgré le pronoftic fâcheux appuyé
fur l’état gangreneux des parties malades, &
ils aflifterent à l’opération que fit M. Hoin le même
jour, à fept heures du foir.
Le fac herniaire.,,étoit fort épais, bien arrondi,
fans aucune inégalité ; à peine y eut-il fait une
ouverture très-petite, qu’il s’en éleva une odeur
extrêmement fétide, & il en fortit une petite cuillerée
d’une liqueur trouble, mêlée de gouttes hui-
leufes très-diftin&es.
Cette circonftance fit d’abord foupçonner que
l’inteftin étoit percé par la gangrené, & que les
gouttes huileufes qui étoientforties n’étoientquedes
particules d’une huile médicinale quelconque, donnée
dans quelques potions ; mais le malade affura
qu’il n’avoit pris aucune potion huileufe. M. Hoin
aggrandit un peu l’ouverture du fac, avec beaucoup
de précaution, fur une fonde crenelée, & l’épiploon
parut. Il fe fervit du doigt, introduit dans le fac,
pour guider le biftouri deftiné à l’ouvrir autant qu’il
le croiroit néceffaire ; ce qui lui fit découvrir une
portion confidérable d’épiploon qui paroiffoit pourrie
, & qui étoit raffemblée en une efpece de peloton
, dans lequel il ne fentit point d’inteftin. -
Il fit fortir du fac cette maffe graiffeufe : alors il
apperçut du côté de l’anneau une petite portion in-
teftinale, flafque, flétrie & d’une couleur brune.
En développant l’épiploon, il trouva dans fes replis
de la liqueur chargée de gouttes huileufes, fem-
blables à celles qui s’étoient déjà échappées ; il y
avoit aufli une matière fanguinolente, d’un rougé
brun, & quelques petits flocons d’une autre matière
jaunâtre, féparée ; ce qui appuya les premiers
foupçons fur l’ouverture de l’inteftin. Il répugnoit à
cette idée , vu la petite quantité du liquide renfermé
dans le fac herniaire; il regardoit plutôt les
flocons, l’huile graffe, & la matière fanguinolente,
trouvés dans le fac, comme des débris de la partie
de l’épiploon que la gangrené avoit fait tomber en
diffolution putride. La crépitation emphifémateufe
qu’il avoit diftinguée avant d’opérer , venoit à
l’appui de ce fentiment.
M . Hoin porta, fans aucune réfiftance, le doigt
dans le bas-ventre ; il n’y avoit aucun étranglement
vers l’anneau; le fac avoit vraifemblablement étranglé
les parties qu’il renfermoit ; l’obftacle étoit levé par
fa leftion. Bornant-là fon ouvrage de la foirée,
le chirurgien laiffa dans le trajet de la plaie l’inteftin
& l’épiploon, qui n’étoient plus en état d’être replacés;
il les couvrit de plumaceaux & de com-
preffes ; le tout fut foutenu Amplement par un
trouffe-bourfe attaché à une ferviette autour du
corps.
Le malade vomit deux fois pendant la nuit qui
fuivit l’qpération ; -il ne rendit rien par Ÿanus;\e
y.entre ne s’abaiffa point., :& les douleurs continuèrent;
mais le hoquetf’ut. beaucoup moins fréquent
& Je, pouls fe rele va.
, Le,ylendemainmatin M. Hoin reconnut qu’il pou-
vgitemporter, fans crainte d’hémorragie, tout ce
qu’il y a-yoit d’épiploon hors du ventre, tant cette
portion ©toit putréfiée. Il la coupa avee.ménagement
& fans toucher^ l’inteftin.,. qui étoit toujours flétri'.
,11 fe confirma dans l’opinion qu’il n’étoit pas- ouvert,
parce que, depuis l’opération il ne s’étoitépanGhé au-
,cune matière qui pût,;.faire .croire qu’il le fût. La
.fievre^fut très-vive.pendanticette journée. Un lacement
procura une évacuation de matières1 épaiffes
par Vanta* U. eft; fans doute inutile de dire que le
malade étoit affujetti à un régime l’évere & à de
fréqn,entçs>embrQcationsfuri’abdomen &'lefcrotum.
