fe font trouvés très-beaux; & au contraire loiTqtie
ce grain a é té faifi par la chaleur, il eft plus maigre,
moins farineux, & donne beaucoup plus de fon.
Nous avons tâché de raffembler dans cet article
toutes les notions qui peuvent concourir à donner
•aux acheteurs une parfaite connoiffance des bleds.
Mais bien éloigné de croire que nous avons pu tout
dire, tout enfeigner fur-cet objet, nous, renvoyons
-aux acheteurs expérimentés pour donner encore des
notions plus précifes, & qu’une longue habitude
eft feule capable de procurer. Nous confeillons donc
à tout acheteur qui commence -, de fiiivre un acheteur
conlommé, de prendre de lui d’utiles leçons fur
les lieux même , & de recueillir fes moindres obfer-
vations dans la pratique de fes achats & dans toutes
lès-opérations, à moins que l’homme qui eft nouveau
dans le métier, ne veuille s’éclairer par fes fautes
; maniéré d ’apprendre ruineufe, & qui eft «une
des principales caufes de la défaveur du commerce
des bleds, que beaucoup de gens regardent comme
dangereux , parce qu’il eft peu d’acheteurs qui juf-
qu’à préfent aient fu le faire avec utilité : car, quoi
qu’on d ife, il faut,en tout favcdr cè.que l'on fait; On
enverra encore plus la néceflité dans l’article fuivant.
§ VII. Düprix proportionnel des grains, relativement
a leurs qualités.
Il eft tems.; après avoir donné les connoiflancës
néceflaires pour fe comporter avec prudence dans
l’achat des grain$> de traiter de leur prix proportionnel
dans les marchés. .'
Le f rom en tle feigle & l’orge, étant deftinés à
la nourriture de l’homme , leur jfrix ne peut être
que relatif à la quantité de pain que .ces eîpeces de
grains doivent fournir, chacun fuivant leur qualité. ;
Les fromens de la première clafle font rares dans i
les marchés, leur prix eft toujours plus haut que la
différence de leur poids ne le demanderoit .proportionnellement
; car fi le bled de la derniere clafle ,
pefant 220 livres, fe vend 18 liv. & celui de la
fécondé , pefant 230 livres, 10 liv. celui de la première
clafle, pefant 240 livres, devroit fe vendre
2.0 liv. ; mais comme à mefure de la pefanteur du
bled , la denfité & la féchereffe de fa farine rendent
plus de pain, le prix des bleds de la première clafle
eft beaucoup plus cher en proportion que la différence
de leurs poids ne femble le comporter. Ainfi,
comme le bled, de la derniere clafle , pefant 220
livres, rendra à peine 200 livres de pain dé toute
farine, & que celui de la première clafle en rendra
jufqu’à 250 livres plus beau & meilleur ; la différence
du prix du bled ne fera plus comme de 220
à 240, mais comme de 200 à 250. Il y a plus,
comme cette première qualité de bled eft rare au
marché, elle augmente encore de prix par fa rareté,
& elle fe vendra jufqu’à 22 & 23 livres ; ce qui fait
20 à 25 pour cent de plus que le bled de la derniere
clafle, quoique fa différence en poids avec lui foit
au plus de 10 pour cent.
Les bleds barbus & les bleds de mars (qui font aufli
barbus ) fe diftinguent dans les marchés par leur fé-
cherefle , ou la rigidité de leur écorce , qui tient de
la nature de l’épeautre (vulgairement efpiotè) & de
l’orge.
- Le bled de mars a le grain plus petit & plus court
que le bled d’hiver ; il eft plus coulant à la main,
plus ferré ; il taflè davantage à la mefure. La farine
des bleds barbus & des' bleds de mars eft plus difficile
à travailler que celle des bleds d’hiver ; elle eft plus
bife , ce qui déprife ces bleds pour la confommation
des villes. Ils font d’ailleurs plus difficiles à moudre,
& très-fouvent plus chargés de grains étrangers ,
que ne le font les bleds d’hiver ; mais ces bleds font
recherchés dans les campagnes , parce que leur
farine boit un dixième d’eau de plus que celle des
bleds d’hiver; ceux-ci ont pour eux la délicateffè,
la blancheur, la fineffe ; les autres ont pour eux la
qualité du produit.
