dans.les maladies fçorbutiques. Ses fruits, ou plutôt
les graines contenues dans fes goufles, font la nourriture
la plus ordinaire des linges verds appelles
goLo, & des .perruches connues fous le nom de kueïl
au S.énégal.
Quatrième efpece. .Gommier blanc. U t R EK.
Les trois efpeces de gommier que nous venons de
décrire, appartiennent.au genre de Vacacia ; les deux
fuivantes doivent former un .autre genre, qui recon-
noîtra pour chef le gommier blanc, le gommier par
excellence., le gommier rdu Sénégal , celui dont le fuc
fait prefque la feule nourriture des A rabes,. pendant
leurs voyages dans les déferts de l’Afrique.
Cet arbre, des plus .communs parmi ceux qui
couvrent la côte fabionneufe du Sénégal , depuis
Pembouchure du Niger jufques vers la hauteur du
Cap-BlancV-quoique vu., ou au moins à portée d’être
vii tous les jours par les commerçans européens,
qui fréquentent ce pays depuis plus de quatre cents
ans, n’avoit cependant encore été reconnu par aucun
d’eux. L’intérêt qu’ils avoient de connoître.cette
tranche d’un commerce, qui eft, fans contredit, le
plus lucratif qui fe .fafle en Afrique ôc peut-être
dans le monde , qui, par fa quantité, par la modicité
de fon prix Ôc par la facilité de fon tranfport,
eft préférable à la traite de l’or 8c à celle des Negres,
les.avpient engagés plufieurs fois dans le projet de
faire, avec les Maures, un voyage dans les forêts
oii l’on fait qu’ils recueillent cette gomme. Plufieurs
fois ils tentèrent ce voyage ; mais, rebutés, foit par
les difficultés qu’ils rencontrèrent à traverfer des
fables brûlans dans le pays le plus chaud qui foit
connu, foit par le danger qu’ils avoient à courir
livrés ainfi entièrement à la merci des brigands tels
que les Maures, ces tentatives échouèrent; de forte
que l’arbre qui produit la gomme refta inconnu juf-
qu’a l’année 1748, où je partis pour le Sénégal.
Arrivé dans ce pays, dans le deflein d’y découvrir,
s’il étoit pofîible, les plantes qui fourniflent au commerce
une four ce aufli variée que confidérablede
richefTes ,& dont MM. de Juffieu, de l’académie des
fciences ,. m’avpient remis une n o te ; favoir , le
gommier , l’encens., le bdellium, la myrrhe, l’afla-
foeîidà , l’opppanax, la farcocolle, 8cç. Mes premières
vues fe portèrent fur le gommier 8c fur l’arbre
de l’encens, que l’on difoit croître dans les
mêmes forêts. Je formai donc le projet de courir
îesrifques d’aller vifiter les forêts de gommiers:
il n,e s’agifioit pour cela, que de remonter le Niger
à trente lieues.de fon embouchure, jufqu’au heu
que l’on nomme le Défert, où fe fait annuellement
la traite de la gomme, & de traverfer de cet endroit
quinze à vingt lieues de terres en allant vers le nord,
pour gagner lefdites forêts. Pendant que l’on équi-
poit un bateau pour faire ce voyage, je m’avifai,
pour ne pas perdre de tems , de faire quelques promenades
aux environs de l’ifle du Sénégal où j’avois
débarqué ; mais quelle fut ma furprife , lorfqu’en
mettant pied à terre fur la pointe méridionale de
l’ Ifle-au-Bois édifiante d’une petite lieue au nord de
l’ifle du Sénégal, un des premiers arbres que je rencontrai
fut un gommier , portant, le long de fes
branches 8c de fon tronc, plufieurs boules de gomme
"d’un blanc terne, mais très-tranfparent. Je la goûtai ;
8c fa douceur fans fadeur, jointe à fa couleur & à fa
forme, m’afîiira qifelle ne différoit aucunement de
la gomme dii commerce : puis examinant les feuilles
Sc'les fruits de cet arbre, il me parut former, linon
un genre, au moins une efpece nouvelle d'acacia ;
de forte que, comme elle n’avoit point encore été
.nommée par aucun botanifte ayant moi, je l’envoyai
dès la même année à MM. de Julfiéu, avec
beaucoup d’autres plantes, pour en communiquer
la découverte à l’académie fous la dénomination fui-
vante : Acacia , uerek fenegalenjibus dicta , aculeata
aculeis ternis , intermedio reûexo , jLoribus polyandris
fpj.ca.tis, legumine comprejjo. loevi elliptico , que M.