Le troifieme jo u ren ; comptant par celui de l’opération
, qui fervira d’époque jufqu’à la fin de cette
hjftoire; le .grenadier eutde.pouls moins mauvais, ne
vomit plus , n’eut plus dedioquet, & continua de
rendre , par les felles, à la faveur des lavemens, des
matières liées, fans -que le ventre diminuât de volume.
L’inteftin étoit dansde même état que la veille.
Pendant la nuit, iLfe.fit une évacuation trèsrabon-
dante par l’anus ; le malade, fé leva-plufieurs fois
pour fe placer fur une chaife, ne voulant point fe
fervir de.baflin; Il fit tant d’efforts pour augmenter
rexcEetipn des matières, fécales;, qu’il chafl’a par la
plaie une anfe d’inteftin de la longueur ^’environ dix
pouçes&Gëpendant cette partie avoit réfiftîÿ^ux
tentatives, qu’on avoit faites les jours1 précédens,
pour en tirer .une portion, hors du ventre. -
.* 1#; quatrième jour le- chirurgien prolongea jufqu’à
laepartie inférieure du ferotum , l’iàdnôh de
cette pqehe , que raffoibliffement du malade, ne lui
ayoits. pas' -permis d’abord de » porter atiffi lôM ; il
trouva td|; tefticule droit entièrement gangrené &
.adhérent à la portion-la plushaffe du fac herniaire ;
il ^.emporta cette glande fans être obligé dé faire
de tortipn., ni de ligature.au cordon fperma tique ;
tant cette partie étoit-putréfiée.
1 L ’inteftin étoit..entiiëÉ-, fort tendu, & plus noir
que la veille : ilfÆffaya d’en faire fortir de l’abdomen
autant ,qu’il lui ;en: auroit fallu pour tâcher * après en
avoir -coupé toute la partie affeâée’ de gangrené,
d’obtenir -la réunion des parties-faines ,• félon les
procédés de MM. Rhamdor & Louis ; mais au plus
léger effort, un des points de l’anfe gangrenée fe
déehifa , &: il iortit de l’inteftin environ deux cuillerées
d© matières bilieufes, jaunâtres & très-fé-
îidesé , .7:,v,
>• Alors M. Hoin, ne doutant point qu’il n’y eût
adhérence du boyau avec le péritoine .aux environs
, de; l’anneau,, il nè penfa plus qu’à former un anus artificiel.
îl_ fit piaffer à'travers le raéfentere% au - déifous
du nriliqu de l’anfé, itn cordon, de fil ciré , afin d’empêcher
ieu'etour. du hoyau dans la cavité du bas-
ventre par quelque cattfe que- ce fût, & il fendit
lîinteffin de la longueur d’environ huit .pouces ; i l
s’en échappa plus de quatre pintes de liqueur jaunâtre
très-puante.
i II prolongea 'Vers le haut, & au-delà de l’anneau,
fincifion des tégùm.ens., afin d’examiner s’il ne.
feroit> pas' pgfîible de'.• découvrir quélqUès ‘■‘^pôr-
tionsvifaines- sde : l’inteftin. Tout ' ce qu’il 'put'. voir
ctoit fphacelë. Il ne lui.refta'.plùs d’autre reflource
que de confier è la nature la fépara^ioîïdela partie'
. pourrie:.. II. panfa la»,plaie avec les anti-fèptiquès ,
mit le malade à . l’ufage intérieur du quinquina
boiulh^ Sc lui fit-donner de'tems en tems quel-
qi\e cuillerées d’huile d’amandes douces; ce jour-là
. des ventsSortirent par Venus, ■
Le^inquieinejourle »ventreétoit mou, plat, point
douloureux au toucher; le malade avoit peu de
fievre;il étoit tranquille, fans douleur. Sa fxtuation
n’exigeoit aucun changement à fon régime ni à fes
panfemens.
^e. dixième jour on permit au grenadier;
qui n avoit plus de fievre, de prendre quelquefois
du potage, un oeuf frais, &c.
