
meilleures méthodes; le gouvernement a établi une
police extrêmement favorable au cultivateur. C’eft
depuis cette époque qu’on peut dater la grandeur ,
la richeffe & la puiffance de l’Angleterre, qui a
long-tems nourri la France, à la honte de notre
nation.
Georges II. voyant l’Agriculture, le commerce &
les arts, faire de fi grands progrès dansfon royaume,
fongea Remployer les mêmes moyens » pour les faire
fleurir dans fes états héréditaires : ce furent ces motifs
qui le déterminèrent en 1751 ,à établir la fociete
des Arts & des Sciences à-Gottingen, éleûorat d’Hanovre,
dont les membres s’appliquent aufîi aux objets
de la culture , & l’on diftribue tous les fix mois un
prix pour une queftion économique. Dans plufieurs
«niverfités d’Allemagne , on enfeignoit l’économie,
& le roi de Sardaigne y envoyoit fa jeune nobleffe ,
pour s’y infiruire. L’Impératrice Reine a fondé des
chaires d’économie dans fes états héréditaires : toute
l’Allemagne retentit de projets économiques , &
la plupart de fes fouverains ont établi une police favorable
aux projets de la culture. On a v u , il y a environ
un fiecle, un prince d’Allemagne, qui changea
tout-à-fait la face de fes états, en faifantinftruire fon
peuple par un abrégé de connoiffances utiles , qu’il
prefcrivit aux écoles des villages ; il fit apprendre aux
payfans jufqu’au deffein & à la mufique ; & quoique
ces inihruétions ne fubfiftent plus dans leur première
vigueur, on efl furpris de la différence des lumières
entre les habitans de ce p a y s , & leurs voifins. La
Suiffe , pays ingrat & flérile, mais féjour de paix &
de liberté, a , pour ainfi dire, changé la nature de fon
f o l , depuis l’établiffement de fes fociétés économiques.
C’eft pour de pareils motifs que le roi de Sardaigne
a établi à Turin un college d'Agriculture. Il y
avoit de pareils colleges en Suede, en Dannemarck
& en Norwerge. En 1753 , un particulier de Florence
ne crut pouvoir mieux faire, que de facrifier fa fortune
pour l’établiffement d’une académie à’Agriculture
, fous le nom de Georgofili. L’Efpagne ne crut pas
que le code d’Agriculture, que lui avoit donné Xime-
riès , fut fuffifant pour hâter les progrès de ce premier
des arts, fans inftraétion journalière. Linneus y
fut appelîé, pour être mis à la tête d’une nouvelle
académie defiinée à cultiver l’hiftoire naturelle , &
l’on y a établi plufieurs fociétés économiques.
La France s’apperçut enfin, & de l’erreur dans laquelle
elle étoit plongée, & de la néceffité de la réparer,
à l’exemple de fes voifins. Les malheurs des
tems , l’ignorance, les préjugés, & la mifere des
cultivateurs fembloient avoir changé fes terres labourées
en landes & en forêts, fes prairies en marécages
, & fes fermes en mafures. ( Voyt{ les voyages
de M. de Pommier en divertes provinces, pour le
rétabliffement de l’Agriculture ). Le cultivateur &
l’artifte , à force de gênés & de furcharges, étoient
fans aifance. On voyoit le nombre de ces deux
efpeces précieufes de citoyens, fenfiblementdiminué;
& ce qu’il en reftôit, croupiffoit dans l’inaélion , découragé
par la mifere, qui abâtardit l’aélivité naturelle
à notre nation. La Bretagne , plus voifine de
l’Angleterre , & témoin des progrès que VAgriculture
encouragée & éclairée par les fociétés, avoit
faits dans ce royaume , foupirà la première après de
tels changemens. C’eft au zèle des états de cette province
, & aux écrits de M. Montaudoin, qu’eft dû
l’honneur d’avoir formé la première fociété 8 Agriculture
en France.
