
Cette épigraphe, fugue hiiic j latet ànguis ih herbd.
Cet habile homme me fit l’horineuf de m’écrire qu’il
avoit lu ma difl'ertation , & que , quoique nous :
différa fiions de ftntiment fiir les caufes de l’ergot,
nous étions d’accord fur fes effets, dont il lui paroif-
foit abfurde de vouloir révoquer en doute les
influences nùifibles. L*e charbon des bleds n’a pas
des effets moins funeftes que l’ergot, comme On le
verra au mot C harbon. C’eft, quand on voit les
poifons miles aux alimens & produits par les plantes
'céréales, d’où nous tirons notre nourriture journalière,
qu’on peut douter avec Pline, fi la nature n eft
pas plutôt une majâtre cruelle qu’une tendre mere
pour les hommes auxquels elle fait payer fi cher J
fes bienfaits : hominis caufa videtur cunîla alla naturd
genuïjfe magna & fàvd mtrcede Contra tanta fua mü-
nera , ut non fit fatis dfîimare patens mtlior homiiti an
trifiior'noverca fitefit. Liv. VIL pref.
L’hiftoire des maladies des grains n’eff fans doute
pas étrangère à celle de l’Agriculture, & je ferai à
cet effet une remarque bien honorable pour les
auteurs du Journal encyclopédique. Trompés par les
expériences prétendues de M. Schleger , ces fa vans
a voient affefté de jetter une efpece de ridicule fur
ceux qui avoient donné les moyens de fë garantir
des funeftes effets de l’ergot ou bled cornu ; mais
à peine l’ouvrage de M, Read eut-il paru que les
auteurs àn Journal ne craignirent pas de fe retraften
« C’eft l’humanité même , difent - ils , qui a diété
» cet utile traité du feigle ergoté ; nous venons de
» le recevoir, & nous nous empreffons d’autant
» plus d’en parler, que M. Read y démontre la fauf-
» fêté des affertions , & l’infuffifanee des obferva-
» tions & des expériences faites par M. Schleger,
s> confeilier auîique, que nous rapportâmes dans
» la vue de tranquillifer nos lecteurs fur les effets
» finiftres attribués à l’ufage du pain fait de feigle
» ergoté ; nous eûmes tort alors, & la terreur qu’inf-
» pire ce comeftible vénéneux n’eft malheureufe-
» ment que trop fondée ; la pefte , quelque meur-
» triere qu’elle puiffe être, n’exerce point des ravages
» plus violens que ceux qui font occafionnés par le
» feigle ergoté, parce que du moins ce fléau deftru-
» cteur n’eft que paffager & rare, au lieu que chaque
» année l’ergot enleve dans diverfes contrées une
» foule confidérable de citoyens utiles , de labou-
„ reurs fur-tout, que l’indigence oblige d’ufer fans
» précaution de ce grain infecté. L’ergot eft un poi-
» fon lui-même, mais terrible dans fes effets, &c».
On verra à l’article E r g o t les mefures prifes par le
gouvernement, pour en garantir les fujets dans les
pays qui y font les plus expofés, comme la Sologne
& l’Orléanois.
Unautre exemple de la foliicitude d’un gouvernement
paternel pour entrer jufques dans les plus petits
détails utiles aux progrès de Y Agriculture , c’eft qu’il
a fait diftribuer dans les provinces, où les mulots
dévorèrent une partie des femences en 176 7 , des
foufflets propres à les faire périt par la vapeur du
foufre , imaginés par le fieur Gaffelin , laboureur à
Puzeau, en Picardie. On ppurroit encore citer plusieurs
autres traits femblables.
