à caufe delà quantité d’épines dont il eft couvert ; 6c
ils prétendent qu’un homme qui s’y réfugieroit,
pourfuivi en guerre ou pour quelque crime, y fe-
roit à l’abri de fes ennemis , 6c de leurs fléchés em-
poifonnées. Pareille recette ne feroit certainement
guere goûtée par de braves guerriers.
Remarques. Rauwolf nous apprend qu’auprès d’A-
le p , le long du fleuve du Tigre dans la Méfopota-
mie, 6c de l’Euphrate dans l’Arabie Déferte , on
trouve une éfpece d'acacia appellée fchack par les
Turc s, 6c fchamuth par les Arabes, qui l’ont corrompu
du mot faut, félon Celfe ; que cet arbrifleau
n’eft qu’un buiffon aufli détefté par les laboureurs
du pays, que le font les fougères 6c l’arrête-boeuf,
anonis réfla bovis, lorfqu’ils gagnent dans nos champs;
que fes Branches font cendrées 6c couvertes d’épines
femblables à celles du rofier ; que fes feuilles
font ailées comme celles du tragacant ou de la fougere
femelle, mais fi petites & fi, nombreufes fur la même
côte , qu’au rapport de Belon le pouce feul
pourroit en couvrir une cinquantaine ; qu’il n’en a
point vu les fleurs, mais que fes gouffes font brunes,
plus épaiffes 6c plus arrondies que celles de la
fe v e , fongueufes intérieurement, 6c contenant deux
à trois graines rouges. Peut-on trouver une plus
grande conformité entre cet arbrifleau & le ded du
Sénégal ? & ne feroit-on pas autorifé à les regarder
comme la même efpece, fi fon légume n’étoit pas
auflï épais que le dit Rauwolf, qui paroît avoir décrit
une gouffe de tamarin ? Ce feroit encore celle dont
Pline parle au chapitre g du livre X I 11 de fon Hijioire
naturelle, 6c qu’il dit avoir le' bois blanc : nec minus
fpina celebratur in eâdem gente ( Ægypto ) duntaxat
nigra, quoniam incorrupta etiam in aquis durât, ob id
utilijjîma navium cojlis. Candida facile putrefcit. Acu-
leus fpinarum & infolïis. Semen in jiliquis, quo coria
perjiciuntur gallce vice. F Los & coronis jucundus , &
medicamentis utilis. Manat & gummi ex eâ. Sed prce-
cipua militas quod ccefa anno tertio refurgit. Circà
Thebas hcec , ubi & quercus & Pefjica & oLiva 3 00 à
Nilo Jladiis ,fylvefri traclu 6* fuis fontibus riguo.
, SL M. Grangé ne s’eft pas trompé , cette plante
feroit, félon lu i , le fant dont les gouflès bouillies
fourniffent le fuc d'acacia; mais elles font fi minces
, fi peu fucculentes , que cette affertiôn doit au
moins pafler encore pour douteufe.
Il n’y a prefque pas d’acacia au Sénégal , qui ne
fourniffe plus ou moins de gomme. De plus de quarante
efpeçes que je poffede, 6c qui doivent former
au moins fept à huit genres, quoique M. Linné
les ait confondus fous le nom très-impropre de mi-
mofa, je me fuis borné, pour le préfent, à la def-
cription de ces cinq efpeces , qui comprennent les
trois vrais gommiers, & deux arbres qu’on a fou-
vent pris pour eux : leur hiftoire m’a paru allez
neuve 6c aflez- intéreflante pour mériter les recherches
pénibles que j’ai faites dans la vue de vérifier,
concilier, ou corriger les contradictions ou les erreurs
qui fe trouvent répandues dans les auteurs qui
en ont parlé. ( M. A d a n s o n . )
A C ACIÉNS, {HiJl.EcctijiaJlique. ) Acace, furnom-
me le Borgne, en latin Acacius lufcus, difciple 6c
fucceffeur d’Eufebe au fiege de Céfarée , avoit
beaucoup d’érudition, d’éloquence, de crédit 6c
d’ambition. Cette derniere qualité corrompit fouvent
l’ufage qu’il fit des. autres. Il fut le chef d’une feÇte
d-Ariens, qu’on appelle Aùaciens, du nom de cet
évêque. Il fit dépofer S. Cyrille de Jérufalem, eut
part au banmffemen.t du pape Libéré, 6c à l’intru-
-fion de l’anti-pape Félix, 6c mourut vers l’an 365.
