de bambou. Les Malabares lui donnent le nom d'ily,
f ous lequel Van-Rheede en a donné une figure affez
bonne & prefque complette , dans fon HortUs Ma-
(abaricus, vol.I,pag. & , planche X VI. Les Brames
l’appellent y p f i . . .
Elle croît à la hauteur de foixante à foixante-dix
pieds dans les fables du Malabar. De fa fouche , qui
éft une vraie tige noueufe , .blanchâtre, rampante
fous terre, garnie autour de chaque noeud d’une
quantité de racines fibreufes, ondees, comme crépues
, qui la fixent à la terre, fort un faifceau de
cinquante à foixante tiges contiguës, hautes de
foixante à foixante-dix pieds, ramifiées à la hauteur
de douze à quinze pieds, cylindriques ^droites, de
fept à neuf pouces de diamètre, articulées à articles
longs de trois pieds , couverts d’abord, dans leur
commencement, de deux ou trois gaines de feuilles
verd-brunes,, dont les feuilles ne font que de Amples
épines , prefque pleins intérieurement, n’ayant
qu’une petite cavité à leur centre , mais qui, par la
fuite en grandiffant, perdent leurs feuilles, font
nuds * d’un blanc jaune, luifant, fans écorce , mêlés
de filets ligneux, à bois épais d’un travers de doigt,
très^creux à fon intérieur , dont les parois font couverts
d’une membrane mince 6c enduits d’une efpece
de chaux, lorfque ces tiges font très-vieilles ; alors
çes noeuds font féparés chacun par une cloifon li-
gneufe.
Les feuilles fortent affez ferrées, au nombre de
fept à huit, du bout de chaque branche oit elles font
difpofées alternativement fur un même p^an, de
maniéré que le feuillage eft applati. Elles font elliptiques
, pointues aux deux bouts, longues de fept
pouces , fept à huit fois moins larges, c’eft-à-dire ,
larges de près d’un poiice , marquées fur toute leur
longueur de neuf nervûres, dont celle du milieu eft
relevée en-deffous d’un verd moyen par-tout, à
bords âpres & dentés , & portées fur un pédicule
Cylindrique extrêmement court.
L’ify ne fleurit qu’une fois dans fa v ie , & cela à
fa foixantieme année , au rapport de Van-Rheede
& des do&eurs-médecins Itti-Achudem Gentil, du
Malabar, Ranga-botto , Vinaique Pandito & Apu-
botto, tous trois'brames & gymnofophiftes de Co-
chin, comme il eft configné dans le livre appellé
Mankaningattnom où ces favans ont fait defliner
toutes les plantes du Malabar , avec leurs vertus
médicinales. Peu de tems avant que de fleurir il
quitte fes feuilles ; il fleurit pendant un mois entier
& meurt enfuite. Ses fleurs forment des efpeces de
panicules ou plutôt d’epis à deux ou trois branches,
qui fortent en rayonnant de chaque noeud 6c s’étendent
horizontalement, chaque branche portant
huit à dix fleurs oppofées 6c verticillées. Chaque
fleur confitte en un calice commun ovoïde , pointu ,
à deux bâles deux fois plus longues que larges ,
contenant fept corolles ovoïdes, pointues, deux fois
plus longues que larges, à deux valves , trois étamines.
pendantes, prefqu’une fois plus longues, 6c
un ovaire à deux ftyles & deux ftigmates en pinceau.
L’ovaire en grandiffant devient une graine nue $
ovoïde , très-pointue , quatre ou cinq fois plus longue
que large. .-.Y
Qualités. L ’ify n’a qu’un goût de verd fans fucre
dans toutes' fes parties. Il vit environ 60 ans & fe
multiplie dp drageons ou de bourgeons, qui tracent
fous terre & qui font garnis de racines.
Üfages. Ladécoftion de fon écorce & de fes feuilles
fe boit pour faciliter la fortie du fang retenu dans
les bleffures -tant internes qu’extcn*es , & de celui
qui reftè dans la matrice après l’accouchement. La
chaux qui fe forme dans .les vieilles tiges eft fouve-
raine dans les ftranguriës 6c les piffemens de fang.