S’il eft vifible que la Bretagne a pofé, d’une maniéré
ftable, la première pierre de fon bonheur , en
formant une fociété d’Agriculture dans fon fein , il
étoit naturel qu’on multipliât dans les autres provinces
des établiffemens fi utiles. M. Bertin, alors contrôleur
général, au milieu des opérations importantes
& pénibles qu’il exécutoit pour le bonheur des
(ujets, ne laiffa pas échapper cette occafion de faire
le bien. Ce minitire éclairé , dont le bien public, Sc
l’amour de fon Roi déterminent tous les fentimens ,
engagea notre augufte prince à ordonner dans les
différentes provinces du royaume l’établiflement de
fociétés royales d'Agriculture. Celle de Paris , dont
M. le Marquis de Turbilly donna le plan, fut établie
par arrêt du premier mars 1761 ; <k des arrêts iui-
vans en ont établi dans la même année à Tours , au
Mans & Angers, à Bourges, à Ryom, à Orléans, à
Limoges , à Soiffons, à Caen, &c. Il y a toute apparence
que de Semblables, établiffemens fe feront
fuceeffivement dans les autres provinces du royaume.
Je le fouhaite du moins pour la Bourgogne , cette
province fi fertile , & fi renommee pour les v ins, 6c
où \Agriculture, viêlime desentraves & des préjugés,
eft fi fort négligée, malgré la fertilité du loi , que
les terres n’y rendent communément que trois à quatre
pour un, & fouvent moins.
Les corps d’oblervations que nous devons à plu-
fieurs de ces fociétés & Agriculture, dont les auteurs
de l’agronomie, où j’ai puilé ces details, nous ont
donné un recueil, & l’état floriffant ou fe trouvent
l’Agriculture, le commerce &l les arts, dans les lieux
où de pareilles fociétés ont été établies, annoncent
également leur utilité , & la necelfite de les multiplier
par-tout : il n’y a plus qu’un pas à faire pour la
perfection , c’eft que le patriotiime procure un jour,
à ces fociétés des terres,, des fonds & des avances,
pour faire des expériences, & pour mêttre ces eorp's
refpeéiables en état de donner des leçons publiques
& gratuites d’Agriculture & d’économie. De quelle
utilité, peuvent être des fociétés d'Agriculture, qui
n’ont ni terrein' ni argent pour faire des effais ? Les
expériences d’ Agriculture font lentes & couteufes :
un effai emporte quelquefois le revenu d’une terre
pour plufieurs années ; tous ceux qui ont le defir ,
& qui feroient en état de faire de bonnes expériences,
ne poffedent pas toujou'rs des terres ; il fàudroit
donc deftinér des fonds fufiifans pour la depenle, &
un terrein affez vafte , affez varié pour le iuccès des
effais ; il fandroit mettre ces fociétés en état de donner
des leçons gratuites. Tant de citoyerfs fe-font
fignalés en fondant des colleges, des chaires d’études
pour les Sciences, desacadémies, des prix ,, &c.
ceux qui feroient de pareilles fondations , en faveur
des fociétés à'Agriculture , s’iramortaüferoient fans
doute , parce que leur bienfaifance porteroit fur dès
objets la de plus grande utilité. Peut-on douter que de
pareilles fondations n’euffent l’approbation d’un ro i,
pere de fes peuples, qui s’eft choifi des miniftres
dignes de lu i, empreffés à favorifer les travaux
des fociétés d’Agriculture , pour faire revivre &
donner une nouvelle force à ce nerf de l'état ?
Enfin le m *me miniftre ,dont j'ai tant de fois parlé,
en rendant compte des progrès de l’Agriculture en
France , & des fecoufs qu’elle avoit reçus fous fes
aufpices , fentant la néceffité , de l-’inftruttion gratuite
pour les laboureurs, a couronné tous les
a£les de fa bienfaifance par un nouvel étahliflement,
véritablement ro y a l, formé à l’exemple de l’école
vétérinaire. Il a fondé dans la; terré d’Annel, près
Compiegne, line écoledtAgriculture, fous ladireâion
de M. Sarcy de Sutie-res, connu par fes ouvrages ,
& fon expérience dans la culture. L’on y inftruit chaque
année douze laboureurs ,• dans la théorie necef-
faire à leur art, & on leur fait faire avec foin les opérations
fur le terrein, afin de.joindre l’exemple &
l’exercice de la pratique aux préceptes & auxleçôns
de l’école. Après l’année d’inftruâion:, on les renvoie
chacun dans leur province , avec des certificats , &:
les inftrumens de leur art, que le roi accorde en
pur don à ceux qui, par leur application de leur
bonne conduite, ont mérité cette f a v e u r . l ’ari
d e I n s t i t u t i o n d’Agriculture, # mot Instit
u t io n , Suppl. Peut-être verrons-nous quelques
jours de femblables écoles fe multiplier dans tous
les lieux où il y a des fociétés ^Agriculture, lorfque
le patriotifme des citoyens aura procuré à ces mêmes
fociétés des fonds pour l’inftruélion gratuite , à
l’exemple des colleges de .Sciences , qui font fans
doute trop multipliés.