Linné fit imprimer en 1753, dans fon Species planta-;
runi,pâge â z i , 8c qu’il lui plut alors de métamorphoser
ainfi: m'tmofa, Sénégal, fpinis ternis , intermedio
refiexo, foliis bipinnatis , jloribus fpicatis. Tel
eft l’hiftorique abrégé de la première découverte du
gommier blanc, qui me mena peu après à celle des.
divers gommiers rouges qui fe trouvent aufli dans
les mêmes cantons , ‘8c qui me difpenfa de faire un
voyage au moins fuperflu, 8c peut-être, très-pernicieux,
chez les Maures. Paflons actuellement à fa
defcription.
Le gommier blanc eft connu par les negres du
pays a’Oualo, fous le nom $ uerek, 11 fe plaît particuliérement
dans les fables blancs 6c mobiles qui
bordent la côte maritime du Sénégal, où ils forment
une efpece de bande de dix à quinze lieues de largeur
, qui s’étend depuis la riviere de Cachao , par
le douzième degré .de latitude boréale, jufqu’au Cap-
Blanc, p a rle vingtième degré ôc demi 6c au-
delà. J’en ai trouvé par toute cette bande , depuis
l’ifle S. Louis du Sénégal jûfqu’au Cap-Verd, mais
nulle part en aufli grande abondance , qu’à deux ou
trois lieues à la ronde de l’ifle même du Sénégal.
C ’eft un arbre de moyenne taille , un arbrifleau de
quinze à vingt pieds de hauteur , d’une forme peu
élégante, tres-irréguliere, comme celle d’un buif-
fon. Son tronc eft cylindrique, rarement droit, mais
diverfement incliné, d’un pied au plus de diamètre ,
6c couvert pour l’ordinaire , de bas en haut, dè
branches pareillement tortueufes , fort irrégulières,
aflez denfes, menues , mais roides 6c fortes. L’écorce
qui couvre les vieilles branches ainfi que le
tronc, eft médiocrement épaifle, aflez lifte, un peu
luifante, 6c d’un gris qui tire fur le cendré ou fur
le brun: leur bois eft plein, dur, & blanc par-tout.
Les jeunes branches font d’un gris-blanc, ôcfemées
de poils coniques, très-petits 8c couchés.
Les feuilles font difpofées alternativement 6c cir-
culairement autour des branches, à un travers de
doigt de diftance les unes des autres, 6c ailées doublement
, c’eft-à-dire compofées chacune de quatre ,
mais plus communément de cinq paires de pinnüles*
qui portent chacune quinze paires de folioles elliptiques
d’un verd bleuâtre, longues de deux lignes 6c
demie, 6c deux fois moins larges. Les pinnüles ont
à peine un policé de longueur, 6c font d’un tiers
plus courtes que le pédicule commun qui les fou-
tient. Celui-ci'n’eft point terminé par un denticule,
6c porte fur fa face fupérieure, deux, ou trois glands
en cupule hémifphérique concave, dont la premiers,
eft placée vers fon extrémité, entre les deux pinnu-
les de la première pair'ç ; 6c la fécondé, tantôt entre
la derniere paire inférieure, tantôt plus bas; la troi-
fieme, loriqu’elle s’y trouve, eft placée entre la
fécondé paire des pinnüles fupérieures, De l’origine
du pédicule commun de chaque feuille , fortent
deux, 8c plus communément trois épines coniques,
brun-noir, luifantes, longues de deux lignes, aflez
égales entr’elles , dont les deux collatérales font
droites, écartées horifontalement, 6c la troifieme
ou l’intermédiaire eft courbée en deflous en crochet.
Les branches de la feve précédente portent foùvent
deux feuilles, qui fortent d’une efpece de tubercule
qui eft refté comme un bourgeon après la chute de
l’ancienne feuille.
Ce n’eft que fur ces branches de la feve ou de la
crue précédente, que l’on voit les épis de fleurs : ils
fortent communément deux à deux, non de l’aiflelle
d’une feuille, mais derrière elle, c’eft-à-dire, chacun
entre une feuille 6c une des deux épines latérales.