Remarques. Prefque tous les botaniftes anodernçs,
depuis Gafpar Bauh'n, ont cru que ce bambou four-
niffoit le tabaxir, c’eft-à-dire , le fucre aux Arabes;
mais cette efpece de chaux qui fe trouve dans cette
efpece , ainfi que dans la fuivante, quoique provenue
de l’exficcation d’une eau claire , limpide 6c
douce qui rempliffoit les tiges pendant leur jeuneffe
& qui s’eft defféchée enfuite, n’a aucune faveur fu-
crée , ce qui prouve affez que le nom de tabaxir
des Arabes eft celui du vrai fucre.
Deuxieme efpece. T erin.
L’efpece de bambou la plus approchante de Yify
eft celle que les habitons d’Amboine appellent terin
ou telin, & que Rumphe a décrite fous le nom d’<z-
rund'arbor vofarià ou bulu-java, fans aucune figure
à la page 8 du volume IV de fon Herbarium Amboini-
cum. Les Malays rappellent bulu-java ; les Macaffares
bulu-totoan ; les habitans de Ternate tabatico-java ,
6c ceux de Baleya dela-pong.
C’êft une plante très-élégante , qui croît à la hauteur
d’un arbre, c’eft-à-dire, de cinquante pieds à
Java, & feulement de trente-fix pieds à Amboine
où elle eft étrangère , y ayant été tranfportée d’ailleurs.
Ses tiges ont un pied 6c plus d.è diamètre, 6c
font compofées d’articulations vertes , liffes, luifan-
tes, longues d’un pied à un pied 6c demi, creufes,
dont Le bois a à peine un traverè de doigt d’épaif-
feur : elles font couvertes du bas en haut de branches
articulées pareillement, à peine longues de fix pieds,
.Portantes d’une, gaîne de feuilles , ridée , hériffée
de poils rares & qui tombent peù-à-peu avec elles.
Lorfque ces branches & leurs gaînes font tombées,
ces tiges reftent nues ,' liffes 6c unies , très-agréables
à voir, .
Les feuilles terminent les jeunes branches : elles
font de grandeur fort inégale, car les inférieures
n’ont que fix à huit pouces de longueur, fur un pouce
de largeur , pendant que les fupérieures ont treize
à dix-fept pouces, fur un pouce 6c demi à deux
pouces de largeur, velues en-deffous dans les jeunes
plants & liffes dans les vieux.
Rumphe n’a point obfervé fes fleurs ni fes fruits,'
parce qu’on en coupe les tiges à mefure qu’elles ont
pris une confiftance ligneufe.
Sa.racine ou plutôt fa fouche , qui trace horizontalement
fous /terre, a environ deux polices de diamètre
, 6c eft toute couverte de noeuds qui pouffent
chaçun-au loin un jet d’où fortent plufieurs bourgeons
ou tiges , dont l’affemblage forme une efpece
deforêt. - ... . ,.
Ces bourgeons appelles robong, fortent à une
plus grande diftance de la fouçhe que dans la première
efpece. Ce font d’abord des efpeces de cônes
très-aigus, couverts d’écailles .pointues , dont on
voit continuellement fortir quelques-uns à chaque
nouvelle 6c pleine-lune , qui s’élèvent dans certains
cantons , comme à Java , jufqu’à vingt-cinq ou
trente pieds ; & dans d’autres , eonjme à Amboine,
jufqu’à dix-huit ou vingt pieds feulement avant que
de donner des feuilles & des branches. On apperçoit
déjà le long de ces bourgeons les noeuds ou articulations
qui les compofent , dont les inférieures
ont un pied & les fupérieures un pied & demi de
longueur, entièrement enveloppées dune gaîne
comme d’une chauffe qui eft ridee & rude comme
une peau de requin ou de chien de mer en-dehors,
pendant que fa iurface intérieure eft lifte Sc luifante
comme une membrane. Ces gaînes tombent peu-à-
peu ou fe roulent en une maffe folide , g mefure
que le bourgeon pouffe des feuilles 6c des. branches
à fon extrémité. • A .