* § ACADÉMIE , ( Hijl. Littéraire. ) On a été
étonné-, avec raifon, qu’il ne foit point parlé dans
le D ici. raif. des Sciences , Arts & Métiers ,d e Y académie
de là Crufca, à qui la langue Italienne a tant
d’obligation, 6c qui fut la mere de Y académie
Françoife ; tandis qu’il eft fait mention de Y académie
royale d’Efpagne , qu’on peut regarder comme la
fille de ' la même académie Françoife , ayant été
formée. fur fon modèle pour cultiver la langue
Caftillane. On n’y fait non plus aucune mention de
Y académie Platonique de Florence, la.plus ancienne
de toutes ; puifqu’bn en fait remonter l’inftitution
jufqu’au commencement du quinzième fiecle, avant
Y académie de Rome , formée par le cardinal Beffa-
rion en 1440, ni de Y académie del Cimento, dont
nous avons un recueil d’expériences, ni de quelques
autres, qui méritent un article particulier. Nous
allons y fuppléer.
Académie Platonique de Florence, Côme
de Médicis, furnommé le pere de la patrie, conçut
le projet d’une académie Platonique, & deftina pour
la former le jeune Ficin, fils de fon médecin. Ce
ne fut pourtant que Laurent le magnifique, petit-fils
de Côme, qui mit ce projet en exécution quelques
années après. 11 engagea ( dit M. de îa Lande, dans
fon Voyage d'un François en Italie ) Chriftophe Landi-
nus, Marfile Ficin , Se Pic de la Mirandole, à s’occuper
de l’explication 6c de la traduction des ouvrages
de Platon ; il exhortoit toutes les perfonnes qui
avoient du goût pour la Philofophie » à fe joindre à
eux pour former cette académie Platonique. On
s’afl'embloit ou chez Bandini à Florence, ou chez
Laurent de Médicis à la campagne : on mangeoit
enfemble. Après dîner on lifoit & l’on expliquoit
Platon ; 6c chacun tiroit au fort l’article fur lequel il
devôit differter. L’affemblée la plus ' remarquable
étoit celle du 7 novembre, jour oit Platon étoit né ,
6c auquel il cefla de viv re , après avoir dîné avec
fes amis.
Laurent le magnifique étant mort en 1492
(continue le même hiftorien v o y a g eu r ), Bernard
Oricellarius attira cette alfemblée dans fes jardins :
Petrus Crinifus, 6c d’autres auteurs de ce.temps-là,
parlent fouvent de ces conférences. On y traitoit
aufli des reglessde la-langue Italienne , des caufes
de fa corruption, 6c des moyens de la rétablir : ce
fut l’origine des académies de Belles-Lettres : Nicolas
Machiavel, Ange Politien, 6c plufieurs autres
perfonnages célébrés y afliftoient. Les troubles de la
république de Florence , 6c fur - tput, la conjuration
contre le cardinal Jules de Médicis, qui
vouloit gouverner Florence , coûtèrent la vie à
quelques-uns des membres de Y académie Platonique
, & en cauferenîla difperfionen 1,5-21 (yqy. Nardi
dans fon Hijioire de Florence , liv. V il. ) ; mais elle fut
rétablie enfuite par les.foins du prince Léopold,
frere du grand duc Ferdinand de Médieis., vers l’an
1660. Nous voyons qu’on y lifoit alors les ouvrages
de Platon, qu’on diflfertoit fur leur véritable fens ;
on y lifoit aufli les poéfies de Dante, aufli favantes
que difficiles. ( Voy. Bandini fpecimen Littératures
Florentince fceculi XV . Florent. 1 y 47 & tyèz.i/z-8°. ) ■
Académie del Cimento. Florence avoit donné le
premier exemple d’une académie de philofophie fpécu-
lative, celle dont on vient de parler ; elle .eut encore
la gloire de donner à l’Europe la première académie
de Phyfiqûe, fous le nom del Cimento, c’eft-à-dire,
de l'expérience. Galilée, Toricelli, Aggiunti, Viviani
en furent les prééurfeurs. Elle fut formée par le
.cardinal Léopold de Médicis, frere du grand duc
Ferdinand I I , le 19 de juin 16 57 , des débris de
Y académie Platonique , dont ce prince raflembla lès
membres difperfés , comme on vient de le dire plus
haut. Mais elle avoit été. précédée par une efpece
8 académie de Phyfique qui s’aflembloit auprès du duc
Ferdinand II, dès Pan 1651. Voyage d'un François
en Italie. Nous avons un recueil d’expériences de
cette académie en Langue Italienne : le célébré
Muflchenbroek
Muflchenbroek l ’a traduit en Latin , & y a joint
d’excellentes notes Ou additions. Les expériences de
Y académie .& les additions de Muflchenbroek ont été
traduites en François, & fe trouvent dans le premier
tome de la Collection académique, imprimée à D ijon.
