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non pas de feuilles, mais de gaines de feuilles qui
les embraffent entièrement, fendues d’un côté fur
toute leur longueur, femblables à une membrane
feche, toute heriffée de poils qui excitent une légère
démangeaifon.
Les feuilles couvrent la moitié fupérieure des
branches , rangées alternativement fur un même plan
au nombre de i'ept à huit, taillées en fer de lance,
affez larges à leur origine , très - pointues à leur
extrémité, longues de treize à dix - fept pouces ,
quatre à cinq fois plus étroites., minces, fe.ches, &
fonnantes comme une membrane ou un parchemin ,
verd - foncées deffùs , grifes ou cendrées deffous ,
ftriées de nervures & dentées , ainfi que leurs bords,
portées fur un pédicule cylindrique court, dont la
bafe forme une gaine couronnée de poils piquans.
Avant leur développement ces feuilles font roulées
en un cornet long de fept pouces fur deux à trois
lignes de diamètre.
Le leleba produit fi rarement des fleurs, qu’il pafle
communément pour ftérile -, on n’en voit en effet que
fur les pieds extrêmement vieux ; elles produifent
au commencement de la faifon des pluies c’eft-à-
dire au mois de mai, fous la forme d’un épi qui termine
chaque branche folitairement, pour l’ordinaire,
& quelquefois au nombre de quatre ou cinq. Ces
épis font verticillës ou compofés de cinq à fix étages,
chacun à une écaille ou gaine feche contenant huit
à douze fleurs; chaque fleur eft compofée.d’un calice
ovoïde, pointu , comparable à celui de l’ovaire, contenant
cinq à fix corolles à deux baies aufli ovoïdes,
pointues , trois étamines une fois plus longues , &
un ovaire à deux ftyles & deux ftigma^es en pinceau;
l’ovaire avorte pour l’ordinaire.
Culture. Le leleba croit fur les montagnes à Ma-
caffar, & à la côte boréale de Ceram; & comme il eft
affez rare,on le planteautour des maifons & des places:
on le plante en enterrant plufieurs noeuds apres les
avoir remplis d’eau, en laiffant unnoeud au-deffus de
terre. En Europe on ne voit pas le rofeau croître
avec la fougere ; dans l’Inde c’eft tout le contraire,
le bambou en eft fouvent couvert ; il arrive fou-
vent à l’île Ternate que le leleba & le boeloe-feroe
prennent feu, lorfque par un tems fec & chaud leurs
tiges fe frottent vivement pendant les orages.
Ufages. Le maître bourgeon ou 1,’afperge du leleba
, quoique tendre & herbacé , ne fe mange pas ;
mais quelquefois on trouve dans les articulations
de fes tiges , une eau claire très-agréable à boire,
mais qui n’eft pas du goût des efclaves, parce qu’elle
leur fait un'fardeau de plus , lorfqu’on les charge
d’en porter des bottes à la maifon. Cette efpece
de bambou eft d’un grand ufage tant à la ville qu’à
la campagne : comme fes tiges font très-blanches ,
on les recherche beaucoup pour faire des cannes
de promenade, fur lefquelles on peint au feu diverses
figures , foit avec le tampoëring enflammé',
foit avec le noyau du coco. Ses tiges fe fendent encore
en petites lanières, dont on racle d’abord l’écorce
extérieure verte-, pour faire les liens de ces fortes
d’échelles de bois de fagou, appellées atap à Am-
boine , dont on forme la charpente des toits ; quelquefois
on fe fert des plus gros canaux des pieds
fauvages, pour y cuire, comme dans des pots de terre,
des herbages & de petits poiffons, fur-tout des cre-
vettes-& autres chofes femblables ; ce qui eft d’une
grande commodité pour les bûcherons & autres qui
font obligés d’établir de longs travaux dans les bois.
Vingt-unieme efpece. T a b a t .