Depuis que l’on regarde 1!'Agriculture’-comme la
fcafe de la population, du commerce & de la puiffance
dés états , on en étudié-les . différente^ branches
, une feule .exceptée, que l’on négligé, foit qii’ôn
la croie affez floriffanter, .foit qu’on penfe qu’il n’y
ait rien à changer aux anciennes méthodes ;; pu qu’on
croie qu’ elles ne puiffent être ni changées, ni refti-
■ fiees , ni améliorées. Il s’en faut pourtant bien que
l’art de cultiver la vigne , ,& celui dé faire .les vins,
les eaux-de-vie ,'foient connus , que leurs principes
foient bien développés ; & il feroit'.d’autant
plus important de donner à cette partie de ¥ Agriculture
toute la perfection dont elle eft fufceptible, &
qu?elle eft bien éloignée d’avoir âcq.uife encore, que la
vigne eft fur-tout en France d’un produit proportionnellement
plus confidérable que les terres à froment.
Le premier ouvrage important qu’on nous ait
donné en François fur la vigne, après ee qu’en difent
Olivier de Serre dans fon Théâtre êAgriculture , &
les auteurs de la Maifon ruflique , eft le Traité de la
vigne par M. Bidet. Quelques années après , M.
Maupin fit quelques expériences à T r ie l , à Poiffy ,
dont il rendit compte dans une petite brochure qui
eut beaucoup de vogue. Dans mon Traité Latin fur
les principes pliyjiques de VAgriculture & de la végétation
, imprime en 1768 , je promis dé donner un
Traité complet de la vigne & des vins de Bourgogne :
ce fut pour acquitter ma promeffe , que je remis la
même année à un libraire de Lyon la première partie
de cet ouvrage , que M. l’Abbé Rozier, mon ami,
connu par fes Mémoires couronnés fur les eaux-de-
vie & fur les vins de Provence, & par fon excellent
journal, devoit revoir.-Les occupations de ce favant
ne lui ayant pas permis de veillf£ à l’impreffion,
cet ouvrage n’a point paru : mais j’en donnai un
précis en 1770, fous le titre OEnologie 9 dont M. le
duc de la Vrilliere voulut bien agréer la dédicace.
On peut confulter l’annonce qui en a été faite dans
le Journal Encyclopédique de Novembre 1772. Je
n’abandonnai point mon, plan de donner un traité
complet de la vigne , fous le titre à?Uijloire naturelle
de la vigne & des vins : je priai MM. les intendans de
me faire parvenir des renfeignemens fur tous les
vignobles de leurs départemens, fur les efpeces de
raifins qu’on y cultivoit, fur la diverfité des coutumes
locales, fur les qualités des vins des meilleurs crûs, &c.
&c. Ils ont eu la bonté d’acquiefcer à mes demandes,
& de favorifer une entreprife qui peut être utile,
aidée de ces fecours, & de ceux que je reçois des di-
verfes fociétés d’Agriculture , & des académies,
dont j’ai l’honneur d’être membre. J’ai raffemblé une
infinité de matériaux utiles, propres à compofer une
hiftoire complette de la vigne & des vins de France.
L’académie de Marfeille voulant concourir au même
but, a nommé M. l’abbé de Luminy, l’un de fes membres
, pour travailler avec moi à cet ouvrage. Ce
zélé confrère raffemble de fon côté tout ce qui concerne
les vins de Provence & les vins étrangers ; nous
ferons notre poffible , en travaillant conjointement
à cet ouvrage utile, pour répondre à l’efpérance
qu’on a bien voulu concevoir de nos recherches.