Chaque épi eft garni d’environ cent fleurs hermaphrodites,
difpofées par grouppes ou paquets de
trois à cinq, femés çà 8c là fur toute leur longueur,
qui eft de trois'pouces environ, c’eft-à-dire une fois
plus longue que les feuilles prifes dans leur entier.
Lorfque cet épi eft en fleurs bien épanouies , il a
à-peu-près la forme 6c la grandeur du petit doigt,
de forte qu’il paroît avoir cinq fois plus de longueur
que de largeur. Chaque fleur eft blanche,‘longue
de trois lignes, 6c accompagnée à fon origine d’une
écaille elliptique, pointue , une fois plus longue que
large, ciliée, c’eft-à-dire bordée de poils en forme
de cils, trois fois plus Courte que le calice, 6c qui
tombe bien avant lui. Celui-ci forme un tuyau cylindrique
blanc - verdâtre , moitié plus long que
large, partagé, jufqu’aù tiers de fa longueur, eu
cinq denticules égaux, triangulaires équilatéraux. Il
renferme une corolle de même forme, blanche, un
quart plus longue, 6c dont les cinq dentelures ont
une fois plus de longueur que de largeur, 6c font
bordées de petites pointes coniques cryftallines. Soixante
dix à quatre-vingts étamines égales, droites,
blanches, une fois plus longues que la corolle, divergentes
à peine fous un angle de quinze degrés,
liftes, luifantes , fortent d’un difque en forme d’an-
neaii contigu à la corolle, qui part du fond du calice,
6c autour duquel elles font diftribuées fur cinq rangs :
chacun de leurs filets eft couronné par une anthere
fphéroïde » marquée de trois filions fur fa face intérieure
; 8c fur fa face extérieure, d’un petit enfoncement
qui reçoit l’extrémité du filet : cette anthere
eft, outre cela, terminée par un tubercule blanc,
fphérique , chagriné de denticules coniques ; 6c c’eft
par les deux filions latéraux qu’elle s’ouvre pour
répandre la poufliere fécondante, qui eft çompofee
de globules très-nombreux, lifles, luifans, de couleur
d’or , 6c d’une petitefle qui échappe à la vue.
Le difque des étamines laifle à fon centre un petit
vu id e, duquel s’élève , fans le toucher, un filet
fort mince qui fert de fupport à un ovaire cylindrique
ou peu applati, trois fois plus long que lui 6c
deux fois plus long que large : cet ovaire eft terminé
par un ftyle cylindrique trois fois plus long 6c
plus étroit que lui, dont le fommet eft creux, coupé
horizontalement j 6c tout couvert de pointes coniques
infenfibles à la vue fimple.
La forme de l’ovaire change peu-à*peu en gran-
diflant, au point qu’il devient, lors de fa maturité,
lin légume extrêmement applati, prefque aufli mince
qu’une membrane, d’un jaune de bois j elliptique,
pointu aux deux bouts , long de trois pouces 6c
demi, cinq fois moins large, veiné finement à l’extérieur
, ondé légèrement 6c inégalement fur fes
bords, femé de poils courts peu fenfibles:, 6c qui
s’ouvre de lui - même d’un bout à l’autre en deux
valves ou battans égaux , rapprochés l’un de l’autre
en fix endroits, pour former autant de loges qui
contiennent chacune une femence jaune-verdâtre ,
©rbiçulaire , ou taillée en coeur extrêmement applati
, du diamètre de trois lignes 6c demie, pointue
par fon bout inférieur , marquée fur chaque face
d’un fillon demi-circulaire, dont les cornes regardent
le point du bord par lequel elle eft attachée
pendante au bord fupérieur de l’un des battans,
au moyen d’un filet cylindrique, blanc, de fa longueur
, 6c tortillé : ces graines ne font pas attachées
toutes au même battant, mais alternativement à l’un
6c à l’autre, comme dans toutes les autres plantes
légumineufes.