Cela pofé & compenfation faite des qualités, dés
avantages & des défavantagqs de ces deux efpeces
de grains -, les bleds barbus & les bleds de mars, fe
vendent toujours un dixième au-deflous du prix des
bleds d’hiver, dans les clafles pareilles , &c toutes
chofes étant égales d'ailleurs.
Le feigle a les mêmes difficultés que le bled barbu
& le bled de mars pour le travail de fa farine. La
bonne, mouture du feigle coûte un quart plus cher
que celle du froment, parce que ce grain eft plus
dur à broyer & plus difficile à l’écurer du fon.
Le produit du feigle en général doit être de trois
quarts de fon poids en farine , le refte eft en fon,
& en déchet ; ainfi une livre de feigle doit rendre
douze onces de farine bien conditionnée.
La farine de feigle boit un bon dixième d’eau de
plus que la farine de froment ; mais cet excédent
pour le produit en pain n’eft que d’un douzième ,
parce que le pain de feigle étant plus difficile à cuire,
il faut le laiffer plus long-tems au four, & il y perd
davantage de fon poids. On en trouvera les détails
dans l’article de la fabrication du pain de ménage
; il fiiffit a&uellement, pour établir la raifon de
la différence du feigle à celui du froment, de favoir
qu’un fetier de feigle , pefant 220 livres , doit
toujours rendre 240 livres de pain.
Cela pofé & compenfation faite des avantages
du produit du feigle avec les1 défâvantages &• la
difficulté delà mouture, de la fabrication & deia
qualité du pain, le prix du feigle fuit le prix du froment
dans une proportion finguliere , c’eft-à-dire
qu’à mefure que le prix du froment augmente, le
prix du feigle fe rapproche de lui.
Par exemple, quand le froment eft à 15 liv. le
fetier, celui de leigle eft à .6 liv. c’eft-à-dire aux
deux cinquièmes du prix du froment ; quand celui
ci monte à 20 livres, le prix du feigle eft à la
moitié, & il vaut 10 livres ; mais quand le froment
monte à 24 livres, le prix du feigle s’élève aux deux
tiers & vaut 16 livres,; enfin, quand le prix du fro-
ment eft porté , comme dans ces dernieres années,
à 30 livres, le feigle fe vend 24 livres.
On voit clairement qu’à mefure que lés fubfiftan-
Ces deviennent plus difficiles , on eft moins délicat
fur la qualité , & plus attentif fur la quantité des
nourritures. Le négociant en bled s’apperçoit également
ici que le feigle eft un objet digne des fpécu-.
lations, & qu’il convient d’acheter des feigles par
préférence , quand le froment eft à bon marché ;
puifque , quand le prix du froment augmente d’un
tier$, celui du feigle augmente de deux tiers ; car
15 livres, premier prix du froment, eft à 20 livres
prix augmenté, comme 3 eft à 4 ; de même 6 livres
premier prix du feigle, eft à 10 livres prix augmenté,
comme 3 eft à 5. Les négocians poufferont plus loin
ce calcul ; quant à nous, il nous fuffit d’obferver
encore, i° . que le feigle fe conferve plus aifément
que le froment ; 29. que fon écorce plus dure fe
défend mieux contre l’infefte , & qu’il eft moins
fujet à s’échauffer.
Nous avons parlé dans l’article précédent du mélange
du feigle avec le froment dans de certaines
terres. Ce mélange , quand il eft foible, donne au
froment le nom de bled ramé ; quand il eft plus fort,
il s’appelle mèteil ; gros méteil quand il y a plus de
froment que de feigle ; petit méteil quand il contient
plus de feigle que de froment.
