y fait germer l’abondance, & cette proviftce condamnée
par la nature à la ftérilité, eft devenue la,
plus riche & la plus fortunée de VArabie ; elle fut
connue dès lés premiers tems fous le nom de la Madia-
nite ou VArabie pétrie. C’eft aux villes de la Mecque
& de Medine qu’elle doit fon opulence & fa célébrité.
L’une s’honore d’avoir donné naiffance a Mahomet,
& l’autre fe glorifie de lui avoir fervi d’afyle,
lorfqu’âu commencement de fa prédication, il fut
obligé de fe fouftraire au glaive de fes perfécuteurs.
Bien des titres annobliffent cette province : ce fut-là,
à ce qu’on dit, qu*Abraham jetta les fondemens
du plus ancien temple du monde ce fut-là qu’Ifmaël,
forcé de quitter lamaifon paternelle, fut chercher
une nouvelle patrie ; ce fut-là que Moyfe fugitif
d’Egypte, fe déroba aux vengeances de ceux qui vou-
loient le punir d’avoir tué un Egyptien ; il s’jr maria
avec la fille de Jethro, prophète fort révéré , qui
donna, difent les Arabes, d’utiles inftru&ions à ce
condufleur du peuple Hébreu. C ’eft encore-là qu’on
voit les montagnes d'Oreb & Sinax , où l’Eternel
donna des loix à fon peuple, au bruit des tonnerres
& à la lueur des éclairs. C ’eft par ces titres de no-
bleffe qu’une province qui n’offre que des fables &
des rochers d’oùfortent des eaux ameres, établit fa
prééminence & qu’elle trouve des reffources toujours
renaiffantes, dans une tradition qui lui eft
glorieufe & avantageufe. L’Orude , qui eft la
quatrième partie de cette divifion, s’étend depuis
le Najed jufqu’à la terre d’Oman. Les habitans
agreftes & fauvages font encore plongés dans la
barbarie des premiers tems ; ils jouiffent en communauté
de toutes les productions de la nature,
qui n’eft pas extrêmement libérale pour eux : l’ignorance
où ils font des commodités de la vie & des
rafinemens du luxe , leur fait regarder leur pays in--
grat comme la contrée la plus delicieufe de la terre.
Quoiqu’on pêche les perles fiir leurs côtes , quoique
leur fol foit parfemé de poudre d’o r , ils font
fans attachement pour ces richeffes d’opinion qu’ils
abandonnent à la cupidité des étrangers beaucoup
plus à plaindre qu’eux.
La province d’Yemen ; plus connue fous'le nom
8 Arabie heureufe , eft la plus féconde & la plus
étendue ; ce pays fi vanté par la verdure de fes
arbres, par la pureté de l’air qu’on, y refpire , par
l’excellence de les fruits, par l’abondance variée de fes
produftions, n’offre plus aujourd’hui le fpeftacle
de fon antique opulence ; on a peine à comprendre
comment on a pu donner le nom dû heureufe à une
contrée où la plus grande, partie du fol refte fans
culture, & qui, défféchée par des chaleurs brillantes,.
ne trouve d’habitans que dans les lieux où les montagnes
prêtent le fecours de leur ombre : il eft donc
à préfumer que les chofes de luxe qu’elle produit,
& dont les peuples policés fe font fait un befoin,
ont donné lieu de croire que par-tout où l’on trou-
voit des fuperfluités, on jôuiffoit d’un néceffaire
abondant : de même que le vulgaire s’imagine que
les lieux les plus fortunés font ceux qui produifent
l’or , les perles & les diamans. Cette province,
beaucoup moins féconde que l’Egypte & la Syrie
qui lui font contiguës , ne paroît avoir ufurpé le
nom d'heureufe, que par comparaifon avec les contrées
ftériles & indigentes qui l’environnent.