Le tabat, ainfi appelle à Amboine dans le quar>
tier d’Holamoël, & que les Malays nomment leleba
itam , c’eft-à-dire , leleba n o i r , décrit par Rumphe
fous le nom de leleba nigra, volume I V 9 page 3 ,
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ne différé prefque du leleba blanc ou du leleba proprement
dit, qu’en ce que fés tiges font d’un verd
noir, que leurs noeuds font plus courts, à peine
longs de deux pieds à deux pieds & demi ; que
les gaines qui les couvrent, font plus hérifféeS
d’épines , plus intraitables ; que fes feuilles font
plus étroites, ayant 13 à 16 pouces de longueur,
& huit à dix fois moins dé largeur , plus ondées
à nervures plus groffes. Son bois eft de même épaif-
feur , mais plus dur & plus difficile à fendre : il ne
fe ploie pas aufli aifémènt, mais fe caffe , & n’eft,
pour cette raifon, employé à aucuns ufages mécaniques.
Vingt-deuxieme efpece. D j a k a t .
Les Malays appellent djakat ou leleba-utàn,. c’eft-
à-dire , leleba fauvage , une troifieme efpece de
leleba plus commune que les précédentes, qui forme
de grandes forêts au pied des colineS & fur les rivages
, tant dans les terreins fecs, que dans les terreins
humides des îles d’Amboine. Ses tiges font un peu
plus groffes, mais d’un bois plus mince , & fi fragile,
qu’on ne peut en faire aucun ufage ; fes feuilles
ont 14 à 18 pouces de lo n g u e u r& quatre à cinq
fois moins de largeur ; elles font très-ornées, à
groffes nervures , verd-pâles en-deflïis , grifes en-
deffous , fi couvertes de poils piquans , qu’on ne
peut les toùchef à caufe des démangeaifons qu’ elles
excitent.
Vingt-troijiemé efpece. TAPILE.
Le tapile des habitans d’Huamoëa , que Rumphe
appelle leleba picla ou leleba templorum, au volurtie
IP de fon Herbarium Amboinicum , page3 , eft, félon
lu i, une variété ou une dégénération du leleba proprement
dit, ou du leleba blanc , qui ne fe trouve
point à Amboine, mais à Céranv, à Kelanga & Çé-
lebe : il a les feuilles, plus étroites, plus lifles que
les précédens, les articulations longues de quatre
pieds & plus , larges de deux pouces , très - blanches,
d’un bois très-ferme,.épais de trois lignes ,
dont on fait dès cannes de promenade, longues de
quatre pieds & demi & plus, ornées de figures &
de carafteres marqués au moyen du feu : au haut
de ces cannes près de la pomme où de la poignée ,
font percés deux trous extrêmement fins, traverfés
par un fil, auquel font fufpendues des pièces d’airain,
& qui eft rempli de noeuds fi artiftement travaillés,
qu’on ne foupçonneroit pas qu’ils euffent pu être
faits après que le fil a été pafle par ces trous ; aufli
les prêtres des Indiens profitent - ils de la crédulité
du peuple Malays pour lui perfuader que ces noeuds
font l’ouvrage du diable qu’ils appellent marel.
Vingt-quatrième efpece. N UN.
Le nun, ainfi appelle à Ternate , & défigné par
Rumphe fous le nom de leleba lineata Jive virgata au,
volume IV , page 3 de fon Herbarium Amboinicum ,
eft inconnu à Baleya , fort rare à Amboine, & très-
commun à Ternate & Célebe, oit il forme de grandes
forêts, tant fur les plaines élevées des montagnes
, que fur la pente des collines près du rivage.
Il a les entre-noeuds fort longs, épais de deux
pouces & au-delà , blanchâtres , marqués de ftries
longitudinales vertes, très-agréables à voir , & plus
fréquentes dans ceux qui font au-bas des tiges que
dans ceux d’en-haut. Les gaines de fes feuilles ont
moins de poils piquans ; on voit quelquefois aù
bout de fes branches un long épi étagé , à étages
compofés de fleurs à calice à deux balles pointues,
écailleufes, c’eft-à-dire, contenant plufieurs corolles
à deux balles dont les graines avortent.