Telle eft aujourd’hui la condition politique de
l’Agriculture en France ; quant à fa condition phyfi-
que , la France eft un pays agricole parla nature,
par la bonté & la fertilité de fon fo l, fufceptible de
toutes fortes de cultures & de productions, & par
le génie facile de fe's habitans, laborieux, éclairés
par les bons ouvrages d’Agriculture, dont je vais
donner une courte notice, & par des fociétés uniquement
occupées de ce travail : on fent que l’ac-
croiffement de nos lumières doit influer fur la perfection
de' l’Agriculture. Après Liébault, Etienne ,
Paliffy, Deferres, 6c autres auteurs anciens, dont
j’ai parlé plus haut, Louis Liger, Bourguignon, iiiôfê
le fix Novembre 17 1 7 , eft le premier qui ait contribué
aux progrès de XAgriculture en ce fiecle par
fon économie générale de la campagne , ou nouvelle
Maifon Rüfiique , dont il y a eu plufieurs éditions
eonfidérablement augmentées. Il eft aufli l’auteur
d’une infinité d’autres bons ouvrages fur XAgriculture
, dont on peut voir le long détail dans la bibliothèque
des auteurs de Bourgogne, par M. l’abbé
Papillon ; M. l’abbé Joly de Dijon', connu par fes
Remarques fur le Dictionnaire dé-Bayle, a une excellente
critique manufcrite de la nouvelle Maifon Ru-
(tique t qui mériteroit de voir le jOuf. L’auteur de
cette critique eft inconnu, il dit feulement qu’il a
Cultivé pendant trente a n s & qu’il joint à l’etude
une longue expérience. M.Chomel, cure de Saint-1
Vincent de L y on , petit-neveu du fameux Delorme*
médecin de Henri IV , fit paroitre fur la fin du
régné de Louis X IV , fon Dictionnaire Economique *
contenant divers moyens d’augmenter fon bien , ôc
de conferver fa fanté. Ce relpeftable duré, éleve
du fameux Laquintinie & ami de l’abbé de Valle-
mont , entendoit parfaitement tous les détails de
l’économie champêtre , parce qu’étant au féminaire
de Saint-Sulpide , il avoit été choifi pour adminiftrer
les biens dépendans près du château d’Avron de Vin-
cennes, à une lieue de Paris. La vogue qu’a eue fon
diâionnaire & les différentes éditions qu’on en a
faites, prouvent l’utilité de cet ouvrage & le goût
du public pour cës fortes de dictionnaires, oit l’on
puife fans peine & fans travail les premières notions
du prémier de tous les arts.
Il n’y avoit pas affez de faîne phyfiquë dans les
ouvrages de Liger & de Chomel, pour fatisfaire un
fiecle où la Phyfiquë, la Chymie , la Botanique &
l’Hiftoire naturelle ont prefque été portées à la perfection
: Tournefort, Vaillant, Linneus, MM. de
Juflïeu & Adanfon Ont, pour ainfi dire, donné l’être
à la Botanique ; on trouve dans leurs ouvrages la
defcription exaCte des plantes, leur nomenclature ,
la üynonymie des auteurs qui en ont parlé , les ufages
& les vertus des plantés ,& c . Les chymiftes nous ont
donné leur ànalyfe, & même celle des terres, comme
l’excellent ouvrage de M. Baumé fur l’argile. Mal-
pighi, Grew & Bonnet nous ont donné l’anatomie
des plantes, leurs développemens fuceeffifs, leur reproduction;
leurs ouvrages en ce genre font autant
de chefs-d’oeuvre. Les phyficiens, tels que Rohaut *
T Abbé Plu che, M . Nollet, &c. n’ont pas laiffé échapper
l’occafion de parler de XAgriculture, & d’en expliquer
les principaux phénomènes, comme les caufes
de la fécondité de la terre, de la reproduction des
grains, &c. fuivant les réglés de la faine phyfiquë.
L’hiftoire naturelle de M. de Buffon , la traduction de
Pline par M. Poiftfinetde Sivry, & les ouvrages des
naturaliftes font encore des fources pures, où les
agriculteurs phyficiens 6>C éclairés peuvent puifer une’
infinité de connoiflances utiles. Mais, parmi les phyficiens,
botaniftes & naturaliftes, aucun n’a plus contribué
aux progrès de XAgriculture en France , que
le célébré M. Duhamel du Monceau ; ce,doCte académicien
s’eft, pour ainfi dire, confacré à cette partie
, & il eft le premier qui ait réveille le goût de
XAgriculture en ces derniers tems, & qui ait engagé,
par fon exemple, les favans à diriger toutes leurs recherches
de ce côté. Il a commencé par nous donner
la traduction du nouveau fyftême $ Agriculture deM.
T u ll, Anglois. (On peut confulter à ce fujet le Dicl.
des S cienc.&cc.au mot Agriculture.) Il a démontré
l’utilité des prairies artificielles, & les moyens d’en
faire par-tout; il a enrichi le traité de la vigne de M.