L’Arabie a trop d’étendue pour que les productions
de chaque province foient les mêmes ; on n’y
trouve plus ces parfums , cet o r , ces perles , ces
épiceries dont la fource eft épuifée , ou dont l’exif-
tence pourroit bien n’être qu’imaginaire : ces richeffes
paroiffent avoir été autant de productions des Indes
& des côtes d’Afrique, où les Egyptiens alloient
les chercher pour les répandre chez les peuples
d’occident ; & comme il étoit de l’intérêt de cacher
la^ fource de leur abondance , ils aimoient mieux
faire croire qu’ils commerçoient en Arabie, où l’on
ne pouvoit pénétrer, fans expofer fa v ie, dans les
fables & la poufîiere des déferts. Homere, dans
l’énumération qu’il fait des peuples commerçans ,
ne fait aucune mention des Arabes : ce font les Européens
qui les ont tirés de l’oubli ; ils ont traverfé
lès mers croyant y trouver la fource de toutes les
richeffes, & ils n’en ont rapporté que le café qui
eft devenu un befoin pour les peuples policés , &
qui eft un bien réel pour le pays qui le produit.
La principale richeffe de l'Arabie confifte dans les.
troupeaux, & fur-tout dans les efpeces qui n’exigent
pour fe nourrir que des herbes fucculentes. La
vache y donne peu de lait, & la chair du boeuf qui,
Comme elle, fe plaît dans de gras pâturages, eft infi-
pide& fans fuc. Le veau gras etoit un mets rare & recherché
, qu’on' réfervoit pour les feftins de l’hof-
pitalité. Le mouton, le chameau décorent les tab les
les plus délicates. Le cochon y eft rare, parce qu’il
auroit peirte à fe multiplier dans un pays qui fournit
à; peine des fubfiftànces à fes habitans , où l’on
trouvé peu de pâturages & de bois, de racines &
de terres labourables : prefque tous les légiflateurs
de l’orient ont défendu de s’en nourrir, parce que
outre que la chair en eft failidieufe & dégoûtante ,
elle eft encore nu ifib le à la fanté : ces animaux fujets
à la ladrerie , qui eft contagieufe , pourroient la
communiquer aux troupeaux dont la chair fert de
nourriture aux hommes. Il falloir que Y Arabie,
malgré la ftérilité de fon fol , fût furchargée de
troupeaux, puifqu’elle en faifoitun grand objet de
commerce avec fes voifins ; mais on fait que, dans
tous les climats brûlans, il fe fait une plus grande
confommation de fruits que de viandes; Le bétail
n’étoit pas fon unique richeffe ; on a beaucoup vanté
l’excellenèe de fes dattes, la fuavité de les parfums,
le goût délicieux de fes fruits, la beauté de fon
ébene & de fon ivoire; Toute l’antiquité dépofe
que lesTyriens y puifoient ces monceaux d’or qu’ils
etaloient comme ligne de leur puiffance ; c’étoit,
dit-on , dans les provinces méridionales que'ger-
moit ce précieux métal dont les h ab itans ïaifoient
dès tables, des fieges & des lits ; ils ouvroient les
entrailles de la terre d’où ils en tiroient des morceaux
de la groffeur d’une noix. Hérôdote fait mention
d’une riviere qui roùloit tant d’or, q u e les eaux
empruntoient tout l’éclat de ce métal : ces richeffes
étoient inutiles à fes poffeffeurs qui préféroient une
indigence pareffeufe à des biens qu’il falloit acquérir
par un travail pénible. Un nombreux troupeau leur
paroiffoit une richeffe plus réelle que des perles'8c
des diamans que la nature a enfoui dans le fein de
la terre , comme fi elle eût prévu 'qu’ils feroient
les alimens de nos maux & de nos crimes.
V Arabie eft infeftée de toutes les bêtes féroces qui
préfèrent aux terres humidés, les fables brûlans
les montagnes arides : elles établiffent leür demeure
dans les cavernes des montagnes, dans les fentes
de rochers, ou dans des tanières qu’elles fe creufent
elles-mêmes. Ces rois folitaires exercent un empire
, abfolu dans les déferts dont l’homme fier de fes
titres n’eft que le monarque dégradé. Mais fi les
lions, les tigres, les hyenes, les panthères & les
léopards exercent avec impunité leurs ravages dans
les déferts, on trouve dans les montagnes d’autres
animaux qui, quoiqu’àufli féroces, produifent de
grands avantages pour le commerce ; tels font les
chats mufqués , la c i v e t t e la belette odorante , la
genette , le chevreuil de mufc, & plufieurs autres
que l’éducation dépouille de leurs inclinations féroces,
& que l’habitude accoutume à la difcipliné
domeftique. Çes animaux portent auprès des parties
de la génération, un faq dans lequel fe filtre une
humeur'odorante dont ôn fait des pommades & des
parfums fort recherchés. Les anciens qui en con-
noiffoient larvertu ftimulante , en compofoient des
philtres. Les peuples de l’orient ufent encore de
cet artifice pour fuppléer à la fage économie de la
nature trop avare au gré de leurs 'defirs immodérés.