Qualités. Le terin le plus eftimé croit à Java. Les
plants qu’on voit à Amboine, Ceram 6c aux îles
Moluques , quoiqu’en grande quantité^ y ont été
trànfplantées
tranfplantées & multipliées au point qu’il paroît aujourd’hui
être naturel à ces îles , car tous les champs
en font couverts, fur-tout les montagnes de Leyti-
more & d’Oeri Meflïng.- Tous les jours on en plante
dans les jardins & auprès des habitations, à caufe du
grand ufage qu’on en fait pour puifer de l’eau , &
c’eft de-là que font venues les défenfes de le couper
' fans le contentement de fon propriétaire.
Ufuges. Les articulations du terin font d’un ufage
journalier chez les Malays 6c les Macaflàres pour
porter de l’eau & la conférver comme l’on fait en
Europe dans des; féaux & des cruches. Pour cela
ils choififfent les plus longues articulations, auxquelles
ils laiffent les cloifons des extrémités , ouvrent
, vers le milieu de fa longueur, fur le côté ,
un trou par lequel elles s’empliffent d’eau. Lorfque
ces articulations font trop courtes , ils en féparent
un bout compofé de trois entre-noeuds , dont ils our
vrent le fupérieur & celui du milieu. Les femmes
des Macaffares , 6c leurs fervantes vont tous les“
foirs à la riviere puifer de l’eau dans ces efpeces
de tuyaux qu’elles rapportent ainfi pleines fur leurs
épaules, pour l’ufage du ménage pendant le jour
fuivant; & l’eau s’y corifefve très-bien, fans contrarier
aucun mauvais goût., pourvu qu’on les bouche
exactement.
Les tiges qti’on laiffe vieillir fur leur fouche prennent
une couleur jaune ou blanche, 6c fervent à
faire des coffres de diverfes efpeces, des vafes &
des pots que l’on fufpertd à la cime des cocotiers
& des gomuto , pour y recevoir le vin qui toule de
Tincifion faite à ces palmiers. Les Malays chargent
toujours une grande quantité de ces tuyaux dans
ïeurs petits navires , appelles corre-corren , pour
ies remplir d’eau toutes les fois qu’ils navigent fur
les fleuves.
Dans la vieille Inde , aux îles de Java , Baleya &
Célebe , & par-tout où manque le bananier, qu’ils
appellent gabba , les maifons font boifées & parquetées
du bois de terin. Les habitans en font des bancs,
des fîeges , des cloifons. Avant d’en employer les
tuyaux, ils les frottent de fable pour en enlever
une efpece d’écorce qui les rend verds, jufqu’ à ce
qu’ils deviennent biancs ou jaunes ; alors ils les
fendent en quatre à fix lattes qu’ils coufent enfem-
ble. Ses tiges ’entières s’emploient pour faire des
montans d’échelle, des vergues de petits navires,
& des tuyaux propres à conduire l’eau à de grandes
diftances dans les incendies. -
Les tiges les plus groffes fervent à faire des poutres,
des folives , des pieux, des haies , qui font
d’autant plus durables qu’elles font moins expofées
aux pluies. Mais lés bâtimens & ’les murs ainfi con-
ftruits ont un inconvénient, c’ eft que lorfque le
'feu prend à ces tiges , l’air contenu dans leurs cavités,
venant à être raréfié & à fe débander , 'y caufe une
explofion violente comme celle d’un coup de canon
, ou de boîte , qui jette & tranfporte' le Feu au loin
en l’éteignant dans l’endroit où fe font ces explofions ;
c ’eft de ces explofions que vient à cette plante fon
nom de bambou: .Y
Le terin a auffi fon ufage en médecine. Ce font
fies bourgeons ou fes jeunes branches qu’on emploie
particuliérement : on enleve la gaîne qui les enveloppe
fous la forme d’une écorce ridée , on les
râpe finement jufqu’au bois , & on met cette rapûrè
en déco&ion dans de l’eau pure, qu’on fait boire
pour atténuer, divifer & chaffer par les-urines &
autres voies excrétoires, le fang grumelé qui s’eft
épaiffiou amaffédans quelque partie du corps, foit
par un coup ou par une chute ■ ; quelques-uns y
ajoutent la rapure du bois de fappan & la moitié
d’un limon-fwangi.