Le bled peut être ramé au centième de feigle &
jufqu’ait cinquantième ; quand il paffe cette propos
tiou il devient gros méteil, qui eft ordinairement
de | de froment, & d’un quart de feigle ; il devient
petit méteil dès qu’il y a moitié feigle & moitié froment.
Prix. Le bled rame au centième fe vend communément
au marché un huitième de moins que le froment
ordinaire ; on en difpute le prix jufqu’au cinquantième
; mais s’il eft mélangé jufqu’au quart Sc
quil fhffe du gros méteil, la différence du prix eft
d un fixieme au-deflous du prix du froment.
Le petit méteil fe vend un quart de moins que -le
froment.
Le bled r$me & les méteilsne font pas foujours
femes & récoltés de cette qualité ,) les marchands
favent bien en faire les mélanges , fuivant qu’il convient
à leurs intérêts. Nous laiflons à ceux qui s’occupent
du commerce des bleds y ou qui font chargés
d en faire des approvifionnemens, le foin de faire
tous les calculs réfultans de ces hypothefes, & de
diriger leurs achats en conféquence : nous nous contentons
de fournir les bafes de ces calculs ; on peut
y compter sûrement.
On fait allez rarement du pain d’orge ; la bierre,
la tannerie & les baffes-cours en confomment pref-
que toutes les récoltés , fans compter celui qu’on
coupe en verd pour les chevaux. Cependant la récolte
des orges influe fur le prix des bleds, & le
prix de ce grain conferve toujours une proportion
avec le froment & le feigle ; il faut en croire la bafe
& les motifs.
Le poids commun d’un fetier d’orge, mefure de
Paris, eft de 180 livres, il rend moins de farine que
m feigle qui en produit les trois quarts de fon poids,
l’orge n’en rend que les deux tiers ; mais la farine
d’orge eft plus compafte & plus feche : elle
boit un huitième d’eau de plus que la farine de feigle
, qui elle-même en boit un dixième de plus que
la farine de froment; ainfi, toutes ces différences
compenfées, 180 livres d’orge produifent 180 de
pain.
Le prix du vin influe fur le prix de l’orge dans
les provinces oit l’on fait beaucoup de bierre ; car
file vin eft rare, la confommation de la bierre vient
à doubler, & alors le prix de l’orge ne garde plus
de proportion avec le prix des bleds.
Mais en tems ordinaire, l’orge commun, le feul
dont nous faifons la comparaifon, vaut toujours les
deux tiers du prix du feigle, o u , ce qui eft la même
ch ofe, un tiers au-deffous du prix de ce grain. Ainfi,
quand le feigle vaut 13 livres 10 fols le feptier,
l ’orge peut valoir entre 9 & 10 livres, fuivant les
circonftances. ■
Nous croyons avoir fatisfait à cette partie, qui
n’ eft pas la moins importante de ce traité, & nous
paflons à l’objet trop négligé du tranfport des grains,
dont il feroit bien néceflaire que les adminiftrateurs
connuffent mieux les conféquences. Nous efpérons
qu’ils en feront frappés.
§ VIII. Du tranfport des grains.
Après s’être affuré de la qualité des grains pour
ne point fe tromper en fait d’achats, il convient de
faire fon prix à la mefure de l’endroit où l’on fe
trouve, en le combinant néanmoins d'avance relativement
au fetier de Paris, ou à la mefure du pays
dans lequel on veut vendre le bled.
■ Indépendamment du poids & de la qualité du
grain, il faut encore avoir égard, en difcutant le
p r ix , aux déchets que le grain peut faire , aux frais
de voiture , aux débourfés des facs & autres menue,s
dépenfes qui deviennent très-cohfidérables, parce
qu’elles font fou-vent répétées.
Il n’eft pas indifférent à un acheteur de faire cribler
les grains fur les lieux avant leur tranfport ; ils
font alors beaucoup plus aifésà nettoyer que lorf-
Tome I, -
qu’Hs ont été voitures, attendu que le tranfport,
tur-tout.s’il eft fait par eau ou par des tems humides
tait gonfler les grains étrangers; & lorfque les bleds
font arrivés à l’endroit du dépôt ou de la deftination,
ils lont fou vent bien difficiles à nettoyer.