Il eft à croire que le miniftere , qui a donné de fi
grands encouragemens à la culture des terres , fera
également difpofé à favorifer notre travail, puifqu’il
yient de montrer combien il s’intérçflbit à la bonification
des vins de France, en faifant répéter fous fes
yeux les nouvelles expériences de M. Maupin, tendantes
à ce but. Ces expériences ne peuvent au refte
concerner que les vins verds de la Brie, & des autres
vignobles au nord de la France'; elles ne peuvent
convenir aux vins.de Bourgogne, & des autres meilleurs
crûs du royaume , dont les procédés font inconnus
ailleurs. C’eft,d’après le tableau général des
diverfes coutumes locales des vignobles de toutes les
provinces, qu’on pourra réfumer par comparaifon,
des préceptes généraux & plus étendus, que tout
qe que l’on a donné jufqu’ici fur l’art du vigneron,
& fur.la meilleure méthode de-faire le Vin. ( M.
B e g u i l l e t . )
§ AGRIGAN ou Agrignon, ( Géog.) une des
îles; -Mariannes ou’des Larrons , dans la grande mer
du fud. Elle eft entre celle de Pagon & celle de
Sanfon. On lui donné environ feizelieues de tour.
Long. 160. lat. je). 4. ( C. A . )
AGRIGENTE , Agrigentum, ( Gçàg. ) ville de
Sicile , fondée par les habitans de Gela , vers là
quatrième olympiade , 1579 ans avant J. C; & environ
100 ans avant que Pindare compofât le bel
éloge du roi Théron. Cette ville s’appelloit en Gréé
Acragàs, non du mont fur lequel elle- étoit .fttuée
en partie, mais du fleuve qui couloit le long de
fes’ murs. Au refte,.la ville , le fleuve Sc la montagne,
s’appelloient Acragas, à caufe de la bonté
de leur terroir, dit Etienne de Byzance, de deux mots
Grecs qui fignifient le fommet, la tête de la terre*
à-peu-près dans le même fens qu’en Bourgogne on
donne le nom de tête des vins, à ceux qui , par leur
excellence font au-deffus de tous les autres. Le ter-’
roir d'Agrigente étant fi fertile , il ne faut pas s’étonner
qu’en moins d’un fiecle elle fût devenue une
des plus riches & des plus magnifiques villes du
monde.. Cette contrée, au rapport de Diodore de
Sicile, regorgeoit de toute forte de biens. On y
voyoit des vignobles plus grands & plus beaux
qu’en aucun autre lieu de. la terre. Elle produi-
foit auffi des oliviers en abondance. Ces fruits excel-
lens faifoiént fon commerce avec Carthage , car il
n’y avoit; point alors de plans en Afrique, & les
Agrigentins gagnèrent des richeffes immenfes par
leur trafic. La magnificence & la folidité des bâti—
mens répondoient à ces richeffes : le luxe, qui les
accompagne toujours , fe faifoit remarquer dans
leurs habits précieux, les ornemens, les meubles*
d’or & d’argent, & dans leur vie molle & efféminés.
Un lac de fept ftades de tour , & de vingt
pieds de profondeur , creufé auprès de la ville ,
fourniffoit abondamment à leurs tables le poiffon
& les oifeaux aquatiques. Us avoient mis dans ce
vivier un grand nombre de cygnes & d’autres oi-
feaux de toutes couleurs, q u i, par la variété de
leur plumage, faifoiént aux yeux un fpedacle charmant;
ils eurent encore foin d’y jetter une multitude
prodigieufe de poiffons de toute efpece , fur-
tout ae ceux qui peuvent le plus flatter le goût.
Enfin , foit dans leurs maifons, foit dans leurs
repas, ils portoient le raffinement du plaifir à un
tel excès , que Platon , qui pou voit parler favam-
ment des délices de la Sicile , difoit d’eux : Ils bâtif-
fent comme s'ils dévoient toujours vivre ; & ils mangent
comme s'ils alloient toujours mourir, 6* que la
volupté fû t fur le. point de Leur échapper pour ja mais.
- On peut juger de la fplendeur & de la magnificence
de cette ville , par ce que dit Diodore de Sicile
, du triomphe d’Exenete, lorfqu’après avoir remporté
le prix de la courfe dans les jeux olympiques ,
la troifieme année de la quatre-vingt-treizieme olympiade
, ;1 entra dans la ville monté fur un char ?