Les Hollandois excellent, dit-on-, dans la com-
pofition de ces pommades , & on les croit beaucoup
plus adfives & vivifiantes que celles de Y Arabie
& des Indes, qu’on altéré par le mélange des drogues
odorantes.
; Quoique le fol de Y Arabie ne foit en général que fable
& pouffiere, il eft certains cantons privilégiés où
des fources abondantes arrofent des terreins imprégnés
de fe l, qui n’ont befoin que d’être amollis par
l’humidité pour produire de riches moiffons. Tout
Part du cultivateur fe borne à bien préparer la terre,
pour recevoir les fels qui ont befoin du fecours des
eaux, pour donner au fol Un aliment convenable à
la femence qui lui a été confiée. Les déferts couverts
de fable n’ont pas la même reffource : les eaux concentrées
dans les entrailles de la terre, ne peuvent
s’élever dans l’air, ni lui donner ces vapeurs vivifiantes
qui j en retombant fur la fuperficie du fo l,
s’infinuent dans fon fein pour en favorifer la fécondité.
Àinfî, tandis que certains cantons font rafraîchis
par des pluies abondantes, d’autres languiffent
dans l’aridité. Cette inégalité n’a d’autre caufe que
la poiîtiôn des eaux : èôulént-eiles fur la furface de
la terre ; l’aûi'ôn.du foleil attire des vapeurs humides
d’où fe forment des orages : font-elles renfermées
dans l’intérieur de la terre ; le foleil eft
inîpuiffânt à les én détacher pour tempérer l’ardeur
de fes raybns, & le fol brûlé par fes ravages, rt’eft
plus que cendre & pouffiere. Le même phénomène
fe fait remarquer dans tous les pays voifins du tropique
; les Grecs établis fur les côtes de Cirene en
Afrique, âvôient peine à comprendre comment la
Lybie qui étoit contiguë à là Pentapole qu’ils habitaient
, éprouvoient une fécherefle continuelle ,
tandis, qu’ils étoient fans ceffe inondés de pluies qui
leur faifoient dire que leur ciel étoit percé. Quoique
l’Arabie foit fouvent agitée de tempêtes violentes ,
l’air y eft par-tout également brûlant ; & c’eft quand
les vents fôufflent avec le plus de violence que la
chaleur eft exceflive. L’on eft obligé de fe coucher
par terre pour ne pas refpirer un air de feu, & pour
fe dérober aux ardeurs d’un foyer que les vents
fèmblent promener dans les airs. (T—jv.)
A r a b i e , ( Comm. ) L’intérieur de Y Arabie étoit
jufqu’ici pour nous un pays entièrement inconnu.
Les voyageurs, dans leurs relations, fe font bornés
à la description des côtes de cette vafte contrée qui,
fans doute, avoient été le terme de leurs Goùrfes. M.
Michaëlis-, célébré profeffeur de Gottingue, propofa
au feu roi de Daneniarck, d’envoyer cinq favans re-
tonnoître le terroir & les productions de Y Arabie : de
ces cinq Danois il en mourut quatre fur la route, M.
Niebuhr, qui étoit chargé de là partie géographique,
a tâché de remplir tout feul le but de fon voyage.
Il en a publié la relation en 1771 : nous en extrairons
ce qu’il y a de relatif à notre objet, en l’abrégeant.
De toutes les cartes de Y Arabie qui ont paru juf-
qu’iei, ce favant donne la préférence à celle de M.
d’An ville, publiée en 175 1 , fous, le titre première j
p.artie de la carte dûAJîe, la Turquie, l'Arabie , l'Inde
G* la Tartarie.
Il a aufîi recueilli un grand nombre d’infcriptidiis
& de médailles en caraèteres eufiques , & dont il
rapporte les explications données par M. Reiske ,
profeffeur a Leipfik. Parmi ces antiques on diftin-
gue un moyeh bronze - qui offre l’image de la Croix j
avec le nom d’un calife & une légende Turque : ôn
Tome /,
ceffera d’être étôrtné d’un aufîi bifarre mélange
lorfqu’on faura que 'cette médaille fut frappée dans
un pays qui étoit en même tems gouverné par lei
empereurs Grecs & par les califes de Bagdad.