Qualités. En mâchant les feuilles du gommier
blanc, on leur fent une légère amertume, qui eft
bientôt fuivie par un peu d’aftri&ion. Lorfque la
terre a été hume&ée abondamment par les pluies
ded’éte, qui tombent depuis le 15 de juin jufqu’en
feptembrë, alors on commence à Voir couler du
tronc 6c des branches de cet arbre, un fuc gommeux
qui y refte attaché fous la forme de larmes quelquefois
yermieuléès 6c tortillées, mais communément
o voïdes ou fphëroïdes, de deuxpouces de diamètre *
ridees à leur lurfaee, d’un blanc terne , mais transparentes
, cryftallines 6c luifantes dans leur cafîiire,
d une faveur douce fans fadeur, accompagnée d’une
legere acidité qui ne fe laifle reConnoître que par
les perfonnes qui en font un ufage habituel. Ces larmes
coulent-naturellement, fans le fecours d’au-*
eu ne forte d’incifion, pendant toute la fàifon de la
fécherefle, qui dure depuis le mois d’oftobre jufqu’en
celui de juin : quelquefois la grahdé fécherefle
du vent d’eft qui régné -alors, les détache, ôç les
fait tomber à terre ; mais le plus grand nombre refte
attaché à l’écorce d’où elles font forties. C’eft aufli
pendant cette faifon que l’uerek porte fes fleurs : fes
premières gouftès commencent à mûrir dès le mois
de novembre.
Ufagesi La gomme eft la feule partie de cet arbre
dont on fafle ufage au Sénégal. Elle eft fi nourrif-
fante , fi falutaire , fi rafraîchiffante, que les Maures
6c les Arabes, qui font un peuple cônfidérable dans
l’Afrique, un peuple toujours errant, qui ne fait ni
femer du grain-ni recueillir, en font leur unique
nourriture pendant la plus grande partie de l’année,
ou au moins pendant leurs longs voyages, o ù , avec
le lait de leurs chameaux', de leurs vaches, de leurs
chevres 6ç brebis, ils fe paflent de tout autre mets
6c de toute forte de boifîon , dans une faifon ôc dans
des fables où la fécherefle ne leur permettroit pas
de trouver une goutte d’eau pour étancher leur foifl
Cette manne, toute répandue qu’elle eft fur la côte
du Sénégal, exige qu’on en fafle une récolte annuelle
, pour fubvenir à de fl grands befoins, 8g
pour contenter les çlefirs des commerçans européens
qui fréquentent la côte du Sénégal. On fait
que la plus grande eonfommation 'de cette gomme
fe fait pouf donner du corps aux étoffes de foie >
qu’on en emploie beaucoup pour faire tenir les
Couleurs fur le vélin, pour coller le papier, & dans
nombre d’autres manufaftures. La Médecine l’ordonne
aufli dans les maladies d’épuifement, dans
celles:où il faut adoucir, lubréfier, rafraîchir, refi»
ferrer ; dans les dyflenteriçs biliewfes 6c les pertes
de fang les plus opiniâtres*
Récolte. Les Maures, qui font de vrais Arabes, tou-*
jours errans dans le foyaume de Maroc 8c le long du
fleuve Niger, dont les Negres leur ont abandonné
la rive feptentfionale, fe chargent fettls de la récolte
de la gomme , dont ies arbres couvrent là plus
grande partie de ce terrein. Pendant l’é té , qui eft
la faifon des pluies, ils fe retirent vers ië nord, au
pied des montagnes voifines du pays de Maroc ; 6ç
lorfque les pluies ont eeffé , vers la fin de l’année ÿ
ils fe rapprochent peu-à-peu du Niger, en dépendant
flans la plaine où font les forêts de gommiers,
car ces arbres ne fe cultivent pas. Ces forêts commencent
à quinze lieues environ du fleuve Niger,
ôc s’étendent en gagnant vers le nordj à une diftançë
que l’on çftime communément de quatre - vingts
lieues, 6c qui pourroit bien aller jufqu’au Cap-Blanc,
c’éft-à'dire jiifqu’à cent lieues, & peut-être beaucoup
au-delà en approchant de Maroc, à en juger
par la relation des Maures eux-mêmes. Ils donnent
à cette forêt environ trente lieues de largeur de
l’occident à l’orient, 8c la diflingùent en trois portions
diftantes de dix lieues l’une de l’autre , dont
la première , qu’ils appellent la forêt de Sahel * eft
la plus proche du Niger, en étant éloignée de quinze
lieues J ainfi que de la mer; celle qui vient après, en
■ longeant vers le nord , s’appelle la forêt de Lébiar,
ôç ççtoie-j comme ©lie 3 la band© fabionneufe qui