Nous faifirons l’oeçafion qui fe préfente ic i, de dire
que le grand duc Ferdinand II étoit phyficien , qu’il
aimoit la Chymie , qu’il avoit un “laboratoire, ■ &
qü’il inventa des thermomètres, dont on trouve la
conftruftion & l’ufage dans le recueil de Y académie
del Cimento. Voy. le Saggio di florin. Literaria Fioren-
tina delfecolo X V I I , da Giov. Bat. Nelli iy5c), p.98.
Les premiers académiciens furent Paul del Buono,
qui imagina en 1657 l’inftrument propre à recon-
noître l’incompreflibilité de l ’eàu; Alphonfe Borelli,
ïi connu par fon traité de Motu dnimalium ; Candide
del Buono , ' frere de Paul ; .Alexandre Marfili,
Vincent Viviani , le comte Laurent Magalotti,
François Rhedi, &c. Le recueil d’expériences dont
nous venons de parler, 6c qui parut imprimé à
Florence en 1.667, traite de la preflion de l’air, de
la compreflion de l’eau, du froid, du chaud, de la
glace, de l’aiman, de l’éleflricité, des odeurs, du
mouvement du fon, de celui des projeâiles, de la
lumière , 6c de la preflion que l’eftomac exerce fur
les alimens. On ne voit pas que depuis ce tempis
Yacadémie del Cimento ait continué fes travaux ; fes
regiftres originaux finiflent au 5 mars 1667. Au refte,
.cette académie n’avoit point de ftatuts ni de forme
réglée ; c’étoit Amplement un rendez-vous connu
pour certains jours dans le palais du cardinal Léopold,
en préfence de qui l’on faifoit des-expériences ; 6c
.dans chaque aflemblée l’on annonçoit le fujet de
l ’aflemblée fuivante. On y faifoit aufli des obferva-
.lions anatomiques ; 6c il paroît, par des lettres de
quelques académiciens qui fe font confervées, que
l’on entretenoit une correfpondance avec les plus
grands phyficiens de France 6c d’Angleterre. L’auteur
dont nous tirons ces détails , nous apprend que le
comte de Richêéourt avoit eu envie de la rétablir il
y a quelques années ; mais que ce miniftre fit pour
,cela des efforts qui, n’étant pas fécondés, furent fans
effet.
Académie degli Intronati. Vers l’an 1450
il s’établit à Sienne une académie deftinée à cultiver
la poéfie Italienne. Les académiciens prirent le-nom
fingulier degli Intronati , ; qui veut dire des Hébétés
ou des Imbécilles, foit pour marquer le peu de
prétentions qu’ils avoient à l’efprit, foit plutôt par
antiphrafe, ou peut-être par une bifarrerie dont il
feroit difficile de rendre raifon. Il eft à croire que c’eft
à fon exemple que les autres académies d’Italie
prirent les noms allégoriques, 6c le plus fouvent
fort ridicules, dont on trouve une aflez longue lifte
dans le Dicl. des Sciences, &c. laquelle pourroit être
encore fort augmentée.
Academie degli Scossi. Cette académie des
Secoués, établie à Péroufe dès les premiers temps
de la renaiffance des lettres, tiroit fon nom de fon
emblème, qui étoit un blutoir ou tamis à pafler la
farine, avec cette devife : excujfa nitefeit. Elle
vouloit montrer par-là que les efpnts ont befoin de
fecouffes pour être perfectionnés, 6c devenir utiles.
Il paroît que Y académie de la Crufca de Florence,
dont nous allons parler, emprunta fon emblème de
celle-ci. L'Académie degli Scojji fut réunie en 1561 à
celle degli Infenfati, aufli de Péroufe, qui prit pour
devife une volée de grues qui traversent la mer,
ayant chacune une pierre au pied, avec ces mots :
vel cum pondéré. L'académie degli Excentrici, établie
dans la même ville en 1567 , avoit pour emblème
1 orbe^ excentrique de la lune , avec fon épicycle ;
tel qu on l’employoit alors pour expliquer les inégalités
de cette planete, qui va tantôt plus vîte, tantôt
Tome I.
plus lentement, avec des mots î retardât , noh rdrâhiu
Elle retarde , & ne recule pas.