L Arabie eft divifée 'en huit "provinces entié-
fement indépendantes les unes des autres, & qui
font Ardel, Iemert, Hadrâmant, Oman, lèscon-
trees fituées le long du golfe Perfique, Hadsiàr;
Medfied, Hedfias , & le pays des Bédouins.
La province d’Iemert qui a 48 milles d'Allemagne
de longueur, fur vingt de largeur, eft partagée en
quatorze diftriûs. Les principaux fônt les feigneu-
ries d’Aden & de Kaukebon, le pays du Temen
proprement d it , Chaulan, Katfigtan..... De tous les
états d'Arabie, Tlemen eft le plus uniforme & le
mieux policé; gouverné d’abord par des fôiiverains
particuliers, il reçut l’alcoran la feptieme année de
l’hégire.
Cette belle province excita plufieurs fois l’ambition
de l’Egypte , & fut foumife auxfultans ottomans.
Elle devint la proie de Saladin , de Guri 9
de Soliman ; mais l’amour de la liberté triompha
toujours des armes ottomanes fur les montagnes
de cette province. En 1630 , Khaffem , l’un des
fcheichs indépendans, força les bachas Turcs à quitter
le pays : Ifmaël, fon fils , affermit cette, heureufe
révolution, & prit la qualité d’iman : on l’honora
comme un faint pendant fa vie & après fa mort î
fon renoncement aux plaifirs du fiecle, fa frugalité ,
fa modération, furent les titres de fon apothéofe.
Il n’eut d’autrés revenus que le produit de la vente
des bonnets qu’il n’avoit pas dédaigné de faire lui-
même.
De toutes les villes commerçantes de VArabie, la
plus riche , la plus floriffante , J eft celle de Moka
, fituéedans un terroir ftérile, à r j° 19 degrés
de latitude. On voit prefque toujours fon port
rempli de vai'ffeaux qui arrivent d’Egypte & des
Indes. Moka fut fondé par un fage de la feâe dé
Sunni, qui s’étoit 'confiné dans un hermitage des
environs. Almanzor , fécond calife Abaflîde, bâtit
près de la cellule d’un àutrê philôfophe, la ville
de Bagdad , qu’on peut appeller la Babylone de
Y Arabie.'
Bei't-el-fakih (c’eft-à-dire, la maifon des favàns)
fituée au 140 31' de latitude , eft maintenant l’entrepôt
du commerce du café : c’eft au port dé
cette ville qu’abordent continuellement des vaif-
feaux de tous les pays, pour acheter tette denréél
devenue fi précieufe & fi fiéceffaire en Afië & en
Europe. La croupe des montagnes vôifines préfentè
de tous côtés des cafter s.
San a j capitale de l’Iemen , eft le lieu de la réfi-
dence de l’Iman. Sa fituâtion , peu favorable pour
le commerce * n’y attire point cette foule d’étrangers
qu’on remarque dans les villes dont nous venons
de parler ; mais l’air y eft infiniment plus ptir; plus
fain, & le foleil beaucoup moins ardent. Elle commande
une vafte plaine où la nature a pris plaifir
d’étaler fes plus précieux tréfors. Tel eft îè féjour
où quelques pontifes Mufiilmàns s’éndôrmeht dans
les bras de la mcfieffé & de là volupté.
Taâs , éloigné de Péquâteur- dé i A 34'j eft rempli
de mofquées magnifiques, qui âttefterit fon ancienne
fplendêiir:
Aden, l’üné dés plus anciennes & des plus célébrés
villes de l'Arabie, fituée à 1 i d. Jfô'de latitude, à fecôué
depuis 1740 le joug de là dôminàtiôn de Éimân. Le
delpotifme dès pontifes, le fouvênir de l’expuîfion
dés Ottomans, encouragèrent les habitans â tenter
cette révolution. Us réclamèrent leurs anciens droits;
& nommèrent un fcheich qui ne de voit exercer
fur eux qu’une puiffance paternelle.
Dans la vafte contrée de Hafehid & de Bekiî >
S ss ij