Le robong,ou premier bourgeon qui pouffe à
Tome I. '
chaque nouvelle lune , comme un cône de la grof-
feur du bras , ridé, velu & épineux, & qui , dans
f l’efpace d’un mois, s’élève à la hauteur de douze
; pieds , fe mange par préférence à celui de toutes les
autre efpeces. Pour cét effet on coupe à la longueur
d un pied fa pointe, qui eft tendre & molle , on la
tait macerer dans 1 eau,, puis bouillir légèrement,
enfuite on la coupe en travers par greffes rouelles
quon confit au vinaigre, que l’on fait fécher au
îoleu , & que l’on reconfït une fécondé fois dans -
du vinaigre lalé , pour mêler dans l’atsjar , qui
elt une efpece d’affaifonnement de falades aufli
délicat que celui qu’on apporte de Siam, ou que
nos cornichons, & qui eft très-lalutairc pour prévenir
le feorbut dans les voyages fur mer. Les rouel-
fè s de ce bourgeon fe cuifent encore dans le jus des
viandës graffes , & fe mangent comme nos choux.
le s gaines entières de ces bourgeons fervent de
couvercles à différens vafes. Lorfqu’od les a râpées
légèrement pour en enlever les épines, elles fervent
a envelopper des carottes de tabac.
. ^marque. Rumphe remarque que, quoique les
tiges du term foient fans liqueur, mais charnues intérieurement
à Amboine & à Java, ce qui fait qu’on
les mange mannées , celles qui croiffent. dans les
hautes montagnes de Banda où l’air eft plus froid ,
à Bifnagar, à Batecala , au Malabar & autres lieux
de l’Inde ancienne, font moins ‘grandes & ne fe
mangent pas, parce qu’elles font Toujours pleines
d une eau claire, douce & potable, qui, en fe def-
fechant, forme cène fubftance blanche , cendrée -
dure, feche , femblable à de l’amidon ou à du fucre
blanc, maisablblumènt infipide , que les Arabes ap-
pellent tabaxir, & les Indiens faccar membu, comme
qui airoitfucre de bambou. Néanmoins A vicene, qui
nous a fait connaître le tabaxir des Arabes, nous
allure, livrt ƒƒ, chapitre 103 , qu’on tire le fpodion,
des racines brule.es de i arundo inrtica, q u i, félon les
auteurs , n’eft autre chofe que le bambou. Mais fi
: le ipodion d Avicenne eft une cendre , & a le tabaxir
des Arabes eft une maiiere fucrée , tirée au moyen
du feu, la remarque de Rumphe nous fournit une
leconde preuve pour avancer que le tabaxir eft un
nom qui appartient plutôt à la canne de fucre qu’au
Troijieme efpece. POTONG.' *
Le potong, ainfi appellé par les Malays, & bulu-
potong par les Javanois, eft , félon Rumphe, une
fécondé^ efpece de terin, dont il a donné une bonne
description & une bonne figure au volume IV^page n
planche I I , de Ton Herbarium Aniboïnïctim , fous le
nom d’arund'arbor afpera. Les habitans de Ternate
I appellent tabatiko-ake, c’eft-à-dire, bambou aqua--
tique ; ceux d’Amboine terin-kaburu ow telin-babulu ,
c eft-à-dire , bambou rude ou farineux ; ceux de Java
bulu-wani ou utte-wani J de l’ufage qu’ils en font ;
car ils appellent du nom de wani ces petits pots de
bouts de tuyaux de rofeau, qu’ils fufpendent aux palmiers
pour recevoir la liqueur yineufe qui en.coule.
Ses tiges Ont jufqu a foixante ou foixante-dix pieds
de hauteur, fur neuf pouces environ de diamètre.
Leurs articulations n’ont guere qu’un pied de longueur
; les inférieures ont le bois épais de deux
travers de doigt, & fi dures qu’il faut employer
les haches les plus fortes pour les couper • lés articulations
fupérieures font Tes plus longues elles
ont le bois moins épais & la. cavité intérieure’beau-
coup plus grande. Leur extérieur eft couvert d une
farme blanc-gnfatre, comme laineufe au taft & facile
à enlever en la raclant. Elles ne ■ produifent
point de branches autour de leurs noeuds, mais feulement
cinq à huit petites racines articulées , fem-
blables à des épines 6c pendantes.
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