Un autre avantage qui réfulte de ce nettoiement
dans le lieu de l’achat, c’eft qu’on ne paie pas les
frais de voiture pour des pailles, des pouflîeres 8c
des grains etrangers qui peuvent occafionner des
déchets » depuis un huitième jufqu’à un feizieme fur
la totalité. Cette attention fe fent d’elle-même, &
il lemblera fuperflu fans doute aux perfonnes inf-
truites que nous nous appefantiffions fur des détails
quils favent mieux que nous, puifque nous les tenons
des gens du métier en plus grande partie ; mais
nous écrivons pour le public curieux de s’inftruire ■
& cet article ayant pour but de perfeaionner l’em-
plorides grains, d’en encourager & d’en multiplier
le commerce, nous ne devons négliger aucun detail
aucune inftruaion, quelque connue & quelqu’inu-
tile qu’elle puiffe paroître aux gens déjà experts dans
cette manutention.
Le peu de précaution qu’on apporte pour le tranfport
des grains dans les magafins , contribue à en al-
terer confidérablement la qualité. Il eft d’ufage pref-
que par-tout de les tranfporter dans des bateaux à
découvert, foit fous des bannes, foit dans des facs
& fur des charettes dans les pays éloignés des rivières.
Ces grains, dans le trajet, fouffrent beaucoup
des injures du tems , des neiges & des pluies •
ft arrive même que , dans les années fecbes les
brouillards, les rofées , & jufqu’à la fraîches des
nuits , pénètrent les grains d’une humidité: perni-
deufe , & leur font perdre impartie de leur oua-
lue. 1 ■ *
Cette perte fe connoît bientôt au moulin, oliles
grains humides rendent fouvent plus d’un dixième
de mpins qu’ils nedevroient rendre s’ils avoient été
tranfportés fecs, comme ils l’étoient dans le grenier -
la farme qui en eft produite fent prefque toujoum
1 échauffé : elle a été altérée dans fon principe &
confequemment elle fait moins de pain. Enfin le fon
même du bhd qui a fouffert de l’humidité, eft effarouche
& de mauvais goût ; les chevaux ne le mangent
qu avec répugnance.
Les gardes-magafins, & tous les prépofés à leur
manutention, s’accordent à dire que l’humidilé des
grains tranfportés avec peu de précaution, eft 1?
caufe ordinaire des avaries Confidérables que fouffrent
les approvifionnemens ; ces bleds font îe plus
fouvent fi fatigués du mauvais tems, qü’on en a vu
dont le germe paffoit au-travers des facs.
C’eft donc en vain qu’un acheteur a pris le plus
grand foin pour fe procurer des buis parfaitement
bien conditionnes, & pour les obtenir au prix le
plus favorable, s’il ne prend les plus grandes précautions
pour les préferver de l’humidité dans le
tranfport; il ne doit négliger aucun foin & n’épargner
aucune dépenfe pour mettre fes bleds à couvert
des injures du tems.
Le feul moyen de remédier au préjudice irréparable
de l’humidité, eft que l’acheteur prenne fes me-
fures pour le tranfport de fes grains avec des bateliers
riches bien fournis de tout ce qui leur eft né-
ceffaire ; favoir, de bennes planches pour faire la
bafe du chargement, afin d’empêcher que le bled ne
touche le fond du bateau qui eft toujours mouillé
de fortes bannes pour, couvrir les bateaux; il faut
qu’elles foient goudronnées ou peintes à l’huile
afin qu’elles ne tamifent pas l’eau. .C’eft dans un objet
auifi important qu’il ne faut point négliger la dépenfe
; il vaut mieux, qu’il en coûte 5 fols par quintal de
plus pour recevoir fes grains bien conditionnés, que
de faire une légère épargne qui coûte enfuite la
A A A a a a ij