Le quatorzième, il abufa de la liberté qui lui avoit
accordée; il le fit apporter de dehors des alimeas
q>! il dévora ; mais ce défaut dans le régime ne lui fut
pas mnfible. 11 ne paroiffoit prefque plus de portions
lphacelées de l’inteftin ni du méfentere ; il s’en étoit.
détache beaucoup, & à différentes.fois, les jours
précédens ; les matières fonoient toutes par la
plaie.
Il s eii fit le. quinzième jour une -évacuation très-
abondante par la même ouverture ; & le mêmé
jour le malade, qui n’avoit point rendu d’excrémens
par l’anus, depuis le troifieme, alla cinq fois à la
•‘felle. Les matieresVétoient de ©ouleur grifâtre &
d une confiftance. âffez fo 11 dé. Cette circonftance an-
nônçoit qu il n y aV.pit plus aucune communication
entre la portion du Canal inteftinal fuperieure à la
plaie, & celle du même**conduit qui lui étoit inférieure
, puifque les déjeèiqns de celle-ci étoient
grifes; & celles de l’autre fo ^ u n e s . II fe détacha
le même-jour une très-large portion dii méfentere
qui étoit longue de plus de quatre pouces.
;-Cë ne fut que le idix-neuvieme jour que le refté
de ce qui étoit pourri, tant à l’inteftin'qu’au méfen-
tere , fe fépara de leur partie faine. Je ne penfe pas
exagérer, ajoute M.Hoin, en difant qu’il y a eu
plus d’un pied de boyau détruit par ia gangrené;
;qùe j’ai emporté où laiffé tomber. J’ai pour témoins
de ce fait plufieurs chirurgiens qui ont été curieux
de voir mon malade. Je ne donné point ce cas pour
un fait unique ; mais lès cas de hernie avec gangrené
dans ,une grande étenduè dit canal inteftinal, par laquelle
un malade né périt pas , font fi rares, qu’il
eft utile de conferver ceux qui fe préfentent. L’académie
royale de Chirurgie en a raffemblé quelques-
uns , que M. Louis a. inférés dans fon Mémoire fur U
cure des hernies avec gangrené ; mais le plus frappant
pour l’étendue de la portion inteftinale gangrenée
ne pouvoit pas s’y trouver» C’eft: celui que nous
devons à 'M. Arnaud, qui fe plaint d’avoir été traité
d împofteûr , parce qu’il a dit qu’il avoit amputé
plus de fept pieds d’inteftin ; & guéri le malade ;
quoiqu’il eût fait cette opération err prëfence d’un
grand .nombre de témoins. J’ai peut-être reçu la
même qualification delà part d’un .chirurgien-major
de régimént. A fon paffage à Dijon , il vifita l’hô-
pital ; on y panfoit alors'la plaie du grenadier, qui
étoit déjà fort petite. Le malade lui raconta fon
'hiftoire ; non^feulement ce chirurgien ne le crut pas.,
mais encore il voulut démontrer au grenadier l'im-
pqlfibilité de vivre avec dix ou dôuze pouces d’inteftin
de moins; cependant celui-ci nonobftànt la
démonftration, ne put jamais fe réfoudre à fe comptes
parmi les morts, quoiqu’il eût vu très-diftin&e-
ment qu’il avoit perdu environ un pied du canal
-inteftinal. .
r Le jour que la-derniere portion gangrenée-s’en
fépara, M. Hoin.porta avec ménagement le doigt
fous l’anneau : il s’en fàllyt.beau'coup qu’il ne pénétrât
auflîqjrofondément dans le bas-ventre que dans
.le tems de l’opération ; ce qui acheva de' le convaincre
que la portion; faine de l’inteftin avoit cori-
traéié des adhérences 'dans le. voifinagë de l’anneau*
DepuiSvce' tèms-là il n’eut plus à traiter qu’une
plaie en bon'état, quoiqu’il en fortît toujours des
matières excrémenteufes, tandis qu’il ne s’enéchap-
poit'point par l’anus, nonobftànt les lavemens qu’on
^ doanoit de tems à autre au malade. M. Hoin panfa
O o o ij