Vingt-cinquieme efpece. HOUBO.
Les habitans de Manipa appellent du nom de
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houbo & hoü-koubo , & ceux d’Amboine utte-ohitit,
une autre efpece .de leleba que Rumphe nomme ,
au même volume , page 3 , leleba amahuffana , du
nom du bourg Amahuffu , voifin du château de
la Vi&oire, dans le diftriû duquel on la trouve.
Ses tiges n ont qu’un pouce d’épaiffeur ; elles font
Çeu droites , à articulations courtes & à bois plus
épais que dans les précédens , & aufli dur que celui
de l’ampel. Les gaines d’oii fortent les branches ,
font très-ridées & très-velues : fes feuilles font minces
, lifles, femblables à celles du leleba pour la
grandeur.,
Vfagtf On fend fes tiges en petites lattes, dont
la folidité fait qu’on les lie au-deffus des nafles.
Les Chinois choififfent fes feuilles les plus larges
pour y envelopper leur riz cuit dans leurs jours de
fêtes appellées pelo-pelo.
. Vingt-fixieme efpece. BEESHA.
Van-Rheede a fait graver dans fon Hortus Mala-
baricus, volume V , page 11g , planche L X , fous fon
nom Malabare beesha , une .vingt-fixieme efpece de,
bambou, que les Brames appellent fivo, les Portugais
bambude de fcriver, & les Hollandois pyl-riet, &
que l’Obel & Gafpard Bauhin défignent par le nom
d'arundo fcriptoria.
Le beesha reffemble à un arbriffeau dont les tiges
s elevent à la hauteur de i(j pieds ; leurs articulations
font cylindriques, lifles, pleines de moëlle ,
avec une petite cavité au centre, & ramifiées ou
divifées vers leur moitié fupérieure en nombre de
branches fines de deux à trois lignes de diamètre,
comme verticillées, ou fortantau nombre de deux
à trois de chaque noeud.
Les feuilles garniffent la moitié fupérieure des
branches , au nombre de huit à neuf ; elles font
elliptiques, obtufes à leur origine, pointùes'à leur
extrémité, longues de cinq à fix pouces , cinq à
fix fois moins larges , marquées de dix à onze nervures
longitudinales, lifles & femblables à celles de
l ’ily.
Les épis de fleurs fortent, comme les branches ,
au nombre dé quatre à cinq, de chacun des noeuds
fupérieurs des tiges ; ils ont deux à trois pouces
de long, & portent chacun vers leur extrémité deux
à trois fleurs : chaque fleur eft femblablè à un cpi
conique , pointu, c’eft-à-dire, qu’elle confifte en un
calice ovoïde à deux balles pointues , contenant
fept à huit corolles hermaphrodites à deux balles
aufli ovoïdes , pointues , blanchâtres, trois étami-
mines & un ovaire ovoïde, pointu, terminé par
un ftyle verdâtre. L’ovaire , en mûriffant, devient
une graine ovoïde, comprimée, pointue, longue
de 18 lignes , quatre à cinq fois moins large , jaunâtre
, pleine intérieurement d’une farine denfe,
blanchâtre,& infipide.
Culture^Lè beesha croît dans divers lieux incultes
du Malabar, fur-tout à Betsjour, Corremaloer ôc
.Teckenkour.
Ufages. Les Malabares font de ces branches des
fléchés , des:corbeilles, & fur-tout des plumes à
écrire. Cette plante eft très - apéritive comme là
plupart des graminées : la déco&ion de fes feuilles
fe boit pour rappeller lès réglés fupprimées ; on
s’en gargarife la bouche pour diflïper les douleurs
de dents, & guérir les gencives ulcérées.
Vingt-feptieme efpece. NOLA-ILY.
Le nola-ily des Malabares, décrit fous ce nom
fans figures par Van-Rheede, dans fon Hortus
'Malabaricus, volume y , page 1 , & nommé vafinola
parles Brames, bambu gorri par les Portugais , &
pyp-riet par les Hollandois, eft une autre efpece
jiç bambou commun à Calicolan & Teckenkour,
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Il différé du behefa en ce que fes articulations
font plus longues & plus menues.