Bidet. Des élémens d’Agriculture 6c du labourage,
aufli clairs que précis, plufieurs traités fur la con-
fervation des grains, 6c fur les infeCtes qui les
dévorent, ün traité des arbres St arbiiftes qmoh petit
naturalifer en France, une phyfiquë des arbres, plusieurs
volumes fur les feniis, les plantations , l’exploitation
des forêts, tous enrichis d’expériences
exaCtes & détaillées, &c de figures bien deffinées ,
rendront fa mémoire immortelle, & lui attireront la
reconnoiffânce de la poftérité. V-n
L’exemple de M. Duhamel occafiortnâ, pour ainfi
dire, une efpece de révolution : tous les favans dirigèrent
leurs études de ce côté. Le Journal economique
, la Gazette d'Agriculture, le Journal du Commerce';
&c. ont rendu compte de tous les ouvrages
qui ont paru fur ce fujet, depuis lé renouvellement
de XAgriculture en ces derniers tems: mais, parmi
cette multitude d’ouvrages enfantés fouvent par lë
defir d’être à là mode, & quelquefois multipliés par
la cupidité des libraires ; il ne faut pas confondre
l’excellent Effdi fùr Vamélioration des terres, par Mi
Patullo;les Prairies artificielles, par M* de la Salle ; la
Pratique des défrichemens , par M. lé Marquis de Tur-
billy ; XUfage du femoir, par M.l’abbé de Soumilles ;
les utiles & fa vantes Differtations de M. Tù\et,furles
maladies des grains ; Xart de S’enrichir par VAgriculture,
de M. Pommier ; la traduCHon Françoife des Autores
rei ruftica; XAgriculture expérimentale de M. Sarcy
de Sutieres, &Ci&c. & c. fruits précieux du patriotif-
me, & du zèle éclairé de leurs favans auteurs. On
peut mettre au même rang la plus grande partie des
articles fur XAgriculture, inférés dans le Dicl. raif
des Sciences, qui fendent cette immenfe collection
(fprécieufe.
Une fociété de patriotes connus fous le ndni dVcc-
nomiftes, & dont feu M. le DoCteur Quefnay, auteur
du Tableau économique, & M. le Marquis de Mirabeau
, qui a mérité le nom à’ami des hommes, que
porte fon ouvrage, font regardés comme les fondateurs
, s’eft fpécialemant attachée à regarder XAgriculture
& la population par leur côté politique. Cette
fociété a donné naiffanee à une fcience nouvelle ,
diftinguée parle nom de Science économique. On en
peut etudier les principes dans la Phyfiocratie, &
dans les Elémens de la Philofophie rurale. Tous les
ouvrages mis au jour par cetteToeiété de philan-
tropes, forment un corps de do Chine déterminé &
complet, qui expofe avec évidence le droit naturel
des hommes , l’Ordre naturel de la fociété ; & les
loix. naturelles les plus - avantageufes poflibles aux
hommes réunis en fociété. Si là philofophie , fur le
trôhe, vouloitun jour donner un code de bonheur
à l’humanité, c’eft là qu’elle devroit puifer fa légif-
lation: un code particulier d’Agriculture feroit du
moins néceflàire , pour en rendre l’état fixe & permanent
en France, & pour déterminer une nation
légère, ruinée par le luxe deftruCteur, à quitter les
arts frivoles & agréables, pour ceux qui font utiles,
& qui peuvent affurer fon bonheur &: fon aifance.
Si l’on veut üonnoître les ouvrages utiles de la fociété
des économiftes, il faut lire les Ephémérides du Citoyen,
qui, interrompus par le malheur des tems,
viennent de recothmencer fous de meilleurs aufpices,
pour l’inftruCtion de la nation. Les éconOmiftes font
hommes & peuvent fe trompef fur quelques points $
mais en doit-on moins chérir & refpeCter les grandes
vérités qu’ils ont mifes au jour ? Doit-on combattre'
leurs ouvrages eftimables avec le fiel & l’aigreur qui
déshonorent quelques-uns de leurs.critiques? Voyeç
l ’article Exportation dans ce Supplément.