Académie de là Crusca. La plus célébré de
toutes.les académies d’Italie, a été, fans contredit,
Yacademie de La Crufca, établie à Florence en 1582
par les foins d’Antoine-François Grazzini : elle porte
le titre glorieux de Reginae modératrice délia lin gu a
Italiana, 6c elle eft connue chez les étrangers par
fon Dictionnaire. Elle a pour objet d’épurer 6c de
perfectionner la langue Italienne, comme YAcadé-
mie Françoife a pour but d’épurer 6c de perfeétion-*
ner notre langue. Le nom de Crufca , qui veut dire
du fo n , vient du fon 6c du blutoir qui en fépare la
plus belle fleur de farine , que cette académie avoit
pris pour devife , avec ces mots : Il pin bel»for né
coglie. Les meubles de la falle répondent à la devife ,
6c font une allégorie continue. On y voit une chaire
en forme de trémie, dont les degrés font des meules
de moulin. Le fiege du directeur eft une meule; ceux:
des autres académiciens font en forme de hottes, 6c
le doflier en forme de pelle à four. La fable eft une
pétriffoire ; le fecrétaire, ou tout autre académicien ,
a la moitié du corps paffé dans un blutoir lorfqu’il lit
quelque mémoire. Les portraits même qui décorent
la falle , ont la forme d’une pelle à four. Cette
affe&ation a quelque chofe de petit 6c de puérile ;
elle ne feroit guere propre à donner une grande idée
du génie 6c du goût de cette académie, fi fa réputation
n’avoit pas des titres plus folides : elle continue
encore fes affemblées dans un college qui n’eft
pas loin de la cathédrale. Ses membres , d’un favoir
6c d’un mérite diftingué, fuivant l’objet de fon infti-
tution, ont rendu dans tous les temps, 6c continuent
à rendre les plus grands fervices à la langue Italienne;.
Ils l’dnt en quelque forte fixée par l’autorité des
auteurs claflîques de la nation, tels que Bocace ,
Machiavel, Caftiglione, Villani, &c. que pour cette
raifon on appelle familièrement autori crufcanti.
Cela n’empêche pas que le Dictionnaire de la Crufca
ne foit encore fufceptible de corrections 6c d’augmentations
, comme l’ont démontré plufieurs écrivains
Italiens, 6c en particulier le P. Berguntini.
L’Académie des Apatistes ou l’Académie
impartiale , mérite d’être citée, fur-tout à caufe
de l’étendue de fon plan : elle embrafle l’univerfalité
des fciences 6c des arts. Elle tient de temps en temps
des. aflèmblées publiques à Florence, oit Chacun,
foit académicien ou étranger, peut lire des ou vrages ,
en telle forme, en telle langue, 6c fur telle matière
qu’ils foient écrits ; cette académie écoutant & adoptant
tout avec la plus grande impartialité.
L’Académie de Frange à Rome, eft une école
de peinture que le roi Louis X IV y établit eii
1666, & un des plus beaux établiffemens de ce grand
monarque pour la gloire du royaume & le progrès
des beaux-arts. Elle eft compofée d’un directeur 6c
de douze penfionnaires, choifis parmi les éleves qui
ont remporté le prix de peinture , de feulpture ou
d’architeCture à Paris. Elle coûte environ trente-cinq
mille livres par année au ro i; mais elle a été une
des plus grandes caufes de la perfection de l’art en
France. Charles le Brun en fut le premier promoteur;
cet artifte avoit étudié à Rome, 6c y avoit fait
ces progrès, qui l’éleverent à une fi haute réputation ,
6c le mirent en état de repréfenter, comme un autre
Apelle, les glorieufes aftions de ce prince, qui, tout
jeune encore, parcourut & fubjugua l’univers. De
même que les jeunes Romains qui vouloient embraf»
•fer la profeffion d’orateur, alloient fe former à
Athènes, qu’on regardoit comme le véritable fiege de
l’éloquence & de la philofophie ; ainfi le Brun penfa
que les jeunes François qui fe deftinoient à l’étude
des Beaux-arts, dévoient aller à Rome, & y faire un
aflez long féjour. C ’eft-là que les ouvrage-s des