UJages. Les marchands Malabares en portent les
branches ^en Perfe, en Arabie & autres pays voi-
fins, ou l’on en fait des tuyaux de pipes pour fumer
du tabac.
Vingt-huitième efpece. B u l u -t u ÿ .
Les Malays appellent bulu-tuy une vingt-huitieme
efpece de bambou que Rumphe décrit fans aucune
figure , au volume I V de fon Herbarium Amboinicum,
page y , fous le nom de arund?arbor fpiculorum ou
arundo jaculatoria , & que les habitans de Ternate
appellent tabatico tuy & tuy-tuy, ceux'de Banda
fuluk, ceux d’Amboine atte la nit, ceux d’Hua-
moëla tinat.
Le bulu-tuy reffemble, au premier abord , au
leleba ; mais il en différé affez pour en faire une
autre efpece : il reffemble à un arbriffeau très-épais,
j|pnt les tiges ont un pouce & demi de diamètre ,
ot les branches environ 6 à 8 lignes. Ses articles font
longs de trois à quatre pieds , verd-pâles , couverts
de gaines ridées comme une peau de requin ou de
chien de mer ; de forte qu’on peut polir avec'elles
le bois, le fer & les os les plus durs : fon bois eft
fi dur, que lorfqu’on le coupe à grands coups de
couteau , il rend des étincelles. Outre fes branches ,
il fort de fes noeuds nombre de petits rejettons ou
branches-fans feuilles, fi courts, fi fermes, qu’ils
imitent des épines, & caufent desbleffures : il produit
un fi grand nombre de rejettons autour de fes
tiges, qu’on ne peut en approcher fans en couper
une partie. Son maître jet & fes racines ne different
point de celles du leleba.
Ses feuilles reffemblent à celles du tabac ; mais
elles font moins rudes : fies fleurs font verticillées
comme celles du leleba.
Culture. Le bulu-tuy.croît en abondance dans les
îles Moluques, rarement à Amboine , mais fur-tout
à Manipa & à la petite île Ceram , dans les terres
noires , argilleufes, tant dans les plaines que fur
montagnes humides & pierreufes. On le trouve
aufli au milieu de Java, & on le plante autour des
villages maritimes à caufe de l’ufage qu’on fait de
fes cannes.
Ufages. Les habitans des Moluques, de Java &
Baleya font de fes tiges des flûtes qu’ils appellent
tuy ; c’eft de-là que lui vient fon nom bulu-tuy, qui
veut dire bambou à flûte , arundo tibialis de Rumphe.
On en fait aufli d’excellentes piques ou zagayes
appellées fagu-fagu , en taillant leur extrémité en
pointe, qui, brûlée légèrement au feu , eft fi pénétrante,
qu’elle perce de part en part le corps des
hommes contre lefquels on les lance. On peut aufli
en faire ufage pour les bourdigues , car il eft plus
durable que le tallam. Les cages ou bâtons que l’on
en fait pour les perroquets appellés loeri , & par
corruption lori\ émouffent tellement le bec & les
pattes de ces oifeaux, qu’ils ne peuvent plus bleffer
perfonne. On en fait des tuyaux de pipe à tabac,
des baguettes de pêche , des cannes de promenade
& des javelots appellés caloway, très - ufités aux
Moluques-, qui ont huit à neuf pieds de longueur fur
un doigt d’épaiffeur, dont le bout fe garnit, foit
du même bambou , foit d’un autre bois. Les habitans
de ces îles lancent ces javelots ou fléchés d’un
autre bambou creux comme d’une farbacane , contre
fleurs ennemis, non-fetilement dans une direction
horizontale, mais encore verticalement dans
l’air pour les faire tomber perpendiculairement fur
ceux qui fe feroient cachés derrière ur. buiffon ou
un rocher ; ils augmentent^ malignité des bleffures
de ces fléchés, en les trempant dans un fucempoi-
fonné 1 où en les garniffant d’un os; crochu en