Tant de fecours & de lumières procurés à XAgriculture
par les favans, les phyficiens & les naturaliftes
, étoient dus fans doute au goût pour les Scien-;
ces , que l’établiffement des académies multipliées
en France par Louis XIV. & fon fucceffeur, avoient
fait naître. mémoires de l’académie royale des
Sciences prouvent que les membres de cette favante
fociété ne dédaignoient pas de s’appliquer à divers
objets d’Agriculture. La Defcription des arts& métiers
fournit encore la preuve de cette vérité; maisétoit-
ce dans ces énormes &trop favans recueils, que des
cultivateurs mal aifés, &c peu inftruits, pouvaient
puifer des connoiflances relatives à leur a rt, & noyés
parmi un grand nombre de mémoires & de differtations
inintelligibles-pour- eux ? L’ utilité que l’on rétif
oit des académies établies par Louis X IV , fut
donc concentrée dans les murs de Paris. Néanmoins
plufieurs autres villes de France , excitées par les
avantages que retiroit là capitale des établiffemens
littéraires formés dans fon fein, ont follicité & obtenu
les permiflions d’en faire de femblables, fous le nom
d'Académie royale des Sciences & Belles-lettres. Ville-
franche avôitfon académie dès 1667 ; Arles en 1669 ;
Soiffôns en 1674;Nifmes en 1682 ; Angers en 1685 5
Lyon en 1700 & 1713 ; Caen en 1705; Montpellier
en 170(5 ; Pau en 1720 ; Blois &Beziersen 1713 ;
Marfeilles en 1726 4 Montauban en 1730; la Rochelle
en 1732 ; Arras en 1 7 3 7 ; Dij'on en 1740;
Rouen en 1744 ; Clermont-Ferrand en 1747 ;
Auxerre en 1749; Amiens & Châlons fur Marne *
& Nancy eh 1 7 5 0 ; Befançon en 1752 ; Orléans *
Toulon, Bordeaux , &c. &e. L’académie de Lyon *
& quelques autres ne laiffoient pas de propofer de
tems à autres , des queftions relatives à XAgriculture :
mais ce n’étoit ; pour ainfi dire, qu’en paffant, & fans
en faire un objet d’étude particulière,quoique fou-
vent c’eût été le voeu des fondateurs, comme on le
voit expreffëment recommandé dans le teftament de
M. Pouflier, fondateur dé l’académie de Dijon : il
falloit donc établir d’autres fociétés qui, ên laiffant
aux académies le foin de faire fructifier les Sciences
& les beaux-Arts, donnaffent toute leur application
à des objets aufli utiles , & meme plus immédiatement
néceffaires. t
On avoit fous les yeux l’exemple des étrangers*
Les Anglois, auxquels on doit le rétabliffement de
X Agriculture en Europe, comprirent les premiers que
l’art-qui étoit le fondement de tous les autres, XAgriculture
, étoit le pivot fut lequel devoit rouler lé
commerce : ce peuple commença le premier à ap-
pereevoir, dit M. de Mirabeau , que XAgriculture
eft la feule manufacture, où le travail d’un feul ouvrier
fournit la fubftance d’un grand nombre d’autres
qui peuvent vaquer à d’autres emplois ; que c’eft la
feule pour laquelle la nature travaille nuit & jour*
dans le tems même du repos, de ceux qui ont déterminé
fon aCtion vers l’objet de leurs travaux, & que
le commerce ne peut être qu’un trafic toujours dépendant
de ceux qui achètent pour leur ufage , s’il
n’a pour bafe une production forte, continuelle, Ôc
dont les fruits , fans eeffe renaiffans, affurent un
utile changement : les Anglois regardèrent donc
comme indifpertfable l ’établiffement de fociétés particulières
, dont les travaux euffént pour but unique
la recherche de la meilleure culture, & des moyens
d’animer le commerce & les arts ; alors on vit établir
à Dublin & à Clark en Irlande, deux fociétés
(XAgriculture, qui font la richeflè de cette île; Edimbourg
, capitale de l’Ecoffe, & Londres enfin virent,
nâître dans leur fein des fociétés du même genre. Des
patriotes zélés pour le bien public, cherchant en
même tems à procurer l’avancement de XAgriculture
& des arts méehaniques, ont aufli formé entr’eux des
fociétés particulières, & chaque membre s’eft efforcé'
de s’y diftinguer par ies inventions , les recherches
& les expériences. Un citoyen nommé Fairchild; a
donné à l’éplife de S. Jean de Londres une fommô
Cônfidérable, pôur faire prononcer tous les ans urf
difcours fur la Dignité de la profeffion de cultivateur;
Enfin les favans ont détruit les préjugés & les mau-
yaifes routines des cultivateurs, çn introduifant de.